Le Président de la République a reçu, lundi 3 avril, au Palais de l’Élysée, les membres de la Convention citoyenne sur la fin de vie.
Suite à l’achèvement des travaux de la Convention citoyenne sur la fin de vie, le chef de l’État a souhaité réunir l’ensemble de ses 184 participants pour saluer la réussite d’un modèle de participation citoyenne qui a permis de conduire des débats nourris et respectueux.
Cette réunion a été l’occasion pour les participants de restituer les travaux menés depuis décembre 2022, en réponse à la question suivante : "Le cadre d'accompagnement de la fin de vie répond-il aux différentes situations rencontrées ou d'éventuels changements doivent-ils être introduits ?"
Le Président Emmanuel Macron s'est donc appuyé sur les conclusions de la Convention citoyenne pour ouvrir le deuxième acte de ce débat national et exposer les contours d'un modèle français de la fin de vie :
- L'élaboration d'un plan décénal national pour la prise en charge de la douleur et les soins paliatifs ;
- La co-construction entre le Gouvernement, les parlementaires et les parties prenantes, d'un projet de loi sur la fin de vie d'ici la fin de l'année 2023.
Revoir la présentation des travaux de la Convention citoyenne sur la fin de vie :
6 octobre 2024 - Seul le prononcé fait foi
Discours du Président de la République à l’occasion de la réception des conclusions de la Convention citoyenne sur la fin de vie.
Mesdames et Messieurs les ministres,
Monsieur le président du Conseil économique, social et environnemental,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le président du Comité consultatif national d'Éthique,
Chers membres de la Convention citoyenne sur la fin de vie,
Mesdames et Messieurs.
Merci pour ce rapport et surtout les propos que tous les 4 vous venez de tenir.
Je tenais aujourd'hui à vous recevoir, ici, au lendemain de l'achèvement de ces travaux, marquant, vous l'avez dit, la fin d'un premier temps et ouvrant un deuxième.
D’abord pour saluer la qualité du travail mené par chacune et chacun d'entre vous, parce que vous vous êtes engagés dans cette entreprise démocratique. Il y a un tirage au sort qui, en quelque sorte, par la main du hasard, garantit une neutralité avec des règles et une procédure mais ce tirage au sort ne signifie pas une absence d'engagement ou une forme de passivité. Il donne une légitimité à une convention qui a été définie par un texte organique, puis par le choix que nous avons fait avec la Première ministre.
Vous vous êtes engagés pleinement, avec sérieux et avec le sens des responsabilités et avec une rigueur intellectuelle qui vous honore. Vous avez accepté d'être tiré au sort, de suspendre pour 9 sessions votre quotidien, de consacrer ainsi de votre temps, de votre réflexion pour vous consacrer à cette question de la fin de vie. En effet, la vigueur d'une démocratie suppose que le plus grand nombre franchisse ce seuil de la sphère privée vers l'agora publique, et franchir ce seuil, ce n'est pas simplement avoir un avis ou dire “je suis contre ceci ou cela ou cette décision qui est prise”, c'est de participer à la formation de la décision collective et que les citoyens se délestent un peu de ce que TOCQUEVILLE appelait la rouille démocratique. Vous l'avez fait et qui plus est, à vous lire, à vous entendre et au récit de vos délibérations, avec tout à la fois cette rigueur que j'évoquais mais un respect, une considération les uns pour les autres, remarquables. C'est un geste de courage, a fortiori, pour réfléchir et débattre de la plus impensable des choses de la vie, celle qui en constitue le terme, c'est à dire notre mort.
