16 avril 2016 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les défis du Liban et sur les relations franco-libanaises, à Beyrouth le 16 avril 2016.


Messieurs les Présidents,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames, messieurs les Ministres,
Mesdames, messieurs les Parlementaires,
Chers Amis,
Je suis heureux de vous recevoir ici, à la Résidence des Pins si connue pour les évènements historiques qui s'y sont produits. Je vous remercie d'être venus à notre invitation, tous, sans distinction, avec la même volonté de saluer l'amitié entre le Liban et la France.
Il y a en effet entre nous des liens solides qui remontent à loin et qui, de génération en génération, se transmettent comme pour bien montrer que les épreuves ne peuvent en aucune façon altérer la relation entre nos deux pays.
Vous savez l'attention que la France porte au Liban. Elle se tient à ses côtés dans toutes les circonstances parce que la France est consciente de ce que le Liban représente et aussi parce que le Liban est un pays plus grand que lui-même si j'en juge aussi par le nombre de Libanais qui vivent hors du Liban. Aussi, chaque fois que votre pays est menacé, le monde doit se sentir concerné et la France, mobilisée. Quand elle s'engage pour le Liban, la France le fait sans arrière-pensées, sans calcul dans le seul souci, le seul objectif de lui être utile.
J'avais effectué ma première visite officielle au Liban le 4 novembre 2012. Je venais d'être élu Président de la République et le Président SLEIMANE m'avait accueilli. C'était mon premier déplacement au Moyen-Orient comme chef de l'Etat et je tenais à commencer par le Liban.
Je reviens aujourd'hui dans un contexte qui s'est encore alourdi puisque votre région traverse une période particulièrement sombre, pleine de souffrances, de tragédies avec le terrorisme, avec les violences contre les civils, avec des déplacements massifs de population et avec des crimes contre l'humanité. Le Liban en est directement affecté. Il l'est dans sa sécurité, dans son fonctionnement institutionnel, dans sa vitalité économique comme dans sa cohésion sociale - je pense notamment au fardeau que représente le poids des réfugiés. La solidarité dont vous avez fait preuve une fois encore, peut être soulignée par la communauté internationale.
Vous avez montré depuis plusieurs années, face à tous ces périls une belle capacité de résistance et une grande leçon de vie. Le Liban, c'est vrai, tire sa force de l'apaisement de ces dernières années après les déchirements qui avaient endeuillé tant de familles libanaises. Mais la résistance ne suffit pas. La capacité de résilience non plus. Quand la crise se prolonge, que les difficultés s'accumulent, il y a des défis sans cesse plus élevés à relever.
Le premier de ces défis est institutionnel. Je pense au blocage actuel qui prive le Liban, depuis près de deux ans, d'un Président de la République. Le plus grand danger serait de se résigner à la vacance à la tête de l'Etat et de s'en remettre ou au temps qui, finalement, n'est jamais la solution £ ou bien à l'extérieur, qui peut parfois être la pire des solutions. Je souhaite donc que les partis libanais parviennent à un compromis qui permette d'élire un Président de la République, de former un gouvernement et de procéder rapidement à des élections législatives pour que chacun puisse être justement représenté.
La France n'a qu'un seul candidat, qu'un seul agenda, qu'une seule ambition : c'est le Liban. Nous n'avons comme volonté que d'aider le Liban et en aucune manière d'interférer dans la vie du peuple libanais et de ses représentants.
Mais nous voulons faire davantage car quand un ami est en difficulté, notre premier devoir c'est de lui permettre de garder sa vitalité économique - je salue ici de nombreux chefs d'entreprise qui, en France comme au Liban, contribuent à l'animation de nos échanges. Nous avons voulu à travers l'Agence Française de Développement permettre au Liban d'accéder à des financements mais pour que notre concours puisse être effectif, il doit être approuvé par le gouvernement libanais - c'est le cas - et ratifié par le Parlement - ce qui suppose encore un effort. Et je sais là aussi pouvoir compter sur l'esprit de responsabilité de chacun pour que les accords que nous pouvons passer puissent le plus souvent être traduits dans la réalité.
Le second défi est sécuritaire. Le Liban a la guerre à ses portes et il a payé lui-même un lourd tribut au terrorisme. Beyrouth a été frappée la veille même des attentats de Paris. Vous, c'était le 12, nous c'était le 13. Beaucoup de Libanais ont alors craint pour la France au moment même où ils étaient frappés et où ils pouvaient s'inquiéter d'abord d'eux-mêmes. Je remercie l'ensemble du peuple libanais pour la solidarité qu'il a manifestée après les attentats de Paris. Le fait que ce pays, qui a souffert autant, ait eu cette attitude, ce geste de solidarité nous a beaucoup touchés.
