7 mai 1986 - Seul le prononcé fait foi

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Cinquième entretien entre M. François Mitterrand, Président de la République, et Mme Marguerite Duras, écrivain, publié dans "L'Autre Journal" le mercredi 7 mai 1986, intitulé "La Nouvelle Angoulême".

MARGUERITE DURAS.- On va parler de l'Amérique ?
- LE PRESIDENT.- Si vous voulez.
- MARGUERITE DURAS.- C'est bien étrange, ce qui se passe en Amérique.
- LE PRESIDENT.-Où ? En Alaska ?
- MARGUERITE DURAS.- En Alaska aussi (rires). A New York, à New Orléans, à Chicago. Les Américains sont d'accord avec Reagan.
- LE PRESIDENT.- Oui, il est très populaire.
- MARGUERITE DURAS.- Et c'est en accord avec son peuple qu'il a bombardé Kadhafi.
- LE PRESIDENT.- Il sent et il exprime, en effet, ce que son peuple sent et voudrait exprimer.
- MARGUERITE DURAS.- Qu'on ne respecte pas la parole donnée, les Américains ne le supportent pas. L'attitude de Kadhafi, qui est constamment un mensonge, les Américains ne la supportaient plus.
- LE PRESIDENT.- Que voulez-vous dire ?
- MARGUERITE DURAS.- Ce que vous savez : il dit qu'il n'y a pas de troupe libyenne au Tchad, il y a des troupes libyennes au Tchad. Il dit qu'il n'y en a plus, il y en a encore. Il dit qu'il ne fait rien, il fait. Il ment. Il agit comme s'il était le destin. Et cette conduite-là appelle au meurtre. C'est lui qui est responsable du raid américain sur la Libye.
- LE PRESIDENT.- Kadhafi s'est mis en tête qu'il devait unir la nation arabe. Pour lui, quiconque nuit à l'unité du monde arabe, aujourd'hui séparé par de multiples frontières politiques, étatiques, est un traître. Ce fanatisme politique, doublé d'un fanatisme religieux qui touche aux racines de l'être, ne s'exprime que par la violence. Mais c'est un fanatisme souvent malin, souvent retors pour lequel vérité et mensonge sont les deux faces d'une même arme. Ce faisant, il a défié son propre destin et celui de son peuple. La violence lui a répondu. Peut-il s'en étonner ?
- MARGUERITE DURAS.- Le défi avait sans doute assez duré pour les Américains. Et puis Reagan n'est pas arabe, il ne peut pas être un traître.
- LE PRESIDENT.- Il faut mettre un terme au terrorisme, le détruire. Mais d'instinct et de raison, je n'aime pas les représailles collectives qui frappent des gens qui n'y sont pour rien, victimes sans savoir pourquoi.
- MARGUERITE DURAS.- Les gens qui n'aiment pas les victimes innocentes, c'est tout le monde, les Américains compris. Qui est pour qu'on fasse des victimes innocentes ? Dites-moi un seul nom. Tout le monde sait que ça ne pouvait plus durer. Une personne sur dix le dit peut-être, peut-être encore moins. Etre contre ça veut dire ici souffrir parce que des innocents sont morts. Ne pas être contre, ce n'est pas souffrir. Je n'ai pas souffert du raid américain contre Tripoli, donc je suis pour ? Je vous le demande. La non-violence est venue d'Amérique. Les sit-in des jeunes et des femmes, c'était en Amérique contre la guerre du Vietnam. Je ne crois pas que ce soient les mêmes gens. La non-violence, c'est le pacifisme, et pour moi c'est là l'attitude la moins responsable, la plus confortable. Que feront-ils devant l'invasion soviétique, ces non-violents ? Au fait personne ne le sait ?
- LE PRESIDENT.- On ne peut pas assimiler terrorisme et peuple libyen.
- MARGUERITE DURAS.- Je parle de la riposte américaine.\
MARGUERITE DURAS `Suite`.- Vous le connaissez, Reagan. Dites-nous qui c'est.
- LE PRESIDENT.- C'est un homme plein de bon sens, accueillant, agréable, parlant à coup de "jokes", racontant des histoires très californiennes, parlant surtout de la Californie et de la Bible. Il a deux religions : le libéralisme économique et Dieu - le Dieu des chrétiens. Son expérience d'ancien gouverneur de Californie l'inspire beaucoup aujourd'hui. Ce n'est pas un homme habité par des concepts, mais il a des idées et s'y tient. J'ai avec lui une relation franche, directe.
- MARGUERITE DURAS.- Il est honnête ?
- LE PRESIDENT.- Qu'est-ce que ça veut dire, honnête ? Honnête, qu'est-ce que ça signifie pour vous ?
- MARGUERITE DURAS.- Ca veut dire honnête.
- LE PRESIDENT.- Qu'il ne trompe pas les gens auxquels il s'adresse ?
