18 octobre 2017 - Seul le prononcé fait foi
Discours du Président de la République, Emmanuel Macron, devant les forces de sécurité intérieure
SEUL LE PRONONCE FAIT FOI.
Monsieur le Ministre d’Etat,
Madame la Ministre,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Mesdames et Messieurs les Préfets, Mesdames et Messieurs les Directeurs Mesdames et Messieurs,
Je vous ai invités à l’Elysée pour m’adresser directement à vous, policiers, gendarmes, militaires de l’opération Sentinelle. Et à travers vous, à l’ensemble des forces de sécurité intérieure de notre pays, de métropole et d’outre-mer. Je le fais en présence des préfets auxquels j’ai rappelé ici même il y a quelques semaines leur responsabilité en matière de sécurité, de maintien de l’ordre et de lutte contre le terrorisme. Je le fais devant les ministres pleinement engagés au quotidien dans cette bataille et pleinement engagés dans les responsabilités qui sont les leurs pour à la fois réformer ce qui doit l’être et tenir une action déterminée de l’Etat.
Comme je l’ai dit il y a quelques jours, la première mission de l’Etat, c’est bien de protéger nos concitoyens et d’assurer la sécurité du territoire. En effet, nous vivons dans un monde plein d’incertitudes où la nature de la menace a profondément changé et ce qui fait votre quotidien depuis maintenant plusieurs années a profondément évolué. Il y a – et je vais y revenir – la menace terroriste mais celle-ci, en deux ans, a opéré des mutations profondes. Cette menace est de plus en plus endogène, liée de plus en plus aux autres formes de délinquance, à d’autres menaces, à d’autres risques qui existent dans notre société et nous devons ce faisant adapter notre propre organisation et nos propres réactions.
Il y a évidemment la violence de plus en plus présente dans notre société et je connais les missions des policiers sur la voie publique : la lutte contre une délinquance du quotidien qui est de plus en plus sophistiquée, la lutte contre le trafic et la consommation de stupéfiants, contre le fléau des vols et des cambriolages et, évidemment, la lutte contre le terrorisme ne saurait en rien conduire à abandonner ces missions essentielles. D’abord, parce que dans leur quotidien, nos concitoyens vivent le rapport à la sécurité par ces missions qui sont les vôtres et parce que les liens entre l’un et l’autre aujourd’hui se constituent parfois et il n’est pas rare de voir des tentatives d’actes terroristes directement liées à des antécédents de criminalité ou de délinquance du quotidien.
J’ai conscience de la complexité croissante des opérations de maintien de l’ordre, de la difficulté à intervenir efficacement dans certains de nos quartiers et à l’engagement qui est attendu des forces de l’ordre pour assurer la sécurisation de nos événements culturels et festifs dans un contexte justement que je viens de rappeler d’une menace terroriste durablement élevée.
Toutes ces missions auxquelles s’ajoutent – et j’y reviendrai – celle contre l’insécurité routière, celle de la sécurité des personnes en cas d’incendie ou de catastrophe naturelle, celle
aussi relevant du droit des étrangers, essentielle et directement liée à l’ensemble de vos missions, tout cela fait qu’aujourd’hui, vous êtes au cœur des défis de notre société, vous êtes au cœur de ce qui est la réalité française, parfois difficile à expliquer à nos concitoyens. La menace extérieure et toujours pour partie une menace intérieure. L’insécurité s’est transformée et est devenue multiple et l’exigence légitime de nos concitoyens est chaque jour croissante.
Aussi derrière la diversité de vos métiers, de vos talents, de vos compétences, il y a la même motivation : assurer la protection des Français, leur garantir leur droit à la sécurité, leur permettre d’être libres, confiants, de circuler, de se rassembler, de grandir, de vivre tout simplement en toute sécurité. Et cette mission première, c’est celle qui rend possible et légitime toutes les autres. Et quand nous sommes défaillants sur cette mission première de l’Etat, nous sommes irrémédiablement moins audibles pour expliquer à nos concitoyens que nous avons d’autres choses à leur promettre, à leur apporter ou sur lesquelles nous souhaitons nous engager.
Aussi ce que je veux aujourd’hui faire devant vous, c’est d’abord vous rendre l’hommage légitime de la nation compte tenu de l’engagement qui est le vôtre, vous dire que vous incarnez la République, que chaque policier, chaque gendarme, chaque militaire de Sentinelle est un visage de la République. Il l’est chaque jour quand des actes d’héroïsme quotidiens sont portés par l’un ou l’autre, mais il l’est même quand ces hauts faits ne sont pas là, il l’est au quotidien parce que c’est ce que nos concitoyens cherchent, c’est ce que nos concitoyens reconnaissent dans vos visages.
Vous faites honneur à ces valeurs, ces valeurs qui garantissent à chacun, quelle que soit sa condition, quel que soit son rang, quel que soit le quartier ou le village où il réside, le droit de vivre en sécurité et de bénéficier, sans distinction aucune, de la protection de l’Etat. Et à travers moi aujourd’hui, c’est la nation toute entière qui vous en est reconnaissante.
Et ce que je souhaite également, c’est, sur chacune des missions que je viens d’évoquer, revenir pour, en quelques mots, préciser à la fois mes attentes et les engagements de l’Etat pour accompagner les missions qui sont et seront les vôtres, vous dire que ce que je souhaite que nous puissions collectivement faire, c’est de redonner pleinement tout son sens à la mission qui est la vôtre. Je sais que par le passé, les uns ou les autres ont pu considérer que le fil de la mission était perdu, qu’on demandait parfois trop de choses sans priorité ou qu’alors demander d’être fort, on acceptait des faiblesses.
Je vais être très clair avec vous, je vous demande d’être forts et justes, justes mais jamais être faibles. Mais nous devons une rigueur implacable dans le contexte qui est le nôtre sur chacun des sujets que j’aborderai. Et donc c’est l’application à la tâche, le sens de la mission, une exigence collective que je souhaite aujourd’hui que nous puissions partager. D’abord, bien sûr, dans la lutte contre le terrorisme. C’est votre engagement premier, c’est notre engagement premier et depuis le début de l’année, les services de renseignement et les unités judicaires de la police et de la gendarmerie, confortées dans leurs moyens humains, matériels et technologiques depuis trois ans, ont permis de déjouer 13 attentats, sauvant ainsi des dizaines, peut-être des centaines de vies. Et je veux saluer ici l’action déterminée de nos services de renseignement, comme je veux saluer celle de nos unités et forces d’intervention spécialisées.
Vous-mêmes, vous êtes confrontés à chaque instant au risque terroriste et je sais qu’il ne se passe pas une journée sans que vous n’ayez présent à l’esprit ce risque et la transformation profonde qu’il implique sur la mission. Et lorsque la menace se concrétise, votre professionnalisme, votre sang-froid vous permettent de réagir avec efficacité. Directement exposés à la menace qui peut surgir à tout moment, sous les traits de n’importe quel visage, il vous a fallu prendre en compte de nouvelles missions au service de la sécurisation des grands événements, des lieux publics, de nos écoles, de nos lieux de culte, de nos frontières, de nos réseaux de transport et ceux qui pensent qu’on peut efficacement lutter contre le terrorisme sans se poser la question de la circulation des personnes ne sont pas des gens sérieux.
Pour réussir, la première bataille a été et demeure celle du partage de l’information. C’est dans cette logique qu’une de mes premières décisions a été de créer à l’Elysée la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme dont j’ai confié la responsabilité au préfet de BOUSQUET et dont nous commençons à mesurer les effets en termes de partage complet des informations. La coordination veille à la bonne circulation des informations concernant la menace terroriste et s’assure que ne subsiste aucun angle mort dans l’action des services du premier cercle –notamment la DGSE, la DGSI, la DRM – et les autres services, notamment le renseignement pénitentiaire.
Aujourd’hui, des notes communes sont produites, un travail conjoint est assuré et piloté de manière quotidienne et c’est, je crois, la meilleure organisation que nous puissions avoir. Il y a toujours des spécificités mais la continuité de la menace, l’organisation même de nos ennemis impliquent sur ce point une coordination parfaite.
J’ai également souhaité que l’on vous simplifie la tâche. Cette nouvelle organisation va conduire à simplifier notre dispositif de renseignement, notamment les services d’état-major au sein du ministère de l’Intérieur, par la fusion décidée par le ministre d’Etat d’ici la fin de l’année des différentes structures qui travaillent avec la coordination et notamment l’EMOPT et l’UCLAT. Pour améliorer l’exploitation des informations, sept décrets relatifs aux fichiers de renseignements viennent d’être également publiés au début du mois d’août.
J’attends en effet que chaque policer, chaque gendarme soit un capteur, qu’il soit en capacité d’apporter du renseignement. C’est la force de notre réseau. C’est sur son maillage qu’il nous faut nous appuyer pour mieux prévenir, mieux détecter une menace qui, pour sa plus grande part est, comme je vous le disais, aujourd’hui endogène. C’est aussi pour cela que j’ai souhaité renforcer le renseignement territorial et pénitentiaire parce que nous avons besoin de cette capillarité de l’information.
