En trouvant la mort dans un accident de voiture, Monsieur Paul Otchakovsky-Laurens a privé la France non seulement d’un de ses meilleurs éditeurs, mais d’un de ceux qui avaient su lier notre littérature à la modernité.

Aspirant à l’indépendance à l’égard d’un marché littéraire trop souvent grevé par des priorités de rentabilité, il avait créé dès 1977 une collection à ses initiales chez Hachette avant de la transformer en maison d’édition indépendante en 1983. La variété esthétique des auteurs qu’alors il édite est vertigineuse. Mais il n’est pas difficile de repérer, derrière ses couvertures blanches gaufrées portant ce simple sigle P.O.L., la singularité d’un regard et d’un goût prêtant à la langue française, à ses possibilités, à ce qu’elle véhicule d’immémorial ou d’expérimental, des prestiges particuliers.

De Pérec à Marie Darrieussecq, de Leslie Kaplan à Emmanuel Carrère, de Marguerite Duras à Martin Winckler, - sans oublier René Belletto, Nathalie Azoulai, Jean Rolin, Mathieu Lindon, Olivier Cadiot… -, Paul Otchakovsky-Laurens aura cherché au cœur des textes cette langue distanciée du réel, décalant notre point de vue, ouvrant des espaces d’étrangeté et de questionnement, d’audace formelle et narrative, mais aussi d’engagement social, qu’on ne trouvait que chez lui.

De là l’attachement tout particulier de ses auteurs à cette maison, à son esprit, à ses combats, et la fidélité de lecteurs guidés d’un auteur à l’autre par le regard sûr d’un maître d’œuvre exigeant. Dans son film « Editeur » (2016), il avait raconté lui-même ce métier si singulier, avec la sincérité et la lucidité qui étaient les siennes.

Le décès brutal de Paul Otchakovsky-Laurens laisse orphelins des auteurs qui avaient besoin de sa voix et de son œil pour créer. Le président de la République leur adresse, ainsi qu’à sa compagne blessée dans l’accident, ses équipes et ses amis, ses sincères condoléances.

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