Fait partie du dossier : Déplacement en Asie du Sud-Est.

Le Président de la République et Madame Brigitte Macron se sont rendus à Singapour pour une visite d’État le 30 mai 2025.

Une cérémonie d'accueil a été organisée au Parlement de Singapour.

Puis le chef de l'État s'est entretenu successivement avec Tharman Shanmugaratnam, Président de la République de Singapour, et Lawrence Wong, Premier ministre, avant de donner une conférence de presse avec ce dernier.

Revoir la conférence de presse :

30 mai 2025 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse du Président Emmanuel Macron et du Premier ministre de la République de Singapour Lawrence Wong.

Emmanuel MACRON

Merci, Monsieur le Premier Ministre, cher Lawrence, Mesdames, Messieurs les ministres, Mesdames, Messieurs les ambassadeurs, Mesdames, Messieurs les parlementaires, Mesdames, Messieurs, je tiens à vous remercier, Monsieur le Premier Ministre, et à remercier Monsieur le président de la République pour votre accueil chaleureux.

Et c'est un immense honneur pour ma délégation, mon épouse et moi-même, d'être parmi vous depuis hier, avec pas simplement des partenaires, vous l'avez dit, mais des amis de confiance, et cela, depuis 60 ans. Et cette confiance remonte en effet à l'avènement d’un Singapour indépendant et à la relation exceptionnelle que le père fondateur de Singapour, Lee Kuan Yew, a su tisser avec la France. Et au moment où nous commémorons les 10 ans de sa disparition, je tenais à avoir une pensée pour cet homme hors du commun. Sa vision inspire encore et toujours. Elle est empreinte de modernité, de tolérance, de volontarisme politique, comme quoi ces notions sont compatibles entre elles, ce qui devrait inspirer largement notre actualité. En tout cas, face à la tentation du repli sur soi, du protectionnisme, de la violence, cette pensée a un pouvoir d'inspiration qu'il ne faut pas négliger.

Je suis très heureux et je vous remercie, Monsieur le Premier Ministre, pour votre accueil dès hier soir, notre cheminement ensemble et nos discussions, et le très bon échange que nous avons eu ce matin. Je voudrais revenir sur quelques points que vous venez d'évoquer, d'abord pour dire que nous croyons ensemble à un multilatéralisme efficace. J'aurai l'occasion d'y revenir tout à l'heure, puisque vous m'avez offert, et je vous en remercie, l'opportunité d'intervenir dans le dialogue du Shangri-La. Mais, je veux ici dire combien il y a une communauté de vues en la matière entre Singapour et la France. D'abord, nous vous sommes très reconnaissants de la position que vous tenez depuis le début de la guerre d'agression russe en Ukraine, en ayant pris des mesures contre la Russie, en soutenant l'Ukraine, et c'est la démonstration faite par votre prédécesseur et vous-même, qu'au fond, cette guerre est évidemment existentielle pour les Européens et leur sécurité, mais qu'elle concerne la planète toute entière et qu'on ne peut pas laisser la loi du plus fort s'imposer. Nos deux pays veulent une paix robuste et durable qui commence par un cessez-le-feu immédiat et nous soutenons justement l'ordre international.

Nous avons également échangé sur la situation au Proche-Orient. Dans l'immédiat, il est impératif que la population palestinienne puisse bénéficier d'une aide humanitaire. Mais nous sommes aussi convaincus qu'il y a un chemin de paix durable qui garantit la paix pour tous, Israéliens comme Palestiniens, et c'est l'objectif, justement, du processus politique que nous souhaitons lancer sur la reconnaissance mutuelle et la possibilité d'un État palestinien, avec des préalables que j'ai pu rappeler ces derniers jours et sur lesquels je pourrais revenir si des questions sont posées. En tant que pays de l'Indopacifique, la France est aussi aux côtés de Singapour afin de rappeler l'importance du respect du droit international dans la région, en particulier en matière de liberté de navigation, sans laquelle il ne saurait y avoir de commerce et par conséquent de prospérité.

Et alors que Singapour participe au G20 en tant qu'observateur et que la France présidera le G7 l'année prochaine, nous partageons le souhait de renforcer les partenariats internationaux, de faire avancer la réforme des institutions financières internationales et le pacte pour la prospérité des peuples et de la planète que nous avons lancé en 2023, rejoint par Singapour, incarne pleinement cette ambition, à savoir qu'aucun pays ne devrait avoir à choisir entre la lutte contre la pauvreté et la lutte contre le changement climatique. Cette action multilatérale étant enracinée dans un partenariat désormais renforcé sur le plan bilatéral, vous l'avez dit, avec ce Comprehensive strategic partnership signé à l'occasion de cette visite et qui se décline dans des domaines extrêmement variés. Nous allons mettre en place une coopération dans l'énergie civile nucléaire pour accompagner Singapour dans sa montée en compétences. Nous allons partager notre expertise et notre savoir-faire en matière d'énergie décarbonée et de connectivité électrique. C'est l'enjeu de l'ASEAN Power Grid et des projets importants comme ceux que nous venons de signer en Indonésie, qui vont permettre aussi de fournir de l'énergie décarbonée à Singapour. C'est le cœur de ce que nous signons en matière d'intelligence artificielle, de quantique, de cyber, mais aussi les coopérations que nous voulons nouer en matière d'espace.

