Le Président de la République et Madame Brigitte Macron se sont rendus à Sarrebruck en Allemagne ce vendredi 3 octobre 2025.

Dans le contexte des célébrations de la journée de l’unité allemande et du 35e anniversaire de la réunification, cette visite était un nouveau temps fort de la relation franco-allemande après les impulsions données lors du Conseil des ministres franco-allemand de Toulon le 27 août dernier.

Lors de cette visite, le chef de l'État a échangé avec Franck-Walter Steinmeier, et Friedrich Merz, respectivement Président et Chancelier allemand. 

Ce déplacement a permis de mettre en valeur la relation privilégiée et de coopération transfrontalière entretenue avec le Land de Sarre.

Le Président Emmauel Macron s'est vu remettre le titre de Docteur Honoris Causa par la Faculté des Sciences humaines de l’Université de Sarre.

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3 octobre 2025 - Seul le prononcé fait foi

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Remise du titre de Docteur Honoris Causa au Président de la République par la Faculté des Sciences humaines de l'Université de Sarre

Emmanuel MACRON

Monsieur le Président — je répondrai tout à l’heure à Madame la Présidente du Bundestag —
Monsieur le Chancelier, cher Friedrich,
Madame la Présidente du Bundestag,
Monsieur le Recteur de l’Université de la Sarre,
Madame la Professeure,
Monsieur le Doyen de la Faculté,
Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités,
Chers amis,

C’est une immense fierté et un très grand honneur d’être parmi vous aujourd’hui, d’abord pour cette journée si importante — et nous y reviendrons tout à l’heure — mais aussi pour ce moment et ce doctorat honoris causa de l’Université de la Sarre. C’est une distinction qui me touche beaucoup, d’autant qu’elle émane d’une institution qui incarne, si je puis dire, depuis sa création, l’esprit de réconciliation et de coopération qui unit nos deux nations. Une université qui n’est pas un lieu comme les autres. L’Université de la Sarre, en effet, n’est pas une université comme les autres. Elle nous est chère, à nous Français, car son histoire en fait la sœur de l’Université de Nancy, sous l’égide de laquelle elle a été fondée en 1948. Votre université est née de l’histoire mouvementée de nos relations intellectuelles, sociales, politiques. Mais elle a incarné dès l’origine la promesse d’un avenir commun.

Avec ses projets de recherche franco-allemands, ses cursus binationaux, elle s’inscrit parfaitement, et vous l’avez rappelé, dans cette Europe dans laquelle nous croyons, ce réseau soutenu par l’Université franco-allemande, cette institution unique au monde qui initie, renouvelle et coordonne depuis 25 ans de multiples formats de coopération universitaire entre nos deux pays. La Sarre a compris qu’elle pouvait être — et qu’au fond son destin était d’être — ce trait d’union entre nos systèmes d’éducation, nos écosystèmes d’innovation français et allemand, au fond, entre la France et l’Allemagne.

L’histoire du XXe siècle de la Sarre fut mouvementée, elle aussi. Oserais-je rappeler qu’il y a eu un franc sarrois, il y a même eu, quelques années durant, une Miss France sarroise          ? Nous avons décidé, retour de l’histoire, de choisir même un gouverneur de la Banque de France enraciné en Sarre maintenant. En tout cas, c’est la force de la Sarre d’être enracinée dans ce passé, mais projetée vers l’avenir. Et vous l’avez rappelé, votre Stratégie France, qui fait de la coopération entre la Sarre et la France une priorité dans l’éducation, la recherche, l’économie, est un exemple unique en son genre en Allemagne, qui montre à quel point nos territoires frontaliers peuvent être gagnants d’une intégration plus poussée.

Je veux saluer ici le caractère précurseur de la Sarre, qui a choisi de jouer l’atout de la francophonie, prenant de vitesse notre relation bilatérale avec l’intégration de votre Land comme membre fondateur et observateur de l’OIF en 2024. Je voudrais ici remercier, parmi toutes les présentes et tous les présents, toutes les institutions actives en faveur de la francophonie, ainsi que les représentants du Lycée franco-allemand et du Club des Affaires Saar-Lorraine. Tous ceux sur qui vous pouvez aussi vous appuyer fidèlement, je le sais, ces grands piliers du lien franco-allemand dont le siège se trouve dans la Sarre          : ProTandem, l’Office franco-allemand dédié aux mobilités des apprentis, qui a déjà accompagné 100 000 jeunes depuis 1980 dans 50 métiers          ; l’OFAJ, l’Office franco-allemand de la jeunesse          ; la Chambre de commerce et d’industrie France-Allemagne, dirigée par Monsieur Frédéric Berner, que je salue parmi nous, et qui a accompagné l’implantation de 1 600 entreprises françaises de ce côté du Rhin          ; et tous les élus, de part et d’autre du Rhin, ainsi que les services de nos États qui sont porteurs de cette relation transfrontalière de chaque jour. Et je veux les en remercier solennellement.

