Le Président Emmanuel Macron a clôturé la conférence ministérielle de soutien à la Paix et la Prospérité dans la région des Grands Lacs, ce jeudi 30 octobre 2025 au Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères.
Le chef de l'État avait annoncé l’organisation de cette conférence dans son discours devant l’Assemblée générale des Nations unies en septembre dernier.
Il a au préalablement tenu à l’Élysée une réunion de haut niveau avec ses homologues et d’autres acteurs de la région ou impliqués dans les processus de médiation et engagés sur ce dossier.
En dépit des efforts de paix en cours, que la France soutient pleinement, la situation dans l’Est de la République Démocratique du Congo demeure très préoccupante. La situation humanitaire nécessite la pleine mobilisation de la communauté internationale.
Revoir son discours :
30 octobre 2025 - Seul le prononcé fait foi
Discours du Président de la République sur le soutien à la paix et à la prospérité dans la région des Grands Lacs.
Merci beaucoup, Monsieur le ministre.
Monsieur le Président du Conseil de la République togolaise, cher Faure,
Monsieur le président de la République démocratique du Congo, cher Félix,
Monsieur le ministre d'État du Qatar,
Monsieur le représentant du Président des États-Unis d'Amérique, cher Massad,
Madame la haute-représentante, chère Kaja,
Monsieur le président du Conseil exécutif de l'Union africaine,
Mesdames, Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les représentants des Nations unies et des organisations non gouvernementales,
Mesdames et Messieurs les ambassadrices et ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités, chers amis.
Le Président de la République démocratique du Congo et le Président de la République togolaise viennent d'avoir des mots très forts pour dire combien nous ne pouvons pas demeurer des spectateurs silencieux de la tragédie qui se joue à l'est de la République démocratique du Congo et qui impacte toute la région des Grands Lacs et des pays représentés ici par leurs ministres que je salue : le Rwanda, le Burundi, l'Ouganda, la Tanzanie. Je vous remercie tous aujourd'hui d'être, non seulement présents, mais d'avoir engagé par vos voix vos pays et de le faire en complémentarité des efforts de médiation commencés depuis des années.
Je veux ici saluer l'effort depuis le début fait par les organisations régionales et par l'Union africaine, les médiations ouvertes par le Kenya, puis par l'Angola, qui a joué un rôle clé pendant des années, l'engagement maintenant du Togo à la demande de la présidence angolaise de l'Union africaine, le Président Faure jouant ce rôle de médiateur, l'engagement des Etats-Unis d'Amérique, avec l'étape importante obtenue en juin dernier et l'ensemble des accords préfigurés. Je sais que les prochains jours et les prochaines semaines seront encore fructueux à cet égard et le travail accompli par le Qatar et la médiation qui se poursuit en parfaite complémentarité.
Notre réunion d'aujourd'hui, la mobilisation collective autour de cette conférence, vient s'intégrer en synergie complète, en transparence et en sympathie avec toutes ces initiatives pour apporter sur le plan humanitaire un complément essentiel à ce travail politique, sécuritaire, économique qui sont traités par ces conférences, mais pour traiter au fond de l'urgence et de l'humain. Les Kivu, principalement, mais aussi l’Ituri et d'autres territoires portent aujourd'hui les stigmates d'un conflit ancien qui s'est accentué depuis plus de trois ans, et qui s'insinue dans les foyers, qui déchirent les communautés et usent les espérances depuis trop longtemps.
Le Président Tshisekedi a parfaitement décrit la situation. Je ne veux pas ici répéter tout ce qu'il a dit, mais les chiffres sont insoutenables. Un million de nouveaux déplacés depuis le début de l'année, parmi six millions d'êtres déjà déracinés, des centaines de milliers de réfugiés en République démocratique du Congo et dans les pays voisins qui aspirent à revenir dans leur foyer, près de 28 millions de personnes en insécurité alimentaire, une femme violée toutes les quatre minutes et un enfant toutes les 30 minutes. Ces chiffres ne sont pas des statistiques. Ce sont les déchirures d'une humanité blessée, des cris que personne ne veut ignorer. Derrière le chiffre, il y a des vies, des visages, des familles, des destins suspendus, des femmes et des enfants, premières victimes de cette guerre sans fin, des jeunesses entières privées d'avenir, privées de paix et des populations dépouillées des biens les plus essentiels.
