Après une journée à Mayotte, le Président Emmanuel Macron a poursuivi son déplacement ce mardi à La Réunion.

Le chef de l'État a abordé les grands enjeux propres à la région ultramarine la plus peuplée de France, notamment sa place stratégique au cœur de l’océan Indien et le rôle régional qui lui incombe.

Cette journée de rencontres et d’échanges avec les acteurs locaux était l'occasion de discuter des défis de souveraineté économique et alimentaire, de santé publique mais également des enjeux climatiques et agricoles.

Le Président de la République a d'abord rendu hommage aux combattants réunionnais lors d'une cérémonie de dépôt de gerbe au monument aux morts de la Colonne de la Victoire à Saint-Denis.

Il a ensuite pu rencontrer les réunionnais au cours de la cérémonie républicaine dans la ville. 

Revoir la cérémonie : 

Le Président Emmanuel Macron a ensuite rencontré des exploitants agricoles pour discuter des défis de l’autonomie alimentaire et du soutien aux filières locales.

Les échanges ont porté sur deux enjeux majeurs :

  • les conséquences du cyclone Garance de février 2025 sur l'agriculture.
  • les défis de la filière canne à sucre, secteur historique de l'île.

Le Président de la République a souligné la nécessité d'accompagner l'agriculture réunionnaise en soutenant les exploitants face aux aléas climatiques et en améliorant la compétitivité des productions locales. Une série d'aides de 244 millions d'euros a notamment été mise sur la table au profit des différentes filières et un dispositif d'urgence sera bâti d'ici juin.

Revoir l'échange avec les agriculteurs : 

22 avril 2025 - Seul le prononcé fait foi

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Echanges avec des agriculteurs à la Réunion.

Emmanuel MACRON

Bonjour, mesdames et messieurs,

Je suis heureux qu'on puisse se retrouver. Et merci, d'ailleurs, de vous être adaptés, parce qu'on devait initialement se voir beaucoup moins longtemps. Mais compte tenu de la situation et de ce qui s'est passé avec Garance et de ce que vos filières ont vécu, on a considéré que c'était sans doute plus pertinent. Donc merci de nous accueillir et de pouvoir faire un point d'ensemble sur toutes les filières, de regarder avec vous les difficultés concrètes qu'on a à très court terme, d'essayer aussi de se projeter collectivement.

Moi, je dois dire, et j'ai à chaque fois défendu ça, je considère que le modèle réunionnais est quand même très spécifique, parce que vous avez réussi, comme peu, un modèle qui s'est progressivement diversifié. On a soutenu, à juste titre, la portée, mais il y a une autonomie alimentaire qui est inédite dans nos Outre-mer, et qui est le fruit d'une diversification, d'une capacité à produire. Alors, il y a, en même temps, évidemment, les aléas qui vont avec la région, et vous n'avez pas été épargnés. Donc je veux qu'on puisse revenir là-dessus, ce qui fragilise, évidemment, certaines filières, et je veux qu'on puisse se dire les choses en vérité.

Je veux remercier vraiment la ministre d'avoir passé du temps avec vous et l'ensemble des services de l'État, et le ministre d'État, le ministre des Outre-mer, qui est venu il y a plusieurs semaines et qui est venu à plusieurs reprises pour pouvoir aussi faire le point avec vous, mais qu'on regarde un peu ce qu'on peut faire raisonnablement en termes d'urgence avec les filières et ce qu'on doit faire. Et puis aussi comment on regarde de l'avant avec vous, l'ensemble des filières et les collectivités pour continuer de passer une nouvelle étape parce qu'on sait bien qu'il faut continuer de créer de la valeur, réussir à transformer, réussir à justement passer de nouveaux caps dans la stratégie alimentaire. Et c'est pour moi un des objectifs de cette rencontre. Je ne serai pas plus long.

Je voulais vous remercier de vous être adapté et vous dire que le temps qu'on va passer là est à mes yeux très important et doit nous aider à faire face à l'urgence et à nous projeter. Et par définition, les solutions ne tombent pas du ciel, mais on arrive toujours à les trouver, quand il y a des femmes et des hommes de bonne volonté, ce qui est le cas ici. Donc, on va y arriver.

[Interventions des participants]

Emmanuel MACRON

Bien. Merci beaucoup et merci aux ministres qui ont passé du temps dans les déplacements précédents et juste avant avec vous. Alors, écoutez, on va essayer ensemble de régler le sujet en ayant la bonne méthode et en partant des bons constats. Les constats, vous les avez tous posés. Je pense que, je veux vous le dire ici très clairement, c'est compris, entendu et porté par les membres du Gouvernement, qu'il s'agisse du ministre d'État, ministre des Outre-mer et de la ministre de l'Agriculture, le modèle réunionnais a ses spécificités, et il ne s'agit pas qu'une des filières vienne être bousculée ou fragilisée, et en particulier la canne, puisque c'est le cœur de la discussion qu'on a aujourd'hui compte tenu des difficultés sur les aides, parce que c'est en effet le pivot d'une agriculture qui a ensuite su se diversifier et aller vers l'autonomie alimentaire. Donc ça, c'est un acquis, on ne le remet pas en cause, et donc on va se battre.

La deuxième chose, je veux vraiment là aussi être très clair et explicite, nul ici ne sous-estime le caractère exceptionnel de ce que vous avez vécu en février dernier. Ça n'enlève pas un défi qui est le nôtre, mais c'est, je dirais, encore pire, c'est qu'il faut s'adapter de manière récurrente à ces événements. Et c'est tout le défi, d'ailleurs, qui est le nôtre pour toute la région, c'est de voir comment on adapte nos modèles agricoles et notre production alimentaire pour qu'ils soient beaucoup plus résilients et parce qu'ils auront à faire face, et vous l'avez très bien dit, les cyclones, vous connaissiez. Mais là, vous avez eu, je dirais, un triple problème, le cyclone l'année dernière, la sécheresse, et un cyclone totalement inédit, et donc, pour nous, c'est très clair, là aussi, je le dis, Garance, c’est situation exceptionnelle. Et donc, l'idée n'est pas de faire avec les mécanismes habituels.

Une fois posés ces deux éléments, comment avancer ? Les ministres sont revenus, et je ne vais pas ici le refaire, on a une série d'aides qui ont été posées sur la table, on a à peu près 244 millions d'euros d'aides qui ont été posées pour La Réunion, ce qui représente 45 % de toutes les Outre-mer sur la partie agricole, et sur ces 244, 145 qui vont à la filière canne et sucre, avec les efforts qui sont faits par les deux ministères. Donc, il y a un effort qui est fait. Je crois pouvoir dire quand même qu'il permet d'accompagner une partie des filières, je parle sous votre contrôle, et qu’il y a ensuite une volonté de structurer, sur fruits et légumes en particulier, de bien protéger, en tout cas, mieux intégrer à l'espace régional sur l'arboriculture et de consolider ce qui a été fait sur les filières viande. Mais donc là, tout ce qui a été annoncé par la ministre sur fruits et légumes, élevage, les éléments transversaux sont confirmés. Ça, c'est pour reprendre votre formule, le premier étage.

Deuxième étage, on ne peut pas ne pas entendre que vous avez une crainte — corrigez-moi si je vous traduis mal pour qu'on puisse agir utilement — c'est qu'on puisse passer à l'étape du dessus pour préparer la campagne à venir et que là, vous avez un sujet et la trésorerie. Et donc, ce qu'il nous faut faire, sous le contrôle du ministre d'État et de la ministre, c'est qu'on puisse avancer pour améliorer l'accompagnement à l'hectare dans les zones qui ont été les plus touchées. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, là aussi, je parle sous les contrôles, on a 40 % des surcoûts qui sont pris en charge dans les zones Est et Nord, qui sont très impactées, ce qui fait 765 euros à l'hectare. Ce qu'on se dit, c'est que c'est sans doute là-dessus, pour que vous puissiez faire face aux campagnes de 26, qu'il faut qu'on puisse monter cet effort autour des 1 000. Simplement, ce que je vous propose, c'est que, du coup, à situation exceptionnelle, dispositif exceptionnel, sous l'autorité du préfet, avec le département, la région, l'ensemble des filières et les représentants syndicaux, qu’on puisse, là, dès les prochaines semaines, se mettre autour de la table pour vérifier que c'est bien ça, parce que peut-être qu'il faut faire autre chose et prendre un autre dispositif. Et que d'ici à juin, on bâtisse un dispositif d'urgence pour avoir le deuxième étage, 26. Parce qu’on est clair que vous n'allez pas y arriver. Moi, j'ai besoin aussi que la filière nous aide. Il y a des réserves qui sont là, peut-être qu'on puisse les mobiliser, pas pour se substituer à l'investissement dans l'outil, parce que je vais venir à la suite, au troisième étage, mais sur le court terme, pour qu'on puisse tout faire.