Nous aurons besoin de toutes vos forces pour ce nouveau chapitre de la relation bilatérale que nous ouvrons cette année. En effet, avec le Chancelier Merz, nous avons co-présidé le 25ᵉ Conseil des ministres franco-allemand à Toulon, le 29 août dernier, consolidant notre coopération dans plusieurs domaines, dont les technologies de pointe, l’innovation de rupture en matière d’espace, d’intelligence artificielle, de calcul de haute performance, de cloud, de semi-conducteurs, et j’en passe, capitalisant ainsi sur tout ce que nous avions bâti lors de la visite d’État que nous avons eu l’honneur, avec mon épouse, d’effectuer il y a quelques mois parmi vous, à l’invitation de Monsieur le Président, cher Franck.

Pour réussir ce virage du XXIᵉ siècle, ce sont les racines de cette coopération transfrontalière qui sont importantes, celles de la proximité, de la confiance. Je pourrais citer parmi d’autres les domaines de la cybersécurité, de l’intelligence artificielle, qui lient aussi la Sarre à notre pays. La Sarre, pôle d’excellence scientifique, avec ses instituts de recherche, ses clusters d’innovation, aura un rôle crucial à jouer dans la formation et la coopération scientifique. C’est toute l’ambition de l’incubateur Startup The Bridge, créé récemment au sein de votre université. Faire émerger des jeunes entreprises issues de notre recherche universitaire conjointe, c’est aussi le sens des coopérations entre nos instituts nationaux de recherche en intelligence artificielle, l’INRIA et le DFKI — dont l’un des sites est ici à Sarrebruck — ou bien entre l’INRIA et le CESPA, centre d’excellence en cybersécurité, lui aussi situé sur le campus.

En unissant les esprits, en coordonnant les actions, en joignant les projets, vous bâtissez l’Europe jour après jour. Et je vous le dis ici avec beaucoup de force          : vous êtes des acteurs essentiels de ce projet que nous portons entre la France et l’Allemagne, avec tous nos partenaires européens. Et vous l’êtes aujourd’hui peut-être plus encore qu’hier. Parce que dans un monde où la liberté académique est mise à l’épreuve, où des chercheurs et des chercheuses sont persécutés pour leurs idées, où des programmes de recherche sont fermés à cause des mots qu’ils contiennent, où des étudiantes et des étudiants sont bridés, nous réaffirmons ici avec force que la liberté de savoir, de penser, est une condition de notre avenir.

Votre premier recteur, qui a été cité ici à plusieurs reprises, Jean Barriol, voyait à raison votre université de Sarrebruck comme l’instrument d’une pensée européenne. Il faut bien une pensée, et pas seulement des contrats, pour unir nos peuples. Une pensée, et des femmes et des hommes qui se lient dans une communauté de destin et de savoir. Vous avez rappelé, Madame la Professeure, que j’évoquais à quelques reprises Madame de Staël. J’ai retrouvé un passage plus précis de De l’Allemagne où elle dit quelque chose qui, je trouve, s’adapte parfaitement à votre université          : « Il faut se mesurer aux idées en allemand et avec les personnes en français. Il faut creuser à l’aide de l’allemand, et il faut arriver au but en parlant français. L’un doit peindre la nature et l’autre, la société. » Fin de citation.

Je vous laisse apprécier si ces caractérisations sont justes, mais elles montrent la force de penser, de parler, d’agir dans ces deux langues, la force de ce que vous représentez et du fait qu’au fond, de manière native, l’Université de la Sarre est cette Europe de l’éducation qui se vivifie par les esprits. Et en effet, nous avons su créer ensemble, ces dernières années, ces alliances d’universités européennes qui sont une force. Mais l’Université de la Sarre en est, en quelque sorte, la synthèse.

Il faut pour cela de nouvelles générations de citoyens européens, ceux qui porteront plus loin encore notre relation privilégiée au service d’une Europe forte, unie et souveraine. C’est pourquoi, c’est avec beaucoup d’honneur, d’humilité aussi, conscient de tout ce que cela représente, que je reçois cette distinction aujourd’hui, avec beaucoup de reconnaissance à votre égard, à l’égard de vos représentants fédéraux, des représentants de la Sarre ici présents et de toute la communauté universitaire, mais aussi de toutes celles et ceux qui font vivre la relation bilatérale.

C’est celle qui a bâti cette Europe des Lumières, celle d’un Kant lisant Rousseau, d’un Voltaire discutant avec Frédéric II. Au fond, votre université rappelle à l’Europe tout entière que son avenir se construit dans les écoles, les bibliothèques, les amphithéâtres et les laboratoires, partout où l’esprit libre se côtoie et discute, dans la controverse respectueuse, dans l’amour du savoir, dans la volonté de construire des connaissances nouvelles.

