17 septembre 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les formations au numérique, à Paris le 17 septembre 2015.

Mesdames, Messieurs les Ministres £
Messieurs les Rapporteurs £
Mesdames, Messieurs qui avez participé à l'élaboration de ce rapport et Mesdames, Messieurs qui êtes venus occuper ce lieu £
L'hôtel Marigny, qui en avait connu beaucoup, parfois des chefs d'État même qui avaient campé ici à une époque mais aujourd'hui, c'est vous qui avez campé puisque l'on me dit que vous êtes installés déjà depuis plusieurs heures, que vous pourrez même y passer la nuit et vous êtes en train d'inventer un certain nombre de projets, de créations qui n'appartiennent qu'à vous et qui seront bientôt proposées à tous.
Je voulais donc vous remercier d'avoir donné aussi cette illustration parce que la France veut être un pays numérique. Vous allez me dire, c'est bien légitime. Le numérique est partout, il n'a pas de frontières et il ne dépend pas d'un État ou d'un Gouvernement de décider ce qui sera numérique ou ce qui ne le sera pas. C'est plutôt même le contraire, c'est le numérique qui s'impose aux États. Parfois pour la bonne cause quand il s'agit de faire passer des valeurs, des principes, des droits, des exigences et cela peut même provoquer des révolutions. Parfois avec tous les abus que le numérique peut également comporter.
Mais ce que nous voulions, c'est mettre la France en avance et faire en sorte qu'elle puisse être à la hauteur de ce grand enjeu du digital et du numérique. Alors nous avons toutes les preuves grâce aux entreprises que nous pouvons être en avance. Quand il s'agit d'évoquer des aventures d'entreprises, on a toujours une liste qui comporte pour chacune des initiatives : un Français : EBAY, DEEZER et de nombreuses start-up, encore aujourd'hui BLABLACAR qui a su lever des millions de dollars pour financer son développement.
Ce qui existe au niveau des entreprises doit exister au niveau de toute la société parce que l'on sait que l'ensemble de nos modes de consommation, de modes de communication, parfois même nos modes de production vont dépendre du numérique. Les plus jeunes ont intégré le numérique avant même que l'on ne leur ait donné l'autorisation parce que cela fait partie déjà de leur vie. Ce qui pose forcément un défi considérable à l'Éducation nationale qui voudrait tout organiser et qui voudrait que le savoir ne passe que par les professeurs, et c'est bien légitime. En même temps, il y a toutes ces informations qui circulent, parfois bonnes, parfois mauvaises, parfois tronquées. Le rôle de l'Éducation nationale n'est pas d'endiguer, n'est pas de fermer, mais d'ouvrir et, en même temps, d'analyser et de donner une explication, une compréhension et une formation.
Nous y voilà, une formation. Tout doit normalement passer par l'école mais il y a ceux qui sont sortis de l'école déjà depuis des années. Il y en a qui n'auront pas forcément dans l'école ce qu'ils attendent et qui, néanmoins, se sont convaincus que leur avenir pouvait passer par le numérique. Puis, il y a et cela a été très bien dit les besoins de l'économie numérique qui ne trouvent pas nécessairement une offre correspondante du côté des systèmes actuels de formation.
Le Gouvernement a pris déjà depuis trois ans un certain nombre de dispositions pour accompagner l'économie numérique. D'abord, il y a eu la nécessité de mettre en place des réseaux de haut débit, très haut débit, le plan que nous poursuivons avec Axelle LEMAIRE pour que tous les territoires puissent être desservis. Nous appelons les opérateurs à faire leur devoir. Sans qu'ils aient forcément de ressources pour le faire, nous pensons qu'ils ont néanmoins la vision qui leur permet de le faire parce que c'est leur intérêt aussi. En même temps, cela correspond également à la mission de grandes entreprises qui sont les opérateurs et qui pourront offrir demain de nouveaux services.
Il y a ce que nous avons voulu dans l'industrie du futur où le numérique, forcément, trouve sa place. Dans les plans que le ministre MACRON propose, il y a l'industrie de la donnée, la confiance numérique, les objets connectés, intelligents. Il y a à l'école le Plan Numérique de la ministre Najat VALLAUD-BELKACEM. Et là, cela va commencer dès cette année : 600 écoles, collèges. Puis cela va se généraliser à la rentrée 2016. Il y a la French Tech que nous portons partout dans le monde et aussi en France avec des territoires qui sont maintenant labellisés. Il y manquait une pièce, une pièce essentielle, une école du numérique.