Et pourtant, malgré tout, malgré la douleur, malgré la lassitude, les peuples des Grands Lacs témoignent d'un courage admirable, d'une résilience qui force le respect. Et c'est cette force morale qui nous oblige, de leur dignité même qui nous commandent d'agir. C'est pourquoi, avec le Président Faure Gnassingbé, que je remercie de sa présence et de son engagement, nous avons voulu cette conférence, parce que la crise à l'est de la République démocratique du Congo ne saurait être enterrée dans la grande fosse commune des tragédies d'un monde saturé de souffrances, de famines qui réapparaissent, d'épidémies qui se propagent, de guerres qui renaissent, parfois là où la paix semble être acquise.
Mais il ne peut y avoir de hiérarchie dans la douleur ni de double standard dans la solidarité. Et la singularité de cette crise ne doit pas s'éteindre par désespoir, mais devenir plutôt le point de départ d'un sursaut collectif, celui auquel vous venez de nous appeler, Monsieur le Président, cher Félix. La guerre à l'est du Congo interroge en effet notre conscience, non pas là-bas et loin, mais ici et maintenant. Elle engage notre humanité, car c'est aussi là, dans ces terres meurtries, que se joue le respect du droit international, de la dignité humaine, de nos valeurs communes, de la crédibilité qui est à la nôtre comme nous sommes, à juste titre, si engagés dans tant de conflits. Et aucun d'entre eux ne peut justifier que nous puissions nous détourner une seconde de ce qui se joue aujourd'hui dans les Grands Lacs.
Je veux ici resaluer tous les efforts faits par la communauté internationale et les médiations, redire aussi combien les Nations unies se sont mobilisées, y compris cette année encore, avec des résolutions précitées par mes deux collègues, en particulier la résolution 2773. Et je veux redire à nos amis congolais et rwandais combien les pas qu'ils font vers les uns et vers les autres sont essentiels, courageux et indispensables.
La paix ne peut se construire que dans le dialogue, dans la volonté, dans le courage, mais elle ne saurait être durable si les populations en sont absentes. Il ne peut y avoir de paix sans protection des civils, pas de réconciliation sans justice, sans réparation et sans trouver un modèle vertueux aussi de production économique comme l'a très bien détaillé le Président Faure à l'instant.
Cette conférence humanitaire poursuit trois objectifs simples et clairs. D'abord, faire entendre les voix du terrain, celles de la société civile, des organisations non gouvernementales, des agences onusiennes, des femmes et des hommes qui, chaque jour, au péril de leur vie, soignent, nourrissent et protègent. Et je veux ici les remercier de cet engagement, du rôle joué, y compris lorsqu'on a beaucoup moins parlé de ce conflit.
Ensuite, notre devoir est de mobiliser des financements à hauteur de l'urgence. Le plan de réponse des Nations unies, vous l'avez évoqué, Monsieur le Président, de plus de 2 milliards d'euros initialement envisagés, est aujourd'hui, était ce matin, financé à seulement 16 %, ce qui ne pouvait demeurer en l'état.
Aujourd'hui, ensemble, nous avons franchi une étape. Je suis fier d'annoncer que vous avez collectivement mobilisé plus de 1,5 milliard d'euros d'assistance pour les populations les plus vulnérables. Merci à vous toutes et tous de ces engagements. Ce seront des médicaments, de l'alimentation, mais aussi, et le Président tient beaucoup à juste titre, des capacités redonnées aux populations de rebâtir leur quotidien, de retrouver leur autonomie alimentaire et économique, de pouvoir retrouver une activité qui stabilise ce qui est le cœur même du travail des humanitaires.