Je vous remercie infiniment pour cela.

En début d'après-midi, le Président de la République et Madame Brigitte Macron ont participé à la cérémonie pour la journée de l’unité allemande.

Le chef de l'État y a notamment pris la parole pour souligner la force du couple franco-allemand et les enjeux de la coopération européenne

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3 octobre 2025 - Seul le prononcé fait foi

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Discours du Président de la République à l’occasion de la Journée de l’unité allemande

Sehr geehrter Herr Bundespräsident, lieber Frank, Frau Präsidentin des Bundestages, liebe Julia, Frau Bundesratspräsidentin und Ministerpräsidentin des Saarlandes, liebe Anke, Herr Bundeskanzler, lieber Friedrich, sehr geehrter Herr Bürgermeister von Saarbrücken, Monsieur le Président de la Cour fédérale d’Allemagne, sehr geehrte Abgeordnete, sehr geehrte Botschafter, meine Damen und Herren.

Deutschland feiert heute den Tag der Deutschen Einheit hier im Saarland, ganz in der Nähe von Frankreich. Ich danke Ihnen für Ihre Einladung und die Ehre, die Sie Frankreich dadurch erweisen, gemeinsam mit Ihnen 35 Jahre Deutsche Einheit zu feiern. Auch für uns Franzosen, für uns Europäer, ist dieser 3. Oktober ein Tag zum Feiern. Es gibt Ereignisse der Geschichte, die so prägend sind, dass jeder genau weiß, was er in diesem Moment getan hat und wo er war. Die deutsche Wiedervereinigung ist ein solches Ereignis. Jeder von uns, egal wo er lebte, egal wie alt er war, spürte         : Dies ist ein Wendepunkt der Geschichte. Hier wird Geschichte geschrieben.

Ich selbst war an jenem 3. Oktober 12 Jahre alt. Mir war aber trotzdem bewusst, dass etwas Besonderes geschah, etwas, das das Schicksal aller verändern und auch das Bild unseres Kontinents neugestalten sollte. Auch wenn die jüngeren Generationen diese historischen Stunden des Mauerfalls und der Wiedervereinigung nicht miterlebt haben, so haben sie doch die Bilder gesehen. Sie wissen um die historische Bedeutung und die Tragweite dieses Tages. Sie wissen, wie stark der Symbolcharakter der deutschen Wiedervereinigung auch für das durch den Eisernen Vorhang gespaltene Europa war.

Oui, il y a 35 ans, votre pays se réunissait dans ce moment que nous célébrons aujourd’hui. Et laissez-moi vous dire, combien votre invitation et l’honneur qui m’est fait de pouvoir m’exprimer devant vous touchent profondément le Français que je suis et vous dire la grande humilité et la grande admiration que j’ai à me trouver devant vous, aujourd’hui. Nul ne sait vraiment dire tous les efforts qu’il a fallu déployer pendant toutes ces années, pour que la réunification soit pleinement une réalité. Il y a 35 ans, c’est l’Allemagne qui s’est réunifiée et c’est notre Europe qui s’est réunifiée. Après tant de décennies, pour reprendre la formule de Milan Kundera, l’Occident avait été kidnappé. Et nul ne doit sous-estimer tout ce qui a été fait, et au fond tout ce qui reste à faire, et la fragilité de ces décennies passées ensemble. La France a admiré cette Allemagne qui s’est retrouvée. Elle l’a célébrée à vos côtés. Et au fond, nous avons accompagné durant ces décennies, une autre unification, celle d’une Europe jusqu’alors impossible, puis la réunification pleine et entière de notre Europe après la chute du Mur. Et ce chemin, était vu comme si impossible. Imaginez, il y a 75 ans, comment nos prédécesseurs avaient pu imaginer mettre ensemble ce avec quoi ils se faisaient la guerre, comment nos prédécesseurs ont eu le courage de se dresser et de signer le fameux traité de l'Elysée, comment ensuite, cheminant, nos prédécesseurs ont su se tourner vers leur passé commun qui les avait divisés pour bâtir l'avenir. Mais je mesure aussi combien cette réunification, ces réunifications, cette unité contemporaine sont fragiles. En tout cas, en me tenant devant vous aujourd'hui, laissez-moi vous dire mon admiration devant tout ce que vous avez su faire, dans tout ce que vous avez réussi, et devant l'audace et la détermination de celles et ceux qui se sont levés, qui ont abattu les murs et qui ont décidé, en effet, de se réunir à nouveau. Il y a 35 ans, rappelez-vous, beaucoup nous disaient         : l'histoire est finie. Maintenant, ce sera la paix, la prospérité et la démocratie. Et finalement, la peur que nous avions pour certains, c'était de tomber dans l'ennui, les autres, de vivre enfin dans le soulagement d'une paix, d'une prospérité, d'une démocratie, que nous n'aurions qu'à étendre. Les dernières décennies, et tout particulièrement les dernières années, nous ont pleinement fait mesurer, sans doute, l'erreur qu'était cette promesse, en tout cas, la précarité de tout ce qui avait été fait. Oui, après ces promesses, c'est le doute qui a réémergé, parfois la défiance, nous la voyons dans nos sociétés, l'accumulation des crises et en quelque sorte, nos générations sont livrées là, à une Allemagne, une France et une Europe qui sont marquées par la fin de la paix sur notre continent, le doute sur la prospérité et le progrès, les fractures de notre démocratie. Alors, dans ce moment de doute, parfois de vertige, face à ce que nous sommes en train de vivre, en me tenant devant vous aujourd'hui, je voudrais que nous nous souvenions de ce qu'il y a en effet 35 ans nos prédécesseurs, et certains d'entre vous dans cette salle, ont su faire avec force, et de nous dire, notre génération a au fond le choix         : être l'ère du doute, de la fatigue, choisir ou laisser faire les extrêmes, qui sont les fausses promesses face à ce doute, ou à nouveau nous dresser et décider d'embrasser notre époque nouvelle et d'en faire l'époque de l'audace et de la détermination à nouveau ensemble.

