Fait partie du dossier : 80 ans de la Libération.

Le Président Emmanuel Macron s'est rendu aux commémorations du 84ème anniversaire de l'Appel du 18 juin au Mont Valérien puis à l'Île de Sein, ce mardi.

Le Président s'est rendu au Mont Valérien, site de mémoire où 1003 résistants, otages, communistes et Juifs ont été fusillés par les Allemands.

C'est en ce lieu qu'a été commémoré l'Appel du général De Gaulle à poursuivre le combat pour la Libération de la France. 

Revoir la cérémonie : 

Le Président s'est ensuite déplacé sur l'Île de Sein, au large de la Bretagne, pour rendre hommage aux 128 Sénans qui ont quitté l'Île pour rejoindre les Forces Françaises Libres en Angleterre, soit la quasi-totalité des hommes en âge de combattre.

L'Île de Sein est l'une des cinq communes à avoir reçu le titre de compagnon de la Libération

Revoir le discours : 

19 juin 2024 - Seul le prononcé fait foi

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Discours du Président de la République sur l’Ile de Sein à l’occasion du 84e anniversaire de l’Appel du 18 juin.

Monsieur le Ministre, 
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Monsieur le délégué national de l’Ordre de la Libération, 
Monsieur le grand Rabbin de France, 
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Président du Conseil régional, 
Monsieur le Président du Conseil départemental, 
Monsieur le Maire, merci pour votre accueil et vos mots, 
Messieurs les Maires,
Monsieur le Préfet maritime,
Monsieur le Recteur,
Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités,
Chers habitants de l’Ile de Sein, 