Je sais aussi que le Liban doit se défendre et j'ai une pensée particulière pour l'armée libanaise dont les soldats assument courageusement leur mission de protection du Liban. La France, je le réaffirme ici comme je l'ai fait auprès des autorités libanaises, poursuivra sa coopération et fournira très vite de nouveaux équipements dès lors qu'ils sont demandés par le Liban.
La stabilité de votre pays dépend aussi du règlement de la crise syrienne. Les négociations s'ouvrent. Une trêve a été proclamée. Elle est pour l'essentiel respectée même s'il y a des manquements. La solution, nous la connaissons. C'est une fois encore, l'union des Syriens contre l'extrémisme mais aussi la volonté de ne pas accepter ce qui a été fait et qui est intolérable. Le moyen d'y parvenir, c'est de négocier dans le cadre fixé par le Conseil de sécurité pour engager la transition politique. Nous y travaillons et la France fera ce qu'elle doit faire pour que, avec ses partenaires, avec ses amis, parfois même avec un certain nombre de pays qui sont essentiels pour la conclusion de cet accord, nous puissions arriver à ce résultat.
Enfin, il y a la question des réfugiés. Le Liban, je l'ai dit, fait plus qu'il ne devrait en accueillant sur son sol plus d'un million et demi de réfugiés, l'équivalent du tiers de sa population. Une telle proportion n'existe nulle part ailleurs et je veux ici le souligner. Alors là encore, la France a décidé de soutenir le Liban. J'ai dégagé avec le gouvernement de Manuel VALLS, cent millions d'euros supplémentaires, pour que vous puissiez assurer les conséquences de la crise syrienne. Cinquante millions d'euros seront débloqués dès cette année. Mais là encore, il ne s'agit pas simplement d'émettre des financements pour être finalement en paix avec notre conscience. J'ai pris des engagements au niveau européen, je les rappelle ici, et je ferai en sorte qu'il puisse y avoir des réinstallations de réfugiés qui sont aujourd'hui au Liban, vers la France. En plus de ce que nous avons fait, deux mille réfugiés seront lors des deux prochaines années, réinstallés en France. Mais il faut aussi faire clairement apparaître notre objectif : que les réfugiés puissent revenir chez eux dès que les conditions de sécurité le permettront car il est clair que la solution ne peut pas être l'implantation au Liban.
Messieurs les Présidents, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les membres du gouvernement, du Parlement, je voulais aussi souligner ce qu'est la relation entre la France et le Liban au-delà des épreuves, au-delà des défis, au-delà des exigences que nous avons portés. C'est une relation qui s'enrichit par la culture et nous avons cette chance d'avoir une présence artistique et intellectuelle exceptionnelle de Libanais en France dans la mode, dans la musique, dans la littérature, dans le théâtre. Je pourrais en citer de nombreux Amin MAALOUF, Salah STETIE, Wajdi MOUAWAD que nous venons de nommer dans un de nos plus grands théâtres, mais aussi Etel ADNAN, la grande poétesse et peintre à qui l'Institut du Monde Arabe va consacrer une exposition en octobre - Jack LANG est là. Je pourrais aussi citer Ali CHAHROUR, grand chorégraphe, dont deux spectacles seront présentés au prochain Festival d'Avignon. Je dis ça parce que beaucoup de Libanais vont venir ou à Paris ou en Avignon pour porter leur fierté auprès de ces artistes.
Mais je veux également souligner ce qu'est le grand Salon du livre francophone à Beyrouth qui se tiendra en novembre prochain. C'est un des plus importants au monde et là encore, je pense que c'est une fierté commune que nous pouvons partager.
Enfin, je l'ai dit, il y a de grandes entreprises, il y a des acteurs économiques qui contribuent également à nouer entre la France et le Liban des liens très importants. Voilà pourquoi, au-delà des élans du cur, au-delà de l'histoire, au-delà de l'amitié que nous pouvons nous porter les uns les autres, la France ressent une responsabilité particulière vis-à-vis des Libanais. Je vous l'affirme ici, la France sera toujours à vos côtés parce qu'elle sait que dans l'épreuve mais également dans la joie et la culture d'une langue partagée, vous, les Libanais, vous êtes toujours avec la France.
Merci.