Et donc, autant qu'une commémoration, c'est une célébration de votre unité que je suis venu plaider, défendre, admirer ici devant vous, mais aussi celle de l'unité de l'Europe, d'une Europe qui saura embrasser cette ère nouvelle, d'abord pour la paix, la paix. Nous avons réussi quelque chose de formidable et nos prédécesseurs avant nous, nous n'avions jamais eu huit décennies de paix sur notre continent. Et surtout nous, Français et Allemands, nous étions, dans la période récente, les experts de la guerre civile européenne. Nous avons réussi cela. La guerre entre nous n'existe plus, formidable acquis de cette Europe, et que tous ceux qui nous expliquent que la solution de demain serait de bousculer cette Europe, rappelez-leur la fragilité de cette paix, rappelez-leur le caractère exceptionnel des huit décennies que nous venons d'avoir ensemble. Jamais notre continent, pendant les siècles qui s'étaient écoulés précédemment, ne l'avait vécu. C'est la force d'âme de nos prédécesseurs, puis la nôtre, qui l'a permise. Mais la guerre revient sur notre sol, par l'agression russe en Ukraine. La guerre revient aussi sous des formes plus hybrides chaque jour, par des violations de nos espaces aériens, par les voies de l'immigration, par la manipulation de l'information, par les cyberattaques, par les provocations dans l'espace. Nous sommes à nouveau, malheureusement, dans une ère de confrontation. Face à cela, nous avons su rester unis, unis dès le premier jour pour sanctionner la Russie, unie dès le premier jour pour être aux côtés de l'Ukraine dans cette guerre de résistance. Et nous nous tenons unis aujourd'hui, et nous le serons jusqu'au bout, car c'est la sécurité des Européens qui se joue en Ukraine, la nôtre aussi, car c'est la dignité de l'Europe, parce que c'est le respect de la Charte des Nations Unies, c'est-à-dire d'un État de droit international, et donc les conditions de la paix qui se jouent en Ukraine aujourd'hui. Pour toutes ces raisons, nous resterons unis aux côtés de l'Ukraine pour la paix.

Mais ce qui se joue depuis maintenant près de quatre ans, et au fond, si on revient à 2014, beaucoup plus en Ukraine, est le début d'une nouvelle ère, d'une nouvelle époque, celle qui va conduire les Européens à choisir là aussi, continuer d'accepter d'être dans une forme de vassalisation heureuse ou malheureuse, selon les choix de celui dont on dépend, ou devenir enfin pour la première fois une puissance militaire. C'est-à-dire, non pas un continent qui décide de s'armer pour se faire la guerre à lui-même, mais un continent qui décide d'être aux avant-postes pour dissuader les autres de l'attaquer, pour protéger son territoire et pour protéger ses valeurs. C'est exactement cela, la question qui nous est posée.