Alors c'est vrai que je comprends votre réticence. Grande école, cela donne l'impression que c'est pour quelques-uns, que c'est sélectif, que c'est une fois encore ceux qui ont suivi des études longues qui pourront y entrer, ceux qui connaissent, ceux qui sont dans des filières. Grande école, cela suppose qu'il y ait un lieu, un établissement, un équipement prestigieux. En même temps, l'Hôtel Marigny peut être cette grande école ! Grande école, cela donne le sentiment que c'est forcément une école unique alors que c'est et vous l'avez démontré dans le rapport tout le contraire que nous allons proposer, que vous allez proposer et que nous allons traduire.
Une école grande parce qu'elle est ouverte à tous. Une école qui est partout sur le territoire dès lors que les centres de formation seront labellisés, reconnus. Une école qui ne demande pas de diplôme pour y entrer mais qui en fournit un à la sortie. Une école qui comporte des enseignants, des formateurs qui peuvent avoir de multiples statuts : certains enseignants de l'Éducation nationale, de l'université, d'autres qui sont des formateurs, d'autres qui sont des entrepreneurs, d'autres qui sont simplement des utilisateurs mais qui ont déjà fait leurs preuves et qui veulent accompagner les autres.
Une grande école du numérique parce qu'il faut que nous ayons beaucoup plus de jeunes et de moins jeunes qui puissent être formés à ces technologies. On me dira : « Mais faut-il une formation pour utiliser le numérique ? » Sûrement pas ! Mais pour être des acteurs du numérique, nécessairement ! La formule est venue lorsque nous avons voulu un Plan Numérique à l'école : lire, écrire, compter et on a ajouté coder parce que c'était finalement ce qui était demandé aussi pour que les jeunes puissent être eux-mêmes capables de créer, de programmer, d'inventer. S'ils ne le peuvent pas, alors ils seront simplement des consommateurs, des utilisateurs et, à un moment, finalement, des manipulés du système. Ils doivent en être eux-mêmes les maîtres. C'est ce que nous voulons faire.
Nous ne partons pas de rien. Il y a toujours une tentation en France, c'est de considérer que tant qu'il n'y a pas un label, une reconnaissance, il n'y a rien. Il y a déjà eu beaucoup de choses en matière de formation du numérique, on ne nous a pas attendus ! D'abord, dans le monde associatif, SIMPLON qui, à Montreuil, fait beaucoup pour la diffusion et la formation du numérique. Il y a aussi COLUMBUS, WEBFORCE3, l'école 42, l'université de Haute-Alsace 4.0. Il y a déjà plein d'initiatives de toutes sortes qui ont émergé ! Nous voulons les rassembler, les réunir, pas les fusionner, je ne veux inquiéter personne. Mais qu'il y ait un réseau pour le numérique, c'est bien le moins, que de faire du réseau, qu'il y ait aussi un certain nombre de conditions et je veux les rappeler ici.
Je l'ai dit, pas de conditions pour accéder à cette grande école liée à un diplôme. La seule motivation doit être le critère. Il y en a qui pourront être diplômés du supérieur ou n'avoir aucun diplôme. Deuxième critère, la liberté, c'est-à-dire que dans cette grande école, il y ait des pédagogies qui puissent être différenciées, que ce ne soit pas le même programme qui puisse être dispens. Nous croyons aux programmes. Parfois même, il faut les rénover, les programmes. Nous croyons à la nécessité d'une certaine unité. Cela, c'est pour l'Éducation nationale. Mais là, pour cette grande école, c'est la liberté qui doit l'emporter.
Néanmoins, il faut qu'il y ait une exigence de qualité et que les formations soient de durées différentes trois mois pour certains, deux ans pour d'autres et que l'objectif parce que c'est cela qui compte , ce soit l'emploi et que nous devons nous dire que tous ceux qui passeront dans ces écoles du numérique rassemblées dans la grande figure qui nous sera proposée seront des élèves, des apprenants qui iront vers l'emploi. L'emploi qu'ils créeront eux-mêmes, l'emploi qui leur sera proposé par toutes sortes d'acteurs économiques.
Alors, pour que ce soit crédible, il faut que les formations puissent être reconnues par une labellisation sur la base d'un cahier des charges, par les entreprises qui doivent savoir si les uns et les autres sont passés par la grande école du numérique. Enfin, il faut que les formations soient inscrites -c'est l'administration qui le veut- Madame la ministre du Travail et de l'Emploi, parce que cela sera valorisé dans les conventions collectives comme nous allons relancer les négociations collectives. Et donc, que les métiers du numérique vont surgir et qu'il est très important d'ailleurs de les anticiper. Parfois, des métiers vont disparaître, d'autres vont être créés. On inscrira, donc, ces formations au répertoire national des certifications professionnelles.