Le renseignement classique suppose une grande confidentialité, parfois une étanchéité de l’organisation. La lutte contre le terrorisme implique des circuits courts et une grande transversalité. C’est pourquoi vous devez toutes et tous, sur ces sujets, travailler de manière quasi instantanée ensemble en gardant la qualité des circuits de décision et de remontée, mais en ayant un partage chaque jour plus fin de cette information. Et à ce titre, les préfets jouent un rôle de coordination essentiel. C’est pourquoi les groupes d’évaluation départementaux (GED) qu’ils animent chaque semaine sont à mes yeux sur le territoire l’élément de coordination et d’articulation de l’ensemble de ces informations absolument indispensable.
Il appartient aux préfets de mettre en œuvre ces orientations et ces leviers d’action et de s’assurer que le partage de l’information permet d’atteindre l’excellence opérationnelle. Mais chacune et chacun est dans son activité quotidienne en capacité d’améliorer l’information, d’être porteur d’une part de renseignement collectif et c’est aussi cela que je voulais souligner devant vous aujourd’hui.
Le niveau de risque qui est le nôtre – et nous l’avons encore vécu récemment – fait que nos concitoyens ne tolèrent plus le moindre dysfonctionnement. Cette excellence opérationnelle pour protéger efficacement les Français contre une menace permanente, durable et protéiforme, il faut à présent l’inscrire dans le cadre du droit commun. C’est dans cette perspective, grâce à la mobilisation du ministre de l’Intérieur et en travail étroit avec la garde des Sceaux, que le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme a été adopté à une très large majorité par le Parlement et pourra ainsi entrer en vigueur le 1er novembre prochain au moment de la sortie de l’état d’urgence.
J’ai dit très tôt que je souhaitais que nous puissions sortir de l’état d’urgence. L’état d’urgence était utile les premiers jours, les premières semaines qui ont suivi les attentats et ils ont permis plusieurs mesures efficaces. Mais nous le voyons depuis plusieurs mois, l’efficacité marginale de l’état d’urgence n’est plus au rendez-vous. Il ne protège malheureusement pas contre la réalité de certains attentats parce qu’aucun Etat, quel qu’il soit, ne permet de protéger, de réduire la menace à néant. Il ne répond pas de manière adaptée à une menace qui est celle du terrorisme islamiste et qui n’est pas celle prévue par l’état d’urgence, beaucoup plus large.
Aussi il est indispensable le 1er novembre prochain de pouvoir sortir de cette situation qui, par définition, doit être temporaire mais le faire avec aujourd’hui un dispositif législatif sur lequel vous avez travaillé, solide, beaucoup plus ciblé sur la menace, la nature de cette menace et qui permettra de répondre, je l’espère, efficacement au défi du terrorisme islamiste.
Je considère que le travail qui a été fait par le gouvernement, éclairé par le Conseil d’Etat, alimenté et enrichi par le travail parlementaire, est aujourd’hui pleinement satisfaisant. Le fait que le juge ait été introduit à plusieurs endroits de la procédure quand il s’agit du juge judiciaire, que le juge administratif, sur les mesures administratives, ait vu sa place pleinement confortée, qu’un rendez-vous soit fixé par la loi dans deux ans pour pouvoir évaluer l’efficacité de l’ensemble des dispositifs pris. Et donc, plutôt qu’avoir de nombreux débats théoriques, d’avoir un véritable suivi et de pouvoir abandonner ce qui n’est pas utile, améliorer ce qui ne l’est pas suffisamment à la lumière des faits est une bonne méthode.
La loi a été votée largement, bien plus que toutes les lois précédentes en la matière, par le groupe majoritaire mais au-delà, par de nombreux députés d’autres groupes parlementaires. À ce titre et contrairement à ce que d’aucuns ont pu suggérer, je tiens à dire que pour ma part, je ne prendrai pas la décision de déférer cette loi devant le Conseil constitutionnel. Il y aura des procédures si besoin était par les uns ou les autres, mais je considère que la qualité du travail et la nature du travail parlementaire ont permis d’aboutir à un texte pleinement satisfaisant et que c’est la représentation nationale qui éclaire le caractère satisfaisant d’un texte. La représentation nationale, par son vote, je crois, l’a amélioré et l’a éclairé.
Cette loi vous donnera notamment de nouvelles compétences en matière de police administrative qu’il vous appartiendra de mettre en œuvre dans le respect des libertés individuelles et ces mesures permettront à l’état d’urgence de retrouver sa vocation originelle de régime d’exception. Avec ce texte et sans renoncer à nos valeurs et nos principes, nous vous donnerons durablement les moyens d’être plus efficaces parce que ce qui protège nos concitoyens, ce n’est pas un texte, c’est l’efficacité de l’organisation collective qui protège les droits de chacun et qui permet d’avoir une action efficace en matière de lutte contre le terrorisme.
J’attends de vous en contrepartie dès son adoption une implication sans faille dans sa mise en œuvre, notamment dans la mise en place des périmètres de sécurité, la fermeture des lieux de culte radicaux à l’égard desquels je ne veux aucune complaisance, ou bien encore les mesures de surveillance et de visite domiciliaire des individus qui adhèrent ou soutiennent le terrorisme. Trop souvent – et nous l’avons vu avec des expérimentations qui avaient pu être votées par le passé sans être utilisées –, nous avons des débats complexes, théoriques au niveau national qui ne donnent pas suffisamment lieu à des applications concrètes sur le terrain.
Je veux que tout ce qui a été considéré comme indispensable, débattu et sur lequel la loi a justement permis de construire des instruments, qu’ils soient pleinement utilisés pour que nous puissions en apprécier pleinement l’efficacité surtout que tout ce qui permettra la prévention des actes de terrorisme à travers ce que cette loi prévoit puisse être mis en œuvre. Pour nos concitoyens, c’est l’efficacité de l’action des forces de sécurité qui constitue le meilleur rempart contre le terrorisme et dans cette action, je veux ici saluer les militaires de l’opération Sentinelle qui ont fait preuve d’une grande maîtrise lors des attentats les plus récents. Le dispositif Sentinelle a été adapté par un travail conjoint de la ministre des Armées et du ministre de l’Intérieur pour le rendre plus dynamique, plus adapté à une menace aujourd’hui mobile et qui évolue rapidement.
Vous le savez, sur ce sujet, j’agis également au niveau européen afin de renforcer l’indispensable coopération dans ce domaine face à une menace transnationale, notamment par le renforcement de la protection des frontières extérieures européennes, la lutte contre la propagande jihadiste sur Internet ou le financement du terrorisme. Nous aurons dans les prochains mois des échéances importantes sur le plan européen et la lutte contre le terrorisme fait partie des priorités de souveraineté que j’ai rappelées il y a quelques semaines et sur lesquelles je compte mobiliser largement nos partenaires. Nous sommes aujourd’hui trop lents à apporter une réponse adaptée et pleinement coordonnée à la menace.
La France, par ailleurs, avec le Royaume-Uni, a pris une initiative en matière de lutte contre la propagande jihadiste sur Internet et nous maintiendrons cette pression, nous l’accroîtrons vis- à-vis des principaux opérateurs qui, pour le moment, ont accordé quelques concessions mais que je juge insuffisantes. Enfin, nous avons pris l’initiative d’une conférence de lutte contre le financement du terrorisme lié aux activités de Daesh et d’Al-Qaïda qui sera organisée début avril 2018 par la France en associant largement plusieurs pays qui partagent évidemment notre souci,mais qui partagent notre volonté parfois de corriger certaines actions passées pour ce qui les concerne. Il y aura sur ce sujet une large mobilisation des uns et des autres pour répondre à la menace.
Vos missions en quelques mois ont changé, votre métier a évolué. Vous vous êtes adaptés à ce nouveau contexte de manière extrêmement rapide avec un seul objectif, toujours mieux protéger les Français. Et sur ce sujet, je veux aussi vous le dire, tout ne peut pas reposer uniquement sur les policiers, les gendarmes ou les militaires impliqués dans les tâches que je viens de rappeler.
Le défi qui est le nôtre, pour lutter contre le terrorisme est un défi beaucoup plus large. Il est d’ordre civilisationnel et il impliquera aussi plus largement de réexaminer la politique de prévention de la radicalisation. Dans ce cadre, des plans d’action seront établis par les préfets qui, dans leur département, sont confrontés à des processus de radicalisation qui gangrènent certains territoires.
Ce travail a été fait pour certains quartiers, à ma demande, en particulier Trappes, dans les Yvelines, pour mieux prévenir et mieux lutter contre les comportements et les agissements qui favorisent l’extension de la radicalisation, et la liste de ces territoires sera arrêtée d’ici la fin de l’année, avec des plans qui, sous la coordination du ministre, impliqueront aussi de mobiliser de nombreux autres services de l’Etat. Ce sont les services sociaux, les collectivités territoriales, les associations, les services éducatifs qu’il faut mobiliser dans ce travail, pour prévenir au maximum la menace, pouvoir mettre en place l’organisation sur le territoire qui permet d’identifier les comportements les plus à risque, les dérives, les affaiblissements parfois d’une partie de notre société sur le plan moral, et un travail très étroit, avec les magistrats en particulier, doit être conduit sur ces territoires en grande difficulté.
