Il incarnait pour les Français le sens de l’Etat, un humanisme intransigeant, la fidélité aussi au Président Jacques Chirac. Ministre de l’Intérieur, président de l’Assemblée nationale puis président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré avait avec vaillance poursuivi l’héritage de son père, Premier ministre, pour défendre une espérance française, dans la force de son droit, dans son exigence de générosité envers tous.

Le destin de Jean-Louis Debré s’écrivit d’abord dans une famille liée, indéracinable, à la République et qui comptait sept académiciens, une médaille Fields, des artistes, tous descendants du rabbin Simon Debré. Né le 30 septembre 1944 à Toulouse, « faux jumeau » de son frère Bernard, futur grand médecin et ministre, cadet de deux grands frères admirés, Vincent et François, Jean-Louis Debré vécut son adolescence alors que son père occupait la fonction de Premier ministre. Longtemps, le jeune homme chercha sa voie, et son père dépêcha Pierre Mazeaud pour le conduire vers des études de droit. Pourtant, ce fut une rencontre humaine, en 1967, qui transforma la vie du jeune homme, quand ce dernier accompagna son père à Orly attendre le retour du Général de Gaulle du Québec qu’il venait d’espérer « libre ». Dans le pavillon d’honneur de l’aéroport, le fils du ministre de l’Economie et des Finances repéra une grande silhouette. Se scella alors une amitié immédiate et indestructible, avec Jacques Chirac, alors jeune secrétaire d’Etat à l’Emploi. Leurs routes ne se quittèrent plus. Jacques Chirac embaucha Jean-Louis Debré comme conseiller dans les ministères qu’il occupa sous Georges Pompidou : à l’Agriculture puis à l’Intérieur, puis, après la victoire de Valéry Giscard d’Estaing en 1974, quand il fut nommé à Matignon. Le départ du Premier ministre en 1976 conduisit Jean-Louis Debré à reprendre sa vocation : docteur en droit public trois ans plus tôt, il devint magistrat, chargé des affaires de terrorisme. Dans ses fonctions, il apporta à la justice son tempérament, mélange d’humanité et de fermeté, de mesure et d’intransigeance.

Pourtant, Jean-Louis Debré comme son frère Bernard avaient acquis la passion de la République, le goût de la politique. Après deux candidatures infructueuses, Jean-Louis fut élu en 1986 dans l’Eure, où il fut aussi conseiller municipal d’Evreux, de 1989 à 1995. Figure du RPR, fidèle de Jacques Chirac de retour à Matignon en 1986, Jean-Louis Debré fut de ceux qui n’abandonnèrent pas son candidat après l’échec de 1988. Il ne varia pas non plus en 1994 quand sa famille politique se déchira entre Jacques Chirac et Edouard Balladur. Ministre de l’Intérieur en 1995, élu aussi cette année-là à Paris, Jean-Louis Debré incarna désormais pour les Français cette fidélité à la personne comme au message de Jacques Chirac, son sens de l’Etat et son humanisme. Il vécut comme ministre de l’Intérieur l’âpreté de ses missions, et fut l’un des visages de la Nation confrontée aux attentats islamistes de 1995. Sa gestion de l’expulsion des sans-papiers de l’église Saint-Bernard le projeta aussi sous les lumières médiatiques.

Toujours fidèle, dans ces années où Jacques Chirac présidait en cohabitation avec Lionel Jospin après la victoire de la gauche en 1997, président du groupe RPR à l’Assemblée, Jean-Louis Debré bâtissait les conditions d’une réélection. En 2002, la victoire acquise, il désobéit pour la première fois au Président Chirac en se présentant à la présidence de l’Assemblée nationale où il fut élu. Pendant cinq ans, Jean-Louis Debré incarna une hauteur de vue, au-delà des partis, qui lui valut l’estime des députés et l’affection aussi des Français. Ce furent cette autorité morale, cette expérience d’ancien parlementaire, cette connaissance de la fabrique de la loi qui conduisirent le Président Jacques Chirac à le nommer à la tête du Conseil constitutionnel en 2007. Pendant neuf ans, Jean-Louis Debré présida une institution qui vécut des transformations profondes, avec l’arrivée de la question prioritaire de constitutionnalité, son plus grand accès à tous les justiciables, son rôle accru dans la vie de la Nation. Avec une liberté de ton, la profondeur de son expérience, l’exigence de sa sagesse, il fut le visage de cette institution imaginée un demi-siècle plus tôt par son père.

Jean-Louis Debré ne quitta jamais vraiment le cours de la vie de la Nation : président du Conseil supérieur des archives, auteur à succès de mémoires, il apporta aussi son concours pour réfléchir au report des élections régionales et départementales de 2021. Les Français le suivaient ainsi tel qu’il était, avec son art du récit, sa gourmandise de mots, sa bonhommie.

Le Président de la République et son épouse saluent une grande figure de notre République, toujours engagée avec fidélité à protéger, servir, transmettre une certaine idée de la France. Ils adressent à sa famille, à ses proches, à tous ceux qui l’aimaient, leurs condoléances émues.

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