18 janvier 2018 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse avec Theresa May à Sandhurst pour le 35ᵉ Sommet franco-britannique

LE PRESIDENT : Thanks very much, Madam Prime Minister,

Mesdames, Messieurs,

Merci à Theresa MAY pour son accueil aujourd’hui, dans ce lieu magnifique, cette Académie Royale de Sandhurst, pour ce 35ème Sommet Franco-Britannique.

Vous avez parfaitement rappelé le lien historique profond qui est le nôtre et en commençant nos travaux, je rappelais qu’il y a deux choses que rien ne peut changer, aucun vote, aucune décision politique, c’est notre Histoire et notre géographie. Celles-ci nous placent ensemble face à un destin commun, à des menaces géostratégiques et à une communauté de destins qui est là.

Je crois que c’est cela qu’il nous faut aujourd’hui appréhender et c’est à la fois ce lien qui existe entre les femmes et les hommes de nos deux pays, avec d’ailleurs aujourd’hui nombre d’entre eux qui vivent et qui se sont habitués à vivre de part et d’autre du Channel, et des histoires communes.

Vous l’avez parfaitement rappelé, le premier axe de cette relation bilatérale et de ce que nous avons à construire ensemble, c’est de continuer à avoir une lecture commune, un engagement commun en matière de politique étrangère. Un pacte de politique étrangère et de développement a été signé aujourd’hui entre les ministres, qui acte de rendez-vous réguliers, d’une concertation permanente sur les grands sujets et qu’il s’agisse de l’Iran, de la Syrie ou du Sahel, nous

sommes, l’un et l’autre, très attachés à ce qu’il y ait un travail étroit en commun et à ce que l’Europe tout entière puisse ensemble travailler.

En particulier sur l’Iran, sujet qui nous préoccupe beaucoup, notre volonté est, comme nous l’avons fait depuis le début, d’une part, de respecter les engagements que nous avons signés sur le plan international, parce que c’est la base de la crédibilité internationale, d’autre part, de continuer à renforcer la sécurité collective dans la région, en ayant une action résolue en matière de réduction des activités balistiques et de l’influence régionale de l’Iran, mais aussi en respectant le cadre que nous nous sommes donné.

Sur l’Afrique et le Sahel, nous avons acté aujourd’hui plusieurs décisions fortes, j’y reviendrai sur le plan militaire, mais vous avez acté votre coopération à l’Alliance pour le Sahel que nous avons lancée à Bamako en juillet dernier et c’est, je crois, un geste important, cohérent avec la stratégie qui est la nôtre, qui est d’avoir une action commune pour mener ensemble sur les grands sujets, en particulier en Afrique, une politique de développement conjointe, allant vers des projets qui ont des ambitions communes en matière d’éducation, en particulier d’éducation pour les jeunes filles, en matière de santé comme en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Cet investissement qui a été acté aujourd’hui dans l’Alliance pour le Sahel est, je considère, un geste important qui s’inscrit dans cette dynamique.

Ensuite, quand on a la même politique ou en tout cas cette convergence, cette force conjointe sur le plan de la politique étrangère, cette communauté de vues et d’intérêts, on se donne les moyens d’avoir aussi une communauté stratégique et de défense. C’est le sens de la relation qui est la nôtre avec les accords de Lancaster House qui datent de 2010 et qui ne sont en rien remis en cause par le vote britannique et l’organisation du Brexit.

C’est ce que nous avons rappelé avec force et c’est ce à quoi aussi nous avons continué à donner un contenu, avec une relation de défense unique entre nos deux pays, qui est pour moi l’un des éléments de crédibilité aussi de nos engagements conjoints dans nombre de théâtres d’opérations et qui témoigne de l’excellente dynamique opérationnelle entre nos armées.

Vous l’avez rappelé, nous savons agir vite et fort, lorsque nous avons déterminé justement un objectif commun.

Nous avons eu l’occasion d’évoquer longuement notre relation stratégique et vous trouverez dans le communiqué les principaux points sur lesquels nous nous sommes engagés.

Mais je veux ici insister sur l’importance de cette relation, l’étendue de notre coopération en matière de programmes d’armements communs qui vont du combat aérien du futur, avec notre travail sur les technologies de pointe pour les drones de combat, sur lesquels nous avons demandé à nos ministres de la Défense de pouvoir parachever un travail de programmation d’ici le printemps, aux projets de lutte contre les menaces sous-marines, en passant par le développement des futures générations de missiles qui font de MBDA l’un des leaders internationaux dans ce domaine.

Tous ces projets ont été confirmés, confortés, avec un calendrier qui maintenant les rend pleinement opérationnels.

Notre coopération en matière militaire ne se limite pas à ce développement capacitaire. Elle repose tout autant sur des coopérations opérationnelles. La Première ministre a eu l’occasion de décrire le soutien que le Royaume-Uni apportera à l’opération Barkhane au Sahel et je veux ici saluer l’importance de cet engagement, la mise à disposition de trois hélicoptères de transport Chinook, de l’ensemble des personnels militaires et d’entretien et cet engagement fort auprès de l’opération Barkhane, c’est pour nous un signal fort de cette communauté de vues et de cette volonté de lutter ensemble contre le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne. Il s’agit d’un véritable appui qui était attendu.