- MARGUERITE DURAS.- Non, ce n'est pas ce que je veux dire. C'est quelque chose comme ceci : il pense ce qu'il dit ?
- LE PRESIDENT.- Assurément.
- MARGUERITE DURAS.- Il arrive que le bon sens soit très intelligent parfois, aussi intelligent que l'intelligence-même. Peut-être est-ce le cas de ce pays à la fois civilisé et sauvage.
- LE PRESIDNT.- Reagan a une approche intuitive des choses et il est capable de tirer le meilleur des dossiers sophistiqués qui lui sont soumis.
- MARGUERITE DURAS.- Reagan ne peut se concevoir que pour l'Amérique.
- LE PRESIDENT.- Américain typique, il n'est pas très exportable, en effet.
- MARGUERITE DURAS.- C'est ce défaut-là, de ne pas être exportable, qu'il fait qu'il colle tellement à son peuple.
- LE PRESIDENT.- Je n'ai pas dit que c'était un défaut.
- MARGUERITE DURAS.- Par défaut, comme vous sans doute, j'entends différence.
- LE PRESIDENT.- Etre en mesure de diriger un pays de deux cent cinquante millions d'habitants, ce n'est pas mal. N'idéalisons pas non plus le système qu'il dirige. Le peuple américain est un peuple vivant, puissant, plein d'énergie, d'imagination, de caractère. Il vit sur un continent qui contient beaucoup de richesses potentielles, beaucoup de richesses exploitées, beaucoup de richesses transformées. Il dispose d'un niveau universitaire élevé. Réunissez tous ces éléments, et vous faites un grand peuple. Mais ce grand peuple sait qu'il possède un empire. Et l'idée d'empire est par elle-même comme un mal qui vous ronge. Il faudra beaucoup de force d'âme pour que l'Amérique lui résiste.
- MARGUERITE DURAS.- C'est plutôt un continent quant à moi. Un empire est de -nature extensible, ça va, ça vient, ça rétrécit, ça disparaît. Ici, depuis Abraham Lincoln, ça ne peut plus s'agrandir ni diminuer. C'est fait. Puis c'est très jeune, frais - 1864 - il y a cent vingt ans.
- (Silence).\
MARGUERITE DURAS.- Le pouvoir, le pouvoir politique, vous ne voulez jamais parler du pouvoir politique. C'est vrai que c'est la rengaine, et à tous les niveaux, comme on dit maintenant.
- LE PRESIDENT.- On arrête, pour l'Amérique ?
- MARGUERITE DURAS.- Je veux bien continuer sur l'Amérique. En parlant de Reagan, si vous voulez.
- LE PRESIDENT.- Ronald Reagan, ce n'est pas toute l'Amérique, quand même.
- MARGUERITE DURAS.- Eh bien, justement je crois que si, c'est pour le moment l'Amérique-même.
- LE PRESIDENT.- Plutôt le monde anglo-saxon. A base irlandaise.
- MARGUERITE DURAS.- C'est l'Europe, cette part de l'Europe qui a quitté le continent et qui a bâti l'Amérique du Nord. C'est donc à la fois le monde qui nous est le plus proche et celui qui nous est devenu le plus étranger du fait de son départ, de son abandon de l'Europe.
- LE PRESIDENT.- Le monde immense de l'Amérique latine est aussi passionnant. Vous le connaissez un peu ?
- MARGUERITE DURAS.- Je n'y suis jamais allée. Il me semblait que ça faisait partie d'un acquis que j'avais eu à l'école. Que ce n'était pas la peine. Que, du fait aussi de mon enfance en Indochine, je pouvais ne pas aller voir ce côté-là de la terre.
- LE PRESIDENT.- Puisque vous parlez de l'enfance, moi, j'avais l'impression de connaître le monde, par les cartes sur les atlas, les planisphères, quelquefois les mappemondes. Et, selon la couleur choisie par l'éditeur, je fixais mes sympathies et mes antipathies. Il y avait un certain vieux rose, je me souviens, qui marquait l'Inde, et un autre, profond, pour Bornéo. Et l'Egypte, ocre jaune. J'ai toujours rêvé d'aller dans ces pays. J'y suis allé et j'ai reçu en pleine figure l'éblouissement premier. Pour quelques bistres douteux, des pays sont morts dans mon esprit. Avec ce bagage-là, pas facile d'entrer dans la réalité ! J'y suis entré pourtant, j'ai voyagé, corrigé mes préjugés exagérément subjectifs. Mais les simples cartes coloriées de mon enfance ont quand même déterminé ma connaissance du monde. C'est comme ça que les choses se font.