C'est ce que nous avons réussi à faire ces derniers mois en bâtissant cette coalition des volontaires où, pour la première fois, réunissant autour de nous des alliés fidèles, nous sommes 35, du Canada à l'Australie, nous avons conçu les garanties de sécurité pour l'Ukraine. Pour la première fois, les Européens, sans attendre la réponse venant d'outre-Atlantique, ont dit         : il s'agit de notre sol. Si la paix, demain, devait être signée, comment la protégerions-nous         ? Et nous nous sommes organisés et nous avons décidé. C'est la même chose que nous sommes en train de faire dans ce moment où nous nous rééquipons, où nous investissons pour nos capacités, où nous rééquipons nos armées dans tous les domaines, là aussi du cyber au spatial et dans toutes les capacités terrestres, maritimes ou aériennes. Ce moment, nous devons le comprendre comme ce qu'il est, un moment pleinement européen. Ce moment doit justement être celui qui nous impose de ne pas revenir à un nationalisme qui est la trahison du patriotisme, je vous le rappelle. C'est-à-dire que l'attachement que nous avons à nos patries, c'est le patriotisme, mais dans un attachement jumeau, inséparable avec celui de nos voisins, là où le nationalisme est un attachement exclusif à la nation qui se fait par la haine de l'autre et du voisin et mène à la guerre. Ce moment de réarmement de notre Europe, c'est un moment pour la paix. C'est simplement celui d'une Europe qui décide de ne plus dépendre et qui non pas seulement va acheter, mais doit produire, innover, concevoir des programmes communs, mener à terme les programmes communs qu'elle s'est donnée à elle-même, et ensemble bâtir les capacités pour protéger son territoire et son avenir. C'est cela qu’est notre défi pour demain, pour que nos enfants puissent à nouveau avoir une Europe comme un continent de paix.

De la même manière, le doute s'est installé sur nos modèles sociaux et avec nos populations vieillissantes sur la capacité à les tenir et à les financer. Il s'est installé parce qu'aussi la croissance n'est plus la même. Et regardons avec lucidité notre continent européen. Regardons les deux décennies qui viennent de s'écouler. On a fait des choses formidables. On a réussi à consolider une monnaie commune. On a résisté aux crises financières, à la pandémie. Mais regardons les choses franchement. Nous avions une obsession, la stabilité, une inquiétude principale. Ne voyez pas là une quelconque provocation quand c'est un Français qui parle, l'inflation. Nous avons réussi la stabilité et on a beaucoup moins d'inflation que les autres. Mais nous n'avons pas réussi une chose, la croissance. Si je regarde les deux décennies qui viennent de s'écouler, le produit intérieur brut de l'Europe, rapporté au nombre d'habitants, a progressé deux fois moins dans notre Europe qu'aux États-Unis. L'écart s'est creusé dramatiquement. Et dans notre continent, qui a en même temps le modèle social le plus généreux, c'est insoutenable. Et ça, nous devons le regarder en face. Nous avons réussi la monnaie commune, nous avons réussi la stabilité, nous n'avons pas réussi la croissance. Pourquoi         ? C'est le défi que nous devons maintenant relever. Nous ne l'avons pas réussi parce que nous n'avons pas su suffisamment faire de notre Europe une terre d'innovation, de technologie de transformation. Et donc le défi qui est le nôtre, c'est de continuer, chacun dans nos pays, à réformer. Vous êtes en train de le faire avec courage. Nous l’avons fait ces dernières années, nous allons tout faire pour continuer de le faire, parce que nos modèles sociaux ont besoin d'être réformés pour s'adapter au vieillissement de la population, aux transformations climatiques, démographiques, avec courage et lucidité. Mais nous devons ensemble, en Européens, réussir à créer beaucoup plus de richesses et au fond, à nous dire que ça n'est pas simplement la discussion permanente sur un gâteau qui ne croîtrait pas, voire se réduirait, qu'il faut avoir. Mais c'est la question de savoir comment l'étendre. À chaque fois que nos discussions sont celles autour d'un jeu à somme nulle, ce sont des discussions qui nous divisent. À chaque fois que nous remettons au cœur du débat économique la question de savoir comment on étend le domaine, comment précisément on a plus de croissance, on apaise et on bâtit l'avenir. C'est exactement ça aujourd'hui le défi de l'Europe. Il nous faut une Europe qui protège mieux ses secteurs les plus exposés. Ce n'est pas un vieux protectionnisme, c'est de la lucidité là aussi. La Chine surprotège, les États-Unis protègent. Nous sommes le seul espace où il n'y a pas de préférence pour ce qui est produit chez nous, le seul. Si nous ne protégeons pas notre acier aujourd'hui, si nous ne protégeons pas notre chimie, si nous n'avons pas une préférence européenne sur le contenu de nos véhicules automobiles, nous serons des consommateurs formidablement heureux dans 10 ans, 15 ans, mais achetant des produits chinois, des logiciels américains ou que sais-je. Et donc, il nous faut accepter ce qui a été un tabou pendant des décennies         : protéger cet espace. Dans le même temps, il nous faut simplifier nos règles européennes, les resynchroniser. Nous sommes trop lents, parce que trop complexes. Nous sommes trop peu compétitifs, parce que trop complexes. Et donc, il faut resynchroniser les règles européennes pour que toutes celles et ceux qui créent en Europe puissent aller à la même vitesse qu'aux États-Unis ou qu'en Chine. Partout où nous sommes plus lents, nous avons déjà perdu. La simplification. Il nous faut aussi aller plus vite et plus fort sur l'approfondissement du marché unique européen.