Un Comité interministériel aura lieu au mois de décembre, sous la présidence du Premier Ministre, pour arrêter un nouveau plan national. Parce qu’au-delà de ces réponses de court terme qui consistent à traiter le cas de celles et ceux qui sont déjà identifiés dans les fichiers de Renseignement et de Police, nous avons à faire face aujourd’hui à un phénomène où un certain nombre de nos concitoyens sont tentés par des thèses radicales et la violence extrême.
Aussi, ce défi implique, dès le plus jeune âge, d’avoir une politique de prévention assumée. Ces sujets sont éminemment complexes, mais la grande pauvreté, le délitement des structures familiales, l’affaiblissement de nos structures éducatives, l’absence totale de mobilité économique et sociale nourrissent, si je puis dire, dans certains quartiers, le travail de celles et ceux qui sont devenus les artisans d’une radicalisation violente. Et donc nous devons nous attaquer aussi à la racine de ces problèmes, et tout en menant cette bataille intraitable à l’égard de celles et ceux qui radicalisent, prêchent ou poussent à l’acte terroriste, il nous faut travailler en profondeur, en particulier dans les quartiers les plus vulnérables, sur un agenda ambitieux en matière éducative, en matière sociale, en matière de mobilité économique, pour lutter contre la ghettoïsation de certains quartiers, ou l’assignation à résidence de certains de nos concitoyens. Cela fait aussi de ce travail plus large de prévention et de lutte contre ce qui, aujourd’hui, mine notre société.
La sécurité de tous les jours et l’ordre public sont, bien évidemment, comme je l’ai rappelé, au cœur de votre quotidien et de ce qu’attendent aussi nos concitoyens. Ils vous sont également reconnaissants de votre engagement au service de leur sécurité de tous les jours. Les Français expriment également de nombreuses attentes.
A côté de la lutte contre la délinquance, il est un domaine au cœur des missions des forces de l’ordre, c’est celui du maintien de l’ordre républicain. Garantir l’exercice de nos libertés individuelles, quel que soit le niveau de la menace, quel que soit le contexte sécuritaire, fait partie de vos missions les plus nobles. Rien qu’à Paris, en plein état d’urgence, ce sont 10 évènements ou rassemblements dont les services ont à assurer la sécurité chaque jour. Au début du mois de septembre, la braderie de Lille rassemblait plus d’un million et demi de personnes. Dans quelques semaines, ce sont plusieurs centaines de milliers de personnes qui profiteront de la Fête des Lumières à Lyon, et un peu plus tard, les marchés de Noël se dérouleront dans de nombreuses villes de notre pays.
Assurer la sécurité d’un événement de voie publique, quelles qu’en soient la taille et l’ampleur, quelle qu’en soit la nature, est un métier en soi. Il exige savoir-faire et compétences, sang-froid et courage, et il en va de même en matière de maintien de l’ordre, en métropole et en Outre-mer. Ce sont des qualités que possèdent nos unités spécialisées, qu’elles soient départementales ou nationales, au travers des compagnies républicaines de sécurité et des escadrons de gendarmerie mobile qui sont d’un immense professionnalisme.
Maintenir l’ordre, contrairement à ce que j’entends parfois, ce n’est pas empêcher la libre expression de nos concitoyens, ce n’est pas bâillonner la parole, ce n’est pas contraindre à l’uniformité. Maintenir l’ordre, c’est au contraire permettre à chacun de s’exprimer, de manifester son opinion, de faire connaître son avis, et c’est la force de notre démocratie d’avoir permis à chacun de continuer à parler, à contester, à protester, y compris dans le contexte de l’état d’urgence que nous vivons depuis pratiquement deux ans.
Mais c’est la vigueur de notre démocratie d’accepter que toutes les opinions, même les plus dissidentes, même les plus provocatrices, puissent continuer à s’exprimer, dès lors qu’elles ne troublent pas l’ordre public. C’est aussi cela, la force de la démocratie et il convient de le rappeler.
La République, nous le savons, a été fondée sur une tradition d’accueil et d’asile, et j’y suis profondément attaché et je souhaite qu’on accueille mieux et qu’on intègre mieux ceux qui ont vocation à demeurer sur notre territoire. Mais nous avons aussi un défi collectif lié à la pression migratoire extrêmement forte depuis maintenant deux ans, et qui ne cessera pas brutalement dans les semaines ou les mois qui viennent.
Ce défi est un défi durable, de plusieurs années, lié à des basculements géopolitiques au Proche et Moyen-Orient, à des instabilités au nord de l’Afrique, et plus largement à un nouveau nomadisme international lié aux crises climatiques, aux déstabilisations économiques et sociales pour une large partie du continent africain.
Nous devons donc, sur ce sujet, en rester à nos principes républicains, mais avoir une application cohérente et intraitable de tous ces principes. Nous avons un principe qui ne doit rien céder aux tensions contemporaines, c'est celui de l’asile et de l’accueil, je l’évoquais. C’est que nous devons l’accueil à toutes celles et ceux qui fuient leur pays parce qu’ils y sont en danger, compte tenu de ce qui s’y joue sur le plan politique ou en matière de violence. Je n’accepterai aucun discours ni aucune pratique qui remette en cause le droit d’asile. Mais je souhaite que nous ayons l’organisation collective qui permette de répondre humainement et efficacement à ces défis contemporains.
Aussi, je l’ai dit dès le mois de juillet dernier à Orléans, je veux que nous puissions accueillir et héberger toutes celles et ceux qui arrivent sur notre territoire. Penser que c’est une pratique efficace de laisser pendant des mois des femmes et des hommes qui ont fui le pire à l’autre bout du monde, qui ont traversé les routes de la misère et tous les trafics à travers l’Afrique et la Méditerranée, penser que nous allons les dissuader, soit en les dispersant, soit en leur faisant faire longuement la queue aux préfectures ne fonctionne pas. On les disperse un temps, mais ils reviennent.
Aussi, je souhaite être intraitable dans les politiques de prévention de ces migrations, et nous allons nous concentrer sur le démantèlement de tous les trafics dans les régions où ils s’y jouent ; c'est ce que j’ai lancé dès le 28 août dernier ici même, avec nos partenaires européens et africains, pour, dans toute la bande sahélo-saharienne, démanteler les trafics de femmes et d’hommes qui finissent aujourd'hui dans nos pays, mais je n’accepte pas, parce que c’est inefficace et inhumain, que nous puissions penser que, en quelque sorte, la réponse serait de les laisser vivre dans la rue chez nous. Cela nourrit les pires comportements, de la part de celles et ceux qui arrivent, comme de la part de nos concitoyens.
Mais je demande aussi que, collectivement, nous puissions nous réorganiser. Chacune et chacun doit être hébergé. Mais du moment où il est hébergé, commence la procédure administrative. On ne peut plus accepter d’avoir plusieurs semaines avant de commencer à engager la procédure administrative ! Plusieurs mois, parfois, avant de commencer la procédure de l’OFPRA et d’avoir en moyenne dix-huit mois de procédure en France, quand on ne se retrouve pas avec deux ans ou trois ans de procédure ! Dans de tels cas, celles et ceux qui arrivent sur notre territoire, quand bien même, in fine, ils n’auront pas le droit d’asile ou n’auront pas de titres de séjour légaux, se retrouvent dans une vie, de fait ! Et nous ne savons plus, à ce moment-là, les reconduire.
Donc il nous faut, en même temps que nous hébergeons, agir beaucoup plus efficacement. Je l’ai dit encore hier aux associations concernées ; je demande aux forces de l’ordre, aux services préfectoraux, à l’OFII, à l’OFPRA et à la CNDA d’agir beaucoup plus vite. Mais je n’accepterai d’aucune association le comportement que je vois parfois aujourd’hui sur le terrain, qui consiste à protéger celles et ceux qui arrivent dans notre pays, de tout formalisme administratif ; et donc de considérer qu’on puisse héberger sans se soumettre au début de la procédure. Moi, je ne sais pas expliquer aux classes moyennes françaises qu’on va héberger sans commencer à contrôler. Parce qu’à ce moment-là, nous hébergerons beaucoup. Et je n’ai pas le sentiment que nous soyons en situation de le faire aussi largement.
C’est donc cette double exigence qui suppose une conversion culturelle, de part et d’autre, à laquelle nous devons nous astreindre à marche forcée, dès aujourd’hui. Les délais des procédures administratives des services préfectoraux, de l’OFPRA et de la CNDA seront drastiquement réduits. Je souhaite qu’on puisse le faire au maximum avant même toute modification législative. Et ensuite, nous allons investir beaucoup plus pour intégrer celles et ceux à qui nous donnons des titres, parce que la pauvreté, la délinquance s’installent sur une non-intégration.
Mais je souhaite aussi que nous retrouvions l’efficacité d’une politique de reconduite à la frontière. Collectivement, nous nous sommes installés dans une forme d’acceptation de la pire des situations. Nous accueillons mal, nous avons des procédures trop longues, nous intégrons approximativement et nous ne reconduisons plus. C’est cela, la réalité française. Je souhaite que nous accueillions de manière exigeante et conforme à nos valeurs. Je souhaite que nous contrôlions tout de suite, parce que c’est ce que nous devons à nos concitoyens. Je souhaite que nous intégrions de manière irréprochable celles et ceux à qui nous assurons la protection de l’asile ou des titres légitimes. Mais je souhaite que nous reconduisions de manière intraitable celles et ceux qui n’ont pas de titre. Cette conversion, je le sais, prendra des semaines, peut-être quelques mois. Elle impliquera aussi des modifications législatives qui seront portées par le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, au début de l’année prochaine dans un texte important.