En septembre dernier, nous étions ensemble en Estonie, nous avions rendu visite aux troupes britanniques et françaises déployées à quelques kilomètres de Tallinn, sous commandement britannique, dans le cadre de la présence avancée de l’OTAN. J’ai décidé de déployer de nouveau un détachement militaire français en Estonie en 2019 au sein du groupement tactique britannique. Cet engagement français dans l’OTAN permettra d’approfondir encore l’interopérabilité entre nos armées et est aussi la manifestation de notre engagement conjoint sur cette géographie et dans un pays qui nous est cher.

Nous avons également évoqué l’Europe de la Défense qui a connu récemment des évolutions majeures avec le lancement de la coopération structurée permanente et la mise en place du Fonds européen de défense. Ces propositions vont prospérer dans le cadre de l’Union européenne. Mais il me semble indispensable que la relation très forte entre nos deux pays puisse continuer à contribuer au développement de l’Europe de la Défense, selon des modalités qui seront définies avec nos partenaires de l’Union. Mais d’ores et déjà, nous avons aménagé le cadre, pour qu’il puisse en être de la sorte.

Dans l’immédiat, nous sommes convenus que la relation de défense franco-britannique pourrait contribuer à l’Initiative européenne d’intervention qui doit renforcer les liens entre les armées d’un nombre de pays européens particulièrement avancés sur le plan opérationnel.

Nous avons ensuite longuement évoqué la question de la gestion de notre frontière commune et en particulier la situation à Calais, où j’étais avec plusieurs ministres ici présents, il y a 48 heures. C’est un sujet que vous connaissez bien, Madame la Première Ministre, puisque par vos fonctions actuelles et précédentes, vous avez eu depuis plusieurs années aussi à le gérer avec la France.

Je veux dire ici que nous avons vu sur le terrain, il y a 48 heures, toutes les difficultés qui existent. L’histoire connue dans la région depuis longtemps, ce qui a pu être fait avec le démantèlement de la jungle et les insuffisances de la situation actuelle, parce que ce que vit aujourd’hui la population du Calaisis ne peut pas être considéré comme satisfaisant.

C’est pourquoi – je vous en remercie – nous avons signé aujourd’hui, les ministres de l’Intérieur ont signé aujourd’hui devant nous un nouveau traité, le Traité de Sandhurst, qui permettra d’améliorer la relation et la gestion de cette frontière commune.

C’est la première fois depuis quinze ans que nous signons un traité commun sur ce sujet. Ce traité va nous permettre – comme vous l’avez rappelé – d’améliorer la coopération technique opérationnelle de gestion de la frontière commune, d’améliorer le travail – comme nous le souhaitions – avec les Etats de transit et les Etats d’origine, là aussi, pour prévenir les mouvements de population, mais nous permettra plus largement d’avoir une coopération intelligente et efficace dans la gestion de cette frontière. C’est un enjeu commun que nous devons gagner ensemble.

Un point particulièrement important de ce nouveau traité, de ce Traité de Sandhurst, sera le sujet des mineurs non accompagnés. Ce traité va nous permettre pour l’ensemble des personnes en situation de vouloir traverser le Channel de réduire drastiquement les délais, de six mois à 30 jours pour les majeurs et de six mois à 25 jours pour les mineurs non accompagnés. C’est, pour notre capacité conjointe à gérer le sujet des mineurs non accompagnés, qui ont de la famille en Grande-Bretagne, un élément majeur d’un traitement à la fois humain et beaucoup plus efficace.

Je pense que ce traité va nous permettre de changer en profondeur les choses, avec aussi une réponse pour ceux qu’on appelle les mineurs vulnérables, c’est-à-dire des mineurs non accompagnés qui ne relèvent pas non plus de la procédure de Dublin.

C’est pour moi une avancée majeure, c’était l’engagement que j’avais pris auprès des élus, de l’ensemble des services de l’Etat comme des associations et je pense que c’est une organisation nouvelle qui va nous permettre sur ce sujet de, profondément, tout à la fois avoir une approche plus humaine pour ces personnes, plus efficace, mais aussi de préserver par l’ensemble de ce que permet ce nouveau traité la qualité de notre frontière commune et le lien économique qu’elle constitue, parce que vous en avez rappelé toute l’importance.

Je crois que de part et d’autre de la frontière, ce que nous voulons, c’est de continuer à développer les échanges, une qualité d’échanges économiques, de relations entre nos entreprises, le commerce qui existe, qui est très intense et qui nécessite pour cela que nous ayons une frontière parfaitement sécurisée et que nous ayons enfin pu mettre un terme à la situation que nous connaissons depuis plusieurs années.

Nos ministres de l’Intérieur sont également convenus d’un travail autour de projets conjoints, qui, dans ce cadre, avec une gouvernance partagée, permettra d’accompagner cette situation.