Vous l'avez fait aussi avec une sincérité d'autant plus notable que l'expérience de vos prédécesseurs, ceux de la Convention climat, avait imparfaitement convaincu. Non pas qu'ils aient été moins engagés et rigoureux ou que la convention n'ait rien donné, comme je l'entends parfois. Elle a au contraire permis des avancées considérables et a été très largement marquée par des applications, dans les textes de loi et les textes règlementaire. Grâce à elle, la Nation a accompli des pas décisifs dans la lutte contre le changement climatique. Pour autant, il est vrai que c'était la première convention citoyenne et elle comportait des imperfections. Elle avait suscité des interrogations quant à la méthode, l'encadrement et le suivi. Nous tous, d'ailleurs, nous avons appris de cette première expérience, de ce que nous avons collectivement, je m'inclus dedans, bien fait et mal fait. Vous avez bénéficié de tout ce que nous avons appris. Vous avez perfectionné et porté à maturité cette innovation démocratique de la convention citoyenne. La consolidation inédite de cette innovation démocratique qu’est la convention citoyenne fait que maintenant, il y a une forme de maturité à laquelle nous arrivons par le travail que vous avez conduit et auquel vous avez participé. Cela intervient à un moment très particulier de notre vie démocratique et de notre nation. Nous sommes, et nous ne sommes pas les seuls, à un moment, on le voit bien, de troubles.
La conception séculaire de la démocratie représentative est bousculée, même attaquée. Pourtant, il existe un Parlement et la légitimité de son pouvoir est un pilier de nos démocraties. Le peuple s'exprime par ses représentants ou par référendum, au terme d'un débat qui reproduit à plus grande échelle ce mouvement qui a été le vôtre, de décentrement individuel et de discussions fécondes. Mais on le voit bien aussi, parfois, les rouages de notre démocratie, sa temporalité, ses mécanismes, font qu’il manque comme quelque chose. Cette rouille démocratique que j'évoquais en citant TOCQUEVILLE, il nous faut lui trouver un remède. La densité de certains sujets, soit concentrés dans le vertige éthique d'une question fondamentale comme la fin de vie, soit d'une ampleur telle qu'une multitude de situations en sont bouleversées et que les enjeux techniques s'y ajoutent, comme par exemple, le changement climatique, suppose un travail préalable de décantation démocratique. Et c'est pourquoi une convention citoyenne, vous l'avez d'ailleurs parfaitement rappelé, ne se substitue jamais à la délibération parlementaire. Elle la prépare et surtout, je le crois, dans certaines circonstances, elle la permet parce qu’en son sein, se joue toute la complexité du débat, parce qu'elle favorise ainsi un cheminement des avis, enclenche une maïeutique et refroidit les passions brûlantes. Une convention citoyenne apaise parce qu'elle est une enceinte de scrupules, de travail, de pure aventure intellectuelle et éthique.
Et c'est vrai que c'est la limite de nos démocraties, c'est le moins mauvais des systèmes mais au moment du vote, le fait majoritaire peut donner le sentiment qu'il écrase les voix minoritaires.
Vous avez, par vos travaux, le compte rendu que vous en avez fait et le rapport, donné une place au dissensus, à la voix minoritaire. Et c'est tout le défi qui est le nôtre dans la vie, dans nos démocraties, c’est de pouvoir continuer à avancer, à décider, parce qu’on ne peut pas rester en quelque sorte des enceintes impuissantes où, dès qu’on n’aurait pas l’unanimité on ne pourrait plus avancer, mais c’est de définir des voix majoritaires, mais de réussir à respecter les voix minoritaires en leur donnant une place et en leur permettant de cheminer à côté, en les entendant, en leur donnant leur place dans la délibération, puis en les reconnaissant dans le travail. Et c’est ce qui permet à ces travaux que sont les conventions citoyennes et aussi au sort qu’on doit en donner, de compléter ce qui est l’exercice du vote dans une élection qui est libre, dans une élection qui permet de voter un texte.