Mais nous devons faire collectivement cette conversion. Nous devons savoir sortir de débats de postures stériles, où il y aurait d’un côté celles et ceux qui protègent les étrangers, et de l’autre les répressifs. Parce que de fait, les répressifs ne sont plus efficaces, et ceux qui protègent les étrangers ne les protègent plus vraiment. Et au milieu se retrouvent nos concitoyens, attachés au fond d’eux-mêmes à nos principes d’accueil, mais légitimement exigeants pour leur propre sécurité et conscients que nous devons prendre notre part des défis mondiaux. Mais que, pour citer un ancien Premier ministre, « tout en prenant notre part, nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde ». Et donc je souhaite que nous retrouvions ensemble le chemin de cette exigence partagée. Il y aura – et le ministre de l’Intérieur a commencé à le faire – un changement profond de l’organisation. D’abord, vous l’avez compris, en termes d’accueil, mais aussi en termes de reconduite.
Les Français ne supportent plus l’impuissance publique et c’est la raison pour laquelle le ministre de l’Intérieur a tiré toutes les conclusions du rapport de l’Inspection Générale de l’Administration, à la suite du meurtre odieux de deux jeunes filles à la gare Saint-Charles à Marseille.
Comment nos concitoyens peuvent-ils comprendre qu’une personne étrangère en situation irrégulière, interpellée sept fois depuis 2005, sous des identités différentes, se trouve toujours sur le territoire national ? Et je n’incrimine personne dans cette affaire. Ce sont des habitudes prises.
Je sais aussi que la décision prise par le gouvernement concernant l’équipe préfectorale du Rhône a suscité des interrogations. Et je dois vous dire que je suis conscient de l’extrême difficulté de la mission, de la surcharge de travail et de la complexité croissante de ces dossiers dans un environnement associatif, médiatique et politique rarement favorable. Les personnes ne sont nullement en cause, mais il n’aurait pas été compris qu’il ne soit tiré aucune conclusion d’une série de dysfonctionnements avérés.
C’est aussi pourquoi le Ministre de l’Intérieur vient d’adresser lundi aux préfets une circulaire leur demandant de s’assurer que les procédures sont appliquées de manière ferme et rigoureuse. Nous devons revoir l’organisation, les procédures, les moyens budgétaires et humains pour reconduire à la frontière les étrangers en situation irrégulière, et ce sera un des objectifs du projet de loi qui sera présenté par le ministre de l’Intérieur au début de l’année 2018. Plusieurs freins à l’éloignement seront levés, et les discussions avec l’ensemble des pays d’accueil seront aussi... ont commencé à être menés et produiront leurs premiers effets dès le début de l’année prochaine.
Sur ce sujet, je crois très profondément que nous devons et nous pouvons réconcilier l’humanisme véritable et l’efficacité des politiques publiques. D’abord parce qu’il n’y a pas d’humanisme sans efficacité, et je ne crois pas à un humanisme démagogique ; et ensuite parce qu’il n’y a pas d’efficacité si elle n’est au service des valeurs qui font notre République, et des principes pour lesquels nous sommes unis. Et donc c’est toute cette exigence, en termes d’accueil, de contrôle et de reconduite qu’il nous faudra porter et pour laquelle je compte éminemment sur vous.
Je porte aussi ces priorités au niveau européen pour refonder notre politique d’asile et d’immigration, sujet qui sera inscrit dès demain au prochain Sommet européen et face au développement des fausses identités, il faut là aussi développer résolument et plus rapidement l’usage de la biométrie dans nos différents titres d’identité.
Les missions qui sont liées à la régulation des flux migratoires sont des missions républicaines. Elles sont au cœur de notre contrat démocratique. Et je ne laisserai à ce titre personne les caricaturer, les mettre en cause, ni mettre en cause celles et ceux qui les préparent et les exécutent, qu’ils soient affectés dans les services des étrangers des préfectures, à la Police aux frontières ou dans les services généralistes de Police et de Gendarmerie.
Cela suppose bien sûr que les lois soient appliquées en toute circonstance dans le strict respect des personnes et de la dignité humaine. Aucun manquement à la doctrine ou à la déontologie qui organise votre action, ne saura être toléré, mais tous les moyens seront mis en œuvre pour que l’action puisse être efficace.
Je veux aussi que nous luttions beaucoup mieux contre l’insécurité routière qui tue chaque année près de 3.500 personnes sur nos routes. C’est pourquoi j’ai demandé au Premier Ministre de réunir un comité interministériel d’ici la fin de l’année.
Il est une dernière mission qui est au cœur de votre action quotidienne, c’est celle du secours à la population, lorsqu’il n’y a plus personne pour le faire, lorsque l’appel « 17 » devient le seul et unique recours. C’est la mission qu’ont réalisée en particulier récemment vos collègues dans le Sud-est et la Corse, à Saint-Martin et aux Antilles, comme j’ai pu m’en rendre compte à l’occasion de mon déplacement il y a quelques semaines au cœur même de la crise, et je veux ici vous en remercier. L’organisation des forces de sécurité civile et de celles et ceux que vous représentez a permis que nous n’ayons, après une campagne d’incendie inédite, l’été dernier, à déplorer aucune victime. Ce fut aussi le résultat de l’extraordinaire capacité de réactivité et de coordination de l’ensemble de nos forces sur le terrain, et dans l’ensemble des Antilles, qui ont eu à souffrir de plus ouragans, là aussi, nous avons au maximum su réduire les conséquences de ceux-ci par une organisation irréprochable sur le terrain et un engagement physique courageux de toutes et tous.
C’est ce que vous avez fait en sauvant près de 100 personnes d’une mort certaine depuis le début de l’année, souvent au péril de votre propre vie, et je tenais à vous remercier pour ce courage, ce dévouement et cette abnégation.
Au-delà de l’hommage et de la reconnaissance que je vous exprime au nom de la Nation, je veux vous assurer que je ne peux accepter ceux qui portent atteinte à votre fonction ou à votre image. Et tout en explicitant les attentes sur l’ensemble de vos missions que j’ai légitimement à votre endroit, je veux ici aussi revenir sur la protection des agents. Les violences dont vous faites régulièrement l’objet sont inacceptables et doivent être sanctionnées sans relâche. Et je veux le dire ici avec beaucoup de force parce qu’on ne saurait s’habituer à ces scènes de violence. Parce qu‘on ne saurait accepter que la moindre d’entre elles ne soit la cause d’une cause d’une profonde condamnation, mais de toutes les conséquences qui doivent être indéniablement tirées.
Cette violence, elle a ces derniers mois revêtu le visage du crime et de la barbarie. Et je veux ici, cet après-midi, avoir une pensée émue pour Ahmed MERABET, Franck BRINSOLARO, Clarissa JEAN-PHILIPPE, Jessica SCHNEIDER, Jean-Baptiste SALVAING, Xavier JUGELE, vos collègues tombés récemment sous les attaques des terroristes, fauchés en faisant leur métier, lâchement assassinés parce qu’ils avaient choisi d’être policiers, pour l’un, sur un trottoir du XIème arrondissement de Paris, alors qu’il implorait la pitié, pour l'autre à Magnanville, sous les yeux de son fils, pour d'autres sur les Champs-Elysées. Leur visage, je le sais, ornent vos commissariats, et c'est à eux aussi que nous pensons cet après-midi. Je n'oublie pas non plus que, depuis le début de l'année, 10 gendarmes et policiers ont trouvé la mort en accomplissant leur mission, et que plusieurs ont été blessés, victimes d’agression.
La violence exercée contre les forces de l’ordre, en marge des manifestations, a marqué notre pays : 363 policiers et gendarmes blessés lors des manifestations contre la loi Travail, les images de fonctionnaires en flammes ou celles de leurs véhicules incendiés ne peuvent être oubliées. Et j’ai une pensée particulière pour Vincent RUIZ qui souffre dans sa chair, après la sauvage agression dont il a été victime à Grigny l'an dernier, et que le ministre de l'Intérieur a visité il y a quelques jours, le 8 octobre dernier.
Ces agressions se poursuivent, encore récemment, et je suis notamment marqué ces dernières semaines par la multiplication des refus d'obtempérer, un jeune adjoint de sécurité a encore failli payer de sa vie un tel comportement, le 6 septembre dernier dans les Yvelines, et je veux redire ici combien ces actes sont inqualifiables, motivés par des raisons allant de la provocation gratuite à la volonté de masquer une infraction, ils exposent, souvent gravement, les forces de l'ordre intervenantes. Ils appellent donc, de l’ensemble de la République, à commencer par l’autorité judiciaire, une réponse ferme et exemplaire sans laquelle tout effort en vue d'un rapprochement avec la population risquerait d'être vain.
J'ai aussi demandé à la garde des Sceaux d'adresser une circulaire en ce sens au procureur.
J’ai aussi demandé au ministre de l’Intérieur de renforcer l’accompagnement psychologique des agents ; il faut prendre en compte toutes les difficultés de vos métiers, car cela peut mener au pire. La prévention des suicides doit donc être aussi un objectif prioritaire, et ne doit pas être négligé.