Nous allons densifier notre coopération historique dans le secteur aérien, avec la perspective de nouveaux projets, avec l'aéroport de Singapour, qui est l'un des plus importants au monde. Et dans le secteur de la défense, vous l'avez rappelé, Monsieur le Premier Ministre, nous sommes fiers d'avoir la confiance de Singapour, de former vos pilotes à Cazaux depuis 1998 et d'avoir un partenariat inédit dans tous les segments du jeu. Je citais là le partenariat de formation dans l'aérien, mais en étant aussi des fournisseurs de capacités maritimes, en ayant des échanges extrêmement intenses en termes d'intelligence artificielle et une grande intimité en matière de renseignement. Je ne serai pas exhaustif sur l'ensemble des accords que nous avons signés ce matin.

Je pourrais rappeler aussi, comme vous l'avez fait, l'importance des échanges culturels, humains et éducatifs que nous allons continuer de densifier entre nos pays. Cet après-midi, d'autres accords seront signés par les opérateurs et les entreprises de nos deux pays. Un forum économique se tiendra aussi. Et ce partenariat stratégique renforcé reflète bel et bien notre attachement, en effet, à la souveraineté et à l'autonomie stratégique. Il vise aussi à développer les projets investissement singapouriens en France. Temasek a ouvert la voie en s'installant en France l'année dernière. C'était un engagement pris lors d'une édition précédente de Choose France. Nous aurons l'occasion cet après-midi de voir plusieurs investisseurs et entrepreneurs, et je souhaite que la relation et les investissements croisés puissent également s'intensifier.

Permettez-moi de terminer avec un message européen. En visitant l'Asie du Sud-Est tout au long de cette semaine, nous avons commencé à concrétiser l'immense potentiel de coopération entre votre région de près de 700 millions d'habitants et une Europe de 450 millions d'habitants. Et la France sera toujours un soutien des efforts de l'Union européenne visant à renforcer les liens avec les pays de l'ASEAN en particulier dans le secteur économique via de nouveaux accords commerciaux de même que nous sommes désireux, avec vous, de renforcer aussi les liens avec le partenariat transpacifique et de réouvrir un dialogue, justement, pour un accord global avec les partenaires de ce format transpacifique en matière de commerce, d'échange et d'innovation. L'Europe peut apporter ses compétences, son savoir-faire, son marché intérieur. Et vous l'avez dit, CPTPP et l'Union européenne, c'est un tiers à peu près de la richesse mondiale. C'est une capacité de commerce encore plus importante. Et le lien entre l'Europe et l'ASEAN, l'Europe et le CPTPP est très clairement une voie pour mettre en œuvre un multilatéralisme efficace, mais aussi cette autonomie stratégique dans laquelle Singapour et la France croient ensemble. Monsieur le Premier Ministre, merci pour votre accueil, la qualité de nos échanges et la confiance qui nourrit l'agenda entre Singapour et la France. Merci beaucoup.

Journaliste

Bonsoir. Monsieur le Président, Monsieur le Premier Ministre. Monsieur le Président, vous l'avez dit, vous allez ce soir ouvrir le Shangri-La Dialogue, exposer votre vision géopolitique. Pouvez-vous nous dire un peu plus en longueur quel est le message clé que vous entendez porter ? Et puis, depuis le début de cette tournée, vous avez défendu une posture de puissance, d'équilibre et crédible sur la scène mondiale. Mais cette crédibilité n'est-elle pas sapée elle-même lorsque, depuis Kiev, avec les autres Européens, vous lancez des ultimatums assortis de menaces de sanctions massives à la Russie ? Vous affirmez le faire de concert avec Donald Trump, mais derrière, ces ultimatums ne sont pour l'instant suivis d'aucun effet. Merci beaucoup.

Emmanuel MACRON

Merci beaucoup. Écoutez, je suis là pour dire d'abord que la France est un acteur de l'Indopacifique par nos territoires ultramarins. Plus d'un million de nos compatriotes vivent dans la région. Par notre présence militaire et stratégique, plus de 8 000 militaires sont déployés dans la région et par les exercices conjoints que nous effectuons et que nous avons fortement intensifiés ces dernières années. Depuis 2018, la France a posé une stratégie Indopacifique. Nous l'avons ensuite européanisée 3 ans plus tard. Et celle-ci consiste à dire qu'il y a une troisième voie possible qui n'est ni la soumission à la Chine, ni la conflictualité avec la Chine, mais la volonté de préserver les libertés de la souveraineté et donc un monde qui repose sur le respect des règles internationales, le respect entre l'ensemble des puissances de la région. C'est, je crois, un levier très fort d'alignement stratégique et de convergence d'intérêts avec beaucoup de pays de l'ASEAN, dont nous reconnaissons pleinement la centralité, et de toute la région, ce qui, d'ailleurs, a fait que la France a multiplié les partenariats capacitaires et stratégiques avec tous les pays de l'Indopacifique ces dernières années.

Et de l'Indonésie à l'Inde, en allant jusqu'aux Émirats arabes unis, nous avons déployé l'offre Rafale, l'offre de nos sous-marins. Nous avons l'intimité depuis 60 ans que nous avons décrite avec Monsieur le Premier Ministre avec Singapour et cette formation depuis 25 ans des aviateurs.