Si nous voulons que nos start-up réussissent, que nos champions dans l'intelligence artificielle, le quantique, le spatial réussissent, il faut qu'au premier jour, leur marché domestique soit un marché de 450 millions d'habitants et pas de 80 millions quand ils se créent en Allemagne ou 68 millions quand ils se créent en France, ayant ensuite à lutter avec 27 régulations différentes. C'est ça leur réalité aujourd'hui. Allons beaucoup plus vite et plus fort sur le marché unique dans tous ces domaines. Allons aussi plus vite et plus fort sur un marché unique dans la technologie, les télécommunications, l'énergie et la finance. Et c'est pourquoi, ensemble, nous défendons l'idée de ce marché unique des financements. Capital Market Union, comme on le dit en bon français, qui seul permettra aussi à notre Europe de financer cette innovation et cette prospérité. Imaginez, nous sommes l'espace au monde qui a le plus d'épargne. Simplement, cette épargne, elle est massivement investie dans l'obligataire, c'est-à-dire le financement des dettes publiques et privées, ou pour un tiers, elle quitte le sol européen pour aller financer la croissance des autres, parce que nos règles, là aussi, ont été trop compliquées et parce que nous n'avons pas bâti un vrai marché de capitaux. Faire cette transformation, l'unifier, c'est donner la possibilité que l'épargne de tous les Européens soit investie dans l'innovation d'aujourd'hui et de demain, et bâtisse cette prospérité dont je vous parlais à l'instant. C'est à cette condition que nous pourrons être aux avant-postes de l'indépendance en matière de recherche, de technologie, d'innovation, mais aussi de création d'emplois, d'industrie comme d'agriculture. Si nous voulons faire de notre continent un continent plus indépendant, un continent plus riche. Il nous faut prendre le virage de l'innovation, de la compétitivité, de la simplification. C'est la clé pour la prospérité du 21ᵉ siècle. Et c’est ce virage seul qui nous permettra de financer, de porter, de transformer notre continent en continuant à le décarboner. C'est en étant cet espace de prospérité, d'innovation, que nous pourrons créer de l'emploi en faisant de la décarbonation. Et là aussi, au fond, le défi de l'Europe et ce que nous pouvons porter, et peut-être ce qui peut nous mettre aux avant-postes de la croissance internationale, c'est d'être ce seul espace qui pense tout à la fois la prospérité et la création d'emplois, la décarbonation et les exigences climatiques, et la souveraineté. Nous pouvons le faire si nous nous dotons de ces instruments au niveau européen et si nous agissons ensemble. C'est le cœur de l'agenda franco-allemand que nous avons réaffirmé il y a quelques semaines à Toulon.

 Enfin, il nous revient à nous, Européens, de relever ce défi de la démocratie, drôle d'époque qui voit un président de la République française venir en Allemagne expliquer qu'un de nos défis est la démocratie. Mais nous en sommes là. Et il faut le regarder avec, pas simplement peut-être une voix ourlée de tristesse, mais avec lucidité et là aussi détermination. Si nous en sommes là, c'est qu'un doute s'est installé, c'est qu'un doute s'est installé sur nos institutions, ce qui tenait notre démocratie ensemble, qui est sans doute le fruit de ce que nous n'avons pas assez bien fait, et c'est pour cela qu'il faut toujours nous remettre en cause. C'est aussi sans doute la fin d'une époque, mais il y a comme quelque chose qui se passe dans nos pays, qui est comme une dégénérescence de nos démocraties.

Alors oui, nous sommes attaqués de l'extérieur. Nous sommes attaqués par des ennemis de la démocratie. Il faut le regarder, et ça, ça justifie de le défendre. Quand des propagandistes de régimes autoritaires viennent attaquer nos espaces publics, nos réseaux sociaux pour de la désinformation, nous sommes menacés de l'extérieur. Quand des régimes autoritaires viennent diffuser leurs messages, nous sommes menacés de l'extérieur. Mais nous serions bien naïfs à ne pas voir que de l'intérieur, nous nous retournons sur nous-mêmes. Nous doutons de nous-mêmes. Nous ne sommes plus tout à fait sûrs de cette démocratie. J'ai entendu le discours du chancelier et je souscris à tous ses mots. Mais combien de dirigeants dans nos pays nous expliquent que le problème de nos démocraties aujourd'hui, c'est l'État de droit         ? Beaucoup. Combien de nos compatriotes pensent aujourd'hui que le problème de nos démocraties aujourd'hui, c'est la manipulation par les gouvernements et que la science n'est plus libre         ? Beaucoup. Combien nous expliquent qu'aujourd'hui, dans nos sociétés, tant de nos compatriotes doutent de la vérité, de ce qui est vrai, de ce qui est faux         ? Tant et tant. Alors parfois, ces phénomènes sont en effet accrus par des interférences étrangères et des manipulations. C'est vrai. Mais nous avons un problème avec nous-mêmes, avec les infrastructures de nos démocraties, si je puis dire.