Quelle est la contrainte des ministères ? Vous le savez bien, la situation à la fois financière et politique du pays. Et donc, je ne vais pas ici vous proposer et vous dire des choses, tout est possible, parce que je suis devant vous, j’essaie aussi de tenir en compte des contraintes qui sont celles des ministres qui sont là, mais on vous a entendu sur les surcoûts à l'hectare dans les zones les plus touchées, il faut en passer à un 2e étage et donc monter à une aide plus importante pour préparer à la campagne 26 et peut-être aussi d'autres dispositifs. Donc ça, on est tout à fait prêts à le faire et à le regarder.

Et donc, je souhaite qu'entre maintenant et le mois de juin, il y ait ce travail qui soit supervisé par le préfet avec vous : dispositif d'urgence, l'urgence agricole Réunion, avec, si on se le dit, un regard particulier sur, évidemment, la canne, et que d'ici à juin, on puisse sortir les bonnes options. Dernier étage maintenant, la suite. La suite, c'est qu'on arrive à renforcer, avec les filières qui sont là et vos élus, ce qui a déjà été fait et qui est un succès du modèle réunionnais. Et moi, je le vois avec, en quelque sorte, 3 axes.

Le premier, comment on arrive à bâtir une nouvelle étape dans les débouchés et la transformation ? On a la sécurisation de l'amont, ça, c'est ce que je veux qu'on fasse d'ici juin pour la canne, parce qu'on a les baisses de production qui ont été évoquées. Mais on doit beaucoup mieux valoriser sur l’aval. Donc, comment on consolide notre stratégie nationale et régionale avec des dispositifs qu'on pérennise, les ministères à vos côtés et l'ensemble des collectivités mobilisées. Il y a une deuxième étape, c'est comment on arrive à bâtir, et c'est un des objectifs de ce déplacement, en effet, avec tout le travail et avec la COI, une vraie stratégie régionale. Et je souscris à tout ce qui a été dit, mais qui est un peu notre schizophrénie à nous, collectivement, d'un point de vue régional, c'est-à-dire que quand on parle à nos Outre-mer et avec nos Outre-mer, on regarde toujours vers Paris. On a toujours conçu nos politiques comme ça. Ce qui est bien, c'est d'avoir la même chose qu'à Paris. Et c'est vrai parce que c'est le sens de l'égalité républicaine. Mais ce faisant, nous avons nous-mêmes contribué à créer des contraintes qui nous séparent du reste de la région, parce que vous ne pouvez pas être compétitif avec les mêmes fondamentaux économiques qu'à Paris dans la sous-région. Et parce que vous ne pouvez pas avoir 100 % de votre alimentation qui corresponde à des standards métropolitains quand, dans la sous-région, vous savez, on a bien parlé du zébu, et en effet, quand on a eu des vrais problèmes d'alimentation après Chido, qu’a fait le préfet ?

Première chose : il a créé des flexibilités pour pouvoir importer beaucoup plus simplement. Et tout le monde, quand il se déplace dans la sous-région, va consommer une alimentation ou une qualité de produit dont je n'ai pas le sentiment qu'elle est inconcevable pour nous. Et donc, il faut qu'en bonne foi, on regarde ce modèle qu'est-ce que c'est que l'intégration dans la sous-région. C'est au-delà de ce qui est fait au niveau du premier pilier pour la suite, qui est de consolider notre autonomie. Qu'est-ce qu'on peut mieux faire au niveau de la sous-région ? Qu'est-ce qu'on peut mieux à la fois exporter et importer ? Qu'est-ce qui fait que quand on ne le produit pas ici, on va le chercher beaucoup trop loin et beaucoup trop cher ? Et ça nourrit la vie chère. Et c'est encore plus vrai chez vos voisins mahorais qu'à La Réunion parce qu'ils sont encore plus dépendants.

Donc ayons enfin cette approche et c'est tout ce qu'on est en train de travailler avec l'AFD, l'IRD, mais aussi le CIRAD et les organismes de recherche. Nous, ce qu'on veut faire, c'est construire un modèle où on fait monter la performance, les pratiques de la sous-région sur le plan agroalimentaire, mais où on essaie aussi de créer des standards communs. Et ça, je crois qu'on a beaucoup à construire. Parce que si on arrive à créer des standards communs dans la sous-région, on crée la compétitivité et la résilience de celle-ci. Et la région océan Indien, elle a un modèle agricole qu'elle a à défendre. Et ça a été très bien dit. Il y a des niches aujourd'hui qui existent. Il y a des gens qui arrivent à s'en sortir. Est-ce que le modèle, bien au-delà de la question réunionnaise, aujourd'hui, est satisfaisant pour tout le monde dans la région ? Non. Et donc, nous, nous avons en quelque sorte deux jambes pour réussir cela : notre présence sur ce territoire, mais aussi tout notre investissement solidaire, le travail qu'on fait avec nos instituts de recherche et la politique qu'on mène sur le plan de la souveraineté alimentaire et agroalimentaire avec nos partenaires. Donc ça, c'est le deuxième axe où je souhaite vraiment qu'on puisse se développer et bâtir des solutions régionales qui vont nous permettre de traiter une partie de nos problèmes et qui créeront aussi des marchés export pour vous. Parce qu'il faut voir aussi que l'autonomie alimentaire, ça ne doit pas se regarder filière par filière. Il y a des filières qui exporteront, d'autres qui importeront, mais il faut que ça soit beaucoup plus flexible dans la sous-région.

Mon dernier point, c'est l'Europe. Ça a été dit. Et donc, le combat qu'on va mener, le vice-président l'a parfaitement rappelé, on s'est battus, il y a un peu plus de 5 ans, quand nos dispositifs étaient déjà menacés. Je crois aussi qu'on a aujourd'hui un président du Conseil qui est beaucoup plus attaché à nos RUP et je crois surtout qu'on a à faire valoir, dans ce moment géopolitique, on a une Commission, un Parlement, un collège, enfin pour moi, des partenaires, qui est beaucoup plus lucide sur l'état du monde. Il y a 5 ans, quand on parlait d'Indopacifique et des vulnérabilités de la contestation qu'on pouvait avoir, on vous regardait, on n'était pas totalement sûrs de vous suivre. Depuis, on a vécu des pandémies internationales, la guerre en Ukraine, une fracturation du monde qui fait que maintenant, tout le monde est lucide et nous sommes une chance pour l'Europe avec ces territoires. C'est qu'on lui donne des pieds dans des régions où elle a des intérêts à défendre. Et donc, en effet, on va se battre d'abord pour avoir un bon budget. Mais nous, ce qu'on porte, c'est-à-dire d'avoir un budget en accroissement, avec plus de ressources propres, et parce que les besoins d'investissement de l'Europe sont là, donc ça ne peut pas être un budget en repli ou même en maintien. On avait réussi il y a 5 ans, là, on nous disait qu'avec le Brexit, ça allait baisser. On l'avait maintenu. Là, il faut qu'il soit en expansion. Oui, il faut à la fois augmenter et moderniser le POSEI qui ne répond plus aujourd'hui aux besoins. Et la ministre sait ô combien sur les sujets que va avoir le ministre également. Et donc ça, c'est le deuxième axe qu'on veut pouvoir bâtir.

Sur nos RUP, là aussi, nous voulons flexibiliser les instruments. Et je vous le dis très simplement, il se trouve que la pêche n'est pas invitée ici, mais je veux avoir un mot pour nos pêcheurs. Je veux avoir un mot, parce que je le disais à mes équipes et ministres : j'ai honte, moi, de ce qu'on a fait depuis 6 ans sur la pêche. Et je le dis là-devant des Européens, je le sais, convaincus, mais comment créer le malentendu avec l'Europe et faire détester l'Europe ? C'est-à-dire qu'on gère nos flottes de pêche avec des mécanismes, comme si on était dans le golfe de Gascogne. On est des fous. Moi, il y a 6 ans, j'ai eu des pêcheurs, c'était chez toi, Serge, d'ailleurs, si ma mémoire est bonne, qui venait me dire : « on a besoin de renouveler les bateaux ». On n'a pas été fichu d’y répondre. » Là, on s'est battu, on fait bouger sur la Guyane, je veux au moins que La Réunion ait la même chose que la Guyane, c'est-à-dire qu'on a besoin d'avoir des réponses maintenant concrètes et rapides. Et on a aujourd'hui des contraintes qu'on nous met alors même que vous êtes dans des bassins de pêche où la concurrence est massive. Et donc quand je dis qu'on a besoin de moderniser le cadre des RUP, c'est-à-dire, qu'on a besoin de prendre en compte simplement l'écosystème dans lequel elles évoluent. Quand vous, vous avez de la concurrence sur la pêche par Madagascar et parfois de la prédation sur la pêche illégale par d'autres que je ne citerai pas, on pose les mêmes contraintes de renouvellement des flottes de pêche que si on se trouvait en Méditerranée. Ça n'a pas de sens. Et donc ça, c'est le troisième axe sur lequel on va se battre au niveau européen.