Mais nous avons aussi déployé un agenda diplomatique, économique, d'innovation, de l'intelligence artificielle à tant d'autres domaines et de croissance durable avec beaucoup des pays de la région. Et donc, dans un monde de plus en plus incertain où, au fond, les règles du jeu sont remises en cause parfois par les plus forts, nous pensons que réaffirmer notre crédibilité commune, une même lecture du monde, mais une capacité aussi à agir ensemble, est un élément structurant. Je ne crois pas que l'après-Kiev soit un problème de crédibilité pour les Européens. Je pense que c'est un test de crédibilité pour les Américains. Nous, Européens, depuis 3 ans, nous sommes constants. Nous sanctionnons la Russie, nous aidons l'Ukraine et nous ne voulons pas l'escalade conduisant à une nouvelle guerre mondiale. Nous avons eu raison, depuis février, de monter cette coalition des volontaires qui a dit dans un moment d'incertitude, et c'est très cohérent avec ce que je viens de vous dire pour la région et l'Indopacifique, nous voulons aller plus loin. Et nous voulons, au fond, dire aux Ukrainiens, « nous vous soutenons et nous sommes là pour bâtir avec vous une paix durable ». À Kiev, il y a quelques semaines, avec le Premier ministre Starmer, le chancelier Merz et le Premier ministre Tusk, puis réunissant l'ensemble de nos collègues de la coalition des volontaires par une visioconférence, nous avons dit, « nous soutenons la proposition américaine d'un cessez-le-feu inconditionnel de 30 jours sur mer, dans les airs et sur terre », laquelle a été agréée dès mars par le président Zelensky. Et nous sommes prêts ensemble à bâtir les éléments d'une paix robuste et durable en apportant les éléments de garantie de sécurité à l'Ukraine. Nous nous sommes ensuite coordonnés avec le président américain qui a apporté son soutien à cette approche.

Enfin, nous sommes prêts, européens, à participer à des éléments de sanctions dissuasives si les Russes ne venaient pas à la table des négociations et ne venaient pas, en quelque sorte, avec une proposition de cessez-le-feu crédible. Les semaines qui ont suivi ont montré que la Russie n'était pas prête. Je note que le président Trump, ces derniers jours, a condamné avec force les frappes russes en Ukraine. Je me suis entretenu il y a 48 heures avec le président Trump, qui a marqué son impatience. La question maintenant, c'est qu'en faisons-nous ? Nous sommes prêts. Et donc nous attendons deux réponses. La confirmation par la Russie ou qu'elle n'est pas prête à faire la paix ou alors la clarté d'une réponse et d'un chemin dans cette direction, et en fonction de la réponse russe, l'engagement américain qui nous a été confirmé à Kiev. Les Européens sont crédibles, ils sont constants et ils sont fiables. Je ne crois pas que ce soit un élément de faiblesse en quoi que ce soit, au contraire. Et je pense que c'est la même crédibilité, la même fiabilité qui est ici offerte à nos partenaires dans l'Indopacifique. Nous n'avons pas changé, nous croyons toujours à l'ordre international, à la coopération, au commerce ouvert et au respect de ses règles. Et nous sommes des partenaires qui sommes prêts à nous engager avec Singapour et tous les pays de la région pour améliorer la sécurité collective, pour avoir un cadre d'innovation respectueux de nos règles communes et pour que l'ordre international soit rétabli. Je vois beaucoup de cohérence et de constance dans cette position depuis les confins de l'Europe jusqu'à l'Indopacifique et aujourd'hui Singapour.

Journaliste

Bonjour Monsieur le Premier Ministre, bonjour Monsieur le Président. Ma question porte sur Gaza. Tout au long de ce séjour, vous avez rappelé à plusieurs reprises votre opposition au double standard. Alors que vous plaidez pour des sanctions massives contre la Russie, l'Union européenne envisage aujourd'hui de réexaminer l'accord d'association avec Israël ? Faut-il aller plus loin ? Faut-il sanctionner Israël ? Et enfin, confirmez-vous votre présence à la conférence internationale à New York et comptez-vous reconnaître à cette occasion l'État de Palestine ? Certains affirment aujourd'hui qu'il s'agit d'une nécessité morale. Que leur répondez-vous ? Merci beaucoup.

Emmanuel MACRON

Merci beaucoup. Je pense que tout dépend des choix qui seront faits par le gouvernement d'Israël dans les prochains jours. Et il est très clair aujourd'hui que nous ne pouvons pas laisser la situation durer. Le blocus humanitaire qui, aujourd'hui, prévaut, crée une situation qui est insoutenable sur le terrain. J'ai pu me rendre, il y a quelques semaines, à la frontière, en allant avec le président Sissi à El-Arich, et j'ai vu à la fois la détresse des blessés qui étaient pris en charge par les hôpitaux égyptiens et qui avaient pu sortir pendant la période de cessez-le-feu qui avait été octroyée durant quelques semaines. Mais qui, depuis le début du mois de mars, je le rappelle, est terminé. Et j'ai pu voir aussi, et plusieurs d'entre vous étiez à mes côtés, l'ensemble de l'aide humanitaire qui était stockée là, venant du monde entier, et bloquée par l'armée israélienne. Cette situation n'est pas acceptable, et aujourd'hui, c'est fournir l'eau, la nourriture, les médicaments, permettre de sortir les blessés, qui est une priorité.