- MARGUERITE DURAS.- Oui, les mots "lac Baïkal" suffisent presque pour qu'on ait une idée du froid. Au nord d'Irkoutsk, plus d'arbres. Et dans la profondeur de la terre, les mammouths gelés, parfaits. Les phoques sont partout, ils descendent les océans. J'ai la photographie d'une réunion de plusieurs milliers de manchots géants de l'Arctique prise au printemps, je les connais, j'ai lu des articles sur eux, et sur la photo j'en reconnais au moins une vingtaine, souvent je les nomme avec le nom des mes amis, avec celui de mon fils.\
LE PRESIDENT.- Ce qui me frappe aux Etats-Unis, c'est d'abord les territoires immenses à explorer, à exploiter, à cultiver. Vous l'avez constaté, quand on traverse d'est en ouest en avion, de New York à Los Angeles - avec des avions rapides, 900 kilomètres à l'heure -, on vole plus d'une heure au-dessus de terres rouges ou blanches d'un désert que coupe, ici et là, le trait bleu des rivières.. On a le sentiment que la marche vers l'Ouest ne fait que commencer, qu'on est encore à l'aube des temps. Pour les gens d'en-bas, tout pas en avant est comme une conquête. L'esprit de l'homme, au moule d'un horizon sans fin, prend une drôle de dimension. Je devrais éprouver la même impression en Sibérie ou au Nordeste brésilien. Non, c'est tout autre chose.
- MARGUERITE DURAS.- C'est le cinéma de John Ford, c'est pareil, c'est Salt Lake City, Henry Fonda, John Wayne, ces noms, cette nature, cette durée, c'est le cinéma américain. Le western, ce sont les traversées des déserts, ces héros, ce sont ceux de cette solitude, égarés par le silence. Ce cinéma, c'est le cinéma universel.
- LE PRESIDENT.- Remarquez qu'il y a aussi beaucoup de monde et de bruit, des autoroutes, des échangeurs, des villes encombrées, dès qu'on sort du western.
- MARGUERITE DURAS.- J'espère qu'ils laisseront le vide, qu'ils ne bâtiront jamais les déserts ?\
MARGUERITE DURAS `Suite`.- Longtemps je me suis ennuyée en Amérique, parce qu'on pouvait parler de tout, sauf de politique. C'était mortel, souvent. Et c'est à partir de la guerre d'Indochine qu'ils ont, petit à petit, changé, mais très lentement.
- LE PRESIDENT.- J'y ai fait quelques séjours à cette époque. Les étudiants, certains groupes d'intellectuels étaient politisés, ainsi que les minorités opprimées, Noirs, Portoricains. C'était, pour ces derniers, un moyen de s'exprimer, un moyen de mener à bien leur révolte, le seul. Dans les universités, j'ai rencontré, en 1967 et 1968, des jeunes gens très progressistes. Dix ans plus tard, je les ai retrouvés insérés dans l'ordre établi. Ordre établi, ordre des choses. Normal, répondrez-vous. Cela dit, ce sont tout de même ces jeunes qui ont lancé la protestation. On a bougé à San Francisco avant notre Mai 68 à Paris.
- MARGUERITE DURAS.- En 1967 - 1968, les premières manifestations, c'était là en effet.
- LE PRESIDENT.- Leur langage, leur discours était extrémiste, déconnecté des réalités, idéaliste donc, et lourd de reproches à l'égard d'Européens comme nous - y compris les socialistes - qui leur paraissaient trop timorés, trop peu engagés dans les batailles, d'où ils imaginaient que la révolution sortirait, celle de Marcuse, qu'ils faisaient curieusement parler à la façon de son contraire, Marx.
- MARGUERITE DURAS.- Ils vous confondaient avec les communistes, non ?
- LE PRESIDENT.- La société dirigeante confondait. Pas eux, les étudiants.
- MARGUERITE DURAS.- On me croyait encore au Parti communiste parce que, une fois, j'avais été au Parti communiste. Il en était comme d'être noire, pour la vie.
- LE PRESIDENT.- Encore une fois, c'était la liberté qui enflammait l'esprit. Liberté, libération, vieille chanson qu'entendent si bien les coeurs neufs. Le voyage, l'aventure, le départ. Quitter le milieu auquel on appartient, s'enrichir de toutes les images que l'on récolte - simplement en marchant sur la route, Kerouac a symbolisé ce besoin d'aller où vous portent vos pas, d'échapper au convenu ou au définitif et, qui sait ? à la mort. Evasion intellectuelle aussi, à travers l'évasion physique, attrait de l'inconnu, de l'évasion, oui, s'échapper, échapper. A quoi ? Peut-être à soi. On pensera que celui qui cherche à s'évader ne cessera pas de chercher, où qu'il aille, puisqu'il cherche un monde meilleur, ou plutôt un monde différent et que ce monde-là se trouve inévitablement de l'autre côté de l'horizon. Alors, on marche, on marche autant que dure l'espérance. Quelle société politique serait capable de répondre à cette aspiration ? Aucune. La quête est métaphysique et la politique ne donne pas de réponse de ce type. Bon. Mais, puisque aucun système ne pourra satisfaire ceux qu'habite pareil désir, je pense que la démocratie américaine assure au plus grand nombre l'usage d'une liberté vraie, vécue, pratique, et que ce n'est pas si mal, même si cela reste imparfait, très imparfait même.\
LE PRESIDENT `Suite`.- J'ai vu les révoltes de Newark, près de New York, la révolte des Noirs, à la manière de Spartacus. Soudain le coup de colère, on ne supporte plus, on casse tout. Cela aussi doit être su. Les chauffeurs de taxi refusaient d'aller à Harlem. Bien malin celui qui aurait fait la différence, d'une rue à l'autre, à Manhattan, et d'un coup la foule devenait noire, totalement noire. D'une rue à l'autre, en plein New York, dans l'une des villes les plus modernes du monde, on changeait d'époque, de temps, de société.