Je ne veux pas être plus long. C'étaient les quelques perspectives que je voulais ici vous offrir. Mais si j'ai voulu qu'on prenne le temps avec les ministres d'être à vos côtés, en changeant le programme pour y passer justement plus de temps, c'est parce que je suis convaincu, d'abord, que vous avez fait des choses vraiment extraordinaires ces dernières années. Et je vous le dis avec beaucoup de sincérité et de force, parce que je suis très sensible au message aussi que vous avez exprimé de détresse, de beaucoup de collègues et d'exploitants qui, aujourd'hui, n'ont pas de quoi vivre et qui portent une colère. Et ça, nous l'entendons très profondément.

Et donc, on va agir ensemble avec ces 3 temps. 1) L’urgence. Sous l'autorité du préfet d'ici juin, dispositif d'urgence post-Garance. Vous avez ma parole. Et on répond au deuxième étage de la fusée. 2) On consolide nos filières nationales et puis on se bat sur océan Indien et Europe. Vous pouvez en tout cas compter sur nous et je remercie les ministres qui sont pleinement mobilisés. Et puis, je remercie aussi la Chambre, tous les services de l'État qui sont là, vos collectivités locales, et l'ODEADOM qui fait un travail formidable. Merci à tous.

L’après-midi a été consacrée à un enjeu sanitaire prioritaire pour La Réunion, avec la présentation d’une mission menée par l’ARS et le Service Militaire Adapté, pour prévenir les épidémies de chikungunya.

Le chef de l'État a ensuite échangé avec des acteurs économiques et des représentants de la filière agroalimentaire de l'île.

Revoir les échanges :

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Echanges avec les acteurs économiques et des représentants de la filière agroalimentaire de l’île de la Réunion.

Emmanuel MACRON

Merci infiniment de nous accueillir dans cette entreprise, merci à vous et à madame la directrice générale et bravo vraiment pour les investissements qui sont faits et à toutes les équipes. Donc vraiment, merci beaucoup. Et je tiens à vous remercier toutes et tous d'être à nos côtés. Avec les ministres, on est heureux de pouvoir avoir ce temps d'échange.

Il y a au fond ici beaucoup d'acteurs réunionnais de la vie économique. Et je veux dire que c'est un territoire qui est remarquable par son dynamisme dans toutes les filières, de la tech à l'agriculture, l'agroalimentaire, en passant par aussi des secteurs industriels et bâtiments. Et on a aussi des entrepreneuses et entrepreneurs, investisseurs, et je les en remercie, qui sont là et qui travaillent souvent dans la région et qui sont prêts à faire davantage. L'idée, c'était aussi de pouvoir faire échanger les uns avec les autres. C’est plusieurs grands investisseurs qui sont eux-mêmes dans la région en ayant commencé depuis le territoire réunionnais.

Donc ce que je voudrais qu'on essaie de bâtir, c'est d'abord un constat très lucide, rapide sur ce qui va et ce qui ne va pas, mais surtout qu'ensemble, on essaie de voir comment on peut améliorer les choses sur la création d'emplois, la consolidation de certaines filières et le développement d'investissements supplémentaires sur le territoire de La Réunion. Après, on ira à Madagascar, on a une tournée régionale et on sera à la COI demain et après-demain. Notre objectif, c'est de faire beaucoup plus avec tous les acteurs de la région, de le faire aussi avec nos instruments que sont l'AFD et d'autres, mais on veut qu'il y ait des retombées ici.

Je ne serai pas plus long. Merci infiniment d'être là. Et l'objectif, c'est maintenant qu'ensemble, avec les ministres et vous, nous puissions avancer. Et je remercie notre SGAR d'avoir préparé tout ça aux côtés du préfet et de piloter ces travaux.

[Prise de parole des autres intervenants]

Emmanuel MACRON

Alors, d’abord merci infiniment, Madame la secrétaire générale, pour ce débat, et merci à chacune et chacun d'entre vous de l'avoir éclairé, surtout d'avoir témoigné de vos engagements. Je vais essayer de récapituler ce qu'on s'est dit et puis, de, ce faisant, dessiner ce qui peut être une stratégie d'ensemble pour les années à venir sur le plan économique.

D'abord parce qu'on part d'une situation, vous l'avez tous très bien dit, ça a été très bien caractérisé par l'INSEE, qui est quand même — on l'évoquait avec le ministre d'État — une situation assez atypique Outre-mer. C'est-à-dire qu'on a à La Réunion une économie qui est forte, vraiment dynamique, qui a su créer de la richesse, vous avez très bien donné les chiffres d'augmentation de l'emploi durant les 25 dernières années, de dynamique économique, de création aussi de valeur, parce qu'on a des vrais succès dans la tech et autres. Et quand on regarde le modèle agricole, on voyait ce matin avec Madame la ministre également, c'est à coup sûr le territoire ultramarin qui s'est le plus diversifié et qui a le plus été vers l'autonomie alimentaire. Donc, on peut vraiment dire qu'il y a un trésor qui est un succès réunionnais, qui s'est construit sur un tempérament entrepreneurial, sur une capacité dans différents domaines à développer un entrepreneuriat, à sortir plus tôt que d'autres de l'informel, à structurer des filières. C'est assez impressionnant dans beaucoup de domaines, et commencer à diversifier, et à travers plusieurs entrepreneurs et entrepreneurs que vous êtes, à s'inscrire dans un espace régional. Donc ça, c'est l'acquis.

Il y a ensuite des éléments de fragilité. J'en vois trois. Premier, c'est le multi-crise. Et ça, c'est une caractéristique, en fait, qui sera de plus en plus celle de nos territoires, qui est à coup sûr, et ce qui sont en avance de face, celle de nos territoires ultramarins. Et c'est un peu d'ailleurs le dilemme constamment dans lequel on est, parce que je vous entendais les uns et les autres nous demander de la simplicité, mais la complexité née de l'accumulation des dispositifs qui vont après chaque crise. Depuis que je suis Président, je n'ai pas eu une année sans crise sur le territoire ultramarin, et même ici. Pas une. Et à chaque fois, on crée des dispositifs avec les meilleures intentions du monde pour y faire face. Et donc, en fait, le dispositif le plus simple, c'est celui qui n'accompagne pas, parce qu'il est en évidence de droit commun. Et personne n'a envie de ça. Donc, je le dis juste pour qu'on en ait conscience, ça veut dire qu'il faut qu'on gagne en plasticité, en flexibilité, qu'on garde, si je puis dire, des instruments, mais à coup sûr, qu'on les déconcentre, qu'on les flexibilise, pour qu'on puisse répondre beaucoup plus vite. Et là, je veux remercier le ministre qui s'est déplacé très vite après Garance, et puis ce matin avec la ministre de Travail qu'on a fait tous les trois sur la partie agricole, et remercier notre ministre de la Santé qui est là aussi et qui a bougé beaucoup de choses. On a besoin de flexibilité. Premier élément de fragilité, multi-crises. Elles sont plus dures, elles sont plus fortes, il y en a plus.

Deuxième élément de fragilité, la démographie. Ça a été très bien dit. Et ça, il faut le prendre en compte, ce qui veut dire que l'ouverture vers le sous-continent est clé. L'ouverture dans la région est clé parce que le potentiel de développement aussi. Vous avez eu des années de croissance très fortes. Vous avez créé beaucoup plus d'emplois qu'on comparait avec le territoire national, mais parce qu'il y avait une pression démographique. Au moment où on commence à vieillir, il faut encore plus renforcer l'inscription dans l'espace régional, parce que c'est là que vous avez les potentiels de croissance aussi. Et c'est vital. Et c'est toutes les difficultés qu'on a aujourd'hui, par exemple, avec nos Antilles, qui ont passé le cap du vieillissement, qui, aujourd'hui, sont dans des situations très complexes à raison de cette démographie. Donc ça, c'est un point clé.

Troisièmement, on a, il faut bien le dire, des points de fragilité qui sont la formation des jeunes et le capital. J'essaie de regarder le moment du développement. Il y a quand même un paradoxe. C'est vrai que c'est le niveau de pauvreté qu'on continue d'avoir, et c'est le taux d'insertion qu'on a bougé. Le ministre a annoncé des choses importantes.

On va ce soir confirmer qu'on a encore amélioré le dispositif des fameux PEC, et qui sont très importants pour accompagner en particulier les plus jeunes, pour nos collectivités locales, et en particulier, on l'a vu tout à l'heure, pour accompagner les actions de santé ou les actions à l'école. Mais on ne peut pas collectivement et lucidement se dire que c'est un dispositif dont on est totalement content quand on insère, je crois, 20, 22 % des jeunes qu'on y met. Et ça, c'est un défi qui est posé à tout le monde entrepreneurial en même temps qu'aux pouvoir publics.