Deux autres tendances doivent également donner lieu à un suivi particulièrement attentif. Aux menaces et mises en cause physiques, sont venues récemment s'ajouter des mises en cause indirectes, plus insidieuses, auxquelles on n'hésite plus à mêler la famille et les proches des policiers et gendarmes. Ce sont des allusions en garde à vue sur le fait que l’on connaît l’adresse du fonctionnaire ou du militaire, que l'on connaît le prénom des enfants ou l'adresse de l'école qu'ils fréquentent. Ce sont des mises en ligne de films ou de photos, de noms, d'identités, d'informations personnelles sur les policiers ou les gendarmes intervenant dans telle ou telle affaire. C’est cette jeune fille, mineure, qu'on approche il y a quelques jours à Rennes, pour lui parler du comportement de son père, fonctionnaire de Police. Certains aujourd'hui n'hésitent plus à sortir de l’anonymat offert par la Toile, en menaçant, par le biais des réseaux sociaux, les familles des membres des forces de l’ordre.
Nous n'accepterons jamais que les policiers et les gendarmes soient ainsi menacés. Des progrès ont été faits avec la reconnaissance par la loi d'un droit à l'anonymat aux membres des forces de l'ordre. Ce titre, les avancées permises par la dernière loi Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme, sont à souligner. Et je souhaite que nous puissions aller plus loin pour durcir nos outils de réponse, face à ces comportements lâches et intolérables, et dans le cadre de la concertation que mènera le ministre, que des mesures concrètes puissent être aussi proposées.
Le second point de vigilance, ce sont les menaces dont les forces de l'ordre font l'objet de la part d'une mouvance organisée, structurée et engagée dans une démarche insurrectionnelle, je cite sa propre formule. C'est la force de la démocratie de ne pas se laisser attaquer par les forces insurrectionnelles qui n'ont rien à voir avec le pluralisme politique et l'expression légitime des convictions. Depuis quelques années, la supposée « répression d’Etat » – je cite les mêmes individus – est en effet exploitée pour légitimer des actions violentes et concertées à l'encontre des forces de l'ordre. Deux locaux de la Gendarmerie ont, selon toute vraisemblance, été victimes de tels mots d'ordre ces derniers temps, à Limoges puis à Grenoble.
L’utilisation d’une telle violence n’a rien à voir avec la politique et rien à voir avec les convictions dans le champ démocratique. Si on se met à tout confondre, on s'assure d'une chose : l’incapacité collective à protéger efficacement nos concitoyens. Non, ces actions ont tout à voir avec le crime, ces auteurs seront systématiquement recherchés, identifiés, mis à disposition de la justice afin qu'ils soient poursuivis et condamnés.
Mesdames et Messieurs, vous me trouverez toujours à vos côtés lorsque la violence aveugle, les menaces, les allégations mensongères vous cibleront, parce que vous avez fait le choix de servir vos concitoyens, de porter l’uniforme, et de servir la loi républicaine avec engagement et détermination. Je veux mener tous les débats dans le champ démocratique sur tous les sujets que le gouvernement, le Parlement souhaiteront soulever. Mais sur ce sujet-là, il n'y aura aucun débat.
Il faut également – et c'est notre défi – lutter contre les comportements ou les agissements qui pourraient ternir votre image. C'est pourquoi j’attends aussi beaucoup de vous, en termes d’exemplarité et de déontologie. Je n’accepterai pas que l'image de quelques-uns de vos collègues, certes très minoritaires, puisse ternir la réputation de tous. C'est le sens des règles déontologiques de votre métier qui doivent toujours vous guider. Et je sais que c’est ce qui, profondément, vous anime.
L’exemplarité qui s’attache à vos fonctions doit être totale, en tout lieu et en tout temps. Cela doit être un élément essentiel de tout policier et de tout gendarme pour contribuer à améliorer les relations avec la population. A chaque moment où il y a, sur ce point une faiblesse, elle doit faire l’objet d’une sanction. Parce que s’il n’y a pas de sanction, c’est l'affaiblissement collectif ! C'est l'acceptation collective du fait que là aussi, il n'y a pas de réponse à une forme d'infraction. Et c'est l'affaiblissement collectif du fait que nous ne savons pas faire, en notre sein, respecter nos propres règles ! Aussi, je souhaite que cela se concrétise rapidement dans les conditions d'exercice de vos missions et du respect plein et entier irréprochable de la déontologie à chaque instant et en tout lieu.
Depuis plusieurs années, nous avons en la matière, des débats, sur le contrôle d'identité, en particulier dans les quartiers les plus sensibles. J'ai pris des engagements clairs en la matière et j’ai pour habitude, même si cela surprend parfois, de respecter les engagements pris, et donc d'en tirer toutes les conséquences pour le faire.
Je ne suis pas favorable à la mise en œuvre du récépissé qui permet, seul, selon certains, de garantir qu'il n'y ait justement aucune dérive. Pourquoi je ne suis pas favorable au récépissé ? Parce que je considère que là où s’est installée la défiance sur le terrain, entre la population et les forces de l’ordre, ça n’est pas un récépissé qui la rétablit. C’est une fausse bonne idée ; d'abord parce que dans les quartiers dits « difficiles », le jour d'après, il y aura des trafics au récépissé, et parce que là où la défiance et la conflictualité se sont installées, elles seront nourries par la procédure.
Par contre, nous devons en face regarder la situation. Là où la défiance s'est installée, nous devons avoir une réponse en profondeur. Et je vais y revenir dans quelques instants avec la Police de sécurité du quotidien. Mais nous devons aussi regarder que la France est le pays qui pratique le plus le contrôle d’identité, largement plus que tous nos voisins européens. Est-ce que c'est donc la bonne méthode, partout et en tous lieux ? Non ! Nous devons donc, dans la formation des agents, revoir certaines procédures qui sont devenues trop automatiques. Je souhaite m'engager dans la formation, j'ai pris à ce titre l'engagement de rouvrir deux écoles de formation.
Mais nous devons aussi changer certaines procédures devenues trop systématiques, qui permettent de restaurer la confiance de manière beaucoup plus pragmatique. Envoyer sur les terrains difficiles des fonctionnaires qui sont plus expérimentés que d’autres, pousser au maximum pour que l’encadrement joue son rôle, expliquer les missions prioritaires et éviter le contrôle systématique comme première entrée en relation avec toute population, quelle qu’elle soit. Avoir donc une organisation collective plus adaptée à la réalité du terrain et à sa complexité.
Enfin, je souhaite aussi que les dispositifs de caméras piétons puissent être étendus avec là aussi pragmatisme et volontarisme, dans le cadre d’une stratégie nationale que le ministre aura à développer.
Je souhaite donc qu’il y ait sur ce plan-là un pragmatisme exigeant. Je ne crois pas aux mesures bureaucratiques et systématiques. Mais je crois à l’engagement collectif, au changement de certains comportements et à des pratiques différentes sur le terrain. Je compte sur vous aussi à cet égard. Je souhaite qu’à ce titre la logique de la formation, de l’encadrement soit profondément changée en la matière et que tout soit fait, parce que c'est la condition de la crédibilité de vos missions, pour qu'un comportement exemplaire soit partout assuré.
C’est pour maintenir cette exemplarité que l'institution que vous servez est l'une des plus contrôlées de notre pays et que tout manquement doit être relevé et sanctionné.
Ceci me conduit très directement à aborder le sujet de la police de sécurité du quotidien. Je vous ai en effet réunis pour partager avec vous aussi mon ambition pour les services qui assurent notre sécurité. Tout en confortant nos moyens de lutte contre le terrorisme, j’ai souhaité que nous engagions en même temps l’autre grande réforme majeure du quinquennat dans le domaine de la sécurité intérieure, la lutte contre l'insécurité et la mise en place de la police de sécurité du quotidien.
Ce n'est pas que pendant les périodes de crise que la population doit être fière de sa police. Parce qu’elle l’est profondément aujourd’hui. C’est tous les jours, en tous lieux, que cette gratitude doit se manifester. Grâce à une proximité, un contact renouvelé et la garantie d'une attention accrue à ce qui fait le quotidien des Français.
Toutes les études le montrent, l'insécurité ressentie par nos concitoyens provient autant de la menace terroriste que des infractions subies au quotidien. Rien que ces trois derniers mois, ce sont plus de 22 000 vols violents, plus de 65 000 vols de véhicules, plus de 57 000 coups et blessures qui ont été enregistrés. Il faut ajouter à cela tout ce qu’on ne mesure pas, ces incivilités qui font que dans notre République une femme seule craint parfois de rentrer tard le soir ou qu’une personne âgée a peur de sortir de chez elle.
La sécurité du quotidien, c'est lutter contre tout ce qui fait naître chez nos concitoyens les sentiments d’insécurité qui leur donnent l’image de l'impuissance publique. Les cambriolages, les implantations de campements illicites, les rodéos sauvages, les occupations des halls d'immeubles, les incivilités dans la rue et dans les transports, le harcèlement de rue pour les femmes, tout cela alimente le malaise dans notre pays.