C’est donc à une œuvre de réinvention démocratique que vous avez prêté votre concours, et cette œuvre a été permise par l’action du Conseil économique, social et environnemental, dont je salue à nouveau le président ainsi que le travail de la présidente du conseil de gouvernance, chère Claire THOURY, cheville ouvrière de cette convention. Vous l’avez rappelé, président, par la loi organique du 15 janvier 2021, nous avons fait en sorte que le CESE soit pleinement ce carrefour des consultations publiques en réformant sa composition, mais on lui offrant, aussi, la faculté de recourir au tirage au sort, en lui confiant largement l'organisation des consultations citoyennes. Je crois profondément que s'est inventée, avec cette convention citoyenne, une expérience unique qui doit nous servir de référence. Naturellement, d'autres pays nous ont précédé pour des exemples dont on rappelle souvent les succès, un peu plus rarement les échecs, mais tous nous apprennent quelque chose.
Après l'expérience de la convention climat, nous pouvons être fiers d'avoir porté collectivement à maturité un modèle français d'éthique de la discussion, une éthique de la discussion organisée par une institution de la République et incarnée par des citoyens engagés. C'est cela qui s'est cristallisé avec cette convention grâce à votre engagement, votre écoute, votre respect mutuel, et c'est un moment très important de notre vie démocratique. Je souhaite à ce titre que cet instrument désormais mûr de la convention citoyenne soit mis en œuvre pour d'autres sujets. C'est pourquoi, je compte dans les prochaines semaines saisir le Conseil économique, social et environnemental sur d'autres questions relatives à la vie de la Nation.
Je veux maintenant revenir à la question, si vertigineuse qui, durant ces semaines, a été l'objet de vos travaux. Je disais qu'une convention citoyenne permet le débat parlementaire. Cette fois-ci, en outre, ce qui n'était aucunement assuré, elle s'est faite la chambre d'écho de tout un pays. La convention citoyenne s'est en effet pensée, dès l'origine, comme la référence des références, mais au sein d'un ensemble de facettes conçues pour refléter l'ensemble des images philosophiques, éthiques, politiques de notre société. Dès que le Conseil consultatif national d'éthique, dont je salue le président et les travaux, a rendu un avis important le 13 septembre dernier, un travail associant de multiples acteurs s’est déployé à travers le pays ; des espaces éthiques régionaux, ce qui était l’un des apports de nos dernières décennies du CCNE. Ces espaces éthiques régionaux ont organisé des réunions très nombreuses partout sur le territoire. Un travail a été mené avec un groupe de travail parlementaire transpartisan, animé par les ministres responsables, ainsi qu’une mission d’évaluation de la loi dite Claeys-Leonetti, loi dont je salue les auteurs, cher Alain. Un groupe de travail de professionnels de santé s'est constitué, afin de consulter précisément les soignants en premier chef concernés. Des missions des organismes d'évaluation, comme un rapport à venir de la Cour des comptes, apporteront aussi leur contribution. Vous le voyez, toute notre vie institutionnelle s'est en quelque sorte emparée de la question, chacune avec ses méthodes, son champ d'élucidation et sa légitimité.
Et ce miroitement institutionnel s'est reflété dans la société entière. Des tribunes, des débats dans des municipalités, une conversation de tout le pays s'est faite entendre. Car nous sommes tous par essence concernés par la fin de vie. Et nous savons d'expérience, ou par ouï-dire, ce qu'elle comporte toujours, à la fois de douleur irrémédiable, mais aussi, trop souvent de chagrins évitables, ces autres drames, qui s'ajoutent aux plus grands d'entre eux et ne font que l'amplifier cruellement.
