Pendant plusieurs décennies, Jean Rochefort aura été pour bon nombre de Français cet homme qui, vêtu d’une robe de chambre rayée, médite sur son existence en fumant élégamment une cigarette, juché sur le parapet d’un immeuble bourgeois. Elégance, distance, absence d’esprit de sérieux, humour décalé teinté d’absurde, philosophie souriante : tout Jean Rochefort était là. Il aura accompagné nos vies en traversant les époques et les styles, du cinéma populaire au théâtre classique, des films d’auteur aux pièces contemporaines, des sagas télévisées aux vidéos YouTube.
Après être passé par le Conservatoire national supérieur d’art dramatique et avoir fait ses premiers pas sur les planches dès 1953, à 23 ans, Jean Rochefort apparaît sur les écrans de cinéma dans les années 60, notamment dans l’univers à l’humour romanesque de Philippe De Broca (Cartouche, Les Tribulations d’un Chinois en Chine, Le Diable par la queue). Dans les années 1970, il décroche ses premiers rôles, se révèle chez Bertrand Tavernier (L’Horloger de Saint-Paul, Que la fête commence…) et remporte son premier César. On se souvient comme il excellait dans le registre comique, en particulier dans les films d’Yves Robert qui scandent les années 1970 et dont beaucoup ont été de grands succès populaires avant de devenir cultes (Le Grand blond avec une chaussure noire, Salut l’artiste, Un éléphant ça trompe énormément, Nous irons tous au Paradis, Courage fuyons). Jean Rochefort tourne aussi avec Michel Audiard, Claude Chabrol, Patrice Leconte... A l’évidence, il aime le cinéma populaire, drôle, insolent, plein de verve, même s’il s’illustre aussi dans des rôles plus dramatiques comme dans Le Crabe-Tambour de Pierre Schoendoerffer en 1977 (qui lui vaut son second César, avant celui qui couronnera l’ensemble de sa carrière en 1999) ou le touchant Tandem avec Gérard Jugnot. Dès les années 1970, il est l’une des figures les plus attachantes du cinéma français : son humanité transparaît sous tous ses rôles, même les plus sombres, et sa fantaisie sait mêler l’insolence et l’élégance.
Les nombreux succès de sa carrière cinématographiques ne doivent pas nous faire oublier que Jean Rochefort a toujours travaillé au théâtre : il joue et met en scène, en privilégiant des auteurs du XXᵉ siècle qui l’ancrent dans des questionnements contemporains, comme Peter Ustinov, Harold Pinter, Arthur Miller, David Mamet ou encore Yasmina Reza.
Amoureux des mots, Jean Rochefort a aussi eu à cœur de proposer des adaptations contemporaines et décalées de certains classiques de la littérature pour en transmettre le goût aux plus jeunes. On se rappelle de la drôlerie tout aussi impertinente que pédagogique de ses versions revisitées sur YouTube ou pour la télévision de Madame Bovary, des Liaisons dangereuses, du Petit Prince ou encore du Père Goriot. Jean Rochefort manquera bien sûr à sa famille, ainsi qu’à celle du cinéma et du théâtre, mais aussi à tous les Français, qui perdent là une des figures tutélaires et aimées qui faisait partie de leur vie depuis plus d’un demi-siècle. Le Président de la République et son épouse présentent à sa famille, à ses amis, au monde du cinéma et du théâtre, leurs sincères condoléances.
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