Ce que nous avons voulu et que le rapport nous conduit également à retenir, c'est qu'il doit y avoir un très grand lien entre l'école, la grande école et les entreprises, les petites comme les grandes, que le monde de l'entreprise soit très présent dans cette grande école, mais qui n'est pas non plus une grande école qui serait soumise aux entreprises. C'est l'intérêt des entreprises que d'y venir et de faire confiance. Il y a donc une mission de préfiguration qui a été engagée. Vous avez vu que cela a été fait pour donner l'image d'un entrepreneur, d'un universitaire et d'un consultant. Allez savoir qui est le consultant, qui est l'entrepreneur, qui est l'universitaire ! Eux-mêmes se sont perdus et se sont confondus et c'était bien qu'il en soit ainsi.
Il faut toujours une forme juridique, c'est le GIP. Cela change tout, c'est-à-dire une structure souple qui puisse être proposée pour fonder cette grande école. Puis, il faut qu'il y ait des collectivités locales qui s'engagent, des régions on va bientôt en parler , des agglomérations, des métropoles pour que ce soit une école pour tous. Pour tous, cela veut dire pour tous les territoires. Pour tous, cela veut dire pour tous les Français, jeunes ou moins jeunes. Pour les élèves qui ont, comme dans toute école, des difficultés sociales, il y aura un système de bourse et nous avons déjà dégagé des crédits pour qu'il en soit ainsi.
Voilà comment naît une grande école en France. Il y a des grandes écoles qui restent dans la mémoire et dans l'Histoire et encore dans les faits. J'étais ce matin sur le plateau de Saclay, il y a des grandes écoles : Polytechnique. Nous sommes en train d'inventer Polytechnique de demain. Ils ne le savent pas encore sur le plateau de Saclay mais c'est ce que vous êtes en train de créer avec des modes tout à fait différents. Ce n'est pas une école militaire - je veux là-aussi rassurer ! mais c'est une école qui, finalement, va être celle qui va laisser une trace et qui va, génération après génération, être enrichie. D'ici la fin de l'année, 50 structures seront labellisées et nous avons l'objectif qu'il y ait déjà 2 500 élèves qui puissent commencer à être formés.
Je veux terminer pour saluer les jeunes qui sont là, qui ne sont pas passés par cette grande école, qui ont fait -si je puis dire- leur apprentissage tout seuls le plus souvent, qui sont des auto-apprenants et bientôt des entrepreneurs parce que je sais qu'ils sont déjà engagés dans cette aventure et qui pourront, demain, former aussi les élèves de la grande école du numérique. C'est bien que vous soyez là parce qu'il faut montrer de l'enthousiasme, il faut montrer de l'engagement, il faut montrer de l'envie et y compris pour secouer l'ensemble de l'économie. Il ne s'agit pas de chasser une économie qui serait vieillissante pour la remplacer par une autre. Il faut au contraire irriguer toutes les économies, tous les secteurs industriels, tous les secteurs des services pour leur montrer que leur avenir passe par le numérique. Il faut essayer d'étouffer les peurs. C'est l'enjeu principal dans un pays comme le nôtre. La peur, elle est partout.
Et même quand il y a une nouvelle technologie comme celle-là, il y a d'un seul coup l'inquiétude qu'elle pourrait nous changer. Elle va nous changer ! Mais le rôle de l'État, le rôle des responsables publics, c'est d'essayer de convaincre que chaque irruption de la technologie, chaque innovation de rupture, chaque événement, chaque défi est une condition pour que nous puissions avancer. Nous ne pouvons pas réussir seuls et c'est cela que le numérique vient nous confirmer, c'est qu'à un moment, les citoyens s'emparent des instruments, des technologies. Ils inventent eux-mêmes leur avenir, ils imposent eux-mêmes leurs règles.
Face à cette double volonté la volonté de l'État, de la France de pouvoir engager le pays vers son avenir et la vôtre, la volonté de participer pleinement , il fallait qu'il y ait un lieu et cela peut être l'école du numérique. C'est pour cela que je souhaitais que cette expérience, Hackathon Quand on m'a dit : « On va faire un Hackathon à l'Élysée », je dois vous faire cette confidence que j'ai eue un moment de surprise et d'interrogation. De quoi s'agit-il exactement ? Est-ce que c'est la visite d'une entreprise étrangère ? Puis on m'a dit : « cela sera en même temps que l'école du numérique. » Bon, cela m'a un peu rassuré mais je pense qu'il faut aussi montrer dans les lieux du pouvoir ce qui va encore plus vite qu'on ne l'imagine. Vous allez vite, très vite et il ne faudrait pas que l'État soit simplement derrière vous pour vous accompagner £ parfois, il doit être devant. Vous, vous devez pousser aussi fort que possible et nous, nous devons essayer tant bien que mal de vous précéder pour vous offrir un certain nombre de conditions pour votre propre réussite en sachant que c'est vous qui êtes l'avenir de la France. Merci.