Le journaliste, auteur et éditeur français Christophe Deloire, ancien dirigeant de Reporters sans frontières, nous a quittés à 53 ans, après une vie d’engagement pour la démocratie et la liberté de la presse, sans frontière et sans demi-mesure.

Ses parents instituteurs dans l’Allier lui avaient donné le goût des mots et de la transmission. Mais c’est dans le monde de l’information qu’il développa ce talent, à la sortie de ses études de commerce. Des médias, il connaissait toutes les arcanes, audiovisuelles, puisqu’il avait fait ses armes à TF1, Arte et LCI, écrites, puisqu’il avait travaillé pour Le Point de 1998 à 2007. Pendant presque dix ans, reporter d’investigation aux départements société et politique, il signa des enquêtes retentissantes qui dévoilaient le visage de la France telle qu’elle vit, qu’elle va et qu’elle devient, avec ses chagrins et ses rêves, des milliardaires aux sans-abris, des policiers aux délinquants. Il explora les arcanes de la Ve République, enquêta sur l’islamisme, publia un Sexus Politicus qui défraya la chronique.

Au sein de l’université Panthéon-Sorbonne, ou à la tête du Centre de Formation des Journalistes, il mit son sens de la pédagogie au service de notre excellence académique.

Quand il prit en 2012 les fonctions de secrétaire général de Reporters Sans Frontières, il s’attela à un double chantier d’assainissement intérieur, avec un redressement financier réussi, et de rayonnement extérieur, en étendant son influence dans 130 pays, y compris, et surtout, là où il n’était pas le bienvenu. Aux quatre coins du globe, des prisons aux ambassades, il œuvra à l’indépendance des instances médiatiques, soutint les journalistes et se dressa contre la censure.

Car Christophe Deloire était de ceux que rien ne décourage, ni refus, ni brimades, ni menaces. De ceux qui chérissent la liberté et la démocratie, gardiens intransigeants du droit de douter, questionner, critiquer.

À chaque nouvelle atteinte à la liberté de la presse, inlassablement, il reprenait son courageux combat. Combat pour le droit à l’information, pour la constitution d’une opinion libre et éclairée, nourrie par le pluralisme intellectuel. Combat pour un journalisme sans joug et sans œillères, qu’il porta sur la scène des Nations Unies à plusieurs reprises. Combat pour un pluralisme médiatique réel, qui fasse du champ de l’information un reflet fidèle de la diversité des points de vue, sans préemption, ingérence ni distorsion.  Combat cher à notre pays, héritage d’une tradition philosophique éclairée par l’ambition des Lumières, qu’il avait fait sienne : sapere aude, ose savoir.

Il fut toujours une vigie attentive aux évolutions de nos sociétés, aux lignes de failles qui s’y dessinent, aux dangers qui guettent la démocratie. Son engagement au sein du Forum sur l’information et la démocratie poursuivait cet élan. À la tête du comité de pilotage des États généraux du droit à l’information depuis 2023, il entendait inventer un modèle français pour répondre aux bouleversements du champ de l’information, qu’ils soient technologiques, économiques ou géopolitiques. À nous de poursuivre en sa mémoire cet engagement qu’il portait avec passion, au nom de cet idéal de liberté qui était le sien et qui restera le nôtre.

Le Président de la République partage aujourd’hui la douleur de ses proches et de ses confrères. Il adresse à sa famille, ses amis, au monde des médias, ses condoléances émues.

À consulter également

Voir tous les articles et dossiers