- MARGUERITE DURAS.- Oui, après Central Park, tout d'un coup, c'était, c'est encore Harlem. La frontière de la couleur de la peau, totale, c'est vrai, au détour d'une rue, la même population, la même densité, mais entièrement noire. La première fois, on ne peut même pas descendre du taxi. Mais depuis, les villes ont cédé, elles se mélangent, il y a des Blanches qui vivent avec des Noirs. L'inverse doit être moins répandu. Mais il y a beaucoup de Noirs qui vivent au Village. La jeunesse a amélioré les choses. Le racisme comme il y a vingt ans a, je crois, disparu enfin c'est ce qu'on voit de l'extérieur.
- LE PRESIDENT.- Le jour où la ségrégation raciale aura cessé de s'identifier à la ségrégation sociale n'est pas encore venu. Et tant que la revendication raciale épousera la revendication sociale, gare au réveil. Même s'il y a des périodes d'apaisement, il sera rude.
- MARGUERITE DURAS.- Maintenant, il y a des universitaires noirs, il y a des candidats à la présidence qui sont noirs. Les maires de Chicago et de pas mal d'autres villes sont noirs.
- LE PRESIDENT.- C'est un progrès, j'en conviens.
- MARGUERITE DURAS.- La femme américaine est-elle plus forte ? Je ne sais pas. Qu'elle soit moins hypocrite, j'en suis persuadée, et plus courageuse. Déjà quand j'étais à New York, je connaissais deux femmes blanches, des intellectuelles, qui avaient choisi d'habiter un quartier complétement black. Mais le pas décisif n'a jamais été fait. Les facteurs restent, qui sont les plus décourageants, et les plus probants, ceux du cinéma : jamais encore dans un film américain, ou même français peut-être, on n'a vu une femme noire embrassée sur la bouche par un homme blanc ou une femme noire et un homme blanc filmés nus dans un lit, en train de s'aimer. Tout est encore là, arrêté là, juste avant cette image qui n'a jamais été filmée. Autour, tout bouge, avance, change, mais cette impossibilité est là, encore entière. Mais il se peut que je me trompe, que des films aient été faits que je n'ai jamais vus.
- LE PRESIDENT.- Allons, cela devrait s'arranger ! La caméra n'est pas si prude !
- MARGUERITE DURAS.- Ce n'est pas ce que vous pensez. C'est un problème d'identification qui a trait au public. On ne peut aller contre le public dans ce domaine de l'image, surtout aller à contre-courant de sa sexualité coutumière même monstrueuse. Dans les livres, oui. Le public lit des choses qu'au cinéma il refuserait. C'est par le livre que la forteresse sera minée.\
LE PRESIDENT.- New York est l'une des villes que je préfère parmi celles que je connais. Par sa poésie. Sa puissance et sa poésie. Je ne m'en suis pas dépris. Un jour que je me promenais à petite distance de New York, dans les premiers abords de la campagne, je me souviens d'avoir levé des canards sauvages, d'avoir vu ces canards sauvages se découper sur le fond des gratte-ciel. La vie originelle pénétrait d'un battement d'ailes dans la ville inventée par les hommes.
- MARGUERITE DURAS.- L'Hudson, c'est un fleuve qui se jette littéralement dans la mer, aussi rapide que le Rhône, sauvage. Une fois noyé dans la mer, on le voit encore. Une grande flaque étale, un lac. Vous parlez de New York surtout. l'île était là, Manhattan, une dalle de pierre toute prête, un socle rocheux comme il ne doit pas y en avoir même en Grèce. Ca a été une chance fantastique pour les arrivants, ils ont pu construire, tout de suite, sans risque aucun. Les fleuves étaient là, l'Hudson et même Harlem River qui protégeaient l'île. Manhattan c'est l'Ile de la Cité à Paris, mais de 27 km de long.