Et donc s'il n'y a pas une réponse qui est à la hauteur de la situation humanitaire qui est apportée dans les prochaines heures et les prochains jours, bien évidemment qu'il faudra durcir la position collective et, en tout cas, appliquer ce qui est aussi les règles que nous nous sommes données à nous-mêmes, c'est-à-dire mettre un terme à des processus qui supposent le respect des droits de l'Homme, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, et appliquer des sanctions. Comme d'ailleurs, nous l'avons fait à titre individuel à l'égard, je le rappelle, des colons israéliens qui, de manière indistincte, ont tiré sur les populations civiles en Cisjordanie. Et donc oui, nous devons durcir notre position parce que c'est aujourd'hui une nécessité. Mais j'ai encore l'espoir que le gouvernement d'Israël infléchira la sienne et que nous aurons enfin une réponse humanitaire.

La France, avec l'Arabie saoudite, coorganisera au mois de juin, donc le 18 juin prochain, cette conférence. Nous sommes en train d'y travailler. Pour moi, ce qui s'est passé ces derniers jours est aussi très important. J'ai eu ici une discussion très importante avec Monsieur le Premier ministre et sur notre coopération dans le cadre de cette conférence. J'ai aussi eu une très bonne discussion avec le président Prabowo, qui a rendu publique sa position avant-hier et qui est pour moi un point très important, puisqu'il a marqué sa volonté, le jour où l'État d'Israël sera prêt à reconnaître la Palestine, de reconnaître lui-même Israël, ce qui n'est pas le cas, et de reconnaître aussi, évidemment, son droit à vivre en paix et en sécurité dans la région. Et donc, ce que nous sommes en train de construire dans les semaines à venir, c'est évidemment une réponse politique à la crise. Et oui, c'est une nécessité. Car aujourd'hui, au-delà du drame humanitaire qui se joue, c'est la possibilité même d'avoir un État palestinien qui est questionné. Et on voit bien qu'il y a chez certains la volonté de rendre impossible un État palestinien. Or, ce que nous défendons, c'est un aboutissement politique à la situation. Il y a eu l'attaque terroriste du Hamas le 7 octobre, que la France a condamnée avec fermeté. La réponse légitime d'Israël, que nous avons soutenue dans le droit de se défendre elle-même, et la lutte contre le groupe terroriste du Hamas. Nous nous sommes battus et continuons de nous battre pour la libération de tous les otages. Mais nous sommes convaincus que la réponse ne peut pas être que sécuritaire, elle doit être politique.

Et donc, la création d'un État palestinien, consécutive à la libération des otages, à la démilitarisation du Hamas, à la non-participation du Hamas dans celui-ci, à la réforme de l'Autorité palestinienne, mais d'un État palestinien qui reconnaîtra Israël, son droit à vivre en sécurité et la création d'une architecture de sécurité dans toute la région, sont le seul aboutissement souhaitable pour la sécurité de tous et le seul qui garantira la paix dans la région. Et donc, ce n'est pas simplement un devoir moral, mais une exigence politique et, je crois aussi, un vrai réalisme. Et tous ceux qui sont attachés au droit des peuples, justement, à disposer de leur propre liberté, de pouvoir décider pour eux-mêmes, et tous ceux qui sont attachés à la liberté et à la sécurité d'Israël, je crois, doivent se retrouver dans ce dessein commun. En tout cas, c'est ce à quoi nous continuons d'œuvrer et c'est ce que nous essaierons de consacrer par un moment important le 18 juin ensemble et j’y serai.

Journaliste
La première partie de ma question s'adresse au Président Macron, sachant le contenu des liens entre la France et les États-Unis. La France est-elle en mesure de jouer un rôle dans la rivalité entre les États-Unis et la Chine dans la région ?

Emmanuel MACRON

Merci beaucoup. Nous sommes des amis proches des États-Unis d'Amérique, comme vous l'avez dit, mais nous ne sommes pas dépendants des États-Unis d'Amérique, notamment en termes de capacités de défense. Et la France est à cet égard une exception en Europe, car nous avons développé au fil des décennies nos propres capacités, dans le domaine de l'énergie également et dans de nombreux autres domaines. Alors, ce n'est pas le cas de tous les autres Européens, mais nous y travaillons dur afin de renforcer notre autonomie stratégique. C'est essentiel pour l'agenda français et européen. C'est la raison pour laquelle, compte tenu de la spécificité et également compte tenu de notre présence dans le Pacifique, grâce à nos territoires, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie, Wallis et Futuna, la Réunion, Mayotte et d'autres territoires, nous faisons partie de cette région. Nous avons 1 million de concitoyens dans la région. Nous avons plus de 8 000 soldats et nous participons à de nombreux exercices communs avec des partenaires de la région. Nous avons des partenariats avec de nombreux pays. De ce fait, nous sommes clairement un acteur de l'Indopacifique. Et ce que nous pouvons apporter, c'est précisément le fait que faisant partie d'une alliance tout en étant indépendants, nous partageons les mêmes valeurs, nous soutenons le libre commerce.