Ça veut dire qu'on utilise de l'argent public pour des contrats qui sont supposés être qualifiants et emmenés vers de l'emploi marchand. Et ça veut dire qu'on emmène à peine plus d'un jeune sur cinq vers ces emplois marchands dans le territoire ultramarin le plus dynamique. Donc, on rate quelque chose. Ça veut dire que, comme vous avez besoin de ressources, on doit beaucoup mieux travailler l'orientation dès le collège, sans doute nos cartes de formation au niveau de notre lycée pro, ensuite, tout le travail qui est fait par France Travail, mais qu'on doit réussir à reprendre ce dispositif pour en améliorer les débouchés. Et ceci, c'est la clef si on veut réussir tout ce qu'on s'est dit.

Donc, on a un sujet formation des jeunes, on a un sujet pauvreté qui est un peu paradoxal, compte tenu de son importance sur ce territoire par rapport à la dynamique entrepreneuriale qu'est la vôtre.

L'autre sujet, c'est le manque de capital pour passer certaines étapes - croissance et internationalisation, et c'est tout le cœur de ce qu'on est en train de faire. Et ce qu'on avait lancé ensemble en 2019 avec Choose à La Réunion, qui est de se dire, on a ici un formidable hub de développement. Donc, fort de ce constat, qu'est-ce qu'on peut faire pour améliorer les choses ?

D'abord, on vous a entendu sur la commande publique avec des limites qu'il faut avoir en tête. La fiscalité des collectivités territoriales est difficile. On a aujourd'hui des éléments qui existent. Donc, je pense qu'il faudrait qu'on essaie de se concentrer déjà sur la partie, en effet, BTP, où là, on peut essayer de regarder ce qu'on peut faire sur des amortissements accélérés, peut-être des mécanismes de trésorerie qui permettraient de relancer, si on en a suffisamment dans les tuyaux, des projets qui peuvent sortir. Et donc, on vous a entendu, donc on va mener ce travail sous l'autorité du Préfet. Le ministre d’Outre-mer va superviser cela. Mais je pense que là, on peut bouger les choses.

Ensuite, sur la spécialisation sectorielle. J’ai beaucoup aimé vos contributions. Et moi, j'en retiens au fond qu'on a des points forts et des points sur lesquels on peut beaucoup développe ; l'agriculture et l'agroalimentaire. On en a parlé ce matin. Je ne veux pas y revenir, ça va être trop long. Mais on a un défi qui est de sécuriser l'amont face aux crises dans certains domaines. Et on a un grand défi qui est de continuer à créer de la valeur. On est ici dans un formidable exemple de ce qui peut être fait. Félicitations à Royal Bourbon et à tout ce qui est fait depuis maintenant quatre décennies. Mais ça veut dire réussir à transformer, créer de la valeur et se déployer. Mais l'agroalimentaire, à coup sûr, c'est un levier. On a toute la connectivité, c'est-à-dire la capacité à être nous-mêmes des producteurs de solutions, de mobilité dans la région. Et donc, on connaît les difficultés, on accompagne certaines compagnies aériennes, mais du transport maritime au transport aérien, mais à l'accompagnement aussi des solutions industrielles, il y a un levier parce qu'il y a un besoin.

Troisième élément, et après, je dirai, il y a les trois grandes révolutions du moment, la sécurité, le digital, le climat, et vous êtes au cœur des trois. Et ça, c'est un potentiel de croissance. Je commence par celui qu'on n'a pas évoqué, c'est la sécurité.

Vous êtes au cœur d'une des régions qui va être les plus contestées. On y croit, j'ai lancé ici la stratégie Indopacifique de la France en 2018. On a 1 600 militaires. Avec la LPM, on les passe déjà à 1 800. On fait +15 % de présence, mais on va aussi déployer des patrouilleurs et des mécanismes dans tous les sens. C'est-à-dire on investit massivement. Pourquoi ? Parce qu'on est sur des territoires qui sont et qui vont être de plus en plus contestés. Qu’on parle de pêche illicite, qu'on parle d'ingérence territoriale, qu'on parle de déstabilisation. Vous ne pouvez pas avoir autant de ressources, l'hydrocarbure à quelques dizaines de kilomètres d'ici, autant d'axes maritimes et que rien ne se passe. Et donc ça, c'est un investissement régalien, mais c'est un formidable levier entrepreneurial. Et je le dis à tous les industriels qui veulent, qui sont intéressés par La Réunion ou tous ceux qui y sont, nous devons structurer des filières en matière de défense parce qu'il y a un potentiel et parce qu'on a du partenariat régional.

Quand on équipe nos partenaires dans la région, et ce que je vous dis est vrai, du Mozambique, mais aussi à Madagascar, on a des solutions de sécurité qui sont demandées par Maurice et d'autres, on doit être des fournisseurs de ces solutions sur le plan industriel aussi, et pas que sur le plan régalien. Donc la révolution de la sécurité et de la défense, c'est un axe pour l'Océan Indien, et la France doit y participer.

Le deuxième, vous l'avez très bien détaillé, c'est le climat. Et du bâti tropical à la mobilité propre, à l'économie circulaire régionale, il y a des filières qui sont en train de se structurer, sur lesquelles on doit accélérer, qui ont un potentiel. Potentiel d'investissement, c'est le choix fait par Meridiam, et je l'en remercie. Potentiel de création de richesses et de solutions françaises avec POMA et d'autres. Et donc des entreprises nationales, des entreprises régionales, mais il faut y aller à plein. Et là, la clé - je demande vraiment qu'on ait ce travail très étroit qui soit fait dans la région, en particulier avec l’AFD et Proparco - c'est de développer des solutions et un marché qui soit à l'échelle de la sous-région et que, donc, on définisse des standards, là aussi, sur le bâti résilient, sur les mobilités, et qu'on emmène nos entreprises partout dans la région.

Quand on va aider les entreprises à faire de la mobilité propre à Madagascar ou ailleurs, j'ai envie d'emmener des artisans de La Réunion, j'ai envie d'emmener des PME, des ETI, peut-être parfois en partenariat, d'ailleurs, avec des entreprises de l'Hexagone, pour qu'on soit innovants et véloces, mais qu'on ait une offre groupée, et vous l'avez parfaitement illustré. Et donc, sur toute l'adaptation et l'atténuation, comment on émet moins, et comment on adapte aussi nos modes de déplacement parce qu'on doit faire face à cette multicrise.

Là, on a un potentiel et je souhaite qu'on consolide l'offre avec nos investissements et nos instruments, caisse des dépôts, réseau bancaire. La BRED est là, je le remercie, je sais qu'elle accompagne, mais également Proparco, le groupe AFD. Et c'est exactement la même chose qu'on a sur le nexus, si je puis dire, agroalimentaire, climat. C'est ce qu'on fait avec le CIRAD, l’IRD et autres et là aussi à l'échelle de la région.

Et puis le dernier point, c'est la révolution digitale, vous en êtes un parfait exemple. Et c'est pour ça qu'on veut continuer de vous accompagner et accompagner tous ceux qui ont cette soif d'ambition. Oui aux câbles. Et ce qui a été fait ces dernières années, c'est une révolution. On en a d'autres, on a certains de vos partenaires qui sont prêts à faire des câbles jusqu'à Durban et qui sont justement dans la perspective de cette connectivité de l'océan Indien. Et donc là, c'est un partenariat franco-malgache. On a un formidable entrepreneur réunionnais qui veut se développer dans la région. Et donc, datacenter, câbles, infrastructures numériques, on a un potentiel. Et je le dis ici avec beaucoup de force, sur les datacenters, on a une stratégie nationale.

Je souhaite que La Réunion soit pleinement dedans, elle s'y intègre. Et je pense qu'on a un énorme avantage, c'est qu'il y a le savoir-faire, c'est qu'il y a la sécurité juridique et c'est qu'il y a le poids géopolitique. Et ne vous trompez pas, les datacenters, ce seront des éléments de souveraineté et de contestation. Aller chercher un datacenter, s'il est sur le sol français avec ce qu'elle représente, ce n'est pas la même chose qu'aller chercher un datacenter dans un pays de la région qui, certes, aura une vocation régionale, mais peut-être pas les mêmes capacités de défense. Et donc ça, on doit réussir à le factoriser, parce que ce que j'évoquais sur la défense et la sécurité, c'est un argument, c'est une marque de fabrique. Et donc, vous le voyez, sur chacun de ces secteurs, je crois qu'on a un potentiel de croissance sur lequel je veux qu'on vraiment structure notre offre et qu'on puisse aller de l'avant.

