Danielle Darrieux savait tout jouer. Sa carrière s’étendit sur huit décennies, de 1931 à 2010. Si son talent illumine plus de 100 films, c’est que le cinéma français a très tôt adopté cette jeune fille, orpheline de père à 7 ans.

Elle débute à 14 ans dans Le Bal de Wilhelm Thiele (1931), où elle a déjà l’un des rôles principaux. Le naturel de son jeu époustoufle les producteurs. Elle décroche un contrat de cinq ans. Sa carrière est lancée.

Excellente chanteuse, elle brille tout au long des années trente qui viennent de découvrir le cinéma parlant et ne jurent quasiment que par les films musicaux. Elle impose la modernité de ses traits et de sa silhouette élancée dans des rôles de gamine facétieuse et fantasque. Elle donne la réplique aux acteurs les plus populaires du cinéma français d'avant-guerre, notamment Albert Préjean, avec lequel elle partage l’affiche de plusieurs grandes comédies musicales de l’époque comme La Crise est finie de Robert Siodmak (1934). Les chansons populaires qu’elle interprète dans ses films deviennent souvent des succès que la France entière fredonne (La crise est finie, Un mauvais garçon, Une charade et Premier rendez-vous).

Avec son jeu sobre, sa légèreté de ton, son refus de la grandiloquence mélodramatique, elle a proposé aux femmes de son temps un style entièrement neuf.

En 1935, Mayerling d’Anatole Litvak, histoire d’un amour impossible, triomphe dans le monde entier et propulse l’actrice au-delà de nos frontières. Dès lors, sa carrière s’écrit aussi de l’autre côté de l’Atlantique, aussi bien à Hollywood qu’à Broadway, même si « la fiancée de Paris » préférera toujours les écrans et les planches françaises.

Les plus grands réalisateurs ne cesseront de la réclamer au fil des décennies. Elle joue – souvent à plusieurs reprises – chez Marcel L’Herbier, Marcel Achard, Claude Autant-Lara, Max Ophüls, Joseph Mankiewicz, Sacha Guitry, Julien Duvivier, Paul Vecchiali, Claude Chabrol, Jacques Demy, André Téchiné, Claude Sautet ou encore Agnès Varda.

Danielle Darrieux fut l’inoubliable partenaire de Jean Gabin dans La Vérité sur Bébé Donge (1953) dans lequel elle campe une femme cruellement déçue par sa vie conjugale et qui venge son idéalisme trompé en empoisonnant son mari, l'émouvante Madame de Rênal dans Le Rouge et le Noir (1954) de Claude Autant-Lara. Elle fut aussi la coquette futile qui découvre trop tardivement les profondeurs du sentiment amoureux dans Madame de… de Max Ophüls. Et enfin la piquante mère des Demoiselles de Rochefort et la grand-mère avare et alcoolique des Huit Femmes de François Ozon (2002).

Elle aura su traverser les registres et les époques, prêtant son visage et sa voix à des mouvements apparemment inconciliables comme le film musical des années 30, le cinéma de la « qualité française » ou la Nouvelle Vague. Ses rôles ont marqué toute l’histoire du cinéma français. C’est une icône essentielle et discrète qui nous quitte.

Le Président de la République et son épouse présentent à sa famille, à ses amis, au monde du cinéma et du théâtre, leurs sincères condoléances.

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