14 juillet, ensemble : 

Le Président de la République Emmanuel Macron a présidé la cérémonie de la fête nationale et le défilé militaire sur l’avenue des Champs-Elysées à Paris, en présence des membres du Gouvernement et des autorités militaires. 

Revoir le défilé : 

Le défilé en images : 

À l'issue du défilé militaire, le Président de la République a répondu aux questions de Caroline Roux et Anne-Claire Coudray.

14 juillet 2022 - Seul le prononcé fait foi

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INTERVIEW DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE.

Anne-Claire COUDRAY
Monsieur le Président, bonjour.

Emmanuel MACRON 
Bonjour.

Caroline ROUX 
Bonjour monsieur le Président.

Emmanuel MACRON 
Bonjour.

Anne-Claire COUDRAY
Merci de nous recevoir dans ces jardins de l'Elysée. Cette interview, c'est votre première interview télévisée depuis les élections législatives et je crois que les Français ont besoin de comprendre l'utilité de votre second mandat. Ils ont besoin d'entendre vos réponses à leurs préoccupations. Je crois qu'on a tous aussi besoin de comprendre ce qui va nous arriver collectivement dans les semaines, dans les mois qui viennent. Hier soir, vous avez réutilisé pour la deuxième fois l'expression « d'économie de guerre », et donc on va évoquer tout cela ensemble.

Caroline ROUX 
Et naturellement, nous débutons cette interview avec l'Ukraine. Sans doute que cette année, le défilé militaire avait une gravité toute particulière. La guerre est aux portes de l'Europe. Le monde se réarme. Avons-nous aujourd'hui, Emmanuel MACRON, les moyens de faire face à un conflit de haute intensité ? 

Emmanuel MACRON 
Bonjour et bienvenue à l'Elysée. Je veux vous souhaiter une bonne fête nationale, un beau 14 juillet et le souhaiter à tous nos compatriotes. Nous avons une armée forte, nous avons la première armée d'Europe et une des armées les plus réactives. Nous l'avons démontré au début de cette guerre. Je le dis parce que le défilé d'aujourd'hui, qui était une immense fierté — et je veux avoir un mot, une pensée pour nos blessés, les familles des soldats que nous avons perdus et sont aussi mis toujours à l'honneur pour ces 14 juillet, j'y tiens — le défilé était ouvert par des chasseurs alpins qui se sont projetés en quelques jours en Roumanie après la décision que j'ai prise fin février pour défendre notre flanc Est. Donc, nous avons une armée forte. Nous avons qui plus est une armée qui est dotée de la dissuasion nucléaire. Nous avons réinvesti ces 5 dernières années. Nous n'avons pas attendu la guerre. 

Anne-Claire COUDRAY
Mais est-ce que c’est suffisant ?

Emmanuel MACRON
Le choix que j'ai fait dès 2017, je vous réponds de manière complète, c'est qu'on a ajouté à notre budget 26 milliards d'euros durant le quinquennat passé et nous allons prendre une nouvelle loi de programmation militaire jusqu'à 2030. Maintenant, ce qu’on voit, qui est un fait nouveau avec l'Ukraine, c'est deux choses. C'est ce qu'on appelle la guerre de haute intensité. Vous voyez le nombre de morts, la violence des conflits sur le sol européen. Et la deuxième chose, c'est qu'elle implique une puissance dotée de l'arme nucléaire, la Russie. Et donc, face à celà, la France n'est pas attaquée sur son sol. Donc, elle a les moyens aujourd'hui d'aider l'Ukraine, ce que nous faisons en l'équipant. Elle a les moyens de se protéger. Elle a les moyens d'aider ses alliés. C'est ce que nous faisons aujourd'hui en Roumanie et on continue de lutter aussi contre le terrorisme au Sahel. 

Caroline ROUX 
Mais il va falloir s'adapter. 

Emmanuel MACRON 
Exactement. Ce qu'il nous faut continuer de faire, c'est fort de ce nouveau contexte, on doit absolument réinvestir dans tous nos stocks et nos capacités, continuer d'embaucher et de former et continuer d'avoir une armée encore plus forte car ceux qui nous disaient, il y a quelque temps, la guerre de haute intensité ne reviendra plus, se sont, on le voit bien, trompés. Donc on a une armée…

Anne-Claire COUDRAY
Qu'est ce qu’il nous manque ? Si vous aviez à définir ce qu’il nous manque  ? [inaudible]  

Emmanuel MACRON 
Écoutez, non, on a une armée qui est aujourd'hui qui est prête. On a beaucoup réparé. D'abord, vous savez, la force d'une armée, ce sont ses femmes et ses hommes. Ce sont nos soldats. 