Et j'ai à l'esprit les mots du précédent Premier ministre australien, Malcolm Turnbull, sur ce sujet. Et je crois que nous sommes dans une position assez forte alors que nous sommes lucides, nous ne sommes certainement pas une superpuissance comme les États-Unis ou la Chine, mais nous ne voulons dépendre d'aucun d'eux. Nous voulons coopérer avec les deux autant que faire se peut, et nous pouvons coopérer en faveur de la stabilité, de la croissance, de la prospérité dans l'intérêt de tous. Et je pense que c'est le même point de vue que celui de nombreux pays de la région. Nous voulons, en ce sens, agir ensemble, réduire les risques pour nous-mêmes et voir comment précisément nous pouvons nous engager, contribuer avec l'ASEAN et d'autres pays afin de favoriser la stabilité, réduire les risques et travailler très étroitement ensemble en faveur de cette troisième voie pour la rendre possible.

Un déjeuner d'État a été offert à la France par la République de Singapour.

Revoir les prises de parole : 

 

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Prise de parole du Président de la République au déjeuner d'Etat à Singapour.

Mr. President, madam, ladies and gentlemen, Ministers, ladies and gentlemen, members of Parliament, ladies and gentlemen, ambassadors, dear friends, I have to confess, Mr. president, since this morning, I have a big issue, because each time Mr. president is supposed to speak before me, and I have nothing to disagree with and not to say much more than that, he said exactly what I wanted to say. And I have to confess it's not the best position to speak, because he made a perfect synthesis of exactly the spirit and the concrete achievements of the relation between Singapore and France.

But, Mr. president, let me thank you for the warm welcome and discussion we had this morning. But to tell you that this visit for my wife and myself and our ministers and the whole delegation means a lot. First, because, as you mentioned, this is the 60th anniversary of Singapore's independence. 60 years of diplomatic relations between our two countries, and 60 years of friendship, partnership and cooperation. And in fact, my problem is a source of confidence in the future, because after 60 years, we can say that we understand each other. And if “petit à petit, l’oiseau fait son nid” indeed, this is how trust can be built. 60 years of discussions, visits, common events. And I do remember your presence in the Olympic Games and the bronze medal won by your incredible athlete, Maximilian Maeder. But as well, 60 years of concrete projects, and I want to thank all the scientists and entrepreneurs and companies being part of this journey. In a few decades, your city state has seen exceptional growth, and today, it's a major hub of exchange and progress at the heart of Southeast Asia. And I have to say that Singapore is clearly a source of inspiration and admiration. And speaking from an old continent to such a young nation, we are very aware of the respect and the humility we have to deploy in front of you. For the constant flow of ships passing through from around the world, Singapore is a beacon at the intersection of cultures and talents. And you manage to preserve such a unity, such a strength, such a homogeneity with so many cultures.

It's very impressive. 200 years ago, sir Stamford Raffles explored the island of Pulau Ujong, seeking a strategic position and his name was given to the very hotel we are in today, where the path of so many women and men have crossed. And somewhere among the palm trees and Fushan Bougainvillea is the memory of the role of André Malraux, who once stayed here, thinking, writing and celebrating Singapore, describing it as a “starfish”, literally a star of the sea. In those 60 years, France and Singapore have never stopped advancing together, in particular in the field of science, where we have worked on building a fruitful partnership for many years. And indeed, you referred yourself to Pierre-Médard Diard and Alfred Duvaucel, who drew up a list of the island's fauna on flora at the end of the 19th century. But since this moment, even before your independence, our relationship is based on all the exchange between our institution scientists. Today, 200 French researchers live in Singapore. Our national center for Scientific Research has 4 research labs here. And since 2020, our common AI roadmap has maintained promising momentum, just like the digital and green partnership signed in 2022. 10 years after his death, France has not forgotten what it owes to Lee Kuan Yew, who was, on many topics, the tireless instigator of our bilateral cooperation project. And today, we acknowledge the fruit of his labor, as seen in the exchange of students, researchers and entrepreneurs between our two countries, nourishing our friendship. It can be seen in the vitality of our cultural cooperation as well.

This year, one of the events that illustrates our partnership is a beautiful exhibition by the photographer Melisa Teo. You mentioned her, a Singaporean who adopted friends entitled « Two Rivers ». And I had the pleasure yesterday indeed of discovering this both Singaporean and French artworks displayed on Anderson Bridge, which is fitting considering the many bridges between our two countries. But as well, “Yves Le Louvre” is here with the president and our Minister of Culture is because of this in-depth links and the friendship of so many people here in this room, accompanying our institutions and being part as well of our cultural ambition. From this story, these stories, a rigorous and solid friendship was born. From the beginnings of Singapore's independence, French businesses such as Air Liquide, CMA CGM, Thalès, STMicroelectronics set up here. In 1998, Cazaux Air Base in France welcomed the first Singaporean pilots, sealing a unique defense relationship. And two years ago, at the Elysée Palace, I had the opportunity to receive several Singaporean aviators to celebrate this extraordinary cooperation. Near the Bassin d'Arcachon, the city of Bordeaux, Singaporean families have, I hope, rediscovered the sea of their home, which calls them just like us to the open sea.