Je terminerai sur le dernier point, qu'est-ce qu'on doit faire pour aller plus loin. Vous avez évoqué, il y a évidemment tous les services à l'export qui existent. Merci aux conseillers du commerce, mais là, on a un vrai sujet interne-externe, si je puis dire. C'est vraiment être sûr que Business France travaille très étroitement avec le département, la région, les services de la préfecture, les conseillers du commerce extérieur et nos instruments, Proparco, AFD et autres. Et ça, on continue, on améliore. On a les talents et on a l'un des meilleurs instruments de formation. On a une très bonne université et on est très concurrents dans la région. Je demande juste qu'on aille chercher les jeunes qui sont les plus loin de l'emploi. C'est notre défi pour collectivement réussir. Troisième point, on va continuer d'attirer le capital. Mais là, ce qui est en train de se passer, si on arrive à mettre les bons secteurs, on doit faire venir plus de capital sur La Réunion, et on a cette capacité, et c'est pour ça qu'on va mobiliser, et c'est du capital privé qu'il faut aller chercher. Et si on montre qu'on a la sécurité juridique qui va avec la France, qu'on a les compétences, et elles sont là, et qu'on va continuer à les développer, qu'on a l'énergie entrepreneuriale, les rendements que nous avons ici sont bons. Et donc là, maintenant, on a vraiment à poursuivre ce travail.

C'est pour ça que je veux qu'on fasse une prochaine édition de Choose La Réunion. C'est d'attirer du capital de la région, du Golfe, de l'Europe, parce qu'il peut, dans la région, se développer avec un niveau de risque qui est tout à fait pilotable et qui va permettre de fertiliser tout ça. Mais il faut plus de capital pour réussir à embarquer à l'export. Et puis, le dernier point, quand on a des talents, le service à l'export, le capital, c'est d'avoir le bon marché. Et c'est l'un d'entre vous qui l'a très bien dit.

Vous avez un marché sécurisé qui était le marché qui vous a permis cette aventure qu'a décrit le directeur de l'INSEE ici durant ces dernières décennies. Si on veut passer à l'échelle, il ne faut plus raisonner à 900 000, il faut raisonner à 80-100 millions. Et c'est ce marché là qu'il faut aller conquérir. Et donc si le marché domestique d'une entreprise réunionnaise, parce qu'on aura fait la bonne intégration, c'est le marché au moins de la COI, même plus largement, en fait, Afrique de l'Est, tout océan Indien, avec des relais qui vont jusqu'à l'Inde sur certaines filières, et la connectivité, c'est exactement ce qu'on est en train de faire, on change de monde. Et là, on a une capacité, justement, parce que tout ça est un circuit très positif, on a une capacité à aller chercher des financements et aller de l'avant. J'ai conscience que je dis tout ça dans un moment, justement, de crise, mais je pense que c'est très important, dans ces crises-là, de tout de suite se reprojeter sur après. Pour y faire face, nous, ce qu'on veut faire, c'est donner de la visibilité avec les instruments. On a des contrats qui sont là, quand même, pour donner de la pluri-annualité.

Je vous ai entendus, ne vous inquiétez pas. Et je crois que l'analyse qui a été faite, et par votre préfet de région, et par le ministre d'État, ministre des Outre-mer, c'est que, compte tenu quand même de la dureté de l'événement climatique sur l'Est, la demande d'améliorer les dispositifs était légitime. Alors, on a déjà une zone franche à l'échelle de tout le territoire qui existe et qui est d'ailleurs un intérêt, la zone franche d'activité de nouvelle génération. Et donc ce qu'on va faire, c'est que là, tout ça va être précisé dans les prochains jours, prochaines semaines, et sous l'autorité du préfet instruit, mais on va mettre en place pour le territoire de la CIREST, une révision du dispositif de cette zone franche pour porter le taux d'exonération fiscale sans condition à 80 % au lieu de 50 % et majorer le crédit d'impôt pour les investissements productifs pendant, justement, les années qui viennent et sur l'ensemble du territoire de la CIREST pour permettre d'avoir de la visibilité sur, justement, le crédit d'impôt pour les investissements productifs et permettre aux entreprises qui, tout de suite, sont prêtes à y aller et qui sont prêtes à investir les différentes communes de la CIREST, eh bien, d'aller de l'avant et de pouvoir accélérer. Ça, c'est un mécanisme de relance accélérée, comme on a fait le plan de relance qui me semble proportionné et qui, au fond, peut avoir un retour sur investissement parce que ce sont des opportunités nouvelles qu'on crée. Et donc je considère que c'est bon pour tout cela.

Mais au-delà de tous ces sujets de court terme qui sont très importants, évidemment, de la mobilisation de vos ministres et du préfet, je voulais aussi vous donner des perspectives d'avenir. Et moi, je compte sur vous pour qu'on structure ces quelques priorités sectorielles et ces pistes pour avancer, mais qu'on raisonne aussi, pour passer à l'échelle sur le sujet de la formation, de l'accès aux capitaux et du financement et de la construction d'un vrai marché intégré à l'échelle de l'océan Indien. Je ne serai pas plus long, mais vous l'avez compris, on a été à vos côtés pour définir le début d'une stratégie Indopacifique.

On a été à vos côtés pendant les crises sanitaires et les difficultés. On est évidemment à vos côtés au moment du poste et à Reims, mais je veux qu'on soit aussi là pour donner une ambition nouvelle et très forte à La Réunion, parce que je crois que je veux finir le propos comme on l'a commencé, C'est une formidable aventure économique et entrepreneuriale des décennies passées, mais on doit bâtir un nouveau tournant et, au fond, lui donner une ambition régionale si on veut bâtir les décennies de croissance à venir. Merci beaucoup.

La visite s’est conclue par une remise de décoration collective, en reconnaissance de l'engagement des forces vives de l’île.

Revoir la remise de décoration collective : 

22 avril 2025 - Seul le prononcé fait foi

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Remise collective de décorations à La Réunion – Discours du Président de la République.

Emmanuel MACRON

Bonjour Mesdames et Messieurs. Merci, Monsieur le Préfet, Madame de nous accueillir. Monsieur le ministre d'État, Madame, Monsieur le ministre, Mesdames, Messieurs les parlementaires, Madame la Présidente BELLO, Monsieur le Président MELCHIOR, Madame la maire de Saint-Denis, Mesdames, Messieurs les élus, Mesdames, Messieurs, en vos grades et qualités, chers amis.

Je suis très heureux de vous retrouver en cette fin de journée et après cette journée passée avec nos ministres à vos côtés, de l'agriculture aux urgences sanitaires, en allant jusqu'aux différentes filières économiques. Et je sais que nous vous retrouvons dans un moment, qui est toujours un moment de joie quand on est là et qu'on se retrouve tous ensemble avec les femmes et des hommes qui font vivre La Réunion, et donc notre Nation, et en même temps après des temps si difficiles.

Et j'ai bien conscience que je vous parle quelques semaines à peine après un épisode terrible, le passage de Garance, et au cœur même d'une épidémie qui a encore touché si cruellement une famille aujourd'hui et ce qui se passe avec le chikungunya. Et vous savez, la mobilisation du Gouvernement, de vos ministres, de l'ensemble des services de l'État et de tous à vos côtés, une fois encore, durant cette crise. Mais au-delà de la réponse aux crises, ce que nous avons voulu faire à vos côtés en étant là, c'est aussi dire la confiance que nous avons dans l'avenir de La Réunion, confiance dans son potentiel économique, social, climatique, la force de son modèle, et notre volonté de l'inscrire dans l'océan Indien et dans toute cette région et d'ouvrir aussi des chapitres qu'on avait commencés ensemble à esquisser avec Choose La Réunion, plusieurs projets qui avaient commencé à être lancés. Mais donc à regarder devant, dans une géopolitique, certes, incertaine, dans un environnement régional, certes, contesté, ô combien, mais où nous avons décidé de réinvestir dans tous les domaines. Et nous le savons avec l'importance que les FAZSOI revêtent pour La Réunion.

La loi de programmation militaire, et je veux ici vous confirmer, le repréciser, est une loi qui réinvestit dans La Réunion et l'océan Indien, qui augmente de plus de 15 % nos effectifs et qui va faire passer nos militaires d'environ 1 600 à 1 800 avec des équipements nouveaux, avec des moyens nouveaux, réaffirmant notre souveraineté, notre volonté de porter un discours de sécurité et de stabilité dans tout l'océan Indien par La Réunion. En tout cas, cette manière d'être là avec vous, et je voulais simplement avoir ces quelques mots de projection, c'était aussi récompenser quelques destins singuliers qui font La Réunion aujourd'hui, et cette manière si spéciale, si singulière de vivre ensemble, de réussir à tresser l'ambition pour un territoire et la solidarité, d'être follement français et terriblement réunionnais. Mais avant de m'incliner et de tresser, si je puis dire, les mérites de chacune et chacun d'entre vous au moment d'ici célébrer et reconnaître vos mérites dans la République et la Nation, Mesdames et Messieurs, je voudrais m'incliner devant le parcours exemplaire d'un d'entre vous qui n'est plus, mais à qui nous pensons ce soir, qui est Michel FONTAINE, évidemment, qui laisse derrière lui le souvenir d'un grand serviteur de l'État, d'un amoureux de La Réunion, profondément engagé dans la vie locale. Je veux m'incliner devant sa femme Lolita, sa fille Émilie, son fils Nicolas, dont la peine nous touche profondément, et devant tous les amis qu'il a ici, dans cette salle. C'est en effet pour servir les autres que Michel avait choisi la voie de la médecine. Il l'étudia à Grenoble, puis à Marseille, devint radiologue, et dès 1983 revint exercer à La Réunion, son île de cœur. L'engagement politique n'était pas très loin. Dès 1993, il est élu au Conseil régional, mène une vie locale ardente. Je sais qu'il a ici plusieurs compagnons de route qui pensent à lui et continuent ce combat. Il devient sénateur de 2011 à 2017, Président de la Civis, capitaine de la droite locale, marquant les mémoires à jamais aussi comme maire de Saint-Pierre, de 2001 à sa mort. Maire bâtisseur, il s'attela au chantier de l’eau, à la rénovation de sa ville, créé la gare Citalis, la ZAC Canabady, transforma le quartier de la Ravine Blanche, développa l'IUT, la Faculté de médecine, changea l'ancienne usine sucrière de Grands-Bois en centre culturel et littéraire.