Je n’énumèrerai pas l’ensemble des coopérations dont nous nous sommes convenus aujourd’hui et que nos ministres auront à mettre en œuvre. Mais elles sont très variées et elles traduisent la profondeur de la relation en matière de nucléaire civil, de coopération en matière de recherche également, avec deux partenariats importants aujourd’hui dans le domaine spatial et de la médecine génomique, la coopération entre acteurs économiques à peu près dans tous les secteurs, la coopération en matière de sport et tout particulièrement l’organisation de grands évènements sportifs. Une lettre d’intention commune en ce sens a été signée il y a quelques jours.

L’étendue de ces projets qui couvrent nombre de secteurs économiques traditionnels ou de pointe, notre coopération en matière d’énergies renouvelables, de lutte contre le réchauffement climatique traduisent aussi notre volonté de nous engager ensemble sur ces sujets extrêmement structurants sur le plan diplomatique comme sur le plan concret à travers des projets d’entreprise.

Avant que vous ne me posiez la question, je veux dire un mot du Brexit, qui n’a pas occupé l’essentiel – loin de là – de nos discussions. Je respecte le choix qu’ont fait les Britanniques, même si je le regrette, comme chacun le sait. Je crois que nous avons montré aujourd’hui – nous continuerons à le faire – que, quelles que soient les négociations à venir, qui seront justement gérées dans le cadre d’un processus qui a été établi, qui est organisé, avec un négociateur européen unique, dont nous discuterons et conclurons le mandat au mois de mars prochain au sein du Conseil européen, jamais ces discussions ne doivent nous conduire à revenir sur l’intensité et la qualité de la relation bilatérale.

Le Brexit n’empêchera jamais un très haut niveau de coopération entre nos deux pays. Il peut créer de l’incertitude sur certains sujets à court terme. Mais je crois que notre responsabilité, c’est justement de savoir gérer cette complexité et d’être déterminés pour améliorer la situation de part et d’autre de nos frontières.

Ce sommet a illustré à cet égard notre volonté commune.

Parce que notre relation – vous l’avez dit – si elle repose sur cette Histoire et cette géographie que j’évoquais, elle repose aussi sur des liens humains extrêmement forts. Nous aurons ce soir l’occasion de le voir avec plusieurs personnalités illustratives de la diversité et de la qualité de cette relation bilatérale au Victoria and Albert Hall à Londres.

Qu’il s’agisse du monde académique, intellectuel, d’entreprise, sportif, de notre jeunesse, cette relation est là et une génération est là qui va continuer à faire grandir la relation bilatérale.

Elle repose sur cette Histoire unique que j’évoquais, qui résonne tout particulièrement en cette année de centenaire de la fin de la guerre de 14-18, qui vit tant de Français et de Britanniques périr côte-à-côte. Je dois dire que j’ai moi-même, dans mon histoire familiale, ces traces non seulement de la guerre, mais du lien franco-britannique datant de cette époque.

Mais tout cela remonte beaucoup plus loin et cette Histoire quasi millénaire, c’est celle aussi que nous donnerons à voir à travers cet échange que nous avons souhaité de la Tapisserie de Bayeux.

Cette tapisserie est unique. C’est une fierté pour la France. C’est une fierté pour Bayeux. Il y a tout un travail qui commence aujourd’hui, que nos ministres vont avoir à mettre en œuvre avec évidemment les élus locaux et l’ensemble des acteurs de ce dossier.

Mais je souhaite, comme je l’avais annoncé à Athènes lors du discours de la Pnyx, que nous puissions faire vivre cette Europe de la culture et du patrimoine culturel. Parce qu’elle rappelle à chacun ce qui à la fois nous dépasse et nous oblige. Cette Tapisserie de Bayeux nous invite à beaucoup d’humilité, non tant par rapport aux exploits de Guillaume le Conquérant, mais par le génie créatif qu’elle illustre et par l’Histoire qu’elle relate.

Il y aura au-delà de cette tapisserie tout un travail de coopération scientifique, puisqu’évidemment cet échange est soumis à des conditions très strictes qui ne nous appartiennent ni à l’un, ni à l’autre, mais qui appartiennent aux spécialistes, parce qu’elle est éminemment fragile.

Elle n’a jamais quitté le sol français en presque mille ans et elle incarne ce lien entre nos deux pays. Je souhaite surtout qu’elle ouvre la page d’une coopération encore renforcée sur le plan culturel, sur le plan scientifique qui nous permettra d’échanger encore davantage d’œuvres d’art, de permettre à nos concitoyens de partager cette Histoire croisée, mais aussi à nos artistes contemporains de continuer un échange permanent intellectuel, créatif et la construction d’un imaginaire, qui, lui, ne connaît pas de frontières, mais ne connaît que des histoires communes et les fait vivre.

Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je souhaitais rappeler de nos échanges du jour et des enjeux qu’ils recouvrent, en remerciant à nouveau Madame la Première Ministre, chère Theresa, pour son accueil et nos discussions.

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