Elle était selon le titre de son autobiographie, « celle qui avait tenu la mort en échec ». Isabelle Choko, présidente de l’Union des déportés de France, qui fut internée des camps de concentration pendant la guerre, et devint championne d’échecs à ses lendemains, s’est éteinte hier à l’âge de 94 ans.

Née Izabela Sztrauch à Łódź en Pologne, en 1928, son enfance fut bouleversée par l’irruption de la barbarie nazie lorsqu’en 1939 ses parents, pharmaciens juifs, furent privés de leur officine. Puis ce fut le ghetto, sa promiscuité et ses privations, dont son père ne réchappa pas. Au crépuscule de la guerre, alors âgée de 15 ans, elle fut déportée à Auschwitz, puis à Waldeslust et Bergen-Belsen, où sa mère mourut du typhus dans ses bras, quelques jours avant sa libération par les troupes britanniques.

Les conséquences du travail forcé, du froid, des coups, manquèrent d’emporter la jeune Izabela, qui après plusieurs mois de convalescence en Suède, rejoignit un oncle établi en France. Celle qui déjoua de si nombreuses fois la mort y reconstruisit sa vie. Alors qu’elle n’avait pour seul bagage que quelques notions de français, elle s’inscrivit à l’Alliance Française et, à force de détermination, passa avec succès son baccalauréat. Elle fit la rencontre d’un jeune homme, Arthur Choko, lui-même d’origine polonaise, qu’elle épousa, et donna naissance à ses trois garçons, Marc-Henri, Stanislas et Nicolas. 

De fil en aiguille, d’une partie l’autre au détour de vacances en famille, se dévoila un talent hors-norme pour les échecs, dont elle avait appris les règles dans le ghetto. De simple loisir, le jeu se mua rapidement en passion, et à la pratique en club succéda rapidement les premières compétitions. En 1956, elle brilla lors du championnat de France de Vittel, qu’elle remporta haut la main, avant de représenter, l’année suivante, son pays d’adoption au premier championnat du monde par équipe féminine aux Pays-Bas.

Ce furent ensuite l’oubli de la Shoah, le négationnisme, la falsification et la résurgence de la haine, qu’Isabelle Choko prit pour adversaire. En 1994, elle concourut à l’établissement d’un monument en souvenir des déportés de Bergen-Belsen au cimetière parisien du Père-Lachaise. En 2005, elle publia « Mes deux vies », son autobiographie, puis « La jeune fille aux yeux bleus » (2014), quelques années plus tard. Son dernier ouvrage, « La mort en échec », également autobiographique fut comme un ultime manifeste, publié il y a quelques mois à peine, en janvier dernier. Avec un engagement constant auprès des collégiens et lycéens, elle continua de témoigner que perdure la mémoire. Isabelle Choko était devenue, en 2022, présidente de l’Union des déportés de France.

Le Président de la République salue la mémoire d’une figure de l’engagement pour la mémoire, et le parcours d’une femme de passion et de transmission. Il adresse à sa famille et à ses proches ses condoléances attristées.

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