12 mars 2018 - Seul le prononcé fait foi

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Transcription du discours du Président de la République, Emmanuel Macron, à Bénarès

Seul le prononcé fait foi
Bénarès – Lundi 12 mars 2018

Monsieur et Madame la ministre,

Mesdames et Messieurs,

Je ne vais pas faire un long propos introductif puisque la plupart d’entre vous ou la totalité était présente depuis le début de ce déplacement en Inde, qui s’achève donc à cet instant à Bénarès.

Déplacement qui a permis d’avancer sur plusieurs sujets de fond et qui, je crois, a montré la force qu’il y avait dans la relation entre l’Inde et la France. Et la nature de l’accueil, l’enthousiasme inédit aux dires de nos hôtes indiens aujourd’hui a manifesté quelque chose de très particulier à l’endroit de notre pays, que je considère comme un signe fort l’intérêt pour la France et de la nouvelle étape dans le partenariat que nos deux pays peuvent aujourd’hui consolider.

Le premier élément sur lequel nous avons avancé qui était le premier objectif de ce déplacement, c’est le partenariat stratégique entre l’Inde et la France, un partenariat de sécurité collective pour toute la sous-région et en particulier évidemment l’océan Indien.

Sur ce sujet, nous avons non seulement confirmé des engagements passés, avec une volonté indienne de poursuivre dans le cadre des contrats actés, qu’il s’agisse des avions de combat ou des sous-marins.

Mais nous avons également défini des partenariats nouveaux, un partenariat stratégique renforcé, des échanges militaires, des échanges d’informations sensibles, une coopération satellitaire, une coopération cadre sur les moteurs d’avions de combat à venir qui ont permis de passer une nouvelle étape et qui correspond bien au moment géopolitique que nous vivons.

L’Inde est aujourd’hui notre allié stratégique dans la sous-région et la France en tant que puissance de l’océan Indien et du Pacifique a tout intérêt à assurer la stabilité de cet espace et d’éviter toute forme d’hégémonie qui viendrait le déséquilibrer. Je pourrai là aussi revenir si vous le souhaitez sur tous les détails.

Le deuxième pilier de cet échange, de ce déplacement c'est évidemment la relation bilatérale. Celle-ci se structure à mes yeux autour de quelques sujets fondamentaux, le premier ce sont nos coopérations en matière énergétique, j’y reviendrai sur le plan international. Nous avons – sur à la fois le renouvelable et le nucléaire – passé une étape qui était très structurante. Et les deux sont cohérents avec une stratégie de réduction des émissions de CO² qu’a acté l’Inde.

Quand on veut décarboner son économie, on passe par le renouvelable mais qui demeure, je le rappelle, une énergie intermittente et par le nucléaire, la France étant à cet égard un modèle, qui est une énergie qui permet de produire de l'électricité de manière non carbonée.

C'est à ce titre que nous avons acté de nouveaux financements de l’Agence française de développement en matière justement de grands projets énergétiques, que nous avons tout à l’heure inauguré un champ de solaire donc dans l’Uttar Pradesh, qui est un projet dans lequel la France a été partenaire avec l'entreprise ENGIE, et qui a permis dans un lot plus large de 600 mégawatts d'ouvrir 100 mégawatts, qui donnera des opportunités de travail à environ 800 personnes.

Et à côté de cela, nous avons passé une étape dans la coopération nucléaire, puisque sur le nucléaire civil nous avons posé les bases d'un accord industriel qui devra être donc finalisé dans les prochains mois par les opérateurs industriels eux-mêmes, mais qui acte justement de ce partenariat, ses termes stratégiques et qui permettra à EDF – sous réserve des finalisation à négocier dans les mois qui viennent – de déployer 6 EPR à Jaitapur, ce qui est une étape extrêmement importante dans le cadre de cette stratégie.

Au-delà du sujet de l'énergie et en parfaite cohérence avec celui-ci, c'est une stratégie commune en termes de mobilité nouvelle et de villes intelligentes. L'Inde s’est lancée dans un grand programme de villes intelligentes parce que l’une des grandes transformations dans ce pays continent, c’est le fait que dans les prochaines années, le nombre d'urbains va doubler. L'Inde va passer d'environ 410 millions d'habitants vivant en ville à un peu plus de 820 millions.