D'abord, nous devons retrouver de l'efficacité collective. Et je pense qu'une des crises de la démocratie vient dans le fait que, là aussi, nous avons créé des systèmes qui se sont sophistiqués avec le temps, mais qui sont devenus trop lents ou trop incomplets pour répondre aux défis du temps. Nous sommes dans des moments de grands changements, il faut retrouver de l'efficacité collective. Et partout où on veut simplifier, partout où on veut aller plus vite et plus fort tout en respectant l'Etat de droit et nos règles, nous avons raison. Et je le dis parce que parfois ça crée des tensions et méfions-nous de tout cela. Il est juste, et je crois tout à fait nécessaire, d'essayer d'accélérer, de rendre plus efficaces nos décisions politiques tout en respectant l'État de droit. Si nous ne le faisons pas, si collectivement, nous ne faisons pas l'effort de rendre nos démocraties plus efficaces, alors collectivement, que nous le voulions ou pas, nous nourrirons le discours qui fait douter des règles elles-mêmes ou du principe de ces règles, c'est-à-dire de l'État de droit. Et donc nous devons tous œuvrer pour avoir des démocraties plus efficaces et plus fortes.

La deuxième chose, c'est que dans nos sociétés, il faut retrouver aussi le sens du respect, et en particulier du respect entre tous les citoyens et à l'égard de celles et ceux qui portent des mandats démocratiques. Je le dis, là aussi, avec beaucoup de gravité, mais nous voyons partout dans nos sociétés quelque chose qui dissout la démocratie. C'est le débat public qui devient un débat de haine, c'est le débat public qui devient un débat de violence à l'égard des responsables politiques, c'est le débat public qui, en quelque sorte, au nom de la liberté d'expression, justifie la violence. Le cœur de la démocratie, c'est qu'on peut confronter les avis dans l'espace public. On peut manifester, on peut voter, on choisit ses dirigeants et vos représentants choisissent la loi. Mais la règle absolue qui l'accompagne, c'est le respect. Et à chaque fois que nous sommes faibles à justifier de la violence verbale ou physique dans nos démocraties, nous contribuons à la laisser dégénérer.

Et puis, nous avons avec naïveté, je le dis et je le dis pour moi aussi, sous-estimé le fait qu'une démocratie, ce sont des élections, des représentants avec des mandats, des représentants qui votent les lois, etc. Mais c'est un espace public, une opinion publique qui se forge et qui construit des majorités d'opinions. La sève de la démocratie, ce sont nos peuples et les opinions publiques qui s'y forgent. Et nous avons, ces dernières années, et tout particulièrement cette décennie qui vient de s'écouler, laissé notre espace public informationnel et démocratique totalement se transformer. Et nous l'avons fait comme si, au fond, il permettrait de continuer comme on avait toujours vécu en démocratie. Et au fond, nous avons laissé un espace public démocratique s'installer où les gens sont tous en cagoule, anonyme, où la règle, c'est plutôt qu'il faut insulter l'autre si on veut être populaire, où vous ne savez pas dans cet espace public, imaginez une grande place, si vous avez des vrais gens ou des fausses personnes, et où vous donnez une égale valeur à quelqu'un qui crie beaucoup plus fort et qui vous dit         : ce vaccin n'est pas un vaccin, ce que vous me dites là est faux et qui profère les pires contre-vérités. Nous vivons dans une place publique qui a cette tête-là. Comment voulez-vous qu'il n'y ait pas une immense fatigue démocratique et des gens qui aillent de plus en plus vers le « nervous breakdown ». Je vais le dire en des termes plus directs. Nous avons eu l'immense naïveté de confier notre espace démocratique à des réseaux sociaux qui sont à la main soit de grands entrepreneurs américains, soit de grandes sociétés chinoises, dont les intérêts ne sont pas du tout la survie ou le bon fonctionnement de nos démocraties.

Vous vivez dans des espaces où, dès leur plus jeune âge, vos enfants sont exposés au pire contenu. Et regardez l'épidémie de troubles mentaux, de troubles du comportement alimentaire de nos adolescents et de nos jeunes. Il est totalement corrélé à l'émergence de ces réseaux sociaux. Nous avons laissé s'installer des espaces publics où tout est fait pour ne plus raisonner, puisqu'au fond, l'ordre de mérite, c'est que l'émotion est supérieure à l'argument et que l'émotion négative est supérieure à l'émotion positive. C'est un biais complet pour que nos démocraties aillent aux extrêmes, pour que le bruit et la fureur l'emportent sur l'argument raisonné, pour que rapidement, la musique disparaisse pour laisser place aux cris, et dont les algorithmes sont faits pour favoriser l'excitation cognitive, la surréaction, le volume de ce qu'on aime ou de ce qu'on n'aime pas, favorisant, là encore, les extrêmes, parce que derrière le cœur de ces modèles, c'est la monétisation de vos présences pour le vendre à des publicitaires.