Cela vient de ce que, et c'est l'un des points tranchés par votre convention, mais qui fait en outre l'objet d'un consensus, notre système d'accompagnement de la fin de vie reste mal adapté aux exigences contemporaines. Et ce, malgré le formidable engagement de tous ceux qui y contribuent. De nombreux témoignages le disent, soulignant d'ailleurs l'excellence de la chaîne des soins. Les chiffres d'ailleurs le montrent, ils montrent tout le chemin que notre nation a fait. On constate une progression du nombre de lits de soins palliatifs : 9 526 en 2022 contre 7 500, 3 ans plus tôt. Mais la progression est trop lente, vous l'avez rappelé, l'offre trop inégalement répartie. 21 départements ne disposent pas d’unités de soins palliatifs. D'autres régions ne comptent pas du tout d'équipes mobiles de soins palliatifs pédiatriques, un besoin pourtant croissant. Par ailleurs, la culture palliative n'a pas été assez appropriée par les soignants, faute de formation. Le très faible recours aux directives anticipées démontre aussi le décalage entre le besoin d'accompagnement des Français et l'administration de la réponse.
Alors, en lisant vos travaux, j'essaie maintenant de cheminer vers l'ouverture de ce deuxième temps, et donc ce que nous devons faire. Je crois qu'une solution unanimement préconisée doit être maintenant rigoureusement mise en œuvre. Il nous faut mieux faire appliquer la loi Claeys-Leonetti, comme le souligne aussi très bien la mission d'évaluation de l'Assemblée nationale.
Nous avons en la matière une obligation d'assurer l'universalité de l'accès aux soins palliatifs, de diffuser et d'enrichir notre culture palliative et de rénover la politique de l'accompagnement du deuil. Car je crois profondément que nous n'avons pas le choix entre une société où l'exigence de mourir dans la dignité est légitimement devenue commune, et où l'insuffisance de l'offre de soins palliatifs est pointée, l'écart est devenu insupportable. Il est insupportable pour les patients et leurs familles, notamment les plus vulnérables, car cela crée une inégalité face à la mort. Il est insupportable aussi pour les soignants et je ne le sous-estime pas. Il est insupportable, enfin, pour une société et un pays convaincu qu'il faut accompagner chacun, comme le disaient les inventeurs même de notre Etat providence, du berceau à la tombe. Menons ce combat, il doit nous rassembler et je sais que l'amélioration de l'accompagnement de la fin de vie est à cet égard un chemin indispensable. Il peut paraître, pour certains, la solution de prudence. Je crois, au contraire, que c'est le premier pilier de la réponse que nous devons apporter, peut-être, la réponse la moins spectaculaire, mais la plus courageuse, parce qu'elle fait consensus et qu'elle est la possibilité du reste, parce qu'elle concerne le plus grand nombre et probablement la plupart. Parce qu'elle offre de l'apaisement et de la dignité et qu'en conscience, on ne peut tolérer cette inégalité selon laquelle on est accompagné vers la mort différemment, dans de plus ou moins bonnes conditions, selon le lieu où l'on vit, le lieu où l'on est soigné, la direction de ses dernières volontés. C'est une inégalité fondamentale que nous devons corriger.
Concrètement, il nous faudra donc avancer dans les prochaines semaines pour mieux garantir l'égalité d'accès et développer la prise en charge des soins palliatifs. Cela signifie adapter les réponses en fonction des publics et des lieux, mieux intégrer à l'hôpital les soins palliatifs dans le parcours de soins, former les professionnels, fixer un seuil de lits identifiés par territoire et un meilleur maillage par des équipes mobiles, poursuivre le développement des soins palliatifs à domicile. Un accent particulier devra aussi être mis en œuvre avec la prise en charge pédiatrique de la douleur et dans le milieu médico-social.
Ensuite, il nous faut mieux accompagner les aidants, bénévoles ou familles, offrir du répit à ceux qui vouent leurs vies à leurs proches, en train de la quitter. Enfin, il nous faut, et c'est sans doute le moins aisé, conduire chacun à la perspective de se déterminer par avance, apprivoiser un peu de cette part impensable, engager une appropriation de la culture palliative auprès de nos soignants, des travailleurs sociaux et de chacun d'entre nous.