J'aurais du mal à égrener ici tous les chantiers qu'il a portés et surtout ce style inimitable qui était le sien pour les défendre quand un ministre ou un Président venaient à fouler le sol de La Réunion. C'était une organisation méthodique où il avait plusieurs alliés qui venaient enserrer la personne et nul ne ressortait avant d'avoir dit oui et cédé à la réalisation des projets. Je vous rassure, il ne s'arrêtait pas à La Réunion et il continuait dans ses heures parisiennes. Il était en tout cas d'une efficacité qui n'avait d'égal que son amour pour La Réunion. Un maire à la croisée des horizons qui mit le sud au centre, si je puis dire, ancrant à Saint-Pierre le départ du Grand Raid, le festival de musique Sakifo, un maire qui fit corps avec sa ville.

Je sais combien les habitants le savaient, eux, qui le réélurent 3 fois. Ils avaient reconnu en leur maire cette étoffe très rare d'hommes qui rêvent haut, mais aussi et surtout qui rêvent en actes. Michel FONTAINE a fermé les yeux à Madagascar, la grande voisine, à qui il avait tant donné de lui-même au fil de ses décennies et surtout des nombreux chantiers humanitaires qu'il menait, en plus de ses engagements d'élu, y compris sur ses propres deniers, lançant dispensaire, multipliant les lieux de soins. Trois jours avant sa mort, cela dit beaucoup de lui, il venait à nouveau de donner des fonds pour ouvrir 3 classes d'école. Jusqu'au bout, il aura agi. Je voulais en tout cas avoir ces mots et évoquer sa mémoire devant vous et pour ses proches, parce que je sais combien il a compté et continue de compter pour La Réunion et beaucoup d'entre vous, d'entre nous. Mais le flambeau ne doit jamais retomber et La Réunion compte aussi sur vous, sur les talents d'aujourd'hui et qui ont déjà un parcours remarquable. Et je vais donc maintenant dire quelques mots sur chacun d'entre vous, puis vous décorer.

Madame Sophie BOUJU-CLEMENTE, il est des destins qui avancent à bonne foulée, si je puis dire, avec endurance et ténacité, c'est vous. Votre parcours est celui d'une coureuse de fonds infatigable, engagée de terrain, dévouée au monde associatif et aux autres. Et cette carrière, vous la commencez comme conseillère en création d'entreprises en 1987 au sein de l'association BGE, anciennement Boutique de gestion, dans le Lot-et-Garonne. Et armée de ce pragmatisme, de cette efficacité de grande gestionnaire, rodée lors de vos études à Montpellier et Bordeaux, vous prenez rapidement du galon. À partir de 1991, vous passez directrice de votre antenne, puis prenez pendant 16 années la tête de celle du Gard avant d'entamer la décennie 2010 comme responsable d'activité développement du BGE de La Réunion où vous déménagez. Sur ces presque trois décennies d'engagement, vous avez constamment montré une implication sans faille, reconnue d'ailleurs par tout le réseau, dans le conseil en création, en développement d'entreprises, d'abord avec un portefeuille de pas moins de 400 entreprises et 250 jeunes entrepreneurs, et ne cessant de multiplier les expériences et d'accompagner partout où votre passage vous a conduit cette excellence. Tout au long de votre riche parcours, vous avez fait bénéficier de nombreux étudiants de vos qualités, de votre expertise, donnant des cours aux étudiants des universités de Bordeaux, de Nîmes et de La Réunion, en plus de l'accompagnement des entrepreneurs : combatives, efficaces, vous êtes de ces citoyens qui, en effet, renforcent le tissu économique de notre pays sur tous les territoires, de celles et ceux qui croient dans une France qui innove, entreprend, ose. En 2014, vous avez ajouté un engagement à tout ceci, ceux d'enseignants et d'accompagnantes en entreprise, à travers une cause que nous étions en train d'évoquer avec le ministre d'État et vos élus, celle des violences intrafamiliales. En effet, en 2014, vous prenez la direction de l'association Réseau VIF à La Réunion. Et cela, là aussi, continue des initiatives que vous aviez pu prendre dans le Gard et partout dans l'Hexagone, car je sais que c'est un engagement qui vous tient ô combien à cœur. Ces 3 lettres, VIF, pour Violence Intrafamiliale, avec un seul but, améliorer la prise en charge tout en luttant contre les violences faites aux femmes à La Réunion, accompagner aussi les enfants, souvent premières victimes de ces situations terribles. Vous sensibilisez, vous contribuez à la prévention, mais aussi à la protection, et en lien très étroit avec les forces de sécurité intérieure et les magistrats, à la répression. Dans cet engagement associatif, encore, chacun reconnaît votre ténacité. Vous ne lâchez rien. Et celle-ci force le respect de tous. Bourreaux de travail, vous êtes sur tous les fronts, avec la justice, avec l’administration, interlocutrice précieuse des pouvoirs publics, déterminée à faire bouger les lignes, vous êtes à proprement parler ce qu’on peut appeler une femme de bonne volonté cherchant à accompagner nos étudiants, aidant celles et ceux qui entreprennent, protégeant celles qui sont plongées parfois dans le cauchemar d'une vie familiale qui est devenue une vie de souffrance. Vous avez, au milieu de cette vie d'engagement, quelques loisirs. Je sais que parfois, il vous arrive de fouler les sentiers et les chemins de randonnée de l'île. C'est celle-ci que vous avez choisie. Et ce choix de La Réunion, c'était aussi un peu pour vous l'appel du large. Vous travaillez depuis votre jeunesse d'expatrié au Maroc, aux côtés de vos parents. Et soyons honnêtes, vous vous êtes, je crois, parfaitement acclimaté à l'air réunionnais. Votre époux aussi devenu adjoint au maire de Saint-Paul, qui s'est pleinement engagé dans la vie de la cité. La Réunion était pour vous comme une évidence, avec cette culture du vivre ensemble, ce souci du partage, et je sais que c'est aussi aujourd'hui la terre de souvenirs familiaux heureux avec votre époux, mais également votre fille Marion, et ce que vous commencez à fabriquer avec votre petit-fils Achille. Alors, pour cette carrière au service de notre promesse républicaine, pour votre engagement aux côtés des victimes de violences dans les familles et les couples, pour cet engagement au cœur de la vie économique et estudiantine, j'ai le plaisir ce soir de vous remettre les insignes de chevalier de la Légion d'honneur. Bravo. 