Today, we are determined to bring the EU and ASEAN closer together in a new world fragmented by tensions and wars. It is by joining forces that we will overcome the difficulties ahead. And I want to thank all precisely the institutions and entrepreneurs being present. And so many companies want to develop more, from Airbus to TKO And our small business and the small enterprises, they want to do much more with Singapore because they find here good friends. And you mentioned, Mr. president, I don't want to repeat you, you perfectly summarize the strength and the content indeed of the new comprehensive partnership which you signed. From Quantum to AI, from the classical industry to defense and so on, we have such a range of cooperation which is totally unique. Our defense corporation shared support of multilateralism and joint investment in breakthrough technologies are all paving the way for future generations. And the first step on this path is clearly this global strategic partnership that we have signed. Because this is not just a statement of intent, it is a tangible roadmap to invent together in the fields of artificial intelligence, quantum tech, civil, nuclear energy, education, cultural creation, so many real, concrete and positive cooperation. It is a promise we are making to the generations that follow so that we can tackle together the next 60 years with the brave spirit of the pioneers and your founding fathers. So please allow me to raise this glass to the friendship between Singapore and France, to our pioneers of yesterday and tomorrow, and for, I would say, such intimacy of our in depth south regarding our current global environment. But what we want to do with these friendships, a better world. With our great admiration and friendship, let me have a toast for Singapore and France.

En début d'après-midi, le Président Emmanuel Macron s'est rendu à la International French School pour rencontrer la communauté française résidant à Singapour.

30 mai 2025 - Seul le prononcé fait foi

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Discours du Président Emmanuel Macron à la communauté française de Singapour.

Bonjour. Madame, Monsieur le ministre, Madame la députée, chère Anne, merci Monsieur l’ambassadeur d’avoir organisé ce rendez-vous, merci Monsieur le directeur de nous accueillir dans votre lycée, Mesdames, Messieurs les conseillers consulaires, conseillers du commerce extérieur, Mesdames et Messieurs à vos grades d'égalité, chers compatriotes, chers amis et chers élèves, heureux de vous retrouver.

Écoutez, je suis venu avec mon épouse, les ministres et nos délégations pour vous dire quelques mots au milieu de cette tournée régionale et de ce voyage à Singapour. Dans un moment important d'abord de la relation bilatérale, en effet, vous le savez mieux que quiconque, cela fait 60 ans, 60 ans que Singapour est indépendant, 60 ans que la France l'a aussitôt reconnu et a engagé des relations diplomatiques fortes, 60 ans que nous avons une relation bilatérale qui est extrêmement forte et au fond très singulière. Elle est d'ailleurs assez unique pour nous deux parce qu'elle a une diversité que nous avons avec très peu de pays de la région et elle a une profondeur que Singapour a avec très peu d'autres partenaires.

Il y a en effet très peu de pays pour lesquels nous formons les pilotes, ce qui est fait à Cazaux, comme vous le savez, pour l'armée de l'Air singapourienne, avec lesquels nous avons une telle relation qui va des équipements militaires, en effet, ces formations, à l'intelligence artificielle en défense, qui est une des choses les plus sensibles, avec lesquelles on entretient une coopération scientifique et académique inédite qui ont, au fond, commencé avant même l'indépendance de Singapour, c'étaient nos scientifiques qui ont fait les revues des espèces, de la faune et de la flore ici même, et qui s'est poursuivie à travers des liens économiques dans tous les domaines que vous incarnez. Et au fond, vous parlez de ce que depuis 60 ans nous avons fait ici, c'est vous parler de vous et vous dire avant toute chose ma reconnaissance. C'est pourquoi je souhaitais que nous puissions nous voir dans ce moment et que vous soyez étudiante ou étudiant à l'ESSEC ou ailleurs, entrepreneur, VIE, expatrié de longue date aux nouveaux arrivés, vous représentez la force de ce lien bilatéral. On ne sait jamais dire combien nous sommes exactement, 20 000, 30 000, sans doute un peu plus. Je peux vous dire une chose, c'est qu'hier soir, quand on est arrivé avec mon épouse et les ministres dans le marché, où le Premier ministre avait pour ambition de nous montrer la culture culinaire et la tradition singapourienne, il a lui-même été surpris de ne croiser à peu près que des Français.

Et donc nous avons eu un échantillon de la diversité, de la présence ici qui est la nôtre, et je veux vous dire ma fierté de cela. Mais en effet, il y a des entreprises qui sont ici depuis très longtemps et qu'il s'agisse de CMA-CGM, héritière de la Compagnie des messageries maritimes, qui ouvraient dès 1862 les premières liaisons, aux négociants qui sont toujours présents ici, qu'il s'agisse de toutes les entreprises dont vous portez ici l'ambition, Total, CMA-CGM, mais je ne veux pas faire des jaloux Thalès, comme Alstom, qui porte des enjeux importants que nous sommes venus défendre, et à peu près toutes les grandes entreprises françaises qui sont ici présentes. 1 000 filiales françaises qui emploient 40 000 personnes, 200 chercheurs qui sont là aussi présents, la haute couture, les parfums, les bons vins, les hautes technologies. Voilà. Vous êtes cette diversité de la présence française à Singapour qui porte ici notre ambition, l'amitié depuis 60 ans.

En vous remerciant, je veux aussi remercier les équipes de l'ambassade, l'ensemble des services et de nos consulats. Je sais tout le travail qui a été fait ces dernières années : dématérialisation de l'État civil, vote par Internet, démarche à distance, là aussi l'innovation mise au service de l'action de l'État. Et merci, monsieur l'ambassadeur et l'ensemble de vos équipes pour tout ce travail fait. Et puis je veux aussi remercier évidemment notre lycée, vaisseau amiral d'un enseignement du français dans toute la sous-région, Madame la directrice, et ici plus de 3 000 élèves. Alors avec l'extension, on aura une capacité de 4 000 à terme, mais je veux remercier l'ensemble du corps enseignant, des personnels administratifs, des familles aussi qui sont ici présentes et qui portent cette ambition qui est la nôtre. Et, chère Anne, Madame la députée, je sais combien vous avez toutes ces années défendu la force de cette relation bilatérale, la force aussi de, voilà, cette politique qui est collectivement la nôtre et qui porte une ambition entrepreneuriale, scientifique, académique, et la force de tous ces liens et de cet enseignement pour faire rayonner ici la France comme vous le faites.