- LE PRESIDENT.- Je regrette qu'elle ait cessé de s'appeler Nouvelle Angoulême. C'était son premier nom, Nouvelle Angoulême, un beau nom, doux et fort, celui de mon (presque) pays. Ensuite ça a été Nouvelle Amsterdam, puis New York. Il suffit d'évoquer ces trois noms pour raconter les immigrations successives et les premiers rapports de puissance dans ce monde, qui n'était pas né. J'ai rencontré à Williamsburg, des cuisiniers français - qui avaient été recrutés pour venir préparer un repas. Ces cuisiniers venaient de la Nouvelle-Orléans, des Cajuns, et parmi eux, il y avait des descendants des Acadiens, c'est-à-dire de la première présence française au Canada. Et l'un des cuisiniers m'a raconté - ça date d'il y a trois ans - que son père, qui vivait encore, n'avait jamais appris l'anglais £ qu'il parlait une langue peu compréhensible, qui si on prêtait bien l'oreille, se révélait être du français.
- MARGUERITE DURAS.- A Chinatown, beaucoup de Chinois ne parlent que le chinois.
- LE PRESIDENT.- Là, ça se comprend davantage, les chinatowns sont de vraies villes, à elle seules. Quand j'étais enfant, pour moi, Paris, c'était à la fois la Tour Eiffel, le Sacré-Coeur, les Invalides, Notre-Dame, l'Arc de Triomphe, quelque chose comme ça. J'avais une tante, soeur de mon père, qui vivait à Paris depuis quarante ans et qui me disait qu'elle n'était jamais allée dans aucun de ces endroits-là. Il fallait un événement extraordinaire - un deuil par exemple - pour qu'elle sorte du 13ème arrondissement où elle vivait. J'ai compris ça ensuite, à travers ma propre vie. L'autre jour, j'y pensais : depuis combien de temps ne suis-je pas allé à Belleville ? au Château d'eau ? depuis combien d'années ? et rue des Pyrénées ? Je me découvre casanier. Bien des Chinois de Chinatown ne sont peut-être jamais allés de l'autre côté de la ville, du côté blanc, je veux dire dans le 14ème !.\
MARGUERITE DURAS.- Vous avez vu Paris à quel âge, vous ?
- LE PRESIDENT.- Pour l'Exposition coloniale, en 1931, j'avais quatorze ans.
- MARGUERITE DURAS.- Moi à dix-sept ans. Vos études, vous les avez faites où ?
- LE PRESIDENT.- Au collège Saint-Paul d'Angoulême, Charente. Etudes universitaires à Paris.
- MARGUERITE DURAS.- Moi, collège Chasseloup Laubat, Saïgon, études universitaires à Paris. Il y a dans votre existence quelque chose qui m'a toujours intriguée, dont vous ne parlez pas d'ailleurs, ce sont vos soeurs, vos quatre soeurs.
- LE PRESIDENT.- Nous sommes huit frères et soeurs. Quatre soeurs et quatre frères, et nous nous voyons souvent.
- MARGUERITE DURAS.- Ca fait des enfances merveilleuses. Je le dis souvent et je le pense de plus en plus : les familles, c'est génial.
- LE PRESIDENT.- Ne découvrez pas le Pérou. En tout cas, j'en garde de très forts souvenirs. Les premières déchirures ont été la vente d'une maison, celle que nous habitions, et puis la mort - en peu d'années, de ma mère, de mes grands-parents maternels, de mon père, la cellule, notre cellule familiale éclatée, notre univers. Ils n'ont été là que pendant un court passage de ma vie, et pourtant j'ai l'impression, à l'approche des soixante-dix ans, d'avoir vécu ma vie entière avec eux. On était bâti pour l'éternité, quoi. Quant à mes frères et soeurs, ils sont tous vivants. Ils sont ma permanence. Malgré une guerre et pas mal d'autres choses, les balles sont passées à côté.
- MARGUERITE DURAS.- Ils sont tous en province ?
- LE PRESIDENT.- Ma soeur aînée est en Ardèche, ma soeur cadette dans la Drôme, et mon dernier frère en Charente. Les autres sont à Paris. Tous mariés, des enfants, des petits-enfants et même des arrière-petits-enfants.
- MARGUERITE DURAS.- Ca ferait un village.
- LE PRESIDENT.- Je le reçois, ce village, une fois par an, ici, une centaine de personnes, seulement pour les plus proches. Si on faisait venir le degré d'après, il faudrait la salle d'honneur, là-bas.\
LE PRESIDENT.- Mais vous étiez venue me voir pour me parler de l'Amérique et nous voici rentrés aux bords de la Charente - d'où sont partis, au demeurant, bien des pionniers d'outre-Atlantique.
- MARGUERITE DURAS.- C'est le pays qui, pour ma part, m'est le plus proche. Presque à égalité avec la France, mais je n'y ai jamais vécu.
- LE PRESIDENT.- J'y serais bien dépaysé.
- MARGUERITE DURAS.- Mais on ne vit jamais avec une ville, on vit avec des gens. Si on connaît trois personnes à New York, on est sauvé. N'y connaître personne, c'est se suicider. Moi j'aime l'Amérique. Je suis reaganienne. Vous ne vous en seriez pas douté ?