Cela, c'est un travail de la société, souterrain, philosophique, médical que l'État peut seulement accompagner. Sur le reste, c'est-à-dire la garantie d'un accès effectif et universel aux soins d'accompagnement à la fin de vie, l'État a une obligation de résultat. Aussi, je veux que nous avancions avec détermination et pour cela, il nous faut bâtir dans la durée. C'est pourquoi je veux que nous élaborions un plan décennal national pour la prise en charge de la douleur et pour les soins palliatifs avec les investissements qui s’imposent. Ça, c’est le premier pilier, si je puis dire, et le premier élément de la réponse.
Je sais aussi que l’accompagnement de la fin de vie est seulement un aspect du sujet. Parce que, et c’était la justification de cette Convention citoyenne, les lois n’ont pas épuisé le grain de chaque situation, chaque cas, chaque drame. Le peuvent-elles et le doivent-elles d’ailleurs ? C’était justement la question qui vous était posée. Vous y avez apporté des réponses claires, vous vous êtes forgé une conviction propre. Vous vous êtes prononcés aux trois-quarts pour une aide active à mourir, sous ses formes différentes, du suicide assisté, avec exception d'euthanasie ou des deux au libre choix de la personne concernée. Et vous venez nous rendre compte, en rappelant les proportions, de ce qui ressort de vos travaux.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire et j'ai en la matière une opinion personnelle qui, comme celle de nombreux Français, peut évoluer, évolue, évoluera, qui le sait ? Sur un tel sujet, j'ai aussi en tant que président de la République, une responsabilité de concorde et une volonté d'apaisement.
Vos réponses sont importantes parce qu'elles traduisent une forme de vérité qui ne peut qu’interpeller. Comme il y a une volonté générale qui dépasse la somme de toutes les volontés particulières, voilà une conviction générale, au sens où elle est celle formée, forgée au-delà de la conviction de chacun. Celle-ci est non le produit d'une somme de perception, mais elle est le fruit d'une délibération. Elle est un ouvrage même de réflexion. Et je le dis clairement, cette expression de la convention porte en elle une exigence et une attente, c'est celle d'un modèle français de la fin de vie. Nous y répondrons.
Nous avons déjà des éléments irrécusables de convergence. Dans ce modèle français de la fin de vie, vous avez fixé des bornes, en deçà desquelles vous estimez que nous ferions fausse route. D'abord, vous avez souligné l'importance de la prise en compte et de l'analyse du discernement afin de garantir l'expression de la volonté libre et éclairée, que cette expression soit directe ou par des directives anticipées ou une personne de confiance. La question de la réitération du choix est tout aussi cruciale. Ensuite, vous jugez primordial que la condition médicale des patients présente le caractère d’incurabilité, de souffrances réfractaires, psychique et physique. Voire l'engagement du pronostic vital. Vous insistez pour que jamais une aide active à mourir, ne devrait, ne devra être réalisée, pour un motif social pour répondre à l'isolement qui parfois peut culpabiliser un malade qui se sait condamné à terme et voudrait en hâte programmer l'issue, afin de ne pas être une charge pour les siens et pour la société. En outre, l'aporie – ou en tout cas l'absence de conclusions – sur l'aide active à mourir pour les mineurs suggère de ne pas ouvrir cette faculté. Enfin, vous avez voulu assortir l'aide active à mourir de procédures qui permettent une écoute, un accompagnement et une collégialité.
Tous ces points, sans faire l'unanimité, ont fait consensus. Mais sur les questions éthiques, mêlant l'intime et le politique, il y aura toujours, et c'est d'ailleurs sain, la possibilité de conscience qui objecte à l'assentiment général. Ainsi, ces quelques lignes rouges me paraissent utilement encadrer l'hypothèse d'un modèle français de la fin de vie, et constitue notre point de départ.