Il ne vous aura pas échappé que la réforme que je souhaite porter n’est pas le retour à la police de proximité. Même si je ne partage absolument pas le procès qui a parfois été fait à cette dernière. La police de sécurité du quotidien vise à sortir de l'opposition stérile entre police de proximité et police d’intervention. Répondre à ces attentes, ce n'est pas remettre en place une police de proximité avec des postes de police statiques dans les quartiers. Ce n'est pas – comme on l’a parfois dénoncé – aller jouer au football avec les jeunes.
C’est au contraire exercer votre métier de policier, qui représente une autorité qui conforte et qui rassure, mais qui rappelle aussi les règles de vie en société, chaque fois que c'est nécessaire. Donc, c'est penser des modes d'action beaucoup plus granulaires sur le terrain, souvent beaucoup plus mobiles et sans demander aux policiers de devenir des éducateurs, de retisser avec les associations, avec les élus locaux, avec la police municipale, des formes d'action rénovées, qui, dans certains endroits de la République, de manière expérimentale, ont pu, ces dernières années, voir le jour, pour être beaucoup plus efficaces par rapport à la nature de la menace.
La réforme que je souhaite porter n'est pas non plus une énième réforme a minima, dont la police a particulièrement souffert ces dernières années. Je ne souhaite pas en effet, comme cela a été fait, des patrouilleurs, aux BST, aux UTEQ, vous obliger à vous réorganiser par circulaires, en vous concentrant sur l’accessoire au détriment de l’essentiel ou en vous faisant ainsi oublier le sens premier de votre mission.
Je souhaite que cette réforme consiste véritablement à transformer, à redonner du sens à l'action de la sécurité publique, à redonner toutes ses lettres de noblesse à la mission première d'un gardien de la paix, d'un militaire de la gendarmerie : le service de la population, la lutte contre la délinquance et la criminalité du quotidien.
Cette réalité a pu parfois être occultée par la priorité donnée à la lutte contre le terrorisme. Or l'expérience enseigne que l'on ne va pas lutter efficacement contre l’un sans l’autre. De même que la lutte contre la petite et moyenne délinquance ne s’oppose pas à celle contre le terrorisme et la grande criminalité. Elle en constitue le socle.
Pour retrouver des marges de manœuvre et mieux lutter contre les délits, les nuisances, les incivilités ressenties au quotidien, il vous faut des moyens, humains, matériels, technologiques. Ils vous seront donnés sur la durée du quinquennat. Mais il vous faut aussi un cadre d’action renouvelé. Le ministre de l'Intérieur a lancé les travaux de préfiguration de la police de sécurité du quotidien en septembre. Dès lundi prochain, un large cycle de consultations sera engagé par le ministre à trois niveaux.
A l'échelon national, seront consultés les associations d'élus, les organisations syndicales de la police nationale et les structures de concertation de la gendarmerie nationale, les représentants des policiers municipaux, des personnes de la sécurité privée et des transports, ainsi que des chercheurs et des universitaires spécialistes de ces sujets.
Une mission sera diligentée sur la coordination entre police nationale, police municipale et la sécurité privée, je pense aussi à la sécurité menée par les entreprises, pour développer un continuum de sécurité.
Au niveau local, les préfets animeront des ateliers en privilégiant la proximité avec les fonctionnaires de police et les militaires de la Gendarmerie nationale, les élus locaux, les autres acteurs de la sécurité et les représentants de l’autorité judiciaire.
Enfin, le ministre de l'Intérieur a souhaité que ce dispositif soit complété par la consultation de chaque fonctionnaire de police et militaire de la Gendarmerie. Aussi, chacun recevra un questionnaire ouvert.
A l'issue de ce cycle, nous arrêterons en fin d'année une nouvelle doctrine qui constituera notre référence en matière de sécurité publique pour les années à venir.
La doctrine qui sous-tend la police de sécurité du quotidien consiste à placer le service du citoyen au cœur du métier de gendarme et de policier, alors que la police d'ordre est aujourd'hui organisée de manière verticale depuis Paris.
La culture personnelle de nos forces de sécurité doit être d’abord orientée vers la satisfaction des besoins des usagers et les réponses opérationnelles doivent être conçues au plus près des réalités du terrain.
Des premières expérimentations sur cette base seront lancées début 2018 et les sites seront sélectionnés durant le mois de décembre. Différents dispositifs seront déployés sur des territoires eux-mêmes différents, urbains, périurbains, ruraux. Ils seront déployés en veillant à ce que l'ensemble des acteurs, notamment les collectivités territoriales, soient pleinement mobilisées sur les champs de compétences. Il faudra ensuite revoir, sous l’autorité des préfets, les modalités de coordination avec les polices municipales. Enfin, les acteurs privés de la sécurité ont évidemment aussi, comme je le disais, un rôle à jouer.
Un suivi de ces expérimentations sera assuré, auquel seront associés les usagers, mais également des universitaires qui seront à même de porter sur notre système un regard extérieur et neutre. Je ne veux pas par avance préempter les résultats des concertations qui s’engagent. Mais je souhaite que la sécurité du quotidien permette de consolider trois objectifs principaux.
Le premier, c'est de donner aux forces de sécurité les moyens et les méthodes pour agir plus efficacement. En matière d'effectifs, des premiers efforts ont été engagés avec le recrutement de 10 000 gendarmes et policiers supplémentaires au cours des cinq prochaines années. Au- delà, d’autres leviers doivent pouvoir renforcer le potentiel opérationnel : l'allégement des tâches administratives, les transferts de missions, notamment pour la sécurisation de sites ou d'événements à la sécurité privée, la polyvalence. De même, nous pouvons renforcer la qualité de certaines interventions par la formation, l'accompagnement professionnel.
Il faudra aussi adapter la répartition des effectifs pour mieux prendre en compte la réalité de la délinquance. Il faudra aussi, dès la phase de conception de la police de sécurité du quotidien, tirer parti des potentialités offertes par les systèmes d'information pour dégager des fonctionnaires de charges administratives et renforcer leur présence sur la voie publique.
En matière d'équipement, la modernisation des outils de travail des forces de sécurité doit être accentuée, caméras piétons, locaux d'accueil véhicules, là aussi, je souhaite qu’à l’issue de la concertation, c’est un engagement très clair, scandé dans le temps, avec des engagements chiffrés et budgétés qui puissent en découler.
Le deuxième objectif à mes yeux doit être de déconcentrer davantage les politiques de sécurité en accordant plus d’autonomie aux échelons locaux tant dans la définition de la conduite des politiques de sécurité et en renforçant la coaction des services au niveau territorial, ce qui implique de donner des marges de manœuvre aux chefs des services territoriaux. Il faudra aussi introduire de la souplesse dans les organisations, dans les territoires, redynamiser les partenariats locaux de la prévention et de la délinquance en renforçant le rôle des maires, dépoussiérer la comitologie et garantir un continuum local de sécurité non seulement entre la police et la gendarmerie nationale, ce qui a beaucoup progressé ces dernières années mais en associant aussi étroitement les polices municipales, les agents de la sécurité des transports, les professionnels de la sécurité privée dans le prolongement des lois de février et mars 2017. En contrepartie, les états-majors sont réduits au niveau de l'administration centrale.
Le troisième objectif doit être de renforcer le lien avec la population, l'insécurité du quotidien ne sera pas efficacement combattue si les forces de sécurité ne sont pas parfaitement intégrées à leur territoire, accessibles aux habitants et au fait de leurs préoccupations. Plusieurs leviers à ce titre doivent être mobilisés, mieux analyser et prendre en compte les attentes de nos concitoyens en matière de sécurité, ce qui implique de faciliter davantage l’accès aux services publics de la sécurité, de mieux communiquer sur les résultats de notre action, d'en rendre compte régulièrement à la population, de développer davantage la participation citoyenne à l'action de sécurité, que ce soit par l’association à des missions ponctuelles, un engagement sur la durée ou la représentation au titre de la sécurité dans les conseils de quartier. Nos concitoyens doivent être plus impliqués de manière beaucoup plus systématique dans leur sécurité pour promouvoir une société de vigilance.
Je veux à cet égard que la réforme de la police de sécurit du quotidien soit profondément ambitieuse et que la concertation ainsi ouverte puisse conduire à une véritable transformation de cette mission essentielle, essentielle pour votre quotidien et cette mission qui structure les jours et les nuits de nombre de vos collègues mais également pour nos concitoyens. Et je suis convaincu que si nous parvenons à réussir ce triple défi que je viens d'évoquer nous résorberons le plus rapidement possible la défiance qui s’est parfois instaurée dans certains quartiers, c’est la réponse la plus efficace à celle-ci.
Je souhaite que cette réforme soit pleinement articulée et concomitante avec celle de la procédure pénale et de la justice conduite par la garde des Sceaux. En effet, la réforme de la procédure pénale et les réponses judiciaires doivent contribuer à améliorer l’exercice de vos missions, des engagements clairs ont été pris en la matière et ils seront tenus. La réforme visera à rendre plus effective la réponse pénale avec la forfaitisation de certains délits sur lesquels le travail technique vient d’être engagé. Forfaitiser ce n’est pas dépénaliser mais renforcer l’efficacité de la sanction, car la police de sécurité du quotidien doit avoir des instruments adaptés à la réalité du terrain, à ce que constatent tous les jours les policiers, les gendarmes et les magistrats. Et nous avons aujourd’hui une situation de manière un peu semblable à ce que je décrivais tout à l’heure sur le droit des étrangers où alors que la réponse prévue par la loi est d’une extrême sévérité la capacité collective à apporter une réponse de fait sur le terrain est empêchée par les contraintes de celui-ci.