Alors, je veux surtout maintenant vous parler aussi de l'avenir, parce que nous avons, ces dernières années, ouvert de nouveaux chapitres. En 2012, en effet, la France a signé un nouveau partenariat stratégique qui a consolidé le lien bilatéral. Et comme vous le savez, il y a quelques mois, nous avons décidé d'ouvrir un nouveau segment avec ce “Comprehensive strategic partnership” avec le Premier ministre. Et il s'est concrétisé par beaucoup de signatures, ce matin par nos ministres et nos grandes administrations, et toute la journée aussi par plusieurs signatures d'accords. D'abord, nous consolidons, c'est le premier axe, un combat commun pour le développement durable et la croissance décarbonée. Je vais ici dire combien le modèle singapourien est impressionnant à ce titre, et la France veut être un partenaire de cela. Et c'est une manière de continuer à porter l'excellence de nos coopérations, scientifique et entrepreneuriale, mais d'être un partenaire de l'énergie décarbonée ici. Pour vous donner un seul exemple, nous avons signé un des plus gros contrats TotalEnergies en Indonésie de panneaux solaires. C'est pour fournir l'énergie décarbonée à Singapour. Et ça s'intègre dans cet ASEAN Power Grid auquel nous voulons participer par cette offre. Et la plupart, d'ailleurs, des compétitions auxquelles nous nous livrons, face à des amis et adversaires américains, européens ou asiatiques, c'est souvent pour participer à ces projets de décarbonation. En particulier, les grands projets de transport en commun, où Alstom et l'offre française sont là et nous continuons à avancer.

Nous sommes aussi engagés dans le cadre de la finance internationale pour poursuivre cet agenda. Et je dois dire que Singapour, par sa capacité à dialoguer, à tirer toute la région, est un fer de lance de ce combat dans lequel nous croyons et nous avons engagé le pays qui, au fond, crée des emplois, est compétitif et décarbone nos économies. Le deuxième axe dans lequel nous nous engageons encore à un autre avantage et qui est lié au premier, c'est celui des transports. Je l'ai souligné tout à l'heure, Singapour est un hub aéroportuaire et à travers, en effet, CMA-CGM, Alstom, RATP Dev, mais aussi Thalès et IDEMIA pour la gestion et le trafic, donc les modèles de sécurisation du trafic aérien, nous avons, là aussi, des partenariats et des ambitions encore supplémentaires pour aller plus loin et accompagner Singapour dans ses ambitions. Le troisième axe, c'est le développement de coopérations universitaires et scientifiques. Nous allons créer un campus professionnel franco-singapourien entre Schneider Electric et l'Institute of Technical Education, centré sur l'usage des numériques dans les secteurs de l'énergie, mais aussi développer justement un modèle de formation plus professionnalisante et notre souhait est que cette coopération aille encore plus loin dans l'avant-garde technologique. Le quatrième axe, ce sont justement : intelligence artificielle, quantique, énergie nucléaire, durabilité, c'est-à-dire les axes d'innovation profonde et d'innovation de rupture. Singapour est notre partenaire le plus intime, en particulier en termes d'IA, c'est-à-dire qu'il croit comme nous à l'innovation, qu'il veut développer des capacités supplémentaires qu'il ne veut pas dépendre ni des États-Unis ni de la Chine, mais qu'il croit aussi dans une IA éthique. Et donc ce que nous avons signé ces dernières heures est, là aussi, un point important, comme ce que nous avons scellé en matière de nucléaire civile, qui est, là aussi, une manière de décarboner l'énergie, mais d'aller sur les segments les plus innovants. Et puis le dernier axe, ce sont les échanges culturels et académiques, mobilité des étudiants, mais aussi, offre culturelle avec des expositions croisées, avec aussi un partenariat pour le développement futur du Louvre.

Je pourrais continuer d'accumuler les secteurs, mais ce sont là les principaux axes de cette nouvelle feuille de route bilatérale. Et celle-ci vient servir au fond une ambition plus large. Et je voulais, ici, le partager avec vous dans l'environnement qui est le vôtre et comme compatriote aussi dans un moment où la question est posée. Quid de la France et de l'Europe face au défi du monde et de la région. Je crois qu'il y a beaucoup à faire entre Singapour et la France et entre l'ASEAN et l'Europe, et plus largement entre justement le partenariat transpacifique et l'Europe. Pourquoi ? Parce que nous avons exactement les mêmes enjeux. Nous sommes des économies ouvertes qui dépendent beaucoup du commerce international, qui dépendent beaucoup de la capacité à innover, qui ont des défis de décarbonation massif, et qui sont soumis aujourd'hui à une instabilité et une incertitude de l'évolution géopolitique. Que vont décider les États-Unis d'Amérique sur les tarifs ? Que vont-ils décider sur leurs grands alliés et leur solidarité militaire ? Et une incertitude quant au choix que la Chine va faire. Est-ce qu'il y aura encore une liberté de navigation en Mer de Chine méridionale ? Est-ce qu'il y aura encore une liberté de la souveraineté pour toutes les puissances de la région ? Et nous ne sommes pas des superpuissances, mais nous représentons, si on regarde les espaces que j'ai évoqués, à peu près un tiers de la croissance mondiale et un peu plus même du commerce international.