- LE PRESIDENT.- Je crois m'en être aperçu ! J'ai de la sympathie pour l'homme Reagan, moins pour sa politique. Si on laisse cette appréciation dans "votre journal" et si jamais il devait la connaître, il ne serait pas étonné.
- MARGUERITE DURAS.- On la laissera, ça, on verra bien. Je crois qu'il incarne une sorte de pouvoir primaire, presque archaïque. Ce n'est pas avec une intelligence immédiate, c'est avec une intelligence qui est passée au crible du bon sens, qui s'est alourdie de bon sens, qu'il dirige. Primaire oui, presque. Mais je suis d'accord avec ça. Parce qu'il ne cherche pas autre chose que d'être d'accord avec ça. Parce qu'il ne cherche pas autre chose que d'être en accord avec ce peuple. Il n'a pas les mêmes problèmes qu'ici.
- LE PRESIDENT.- Ron Reagan n'est pas seulement président des Etats-Unis. Il est à la tête du plus puissant empire du monde.
- MARGUERITE DURAS.- Heureusement pour nous, Dieu soit loué. C'est curieux, il se méfie de l'URSS comme un vieux membre du PC européen. Tout à coup, il a vu qui étaient ces gens, et jamais il ne reviendra sur cette connaissance. C'est ça, la grande vertu de la simplicité. On y est lent mais quand on y apprend quelque chose, c'est pour toujours. Moi, à la place de Kadhafi, je dormirais dans mon bunker. Au fait, vous avez vu comme sa tente est solide, trois immeubles ont été détruits autour mais la tente est indemne.
- LE PRESIDENT.- Un coup de main à La Grenade, un bombardement à Tripoli, c'est à la portée d'un empire. Ce n'est pas forcément ce qu'on attend de lui.
- MARGUERITE DURAS.- Je ne veux pas continuer sur La Grenade, je ne suis pas d'accord avec vous et on n'en finirait pas. Je trouve que Reagan n'abuse pas de sa force. Il veut tuer Kadhafi comme tous les gens qui sont simples et lents après qu'on les a trompés soixante-dix fois. Mais à part ça, il n'abuse plus, presque plus.
- LE PRESIDENT.- Tripoli a l'air de penser autrement.
- MARGUERITE DURAS.- Ca fait moins de mal, moins de morts que tous les attentats produits par ce "producteur de cinéma".\
LE PRESIDENT.- Je suis comme vous un ami de l'Amérique, un ami des Américains et, bien que mes conceptions politiques soient très distantes de celles des dirigeants actuels, j'entretiens avec eux de bonnes relations. Non pas simplement par convenances diplomatiques, mais parce que je crois comprendre assez bien leur comportement. Et puis je me rends compte du rôle décisif que remplissent les Etats-Unis - quels que soient leurs défauts ou leurs foucades - pour la sauvegarde d'un certain mode de vie auquel, finalement, je tiens. Mais je suis d'abord fils et serviteur de la France, européen à tout crin, il ne faut pas que les Américains l'oublient. Or, il leur arrive de l'oublier et de s'en plaindre. Ce n'est pas logique. Mais passons, et admettons que dans un pays aussi ouvert aux libertés que le sont les Etats-Unis, on butte aussi sur de graves inégalités. Certains statisticiens dénombrent trente-cinq millions de pauvres gens. De quoi peupler l'Espagne. Je ne doute pas que le président Reagan s'en préoccupe et qu'il en souffre. C'est le système qui est en cause.
- MARGUERITE DURAS.- Le système, et l'homme, je dirais. Je ne compte plus comme ça. J'ai écrit dans un livre que "... l'homme socialiste est resté un homme secouru, asservi à son passé... de telle sorte que l'état de rassasiement est devenu ici une indigence pareillement à la misère qui la précédait... " (in "L'Eté 80", éditions de Minuit). Excusez-moi. Je crois que la pauvreté peut aussi être un phénomène de liberté, un choix. Je ne crois pas que ces trente-cinq millions de pauvres gens, d'Américains pauvres plutôt, troqueraient leur liberté contre le statut d'une pauvreté assistée à la façon soviétique, nourrie, logée, contrôlée, qui supprimerait le voyage, l'errance.\
MARGUERITE DURAS `Suite`.- C'est du point de vue du pouvoir que Reagan m'intéresse. Il ne fait pas montre de son pouvoir en soi, ni d'une idéologie politique même sommaire. Son comportement est directement accessible. Il ne parle pas, Reagan, il explique ce qu'il veut faire. Ici, ces temps-ci, on assiste à un abus de langage, indigne, à la Chambre `Assemblée nationale` en particulier. Quand le langage politique témoigne à ce point de l'ignorance de la portée des mots, il devient insupportable. Alors à côté de ce langage-là, le langage de Reagan, c'est comme la campagne.