Il est donc indispensable d'accompagner cette transition et la France a toutes les qualités pour le faire. Nous avons des groupes et des grands groupes internationaux qui sont structurés dans tout ce qui correspond à l’offre des villes nouvelles et des villes intelligentes, qu'il s'agisse de la construction, des transports, de la maintenance des transports, du traitement des eaux usées jusqu'au logiciel de gestion des villes intelligentes.

Nous avons donc acté les trois villes qui étaient attribuées à l’offre française, nous allons aller au-delà. Nous avons d'ores et déjà lancé des projets très structurants de mobilité, en particulier financés par l'Agence française de développement, qui impliquent là aussi plusieurs de nos acteurs, Delhi – Chandigarh étant un exemple parfait de ces nouvelles mobilités avec une ligne qui sera ouverte et qui permettra là aussi de penser ces nouvelles mobilités et de les mettre en œuvre.

Et donc sur l'ensemble de cette famille de sujets, la France est présente et apparaît comme l'un des partenaires stratégiques de l'Inde. Nous allons donc poursuivre le travail, qu’il s’agisse des entreprises de transport, des Smart Cities et ce que le Forum des dirigeants d'entreprise que nous avons conclu avec le Premier ministre MODI a permis de consacrer.

Le troisième élément clé de cette relation bilatérale, ce sont les échanges de personnes et, donc, l'éducation, la culture, les liens académiques et de recherche. Nous avons en effet de nombreuses opportunités à saisir pour aller plus loin, d'abord en développant davantage le français en Inde, il y a 500.000 apprenant, nous pouvons – et c’est notre objectif – doubler dans les prochaines années le nombre d’apprenants.

Le réseau d'alliance française est vivace, mais nous souhaitons le développer encore, lui donner plus de moyens, renforcer l'offre scolaire dans le pays et réussir à multiplier nos initiatives pour arriver à 1 million d’apprenants.

Cela passe aussi par une plus grande visibilité de la France et un travail d'explication de ce que permet la France et l'accès à la francophonie, c'est-à-dire l'accès à des marchés nouveaux, l'accès à des géographies que ne permet pas forcément la langue anglaise, ce que je me suis employé à faire durant tout ce déplacement.

Et je crois qu’à cet égard, l'attraction pour la France, ce goût de France que nous avons pu voir est un élément important que nous allons cristalliser à travers les initiatives qui seront prises en la matière.

Donner davantage d’attractivité à la France, c’est aussi renforcer nos liens culturels et humains. C’est pourquoi je nous ai fixés l’objectif dans les 2 années à venir de doubler le nombre d'étudiants indiens venant justement poursuivre leurs études en France.

Nous sommes aujourd'hui à 5.000, ce qui est très faible parce que les Indiens ont historiquement choisi beaucoup plus d’aller ou en Grande-Bretagne et même en Allemagne. Je souhaite que nous puissions le doubler au moins, c’est aussi pour cela que nous avions fait venir avec nous les universités comme les grandes écoles.

Cela passe également par des filières que nous allons structurer ensemble et cet objectif, nous l'avons acté dans la feuille de route commune avec le Premier ministre MODI. Nous avons aussi défini plusieurs partenariats de recherche, qui permettront des échanges entre nos chercheurs et entrepreneurs.

Nous avons lancé un programme de Young Leaders, qui a permis d'identifier des talents Indiens, la réciproque sera vraie, en leur donnant des opportunités en France avec des accès facilités, soit pour leurs travaux de recherche soit pour le développement de leur entreprise, ce qui contribue d’une stratégie complète justement d’une plus grande attractivité pour la France et d’un déploiement de ses relations personnelles.

La culture et la gastronomie sont aussi des leviers importants, la délégation qui m'accompagnait en témoignait à elle seule. Et je souhaite que nous puissions aller plus loin et le Premier ministre MODI s’est montré très allant sur ce sujet, en développant les liens entre notre cinéma et Bollywood, ce qui nous donnera à la fois des opportunités économiques sur lesquelles s'est fortement engagé le Premier ministre, encore tout à l’heure lorsque j’ai échangé avec lui, mais ce qui permet aussi de défendre deux grands cinémas non-anglo-saxons au monde.

Et je crois que c’est important pour développer un imaginaire conjoint, Bollywood est extrêmement actif, développe énormément de projets, est porteur d'un imaginaire indien qui s'est ouvert au monde, rayonne d'ailleurs dans toute la région comme dans la région Golfe. Et je crois qu'il est important pour nous stratégiquement, je crois beaucoup moi à cette stratégie culturelle et de l'imaginaire, d'être des partenaires de Bollywood et de développer aussi la présence du cinéma français en Inde, comme les options de tournage dans nos deux pays, comme il est important – et je le dis en présence de Jean-Claude CARRIERE qui l’a fondée, de développer justement nos relations en termes de formation sur le plan cinématographique, la FEMIS étant considérée comme une école de référence à ce titre.