Et donc, si nous décidons, nous, de coopérer, de nous donner des règles, de défendre un monde qui repose sur des principes communs, le respect de la souveraineté des peuples et de leur intégrité territoriale, qui croit encore dans un monde ouvert qui respecte les règles du jeu, nous avons la possibilité de ne pas céder à la tyrannie des superpuissances. Mais ça, ça suppose d'être cohérent, d'être compétitif et d'être ambitieux. Et c'est exactement l'agenda que nous voulons pour le partenariat entre l'ASEAN et l'Europe et que nous sommes venus sceller par ce chemin. Et c'est celui que nous nous devons à nous-mêmes.

Et je conclurai par là pour vous donner des nouvelles du pays, si je puis dire. La question qui est posée aux Européens et aux Français, c'est : voulez-vous, au fond, continuer à écrire l'histoire ou pas ? Nous avons pendant des décennies tiré les dividendes de la paix. On l'a oublié. Le monde redevient incertain et brutal. Et donc, nous devons participer de ce réveil et en tirer les leçons pour nous-mêmes. Et donc, il ne faut pas arrêter les réformes de compétitivité ni en France ni en Europe. Et donc, nous devons poursuivre un chemin d'exigence qui, pour nous-mêmes, doit nous offrir la possibilité d'avoir un modèle productif et de financer un des modèles de socialisation les plus généreux au monde. Vous, vous le savez, ô combien, qui vivez dans cette région qui n'a pas tout à fait les mêmes standards. Parfois, on l'oublie en Europe. Et le niveau de socialisation est extrêmement généreux, c'est une force, aussi longtemps qu'on sait la financer avec une économie productive. Donc, il faut une France et une Europe qui continuent d'être plus productives. Et donc, qui s'engage sur le chemin de la simplification, de la compétitivité, des réformes pour, justement, être en capacité d'être à la pointe de l'innovation, de créer de la richesse sur notre continent et d'être maître de nos choix sur le plan de la compétitivité et de nos finances. Ensuite, il faut, dans tous les registres du jeu, nous renforcer pour être plus autonomes en termes technologiques, industriels et de défense et de sécurité. La France a une avance, son modèle, son modèle énergétique, son modèle technologique, son modèle d'armée qui est moins dépendante des États-Unis que d'autres. Nous avons une force, c’est qu'on s'est réveillé plus tôt. Dès 2018, on a commencé à augmenter notre budget des armées. On l'aura doublé après ces deux lois de programmation.

Mais l'Europe n'est pas au bout du chemin. Et donc, nous avons à bâtir une autonomie stratégique beaucoup plus forte, au fond, une indépendance. Tout ça va supposer des investissements, des choix profonds, c'est ce que nous aurons à conduire. Et donc, je voulais aussi vous dire ici ma détermination à continuer le chemin pour la France et pour l'Europe, d'avoir cette indépendance, cette autonomie stratégique, de l'expliquer à nos compatriotes et aux autres Européens pour garder, justement, cette capacité à faire dans les années qui viennent, mais aussi à bâtir le partenariat essentiel avec la région dans laquelle nous nous trouvons, précisément parce que nous avons une communauté de destin dans ce monde instable.

Voilà, mes chers compatriotes, ce que j'étais aujourd'hui venu vous dire et la raison de ce déplacement dans la région depuis le début de semaine, vous dire ma gratitude de vous avoir ici. Vous portez, pour les uns depuis quelques mois, pour les autres depuis des décennies, une part de France ici à Singapour, une part de ce partenariat si singulier, de cet attachement et de ce respect réciproque que nous avons les uns pour les autres, mais une part aussi de notre ambition commune. Moi, je suis profondément convaincu qu'il y a dans ce que je viens de dessiner à la cavalcade, que j'essaierai de défendre ce soir au dialogue du Shangri-La et que nous portons vraiment avec le Premier ministre comme le président ici une part de notre avenir désirable, celui qui est fidèle au passé que nous avons eu et qui nous permet d'embrasser la modernité au service d'un humanisme que nous partageons. Je ne crois pas à la logique du plus fort, je ne crois pas au retour des superpuissances de manière durable, je ne crois pas non plus au retour du monde d'avant. C'est cette transition que nous sommes en train de vivre, elle est exigeante, mais nous saurons la porter parce que nous avons déjà, et Français et Singapouriens, su faire de tels miracles. Soyez fiers de ce que vous portez ici. Moi, je suis très fier, en tout cas, de ce que vous défendez dans notre éducation, notre système de recherche, nos entreprises ou les nombreuses associations auxquelles vous participez et qui sont si importantes. Et je veux vous dire ici à nouveau mes remerciements et ma confiance dans notre avenir commun. Vive l'amitié entre Singapour et la France, vive la République et vive la France !

Il s'est ensuite entretenu avec des chefs d’entreprises singapouriens avant de se rendre au Dialogue du Shangri-la.

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