Nous avons pénalisénombre d’actes, dont la réalité de la réponse pénale in fine est extrêmement réduite, classement sans suite, rappel à la loi, au bout de délais de procédure inadmissibles pour notre population , mais qui ne sont que la conséquence, dans les quartiers les plus difficiles, de la thrombose de l’activité judiciaire. Nous devons donc proportionner la réponse pour permettre aux forces de l’ordre d’être crédibles sur le terrain et d’apporter la réponse la plus rapide à ce qu'ils constatent pour d'abord dissuader les délinquants les plus mineurs et essayer justement de changer les comportements pour que la population sur le terrain s’aperçoive qu’il y a une réalité de la réponse et non pas des réponses qui parfois durent des mois et des mois et soulager les magistrats de procédures qui ne sont pas prioritaire et qu'ils ne le seront jamais et qui viennent aujourd'hui engorger une activité qui doit là aussi faire l'objet de moyens supplémentaires et que nous allons re-prioriser dans le cadre des chantiers de la justice lancés par la garde des Sceaux. La réforme de la procédure pénale ne se réduira pas à ces quelques mesures, elle visera plus fondamentalement, plus profondément à redonner du sens au travail des officiers de police judiciaire et par voie de conséquence aussi aux magistrats.
La garde des Sceaux, en lien avec le ministre de l'Intérieur, lance ce chantier de simplification de la procédure pénale qui doit permettre de faire remonter les propositions de terrain des magistrats et des forces de l’ordre. Là aussi je ne veux pas préempter ses conclusions, tous les sujets devront être mis sur la table et il n'y aura aucun tabou. Réforme et simplification des cadres d'enquête, harmonisation des régimes procéduraux, pouvoirs respectifs des officiers et des agents de police judiciaire, allègement du formalisme des actes, réflexion sur l’oralisation de certaines procédures enregistrées avec les techniques contemporaines, dématérialisation et accès simplifié aux fichiers, prise de plainte à distance. Je pense qu'il n'est pas révolutionnaire de considérer qu'à l'heure du Smartphone et de l’Internet on puisse permettre aux fonctionnaires de police, aux gendarmes et aux magistrats d'éviter la saisine sur des appareils de type dactylographique et la re-saisine des mêmes procès-verbaux quelques semaines plus tard. Je pense que nous pouvons collectivement y arriver, c’est un défi raisonnable, donc nous allons le faire.
Tout doit être discuté, tout doit être examiné, tout doit être débattu, tout le sera, et je sais que dans vos rangs les attentes sont immenses, je l’ai constaté à chaque fois sur le terrain, moi j’ai toujours vu des militaires et des fonctionnaires attachés à la mission, en recherche de sens de la mission et donc quand ils sont découragés de quelque chose ça n'est pas dans la nature de la menace, j'ai toujours vu des braves et des vaillants mais ils sont découragés de l’inefficacité de la procédure collective et de la lourdeurs de tâches inutiles et totalement obsolètes et légitiment. Et donc comme je veux redonner du sens à la mission, des priorités en même temps que j'ai de l'exigence, je veux que ces réformes puissent dégager de toutes ces procédures obsolètes, ridicules, qui entravent le quotidien.
Il s’agit ni plus ni moins que de redonner non seulement du sens mais du temps, des marges de manœuvre pour les enquêtes, pour les investigations, pour aller justement travailler afin que la vérité se manifeste et la réforme de la procédure pénale sera un moyen de redonner des marges aux fonctionnaires et aux militaires de la gendarmerie, de redonner du sens et de retrouver aussi de l’attractivité pour ces métiers qui doivent attirer les plus jeunes et nous permettre d’attirer les talents parce que nous en avons besoin compte tenu de tous les défis que j’évoque depuis tout à l’heure. Nous avons sur ce sujet aussi un devoir de réussite, c'est la raison pour laquelle je vous invite à vous impliquer dans les espaces de concertation qui seront ouverts par le ministère de la Justice et le ministère de l’Intérieur.
La réforme de la procédure pénale sera essentielle à la mise en œuvre de la police de sécurité du quotidien, mais elle ne s'arrêtera pas à cela et je souhaite que par cette réforme nous puissions pleinement mettre en lumière le fait que nous pouvons être encore plus exigeants en matière de respect des libertés individuelles, des procédures, de ce qui fait la dignité de l'Etat républicain, que nous puissions améliorer le travail des magistrats et leur permettre de rendre dans de meilleures conditions de la justice. Et dans le même temps de permettre de mieux travailler et de mieux concentrer nos forces de l'ordre sur leurs missions premières. Aujourd'hui, l'ensemble des fonctionnaires et militaires, qui œuvrent à cette mission, sont dans une situation de souffrance, parce qu'ils subissent de part et d'autre en quelque sorte une situation d'impossibilité et des contraintes excessives. Cette réflexion devra s'accompagner de la possibilité aussi d’avancer sur certaines innovations sur lesquelles je me suis engagé en particulier la possibilité d'enjoindre aux fauteurs de troubles, sous le contrôle du juge, des mesures d'éloignement du territoire concerné pendant une durée de temps et des innovations au quotidien pour rendre le travail plus efficace pour nos forces de l’ordre.
Mesdames et Messieurs, votre engagement, votre détermination, votre passion pour votre métier c'est ce qui vous rassemble, c'est aussi ce qui vous honore et c’est ce qui oblige également, le gouvernement à vous donner les moyens d’exercer vos missions dans les meilleures conditions. Sur ce sujet, j'ai entendu le malaise qui s'est exprimé il y a un an et qui continue encore de s'exprimer relayée notamment par vos représentants ou vos organisations syndicales. Ce malaise il nous faut l'entendre, il nous faut le prendre en compte et en retour j'invite les agents aussi à se méfier de certaines formes de contestation qui suscitent des interrogations dans l’opinion, qui provoquent de l’incompréhension lorsque ceux qui sont chargés de faire respecter la loi s’en exonèrent et qui, je le sais d’ailleurs, conduisent à la désapprobation de celles et ceux qui portent vos voix syndicales.
Vous n'avez pas besoin de cela pour faire entendre votre voix, alors même que 12.500 emplois ont été supprimés entre 2007 et 2012, alors même que les crédits d'investissement n'ont pas cessé de diminuer à compter de 2007 un effort massif, légitime, absolument nécessaire a été engagé ces dernières années au profit des forces de l’ordre avec la création de 9.000 emplois et l’augmentation de crédits d’investissement depuis 2015. Qu’on ne s’y trompe pas, cependant les effets des décisions prises il y a 10 ans ne sont pas pour autant annihilés, ils laissent encore des traces profondes dans les services et un sentiment d’incompréhension. Mais le rattrapage est puissamment engagé, il est massif, significatif et il va se poursuivre, il va même s'accroître dans les années à venir.
Car on ne peut en effet accepter que dans notre pays nos forces de sécurité intérieure travaillent dans des locaux vétustes surtout lorsque ces locaux font aussi office pour les gendarmes de logements. On ne peut accepter que face aux menaces auxquelles nos forces de sécurité sont exposées elles ne disposent que d’un armement ancien, d'un matériel ou d'application informatique obsolète. On ne peut accepter qu'elles en soient réduites à utiliser des véhicules et du matériel hors d‘âge. Je vous le dis très directement, vous pouvez pour agrémenter les déplacements du ministre de l'Intérieur lui distribuer des photos ou des bons points ou des mauvais points mais je n'aurai pas besoin de cela pour prendre l’engagement que l’Etat sera au rendez-vous de la sécurité durant ce quinquennat.
Aussi, alors même que nous réalisons 20 milliards d’euros d’économies au plan national, j'ai veillé avec le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur, à ce que la sécurité intérieure soit érigée au rang de priorité budgétaire pour 2018 et que les engagements pris ces deux dernières années pour la sécurité soient sanctuarisés. 10.000 emplois supplémentaires de policiers et de gendarmes seront créés sur la durée du quinquennat, 7.000 emplois seront alloués au cours de ces trois prochaines années sur les exercices 2018-2020.
Le budget consacré aux missions de sécurité augmentera ainsi de 1,5 % en 2018. L’effort consenti à partir de 2015 à travers les plans de lutte antiterroriste est ainsi non seulement préservé, mais accentué. En trois ans, le budget consacré à la sécurité intérieure aura ainsi augmenté d’un peu plus de 9 %. La seule part consacrée au fonctionnement et à l’investissement aura progressé quant à elle de 16 %.
Dès 2018, nous procéderons au recrutement de 1.870 personnels et militaires supplémentaires. Un chiffre illustre l’ampleur de l’effort accompli : alors qu’en 2012, 488 élèves gardiens de la paix seulement étaient incorporés dans les écoles de police, nous en accueillerons plus de 4.500 l’an prochain. L’effort sera porté sur les effectifs mais il le sera également sur les conditions de travail puisque les crédits consacrés à l’investissement et au matériel seront en progression de 1,9 %. Cela concernera notamment l’investissement dans l’immobilier dont les crédits seront augmentés tant pour la police que pour la gendarmerie alors même qu’ils atteignent déjà cette année leur point haut depuis 10 ans.