Les opérations que nous avons conduites ces derniers mois en termes de gastronomie ont montré toute la vitalité de cette relation, en tout cas la curiosité réciproque. Et donc nous allons continuer à développer cela parce que nous sommes ici dans une grande puissance agroalimentaire, où la capacité à développer la gastronomie française est aussi un levier de développement, de relations humaines mais également économiques.

Ensuite, je souhaite que nous puissions intensifier les liens culturels, c'est pour ça que des éditeurs, des écrivains, des artistes, des créateurs de mode français m’accompagnaient et que j’ai pu voir hier soir dans l’atelier de Subodh GUPTA nombre d’équivalents indiens, parce que je pense que c’est très important qu’il y ait une fertilisation croisée, en tout cas des échanges beaucoup plus intenses entre nos artistes, les imaginaires ne sont pas voisins mais ils ont des choses à se dire. Et je considère pour ma part que c’est un élément de la relation stratégique extrêmement important, qui permet à tous niveaux de créer des ponts entre nos cultures, mais également des opportunités.

Ce déplacement a également permis d'avoir des échanges multiples et d'envoyer aussi des éléments clairs d’intérêt profond que nous portons à l’égard de ce qui compose l’Inde dans sa pluralité. J’ai pu rencontrer l’écrivain Arundhati ROY il y a deux jours à Delhi, nous avons eu un échange artistique et politique. J'ai pu me rendre hier donc au Taj Mahal pour voir ce qui est l'un des héritages de la période moghole et, donc, de l'art islamique dans ce pays. Et nous avons passé une partie de la journée avec nombre d’entre vous dans une ville emblématique de l’hindouisme et d’une autre racine culturelle, civilisationnelle même de ce pays.

Ces différents visages montrent la variété de l'Inde, ce qui est aussi sa force, ce qui doit nous conduire à une humidité constante quand on aborde un tel pays, ce qui nourrit la fascination mais me conforte dans l’idée que la France a beaucoup à faire, elle qui sait penser la complexité et qui sait la faire vivre avec un pays comme l'Inde.

Enfin, nous avons pu hier matin lancer l'Alliance Solaire Internationale avec le Premier ministre MODI, qui a acté un engagement pris lancé par l’Inde en 2015 ; et que nous avions conforté ensemble en juin dernier à Paris lorsque le Premier ministre MODI m'avait rendu visite.

Cette Alliance Solaire Internationale qui a un peu plus de 100 pays signataires a pour objectif de produire un térawattheure d'énergie solaire, mobiliser 1.000 milliards de dollars de financement. C’est un objectif qui est réalisable si la mobilisation est à hauteur des signataires et de ce que nous avons commencé à démontrer hier, avec la volonté d'avoir des projets concrets et, donc, d'ouvrir une bourse de projets en ligne, les 100 premiers sont déjà identifiés, de démultiplier les financements publics et privés.

Et à ce titre, nous nous sommes dit avec le Premier ministre MODI justement que nous allions dans la foulée à la fois de ce Sommet et du One Planet Summit le 12 décembre dernier mobiliser les philanthropes qui ont acté justement de leur pleine application.

Et cela suppose une mobilisation en termes de formation, l'exemple des Solar Mamas que nous avons eu hier était emblématique au premier chef, comme en termes de développement de la recherche fondamentale comme appliquée, parce que la recherche c’est ce qui permet de baisser drastiquement le coût de l’énergie solaire comme de toutes les énergies.

Sur ce sujet, je considère que c'est une mobilisation extrêmement importante, qui est à la fois efficace sur le plan économique et juste sur le plan social et climatique.

Voilà ce que je souhaitais en quelques mots rappeler de ces trois jours de déplacement qui, je crois, ont consolidé une relation ancienne entre nos deux pays, m’ont permis également d’ouvrir une phase peut-être encore plus chargée d'émotion, de liens personnels et d'un nouveau visage que la France a décidé de prendre.

Je vais maintenant répondre à toutes vos questions. Je vous entends en fait assez mal pour être honnête. A mon avis parlez fort sinon…ah oui ça marche !

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