Mais au-delà de ces bornes, qu'en est-il de ce modèle ? Je contredirais aussitôt ce que je viens de dire sur l'articulation des légitimités, si j'en concluais que le dernier mot sur la question devait être dite aujourd'hui. Nous sommes tous collectivement dans une forme de maïeutique. C'est pourquoi je demande au Gouvernement — en lien avec les parlementaires désignés par le président du Sénat et la présidente de l'Assemblée nationale qui, avec leur conférence des présidents, auront à faire ce travail transpartisan — de mener une œuvre de co-construction, sur la base de cette référence solide, qui est celle de la convention citoyenne et en lien avec toutes les parties prenantes. Je souhaite que ce travail permette de bâtir un projet de loi d'ici à la fin de l'été 2023. Ainsi, continuera une maturation collective, de l'éthique à la politique, respectueuse de l'épaisseur des vies de l'humanité. Trouvons aussi les bons mots, et je parle sous le contrôle sur un tel sujet de notre seul immortel de la salle, cher Erik ORSENNA, et nous pourrons ainsi, à travers cette maturation, permettre, je le souhaite, je le crois, de tracer un nouveau jalon vers ce modèle français de la fin de vie.
Mesdames et Messieurs, voilà ce que je souhaitais vous dire aujourd'hui. Ce serait trahir l'esprit qui a été le vôtre, que de déduire de vos réponses celles de la société. Parce que vous aussi, vous avez changé d'avis. Au fil d'échanges remarquables, par la qualité de respect et la dose d'investissement personnel qui ont présidé à vos 27 jours de débat, vous avez constaté qu'il existe des sujets incommensurables. Vous avez approché la distance qui sépare parfois la douleur des familles et la conception de leur métier par beaucoup de nos soignants. Vous aussi, vous avez érodé telle doctrine à l'aune d'un témoignage, telle certitude au frottement d'un avis, d'un témoin, d'un expert. Vous savez donc les ressorts d'une délibération et la cadence nécessaire à l'émergence d'un avis collectif. Tout ça, c’est indispensable, et le défi qui est le nôtre, c'est de continuer à le faire vivre dans le pays parce qu'à un moment on doit avancer, on doit prendre une décision. Et il faut faire partager au plus grand nombre ce cheminement qui a été le vôtre pour essayer que le maximum de nos compatriotes puissent sortir, parfois, des convictions qu’ils se forgent. Et vous le voyez bien, je crois qu'à travers le travail qui est le vôtre, il y a l'antidote à une forme de démocratie du commentaire permanent ou de la confrontation permanente des avis irréductibles, qui est ce dans quoi parfois nos quotidiens sont pris. Je parle du vôtre, comme du mien. On a besoin de ce chemin partagé, où nous sommes dans le déséquilibre des confrontations respectueuses et de l'avis des autres. Ce chemin doit conduire, à un moment donné, à prendre une décision, à bâtir, ce sera ce projet de loi.
Un pays vous a attendu, désormais, il vous entend. Et c'est ce pas supplémentaire vers le consensus qui n’aurait pu avoir lieu sans vous, qui fait la force de cette aventure démocratique et qui sera désormais poursuivi par le Gouvernement et les parlementaires, d’ici à la fin de l’été. Je n’ai donc pas à vous promettre de reprendre l’une ou l’autre de vos conclusions, elles suivront leur cours. Quelque part, votre victoire c’est qu’elles existent. Votre succès, cela a été de les former, par-delà la diversité de vos parcours et vos réponses sont ainsi, en quelque sorte aussi, hors les murs de la convention. Nous avancerons vers un modèle français de la fin de la vie et ce chemin sera irrémédiablement différent, car vous avez travaillé, échangé, décidé. Oui, quel que soit ce chemin, grâce à vous, nous savons désormais qu’il est possible, et comment il doit s’arpenter : avec sérieux, avec scrupule, avec respect, en refusant les controverses et en acceptant, au fond, de vivre avec des doutes. C'est en étant fidèle à votre méthode, à votre éthique, que nous serons fidèles à votre ambition.
Je vous remercie.
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