- LE PRESIDENT.- Je ne suis pas un donneur de leçons. Il y en a tant à recevoir ! Mais l'impropriété du langage n'est pas spécifiquement un mal français !
- MARGUERITE DURAS.- Non. Vos précautions ne sont pas oratoires, elles expriment ce que vous pensez réellement. Et elles me permettent, à moi, d'avoir l'avis que j'ai. Mais vous pourriez, par exemple, vous qui êtes le roi dans ce domaine-là, dire quelque chose du rapport du langage et de la politique.
- LE PRESIDENT.- L'adéquation du langage de Ronald Reagan à la réalité du peuple américain est très grande. Et je comprends ce que vous voulez dire par "primaire" : comme l'est un roc en Morvan, comme la vérité toute crue, comme une étendue du Névada. Tout cela compose un langage. Mais le problème est de savoir si l'état auquel ce langage adhère est souhaitable. La discussion commence là. Une fois qu'on a admiré l'adaptation du langage à l'état qu'il veut exprimer, il reste à s'intéresser à l'état lui-même. Est-ce que cet état, je le répète, est souhaitable ? Je préfère cette question.
- MARGUERITE DURAS.- Mais sans cet état-là vous n'aurez pas ce langage-là. Moi c'est à partir de là que je refuse votre question. Vous essayez de m'amener sur votre terrain, et comme je suis aussi têtue que vous, je n'y vais pas. L'impérialisme américain vous laisse quand même libre de faire l'Europe, même s'il vous complique la tâche. Je crois que vous serez d'accord : il vaut mieux que les difficultés vous arrivent de ce côté-là plutôt que de l'autre.
- LE PRESIDENT.- On peut jouer avec les mots, Etat, état. Epouser la réalité d'aujourd'hui et s'en tenir là conduit à nier celle de demain. Cela vaut pour la société, la culture, l'art. Le langage d'un créateur appartient déjà à demain, à ce qui bouge, à ce qui change. Dira-t-on qu'il n'est pas adéquat ? De même, s'il s'agit du langage de l'Etat, son rôle est-il de couper la tête à toute idée, à tout mot qui dépasse ? Non, il est d'accompagner le mouvement, parfois de le précéder. On le critiquera en soutenant qu'il n'est pas adéquat. Mais il remplira la fonction dévolue à qui représente à la fois le présent et le devenir d'un peuple.\
MARGUERITE DURAS.- Je crois que le devenir d'une nation, d'un peuple, tout comme le devenir d'un individu se fait surtout à l'insu de ce peuple, de cet individu. Je crois que la portée de la création, son sens, échappe au créateur, surtout quand il croit le dominer. Qu'il n'y a que l'art qui subsiste à tous les changements sociaux, politiques. Et j'en reviens au raid sur la Libye de Reagan. Reagan parle le langage traditionnel de l'Amérique. Il ne peut ni parler ni agir comme un chef d'Etat européen. On peut faire du mal à l'Amérique, mais on ne peut pas la détruire. Nous, si. Les Américains ont un sens religieux de leur histoire. Ils sont essentiellement dans le respect presque superstitieux de la tradition. Quand ils vont sur la Lune, ils parlent de leur exploit comme Franklin l'aurait fait si ça s'était passé sous sa présidence. Ce sont ses gens qui le font, qui détaillent son actualité, qui lui font ses dossiers, comme vous le disiez, plus que partout ailleurs. Mais, pour la Libye, Reagan est sans intermédiaire entre lui et son peuple. Peut-être que cette simplicité de Reagan qui ne veut pas s'égarer dans des considérations plus universelles sur la finalité de l'Etat, sur son rôle, etc., elle vient de cette nouvelle peur préhistorique devant l'Etat stalinien. Il n'y a que ça qui compte, en ce moment, pour les Américains. Et cette peur est celle du monde entier, ne faisons pas les hypocrites.
- LE PRESIDENT.- On ne bâtit rien sur la peur. Ce que j'attends de la France, c'est qu'elle n'ait pas peur du lendemain, ni de la science, ni de la pensée, ni des formes, c'est qu'elle ose, et qu'elle persévère dans son goût des considérations universelles, qu'elle s'interroge sur les autres, sur elle-même. Cela n'interdit ni les idées ni les mots, ni les actes du quotidien. Au contraire.
- MARGUERITE DURAS.- Je crois qu'on peut être tranquille sur ce point : les raisons d'avoir peur se multiplieront à ce point que la mort elle-même en sera défigurée. Reagan fait du Reagan, sa praxis, c'est : la politique au jour le jour. Il ne veut pas se distraire de ce qu'il a entrepris, c'est-à-dire la défense de l'Amérique et celle, de ce fait, du reste du monde. Des Américains sont tués, par une bombe, à Berlin, il va bombarder Tripoli. On arrive à une phase de sacralisation du citoyen américain, de l'américanisme. C'est peut-être seulement maintenant que les Américains cessent de souffrir de ce complexe que l'Europe leur a donné petit à petit, celui de la honte capitale, celle du capitalisme, eu égard surtout à la misère des pays latins européens. Je me trompe encore vous croyez ?