Ce jour de juillet 1940, à l’Olympia Hall de Londres, le Général interroge un à un les premiers Français Libres qu’il passe en revue.
Sur la rangée, une première fois, une deuxième fois, et tant de fois encore, à la question « D’où venez-vous ? » les voix lui répondent : « De l’Ile de Sein ».
Sur un demi-millier d’hommes, cent-vingt à peu près sont des Sénans, arrivés depuis leur île dans des conditions éprouvantes. A eux seuls, le quart de la France Libre. 
Debout, tenus par le devoir, prenant leur quart, en marins qu’ils étaient. « Des braves types », dira le Général, « qui ne possédaient que leur barque et l’emmenaient avec eux ». 
Des braves types, dans les mots du chef de la France Libre, pour signifier la simplicité, la modestie, le courage. 
D’autres bien sûr, avaient comme eux rejoint Londres pour continuer le combat, tels Daniel Cordier ou René Cassin, ceux dont le Général de Gaulle écrivit plus tard qu’ils étaient « des garçons sans attaches, qui n'avaient rien à perdre » ou « des juifs qui se sauvaient parce qu'ils devinaient qu'ils allaient tout perdre. »
Aux côtés des braves, et de ceux des communes ici représentées et que je salue, celles de l’Ordre des Compagnons de la Libération, les pêcheurs de l’Ile de Sein eux aussi, risquaient de perdre ce qui leur était le plus cher : la liberté, la patrie, l’honneur.
« Kentoc’h mervel », « Plutôt mourir », affirmait la devise des ducs de Bretagne. 
Ils étaient cent-vingt et huit, d’où venaient-ils ? De l’île de Sein. De plus loin. De l’âme de la France. 
Enracinés sur cette île battue par les flots, sur ces landes dénuées d’ombres, village aux toits d’ardoises privé d’eau douce, où la mort rôde dans les vagues et les naufrages. 
Enfants d’une Histoire, longue chaîne qui amarre à travers le temps les sacrifices des soldats et des marins, des femmes et des hommes tombés pour la patrie. 
Soldats du devoir, quand, « l’immense concours de la peur, de l’intérêt et du désespoir » selon les mots du Général, provoquait autour de la France « un universel abandon ». 
Gardiens d’une espérance, entre l’école et l’église, à la lueur d’un phare, fraternité humble et patiente des travailleurs de la mer. 
Fils d’un peuple qui toujours refuse les parjures et les trahisons. Et dans leur voix répondant à la question du Général de Gaulle, passaient les échos de la Marseillaise et ceux du « Libera » latin, délivrez-moi, pour invoquer le salut au milieu des tempêtes. 
Ils étaient cent-vingt et huit. D’où venaient-ils ? De l’Ile de Sein, de plus loin, de l’âme de la France, dur pays de leur enfance, terre de l’esprit de Résistance. 
« Qui voit Molène voit sa peine, qui voit Ouessant voit son sang, qui voit Sein voit sa fin », dit la sagesse des marins en mer d’Iroise.
En juin 40, depuis leur île, les Sénans voyaient une France blessée. Fumées noires du port de Brest bombardé par les Allemands. Hommes de l’île mobilisés sur leur champ de bataille familier, l’océan. Rumeurs colportées de la déroute et de la défaite, et qui parvenaient en retard aux habitants.
Et pourtant. 
Pourtant, à la fin du mois de juin 40, le proverbe disait faux. Surmonter la peine et la honte. Verser son sang. Refuser la fin du combat. Qui voyait Sein ne voyait pas la fin ni la mort, mais la promesse de l’aube. La lutte naissante. La Résistance.
Résister. Résister à la défaite comme on résiste aux tempêtes, aussi solide qu’un roc. 
Aussi solide qu’un roc, tel Jean-Marie Ménou, l’ancien Poilu de 14, patron de l’Ar Zénith, ce dundee qui ravitaille l’île deux fois par semaine et qui ce 19 juin, repart avec un autre navire, le Velleda, vers l’Angleterre pour continuer le combat, emportant des jeunes iliens, Joseph Guilcher, Michel et Gabriel Gueguen.
Aussi solide qu’un roc, qu’un phare au milieu de la tempête, la figure du général de Gaulle dont les habitants entendent pour la première fois l’appel, ce 22 juin, regroupés autour du poste sur le quai sud, devant l’hôtel de l’océan.
Aussi solide qu’un roc, la volonté inébranlable, aussitôt, des notables de l’île, le maire, l’instituteur, le recteur, le président des anciens combattants, de répondre à l’appel du Général. Et ces femmes laissant partir un fils, un mari ou un frère. 
Aussi solide qu’un roc, cette île de granit, un finistère, un penn-ar-bed.
Oui, l’île est debout. Comme un seul homme. A l’avant-garde. Et pendant deux jours, l’île de Sein reprend la mer à mesure que les navires sont affrétés et que presque tous les hommes embarquent, les plus âgés, les plus jeunes, anciens combattants ou séminariste, marin ou boulanger.
Ils étaient cent-vingt et huit et allaient mener pendant quatre ans une vie de combat et de devoir. 
De l’île de Sein, ces vingt-six hommes, les plus âgés des pêcheurs, en poste sur le pont du « Courbet », où ils avaient embarqué au sein des Forces Navales Françaises Libres.
De l’île de Sein, Gabriel Gueguen, marin sur l’Ar Zenith et devenu torpilleur. Louis Fouquet, l’enfant de quatorze ans qui termina la guerre quartier-maître canonnier. Et les fusiliers-marins, combattants des sables de l’Afrique, des vallées d’Italie, des plages de Normandie, sur lesquelles l’un d’entre eux, Joseph Guilcher débarqua avec Kieffer à Ouistreham.
De l’Ile de Sein, les marins, comme Clet Chervet, servant sur les avisos des Forces françaises Libres.
Marins de la marine marchande, agents du BCRA, membres de l’équipage de la Marie-Louise amenant Honoré d’Estienne d’Orves en France, arrêtés et déportés. 
De l’ile de Sein, ces vingt-deux morts tombés pendant la guerre, dont la moitié n’avait pas vingt ans en 1940. 
Ils étaient cent vingt et huit. D’où venaient-ils ? De l’Île de Sein, de plus loin de l’âme de la France. 
De cette Bretagne humaniste qui s’est dressée face à la barbarie, de ces paysages où les silhouettes de roches affrontent les tempêtes, comme les affrontent le monument aux Bretons de la France Libre sur l’île, Croix de Lorraine gigantesque et fixe face aux vagues. 
Oui. Du pays de ceux qui préfèrent la liberté à la peur, et qui refusent l’esprit de défaite. 
« Le soldat qui ne se reconnaît pas vaincu a toujours raison ». Oui comme Péguy, nous Français, il nous revient d’être les héritiers de l’Ile de Sein, de cet esprit de Résistance et d’une longue histoire de liberté conquise par nos héros. 
Alors oui, à Ouessant, on voit leur sang. Alors oui, à Sein, on voit leur fin. Celle de ces hommes tombés les armes à la main pour notre liberté. De ces hommes renonçant à tout, dès juin 1940, ont sauvé, sans le savoir, ce qui était essentiel : leur honneur et celui de la Nation. 
Vive la République, 
Vive la France.

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