Pour chacune des deux forces, le budget immobilier dont nous disposons est sans précédent. Cet effort, il est prévu dès l’an prochain mais il n’est pas prévu que l’an prochain, il est garanti sur la durée du quinquennat, ce qui donne à vos responsables, ce qui vous donne une lisibilité accrue et la possibilité d’accélérer le rattrapage engagé il y a deux ans.
C’est un tel plan que nous venons de décider et cette lisibilité sur l’ensemble du quinquennat est fondamentale, comme l’est également le choix de rechercher la proximité dans la prise de décisions en matière immobilière comme d’équipement. La proximité, c’est bien souvent le choix de la responsabilité et c’est là aussi où j’attends avec beaucoup d’exigence l’engagement de tous les services déconcentrés et de tous les responsables sur le territoire. La proximité, c’est la garantie de répondre vite et bien aux attentes locales.
Pour la première fois, la totalité des crédits consacrés à l’entretien des locaux de police, portés de 35 à 45 millions d’euros, seront l’an prochain entièrement à la main des chefs de service locaux et donc à votre main. C’est conforme à ce à quoi je m’étais engagé il y a quelques semaines devant les préfets. C’est le début d’une déconcentration en acte indispensable pour réagir de manière plus souple face aux contraintes du terrain, de manière plus efficace pour l’ensemble de l’Etat qui s’est paralysé lui-même à tout vouloir contrôler depuis la centrale.
C’est vous qui connaissez le mieux les besoins, qui pouvez prendre les meilleures décisions, en lien avec les militaires, les fonctionnaires et les organisations qui les représentent. Je compte sur vous pour vous saisir des nouveaux moyens d’action qui vous sont ainsi donnés et ce choix résolu de la déconcentration et de la responsabilisation, il est fait pour 2018 comme pour les années à venir, dans la police comme dans la gendarmerie.
Je veux aussi que la chaîne logistique soit entière revue, tant en matière d’équipement que d’informatique, tant en métropole qu’en outre-mer, car les moyens alloués mettent trop de temps à être déployés sur le terrain et ne correspondent pas toujours à vos besoins. A l’image de la réforme conduite par le ministère de la Défense, avec la création des bases interarmées de défense, le ministère de l’Intérieur doit aller au bout de cette réforme au niveau zonal en renforçant l’organisation et surtout le pilotage des secrétariats généraux à l’administration du ministère de l’Intérieur.
Je vous demande aussi d’optimiser l’utilisation des moyens et de conduire les indispensables réformes de structure. Il faut que nous progressions plus rapidement dans les mutualisations nécessaires entre la police et la gendarmerie, dont le chantier doit progresser beaucoup plus vite, notamment sur les fonctions support, et vous aurez une capacité d’initiative dans ce domaine.
Un effort important devra être effectué pour substituer, chaque fois que c’est nécessaire, des personnels administratifs sur ces fonctions et permettre aux policiers et aux gendarmes de se consacrer au cœur de leur métier et, au-delà, de renforcer leur présence sur la voie publique.
Il faudra enfin aller au bout des redéploiements territoriaux entre la police et la gendarmerie en matière de sécurité publique et réexaminer la répartition des effectifs sur le terrain et évoquer la question sensible des cycles horaires et du temps de travail.
Sur ce sujet du temps de travail, je dirai aussi très clairement que ma détermination est complète pour qu’aussi bien la gendarmerie que les militaires de manière plus générale ne soient pas concernés par la directive bien connue. Les choses sont claires, notifiées à qui de droit et seront portées jusqu’à leur terme.
Je veux que la police et la gendarmerie prennent résolument le virage de la transformation numérique. J’ai demandé au ministre de l’Intérieur un plan quinquennal de numérisation. Il faudra faciliter davantage l’accès au service public de la sécurité en tirant pleinement parti des possibilités et des opportunités ouvertes par le numérique : les tablettes Neo pour les policiers et les gendarmes, les procédures dématérialisées, les plateformes uniques de réception des appels de secours, comme en disposent déjà certains de nos voisins européens, des applications modernisées.
Nous devons aussi renforcer le contact avec la population par des patrouilles, l’accueil avec les brigades et les commissariats. Et donc, là aussi, je souhaite que cet engagement de moyens aille avec un engagement en termes d’innovation et d’innovation organisationnelle également qui doit être au rendez-vous.
Je pense également à la mise en place sous trois ans maximum de la plainte en ligne pour nos concitoyens. Chantier partagé là aussi par la garde des Sceaux et le ministre de l’Intérieur. Je pense au logiciel de procédure afin qu’il soit conçu dans une réelle optique de mutualisation police-gendarmerie. Lorsqu’un citoyen dépose plainte au commissariat ou en brigade, cette plainte doit pouvoir être transmise de manière dématérialisée à la Justice sans qu’il soit besoin de tout ressaisir. Il faut une procédure unifiée à un moment où la Justice va bénéficier elle- même d’un grand plan de numérisation.
Et donc ces transformations seront appuyées par un engagement budgétaire clair de l’Etat. Le Premier ministre a présenté il y a quelques semaines le grand plan d’investissement. Il permettra de financer, pour le ministère de l’Intérieur comme pour le ministère de la Justice, ces profondes transformations mais je souhaite que nous puissions aller au bout des innovations organisationnelles et des innovations aussi sociales qu’elles permettront.
Les policiers, les gendarmes et les sapeurs-pompiers utilisent aujourd’hui des équipements radio qui ont été conçus en 2G, ce qui n’est pas totalement au goût de l’innovation du jour et qui ne permettent pas, par exemple, la transmission d’importantes quantités de données ou d’images en temps réel depuis le terrain. Aussi un des grands projets régaliens sera le réseau radio du futur à haut débit commun à la police, la gendarmerie et la sécurité civile qui devra bénéficier d’un haut niveau de résilience en cas de crise et des meilleures technologies numériques disponibles. Ce sera un grand projet industriel français et européen dont le déploiement doit se faire le plus rapidement possible et fait aussi l’objet d’un engagement clair en termes financiers dans le cadre du grand plan d’investissement.
Enfin j’agis également pour que l’Europe puisse donner tous les moyens juridiques et techniques aux agents de terrain, notamment à ceux chargés du contrôle aux frontières, pour accéder plus facilement aux grandes applications informatiques européennes – EURODAC, SIS, etc. – dans le cadre du chantier lancé sur l’interopérabilité des systèmes d’information en matière migratoire et de sécurité.
Certains de ces chantiers sont d’ampleur et s’inscriront dans le temps long mais le maximum d’entre eux doivent être conduits le plus rapidement possibles parce que leur mise en œuvre s’impose. Vous l’avez compris, rien ne sera négligé dans le cadre de cette stratégie que je voulais aujourd’hui vous présenter parce que je considère que le quotidien, les moyens mis à disposition, les procédures qui font votre tâche de chaque jour sont déterminants là aussi pour construire la crédibilité de l’encadrement, de l’encadrement supérieur et du commandement.
Aussi vous l’avez compris, l’engagement de l’Etat sera complet pour profondément transformer ses missions et être au rendez-vous. J’aurai besoin de vous pour mettre en œuvre ces transformations. J’aurai besoin de vous pour que dans cinq ans, ceux qui ne respectent pas votre uniforme ne soient plus qu’une infime minorité contre laquelle nous nous battrons de toute notre énergie. En retour, vous savez que pourrez compter sur mon soutien permanent aux forces de l’ordre. Je suis à l’écoute, à vos côtés, comme l’est l’immense majorité des Français, et je répondrai présent à chaque fois que cela sera nécessaire.
J’entends l’impatience parfois exprimée, j’entends les insatisfactions, j’entends la nécessité qui s’attache à redonner un cap et du sens à vos métiers, à redonner les moyens de l’exercer en toute sincérité et en toute sécurité parce que nous n’avons qu’un objectif, l’efficacité collective. C’est la responsabilité partagée.
L’honnêteté me conduit à vous dire que tout ne se fera pas en un jour. Beaucoup a été fait ces derniers mois pour répondre à vos légitimes attentes. Progressivement, vos conditions de travail vont changer, vos moyens vont être renforcés. J’ai pris aujourd’hui des engagements clairs devant vous. Le mouvement est engagé. Nous veillerons à ce qu’il soit le plus rapide possible mais toutes les transformations culturelles, organisationnelles, ce dont j’ai essayé aujourd’hui devant vous de redonner le sens, nous devons l’engager collectivement le plus rapidement possible.
Nous devons avoir cette exigence collective. Nous devons retrouver ce sens et l’expliquer à l’ensemble de la population et je suis convaincu que, par cet engagement, celui des moyens mis en face, celui de la modernisation de nos propres organisations et de nos moyens, ce sera la condition collective de notre réussite.
Avec le ministre d’Etat, je veux mener cette démarche de transformation avec vous, avec détermination, dans le cadre d’un dialogue social approfondi et confiant avec vos différents représentants, mais vous l’avez compris, avec une ambition extrême à laquelle je ne céderai rien ni sur les principes ni sur l’efficacité. Merci pour votre attention.
Vive la République et vive la France !
Merci Messieurs Dames.