Enfin, nous avons voulu des garanties concrètes sur l'accès humanitaire, la protection des travailleurs, la libre circulation de l'aide, l'absence de taxation de leur activité : des voies, des moyens, des résultats, voilà les trois piliers de notre engagement.
En disant tout cela, je veux saluer avec beaucoup de force le courage des humanitaires, ceux qui documentent les crimes, pansent les blessures et redonnent espoir. Ceux qui, chaque jour, prennent le risque de leur vie pour sauver celle des autres, 13 d'entre eux ont été tués depuis janvier, 13. Et en me félicitant de l'aide mobilisée aujourd'hui, je veux dire à leurs proches, à leurs équipes notre reconnaissance et notre solidarité. Nous devons protéger ces femmes et ces hommes comme on protège un trésor d'humanité C'est le droit international qui nous y oblige. C'est notre devoir moral et notre dignité qui nous y conduit.
S'agissant de l'accès humanitaire, je veux aussi annoncer ici qu'à l'issue de nos échanges, et pardon de vous avoir fait un peu attendre, nous avons acté, d’œuvrer dans les prochaines semaines, à la réouverture de l'aéroport de Goma pour des vols humanitaires de jour, de petits gabarits compte tenu des contraintes logistiques. Ces accès sont indispensables. Ils seront faits dans le respect de la souveraineté congolaise, afin que les premiers vols humanitaires puissent reprendre sans délai. Et ils seront également complétés par des corridors humanitaires et des accès humanitaires, par exemple aussi ceux venant depuis le Burundi. C'est un signal concret, attendu, nécessaire pour les populations. Je sais combien mes amis en charge de la médiation Qatarie et aux États-Unis d'Amérique sont attachés à veiller au bon respect de cette réouverture et à ce que toutes les conditions puissent l'accompagner. Et je veux vraiment les en remercier au-delà de leur présence.
Je sais que les prochains jours, chers amis, seront actifs sur tous ces sujets. La France restera engagée aux côtés des États de la région dont nous partageons souvent des liens humains, linguistiques et culturels. Nous soutiendrons les efforts diplomatiques prometteurs en cours pour une solution politique durable dans le respect absolu de l'intégrité territoriale et de la souveraineté de la RDC et de tous les États de la région, pour la mise en œuvre des résolutions du Conseil des Sécurités, pour la poursuite sans entrave des missions de la MONUSCO, pour la lutte contre les forces négatives et les discours de haine, pour le travail d'enquête indépendant sur les violations des droits humains qui a été lancé sous l'égide des Nations unies. Je veux ici aussi souligner combien le contrôle africain doit être renforcé, combien ce qu'a dit le président Faure, au titre évidemment de sa médiation compte de l'Union africaine est important, et nous croyons en effet à cette approche, car il n'est pas de paix sans justice ni de justice sans vérité, si exigeante soit-elle. Chers amis, je veux vous remercier une fois encore pour votre mobilisation aujourd'hui autour des Grands Lacs et autour de cette urgence humanitaire, répondant à cet appel à agir vite, ensemble et lucidement pour redonner espoir aux populations de l'Est du Congo.
Nous devons agir avec humanité pour elles, pour toutes les populations de la région des Grands Lacs, avec courage et avec cette conviction que notre responsabilité collective est engagée. Et pour conclure, si Félix me le permet, je voudrais citer les mots de Patrice Lumumba : « À mes enfants que je laisse et que peut-être, je ne reverrai plus, je veux qu'on dise que l'avenir du Congo est beau. À celui qui croyait que la liberté, la dignité et la justice étaient indissociables, vous avez tous ensemble dit ce soir que nous chercherons à être fidèles à cet idéal, fidèles à cette espérance et déterminés à faire advenir un avenir pacifié et prospère pour les peuples des Grands Lacs ». Merci infiniment pour votre temps, votre engagement. Je vous remercie.