Monsieur Christian PAILLER, « seuls ceux qui sont assez fous pour penser qu'ils peuvent changer le monde y parviennent. » Cette phrase, je la dérobe à Henry DUNANT, fondateur de la Croix-Rouge. Elle vous va bien à bien des égards et elle dit quelque chose de votre tempérament. Dès avant de changer le monde, vous avez commencé par parcourir la France. « Petit gars de Barbezieux », selon vos propres mots, enfant de la Charente, vous suivez les cours de l'école hôtelière à Poitiers avant de fonder votre entreprise de transport dans les Alpes-Maritimes. Oui, dès le début, vous décidez de voyager, prenant tous les sentiers, même les plus improbables, et en 1990, vous plaquez tout et prenez une année sabbatique, et vous vous engagez à la Croix-Rouge. Je crois que je peux dire ce soir que ce sera la passion d'une vie. Tant et si bien que deux ans plus tard, vous partez en mission, et pas n'importe où. Nous sommes en 92, la Croix-Rouge française vous confie la gestion d'un centre d'accueil de réfugiés en Slovénie, cette terre de l'ex-Yougoslavie, donc au cœur de la mêlée et de l'histoire. Engagé par la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, vous partez l'année suivante en Guinée forestière, et cette fois-ci, vous êtes délégué administrateur secours pour un programme d'aide alimentaire à destination des réfugiés libériens à la frontière entre Libéria et Sierra Leone. Autre théâtre de conflit, zone terrible où plus de 700 000 personnes sont déplacées. Premières expériences rudes aussi, qui vous confrontent à l'atrocité. Vous vacillez un peu, vous doutez peut-être, puis un haut-commissaire aux réfugiés de l'ONU vous lance : « Si tu n'es pas là, qui va les aider ? » Alors, vous vous accrochez et vous ne doutez plus jamais. Ce qui était votre premier séjour en Afrique, c'est de fait redoublé de tant d'autres. J'aurais du mal à être, là aussi, exhaustif. En 94, vous rejoignez Madagascar où vous intervenez à la suite des cyclones Daisy et Geralda. On compte 500 000 sinistrés à l'époque. En 95 et 96, vous coordonnez les opérations d’assistances aux réfugiés kabindais, angolais au Congo, vous illustrant à nouveau dans tous les domaines de l'urgence humanitaire à l'éducation. En 97, vous entrez à la Direction des relations et des opérations internationales de la Croix-Rouge française, êtes nommé délégué développement auprès des Croix-Rouge nigériennes et tchadiennes, puis à partir de 98, auprès du Croissant-Rouge comorien, et œuvrez de ce fait à son rapprochement avec la Croix-Rouge française, partout, toujours, en équipe. Puis arrive 2001. 2001, vous vous installez à La Réunion, pas vraiment pour laisser libre cours à votre passion pour la pêche à la mouche, non. Vous contribuez plutôt à la création, ce qui est une vraie fierté, de la Plateforme d'Intervention Régionale de l'océan Indien de la Croix-Rouge française, PIROI. Contribuant d'ailleurs à cette plateforme que nous soutenons et à laquelle nous tenons ô combien, nous aurons l'occasion de la défendre demain et après-demain, Madagascar et dans le cadre de la COI, et vous mettez en place des programmes de gestion de risques et de catastrophes avec Les Comores, Madagascar, Maurice, Les Seychelles, le Mozambique, la Tanzanie, et pour la France, La Réunion et Mayotte, menant une très importante campagne de prévention. Je pense, entre autres, parmi tous les projets que vous avez eus à conduire ces dernières décennies, à travers ces fonctions, au projet qui a vu le jour en 2011, sous votre impulsion « Paré pas Paré » qui vise à sensibiliser la population réunionnaise au risque de catastrophes naturelles affectant l'île. Depuis sa création, 150 000 élèves réunionnais de CM1, CM2, 6ème ont été ainsi sensibilisés au risque des cyclones, volcans, vagues et inondations. Et je crois que l'expérience récente a montré combien celle-ci était importante. À cet égard, le PIROI Center, tout juste inauguré, partenaire précieux des services de l'État et de La Réunion, participe ainsi pleinement du rayonnement et de la stratégie régionale de la France dans l'océan Indien. Et je sais, là aussi, combien chacun sait pouvoir compter sur vous dans cet engagement. Voilà, Christian PAILLER, c'est tout cela ; de l'audace, de la débrouillardise, un esprit visionnaire à la fois, un engagement sans faille depuis ces années 90 où vous avez rejoint les combats humanitaires et les situations les plus difficiles. Un homme d'action dont chacun reconnaît le calme légendaire, la très grande diplomatie, l'humilité, qui fait la fierté de ses deux fils, Adrien et Théo, et de sa compagne Fabienne, et qui, quand il ne gère pas une crise naturelle, rêve, je crois, jardinage ou pense aux hélicoptères qu'il se prépare à bientôt piloter. Il faut continuer d'avoir des rêves. Cher Christian, pour cet engagement sans faille dans l'humanitaire, cette vie au service de celle des autres, à braver tous les dangers, et depuis plus de 20 ans à La Réunion au service de chacune et chacun, j'ai le plaisir de vous remettre les insignes de chevalier de la Légion d'honneur.

Madame Jasmine LATCHIMY-DIJOUX. Défense et illustration de la langue française, si je puis dire. C'est ainsi qu'on pourrait nommer votre parcours en plagiant du Bellay. Illustration d'abord, parce que, outre les paysages de Saint-Paul où vous êtes nés et des Hauts où vous avez grandi, entourés de vos deux frères et sœurs, c'est la littérature qui vous a façonnés. Des heures passées dans la bibliothèque municipale au prix littéraire du collège que vous rafliez systématiquement. Après un bac littéraire, une licence de lettres modernes à l'Université de La Réunion, vous êtes diplômés au CAPES dans cette même discipline et enseignez pendant 8 ans le français et le créole au lycée. Vous quittez l'estrade du professeur pour rentrer à nouveau dans la peau d'un élève en 2006 quand vous entreprenez un master interculturalité océan Indien. Vous couronnez ce parcours par votre thèse en langue et culture régionale et vous y menez une enquête linguistique sur des élèves de maternelles créolophones en situation d'illettrisme et de décrochage scolaire. Défense de notre culture, telle est l'illustration, oui. Défense de notre langue, ensuite. Depuis plus de 20 ans, vous promouvez l'apprentissage de la langue française et tout spécialement la lutte contre l'illettrisme. Vous êtes une professeure passionnée, vous avez rejoint l'Institut universitaire de formation des maîtres de La Réunion de 2006 à 2009. En 2009, vous rejoignez le département d'études créoles du lycée général et technologiste Évariste de Parny, où vous enseignez jusqu'en 2011. Et en parallèle de ces classes, vous intervenez de 2009 à 2011 auprès de l'Observatoire de l'illettrisme, puis de 2012 à 2018 auprès de la Direction d'orientation et d'insertion professionnelle, avec toujours la même obsession, défendre notre langue, et aller chercher les plus jeunes qui n'ont pas eu le droit parfois à la meilleure éducation et qui n'ont pas accès à celle-ci. Allez aussi chercher toutes celles et ceux qui, dans la région, connaissent une autre langue, mais n'ont pas encore accès au français. Et ce faisant, vous êtes tout à la fois, l'une de celle qui a façonné la meilleure intégration régionale de La Réunion, qui ne peut passer que par le multilinguisme et qui ne vous est jamais résolue devant l'assignation à résidence et les inégalités de départ. En 2018, vous devenez professeur à l'Institut de l’illettrisme, un département de l’Université de La Réunion qui a pour vocation la recherche et la formation dans le domaine de la construction des apprentissages et des savoirs élémentaires. Vous proposez alors de mener des recherches axées sur le langage oral des élèves qui apprennent à déchiffrer, encore et toujours. Professeure, chercheure, vous êtes au cœur de tant et tant d'initiatives. Entre 2018 et 2019, alors que vous êtes administratrice provisoire de l'Institut de l'Illettrisme, nommé Illett, vous multipliez les partenariats comme des traits d'union. Et c'est ainsi qu'en toute logique, vous êtes nommée directrice de l'Illett en 2019. Les travaux linguistiques que vous y avez menés, que vous continuez, portent encore davantage le travail contre l'illettrisme, mais aussi les échanges avec les différentes langues de l'océan Indien. Là aussi, j'aurais bien du mal à citer toutes les initiatives. La recherche, l'outillage scolaire, l'éducation, la lutte contre l'illettrisme, l'innumérisme, l'illectronisme et le décrochage scolaire, vous êtes au cœur de tous ces combats. Votre grand-mère était matrone, c'est-à-dire accoucheuse à domicile. Vous avez un peu une forme de fidélité à cette vocation. Vous accouchez les esprits, y compris en allant les chercher chez eux. Et au milieu de toutes ces mises au monde, saluons celles de vos trois filles, Lola, Jade et Surya, et du soutien constant de votre mari, Patrice-Joseph, durant tous ces combats. Vous avez grandi sur un volcan toujours en activité, et c'est sûrement de lui que vous tirez l'énergie permanente qui caractérise votre capacité d'entreprendre. Chère Jasmine, parce que vous êtes la porte-parole de notre langue française, parce que vous êtes aussi le porte-drapeau d'une France au milieu de l'océan Indien, que vous êtes cette femme de lettres engagée pour la transmission, pilier de l'égalité des chances promues par la République, je suis très heureux et très fier ce soir de vous remettre les insignes de chevalier de l'Ordre national du Mérite. 