- LE PRESIDENT.- Les Américains ont de quoi être fiers de leur histoire et fiers d'eux-mêmes. Mais on ne bombarde pas Tripoli pour se délivrer d'un complexe. Votre explication ne me suffit pas. Je vous accorde qu'après le Watergate et les provocations de Kadhafi, ils avaient besoin de trouver confiance en eux. A cet égard, Ronald Reagan remplit parfaitement son contrat.
- MARGUERITE DURAS.- Ils se délivrent aussi de la réputation qu'ils avaient dans le monde, et en particulier en Europe. Si vous voulez, ça a été une contre-Europe, la Californie. Seulement ils s'en sont également sauvés, de la Californie. Parce que ce n'est pas le ciel bleu qu'ils cherchent, la belle vie. Ils n'y sont pas restés. Et c'est en Europe que l'intelligence revient, dans les capitales surtout.
- LE PRESIDENT.- Carter, qui a été bien meilleur président qu'on ne croit, symbolise aux yeux des Américains ce qu'il ne faut pas faire. Il leur a laissé le sentiment d'être hésitant et de douter. Ronald Reagan traduit mieux sa foi dans ses actes.
- MARGUERITE DURAS.- Il y a quelque chose comme ça. C'est une des clés de Reagan. Evidemment, c'est simple. Mais pas forcément antipathique.
- LE PRESIDENT.- Pas forcément. Et même sympathique.\
MARGUERITE DURAS.- Il y a quinze ans, mon éditeur m'a offert la traversée de l'Amérique dans le "Zephyrian Train". Un train avec sur le dessus des terrasses vitrées, il partait ou de New York ou de Chicago, je ne sais plus, et il arrivait à San Francisco. Je ne sais pas si ce train existe toujours. On disait à ce moment-là que c'était un train de voyage de noces et de retraités, qui autrement ne servait plus à rien. Dans les montagnes Rocheuses, il allait si lentement que les écoliers le prenaient en marche. A l'arrière de ce train, il y avait un grand salon ouvert avec des bastingages pour regarder le paysage. Il s'arrêtait à Sacramento, la ville où Chaplin a tourné la "Ruée vers l'or".
- LE PRESIDENT.- J'en rêve. Et du train, et de cette Amérique-là, et du temps pour le faire.
- MARGUERITE DURAS.- Le voyage durait trois jours et demi. Un jour entier de maïs. Un jour de blé. Et puis les déserts. Et puis les montagnes - à la crémaillère sans doute. L'idée que ce train est peut-être supprimé, c'est triste.
- LE PRESIDENT.- Je connais Salt Lake City. Un pays à réinventer l'homme. Et Dieu. La terre oblige à regarder le ciel. On y comprend tout à fait les Mormons. Pas loin de là la Vallée de la Mort vous invite. De la moindre hauteur, on surplombe sa vie. Ailleurs, un choc pour moi : le Grand Canyon. Le Grand Canyon, parlons comme une carte postale, par un jour de belle lumière, je n'ai rien vu de plus beau.
- MARGUERITE DURAS.- Extraordinaire, plutôt que beau, non ?
- LE PRESIDENT.- Extraordinaire, oui. Et si beau. Mais je vois ce que vous voulez dire. La beauté majeure de votre traversée, c'était, j'imagine, la beauté quotidienne quand le quotidien est grandeur. Mais n'ignorons pas les petites choses. Au Grand Canyon, comme tout le monde, j'ai logé à l'hôtel - lequel hôtel était une sorte de faux ranch, sympathique, chaleureux. Et, comme tous les touristes, j'ai acheté des souvenirs. Une canne, en particulier. J'ai un peu la manie des cannes. Quand je me promène à la campagne, j'ai toujours une canne à la main £ je n'en ai pas besoin, je ne suis pas encore bancal, mais ça me distrait, je la tourne avec le poignet, quand il y a des ronces je les écarte, quand j'ai mes chiens je les guide mieux. Et puis une canne, c'est un ami. J'ai donc acheté une canne sculptée par les Indiens, avec des serpents, des totems. Et je l'ai ramenée, précieusement. Ce n'était pas un objet rare, puisque ça se vendait comme ça. Mais j'y tenais. Et puis un jour à Paris, chez moi, j'ai joué avec ma canne, comme ça, et mon regard s'est fixé sur une petite inscription : made in Taïwan. Une bonne leçon sur l'exotisme ! Une bonne leçon d'économie ! Que fabrique-t-on au Grand Canyon ? Au pays de la NASA, des prix Nobel, des organes artificiels, ou de la biologie fondamentale ! J'aime penser à ce contraste.\