Nous n'avons pas conçu nos démocraties pour ça. On est très loin de l'agora démocratique de l'Antiquité. Et donc, si nous ne nous réveillons pas, nous, Européens, pour dire         : « nous voulons reprendre le contrôle de nos démocraties » je vous l'écrit         : d'ici 10 ans, tous ceux qui jouent sur cette infrastructure ou avec elle auront gagné. Et nous serons un continent, comme beaucoup d'autres, de complotistes, d'extrêmes, de bruits et de fureurs. Si nous croyons dans l'ordre démocratique, remettons la science et la connaissance au cœur, remettons l'autorité scientifique au cœur, remettons la place de la culture, de l'éducation, de l'apprentissage au cœur, protégeons nos adolescents et nos jeunes de ces réseaux sociaux, donnons des règles à ces réseaux sociaux pour qu'ils aient en quelque sorte les mêmes que ceux de l'espace démocratique, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas de gens cachés, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas de faux comptes qui créent de faux emballements. Et faisons respecter les mêmes règles. Quand vous avez un journal, vous êtes responsable de ce qui s'y publie. Quand vous avez un réseau social, vous devez être responsable de ce qui s'y publie. Sinon, c'est le racisme, l'antisémitisme, la haine de l'autre qui triompheront sur notre continent. Nous avons les moyens de rebâtir une démocratie du XXIe siècle. Simplement, il faut ce sursaut. C'est à nous de le faire.

Alors oui, Mesdames et Messieurs, face aux lumières noires qui reviennent, aux régimes illibéraux, aux régimes autoritaires qui se sentent pousser des ailes et sont à chaque fois les alliés objectifs des parties des extrêmes, il y a un chemin, la nouvelle Aufklärung. Il y a un chemin pour croire et vouloir encore les lumières. Il y a un chemin pour aimer la culture, la musique, la littérature, la conversation et la controverse, pour penser que le respect et la science sont plus fortes que la haine et la fureur. Ce chemin, c'est à nouveau pour notre Europe de sortir d'une forme d'état de minorité dans laquelle, elle a un peu replongé ces derniers temps. Eh oui, notre Europe, qui a su rester unie, qui est la force de tout ce que nous avons fait ces dernières décennies, doit savoir saisir cette époque nouvelle. Et comme il y a 35 ans ici, être le continent de l'audace et de la détermination pour bâtir une puissance stratégique, économique, technologique et démocratique. C'est cela, en ce jour d'unité allemande, que je veux vous dire au nom de l'unité européenne. Nous gagnerons, nous consoliderons notre unité, celle dans chacun de nos pays, comme celle de notre continent, si nous avons l'audace et la détermination de celles et ceux qui, il y a 35 ans, ont abattu des murs. C'est à nous de faire. Et ce qu'il nous faut penser pour le siècle qui vient, c'est une Europe de puissance. Et c'est, au fond, tout ce que nous nous étions interdits de penser pendant toutes ces décennies, mais de le faire ensemble. Et si je suis là aujourd'hui, c'est pour vous dire ces mots, de le faire ensemble.

La puissance était un mot interdit en Europe quand elle était une puissance nationale ou nationaliste qui divisait le continent et le menaçait de guerre civile. La puissance est un devoir pour les Européens. S'ils la pensent et la conçoivent ensemble pour protéger leur espace, pour protéger leurs frontières, pour protéger leur puissance économique, pour devenir une puissance géopolitique et pour bâtir cette puissance démocratique qui est à refaire. Alors ayons cette audace, ayons cette détermination et avec beaucoup d'humilité, une immense amitié, une immense admiration pour ce que vous avez fait durant ces décennies. Laissez-moi vous dire qu'aujourd'hui, c'est avec confiance, envie, et vous l'avez compris, audace et détermination que je me tiens devant vous pour que nous sachions saisir cette époque et la faire plus belle encore. Merci à toutes et tous de votre patience avec moi aujourd'hui. Et au fond, Jean Monnet, einer der Gründerväter der europäischen Einheit, drückte es so aus         : ”Wir koalieren nicht Staaten, wir vereinen Menschen. Unsere Aufgabe, unsere Pflicht ist es, jeden Tag aufs Neue für diese Vereinigung, diese Einheit, zu kämpfen. Uns jeden Tag aufs Neue dafür einzusetzen.” Werden wir dieser Aufgabe gerecht. Es lebe die deutsch-französische Freundschaft. Es lebe das geeinte Europa.

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