Madame Maryse MOUNIER, vous faites flotter ce soir à travers le rang de nos invités comme un parfum de vanille. C'est une fierté pour toutes les réunionnaises et les réunionnais qui sont là. Le parfum de notre enfance, le parfum exotique des explorateurs de l'île Bourbon, le parfum des fins gourmets de l'île. Et pour vous, le parfum d'un succès que vous avez écrit de manière improbable. Oui, vous avez comme une vie embaumée de parfums. Parfums pourtant d'abord des fromages de l’Ariège, puisque c'est là que vous faites vos armes, si je puis dire, dans une fromagerie de l'Ariège qui porte le nom d'un de ses produits, le Bamalou. Vous passez un an entre les fumées de Bethmale et du Moulis, les fromages réputés de la région. Parfum des tropiques, ensuite, auxquels vous succombez. Après 8 ans comme responsable de rayon, vous vous envolez pour La Réunion. Parfum d'ailleurs, donc. Puisque responsable de magasins de la grande distribution, vous devenez responsable cuisine pour le restaurant Les Fins Gourmets à Saint-Denis. Et votre parcours sucré-salé ne manquait déjà pas de piment, mais vous avez décidé de l'épicer encore lorsqu'en 2003, vous passez le certificat d'aptitude professionnelle agricole. Ce monde agricole vous fascine, vous passionne, et vous avez raison, nous sommes plusieurs dans le même cas ici autour de vous. La culture, la récolte, le débroussaillage, l'entretien du matériel, plus rien n'a de secret pour vous. Maraîchage, verger de litchi, expérimentation sur la conduite de la vanille. Après avoir travaillé dans le monde des cordons bleus, vous passez à celui des mains vertes en touchant à peu près à tout parfum de terre battue, parfois aussi. De 2007 à 2010, vous vous investissez dans le Tennis Club Le Vacoas de Saint-Benoît, dans lequel chacun salue l'engagement remarquable, l'initiatrice, juge, arbitre, responsable du centre de formation, engagement en plus de toutes vos vocations agricoles. Mais surtout, durant ces années, vous allez créer votre propre plantation de vanille. Vous avez, en effet, réuni toutes les compétences pour créer cette exploitation. Et je dois le dire, cette réussite est reconnue de tous. En 2010, vous quittez la ville en direction de la forêt de Sainte-Rose où vous vous installez en milieu naturel avec une plantation de vanille de 5 hectares, 300m d'altitude. Et depuis Saint-Denis, il faut traverser un pont suspendu, dépasser le village de la rivière de l'Est pour découvrir les magnifiques paysages que vous avez su bâtir et auxquels vous contribuez. Tout cela, vous le faites avec une fidélité constante, au savoir-faire, mais aussi à l'histoire de La Réunion. Vous racontez volontiers que c'est en mémoire à un jeune esclave du XIXe siècle, nous l'évoquions d'ailleurs avec plusieurs élus tout à l'heure, Edmond ALBIUS qui, à 12 ans, découvrit ce procédé. Vous continuez avec fidélité ces pratiques culturales. Et du bourgeon floral aux gousses affinées, la vanille Bourbon réclame une attention de toutes les heures que vous lui accordez avec un savoir-faire qu'année après année, vous avez su bâtir. Entre 2014 et 2018, vous mettez en effet en place une parcelle expérimentale et variétale de vanille avec le Centre de coopération internationale en recherche agronomique, vous variez votre production, vous n'avez au fond jamais cessé d'avancer, d'inventer, et ce faisant, de signer votre amour pour La Réunion, la vanille, ses pratiques, et je sais combien, là aussi, votre époux, Guylain, vous accompagne sur ce chemin. Cette passion, vous aimez la partager en faisant visiter votre exploitation, et vous faites partie des quelques-unes et des quelques-uns qui avaient mis au cœur cet or noir de La Réunion en sachant lui donner un nouveau destin. Parce que vous alliez avec doigté la mise en valeur du parc national et la protection des espèces, parce que vous mariez dans les odeurs de la vanille écologie et économie, tradition et innovation, je suis très heureux ce soir de vous remettre les insignes de chevalier de l'Ordre national du Mérite.

Enfin, Monsieur le Président, cher Cyrille MELCHIOR, cher Cyrille. Votre carrière, à vous, est une vie de temps long. Si je puis utiliser cette formule, « la force Cyrille, la force tranquille. » Ce temps long, celui du dévouement à la cité, qui, chez vous, devient principe de vie. D'abord dans la fonction publique territoriale, puisque vous la rejoignez en 1983, en tant que volontaire à l'aide technique auprès de la région Réunion, puis comme chef du service Budget et Finances. Passage ensuite en 1999 par la mairie, mairie de Salazie, comme directeur général des services. Puis à partir de 2004, dans les communautés de communes, vous êtes directeur général adjoint en charge des Finances de Réunion-Est, puis intégrez en 2009 le cabinet du Président de Villes solidaires. Avec votre sens du terrain, du terroir, votre engagement aussi, nous venons encore de l'évoquer à l'instant, au service de l'humain, vous vous donnez les moyens d'une belle carrière politique. Élu conseiller général de La Réunion en 2000, les urnes vous renouvellent par trois fois, en 2001, 2008, 2015 cette fois comme conseiller départemental. Avec ce même désir de faire et d'agir à l'échelle municipale, vous vous engagez, là aussi, dès 2014, et devenez deuxième adjoint du maire de Saint-Paul, chargé des Finances et du Budget, et dixième vice-Président de la communauté d'agglo Territoire de la Côte-Ouest. Et puis, en 2017, c'est pour vous un tournant. C'est arrivé à quelques autres dans cette salle. Vous accédez à la présidence du conseil départemental. Un choix qui sera renouvelé par les urnes en 2021. Reprenant le flambeau à Madame Nassimah DINDAR, à qui j'ai une pensée ce soir aussi, je lui dis mon amitié, vous poursuivez le travail pour l'épanouissement humain, le développement territorial, l'intelligence institutionnelle. Consécration de cet art du dialogue qui est le vôtre, de ce souci de toujours trouver des solutions équitables, de changer la vie des gens, de mener des projets ambitieux, porteurs pour le territoire, avec pragmatisme et lucidité.  Et de fait, je pourrais égrener nombre, là aussi, de chantiers de ces dernières années, menés souvent ensemble avec ce souci du partenariat constant avec les préfets successifs, les services de l'État et des ministres, le travail de fond mené avec les communes autour du Pacte de solidarité territoriale, je salue les maires qui y ont ici beaucoup contribué à vos côtés, la recentralisation du RSA, et dans le contexte post-Covid, ce vaste plan départemental de relance économique et sociale chiffré à 570 millions d'euros. Je pourrais reparler de notre souveraineté agricole et, là aussi, du plan d'action conduit, bien avant beaucoup d'autres, qui a permis des résultats remarquables. Autant de sujets, autant de raisons de vous engager dans des dossiers avec zèle et persévérance comme vous l'avez fait durant toutes ces années. Et je sais, ô combien, cette persévérance est appréciable. J'ai pu, je dois le confier, moi-même, en bénéficier lors des campagnes aux européennes ou ailleurs. Et je sais votre sens de la constance et de l'engagement. Le temps long, c'est aussi celui que connaît tout homme, qui, comme vous, s'occupe assidûment de son jardin chaque matin, quitte à y prendre les premiers appels de ses collaborateurs, à y surveiller ses fruits, ses richesses, à être attaché aussi au bruit de son île et à tout ce qui la constitue. Je sais combien pour vous certaines richesses ne sauraient disparaître et débouquant de votre canton, ces aires créoles que vous attaquez parfois à la guitare les soirs de victoire électorale font partie de ce que vous préservez avec un soin extrême. Parce que le temps long, au fond, pour vous, c'est La Réunion. Un temps dont vous mesurez ce qu’il apporte de défis pour chaque génération : la départementalisation avec son changement de paradigme et ses opportunités, et demain l'avenir du territoire face aux effets du dérèglement climatique. Et face à cela, l'intranquillité d'un homme qui ne prend jamais une minute. Toujours, sans cesse, vous œuvrez, vous travaillez pour les autres, pour agir, pour vous préparer aux nouveaux enjeux de l'intelligence artificielle, de l'environnement, de la vitalité démocratique, tout ce que vous demande aussi votre travail de prospective à la tête de la Commission outre-mer de l'Assemblée des départements de France, cherchant sans cesse à innover, agir au service des autres, avec cette volonté d'efficacité économique, mais ce souci de la justice, de l'équité. Le temps long, toujours ambitieux, ambitieux bâtisseur en matière d'insertion, d'éducation, d'aménagement, d'agriculture. Et durant ces décennies de fonctionnaire territorial, d'élu, sous ces différentes fonctions que je viens de rappeler, vous avez servi votre territoire, vous avez servi les réunionnaises et les réunionnais, et vous l'avez fait constamment avec le soutien et la fierté indéfectibles de votre épouse Marie-Jo et de vos deux enfants, Émilie et Nicolas. Alors oui, cher Cyrille, vous êtes un homme de la terre avec une forme de sagesse voltairienne, et je sais combien vous continuerez d'agir avec ce même souci de l'intérêt général. Aussi pour cette vie d'engagement, pour ce dévouement à la chose publique et au territoire de La Réunion, j'ai le plaisir et l'honneur ce soir de vous remettre les insignes de chevalier de l'Ordre national du Mérite.

Madame Sophie BOUJU-CLEMENTE, au nom de la République française, nous vous faisons chevalier de la Légion d'honneur.

Monsieur CHRISTIAN PAILLER, au nom de la République française, nous vous faisons chevalier de la Légion d'honneur.

Madame Jasmine LATCHIMY-DIJOUX, au nom de la République française, nous vous faisons chevalier de l'Ordre national du Mérite.

Madame MARYSE MOUNIER, au nom de la République française, nous vous faisons chevalier de l’Ordre national du Mérite.

Monsieur CYRILLE MELCHIOR, au nom de la République française, nous vous faisons chevalier de l'Ordre national du Mérite.

Bravo à tous !

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