Caroline ROUX 
Ce sont aussi nos munitions. 

Emmanuel MACRON 
Non, je le dis parce que ce sont nos soldats. Et regardez avec l'Ukraine la force d'âme, la force morale. Et donc, pour tenir une guerre comme ça, c'est ce que j'ai dit hier soir, quand je suis allé parler à nos militaires à l'hôtel de Brienne : la force d'âme d'une nation. On regarde tous aujourd'hui avec admiration les Ukrainiennes et les Ukrainiens. Mais c'est une armée qui se défend, qui malgré les pertes, tient, repousse l'assaillant. Et c'est une nation où tous les hommes adultes sont mobilisés et se battent.

Caroline ROUX
En termes budgétaires, vous considérez que c’est suffisant ?

Emmanuel MACRON
Et donc, je le dis parce que je considère aujourd'hui que le principal élément, c'est cela.

Caroline ROUX
Mais hier, vous en appeliez à l'industrie, au monde industriel.

Emmanuel MACRON
Oui, mais je dis : 1) le moral de nos armées, 2) nous devons aller au bout de notre réflexion sur le pacte entre la nation et ses armées, c'est-à-dire il faut continuer de réfléchir. Le Service national universel en est une des composantes, mais il faut continuer d'avancer sur ce chemin et puis il y a nos capacités. Donc, on a réparé nos éléments capacitaires, on en a rajouté. Le premier Jaguar  a défilé sur les Champs-Élysées cet après-midi. Les Césars que nous livrons à l'Ukraine étaient aussi présents. On a réinvesti dans des avions, des sous-marins. On a sorti des sous-marins de nouvelles capacités ces dernières années. Donc, on va continuer. Et oui, il faut intensifier l'effort.

Caroline ROUX
Comment ? Budgétairement ?

Emmanuel MACRON
Budgétairement, je le disais, on a fait un effort inédit. Surtout, on l’a respecté.

Caroline ROUX
Et ça suffit ?

Emmanuel MACRON
Il faut continuer jusqu'à 2030.

Anne-Claire COUDRAY
Et cette nouvelle loi de programmation militaire, ça veut dire, qu’on sera à 50 milliards en 2025 ? Il faut rajouter 10 milliards, il faut doubler ? Est-ce que vous pouvez nous donner l’idée ?

Emmanuel MACRON
Alors, vous savez, les chiffres, pour moi ils sont au service d'une stratégie. Ce qui est important, c'est que… ce que j'ai demandé au chef d'état-major nos armées et au ministre des Armées, à l'ensemble du ministère en lien avec les Affaires étrangères, c'est de regarder comment on évalue les nouvelles menaces ? C'est ça ce qu'il faut faire. Et donc, c’est au vu de ça et des manques qu'on identifie qu'ensuite, on donne un chiffre. Et donc là, on a fait cet exercice il y a 5 ans. Beaucoup de gens disaient « qu’est-ce que vous allez… pour investir. »

Caroline ROUX
Vous avez sanctuarisé d'ailleurs ces montants ?

Emmanuel MACRON
Mais on les a définis sur la base d'une stratégie. On en a défini la stratégie jusqu'en 2024 et on les a respectés à l'euro près. C'est la même chose que je veux faire. Donc là, jusqu'à la fin de l'année, on va réévaluer cette stratégie. Qu'est-ce qu'on apprend du contexte ? D'abord, il y a des… ce qu'on appelle de nouvelles zones de conflictualité. Elles n'ont pas disparu avec l'Ukraine : le cyberespace. Je le dis avec beaucoup d'importance parce que ça, j'y crois beaucoup et on va réinvestir. Mais aujourd'hui, on peut faire la guerre physiquement. Si nous sommes faibles sur le plan cyber, vos hôpitaux, le cœur de votre État, les instituts les plus sensibles peuvent être attaqués par des attaques cyber et mis à plat. Donc, il faut investir sur ce qu'on appelle la  résilience, la capacité à se défendre des attaques cyber et nous pouvons attaquer. Il y a le maritime qui devient essentiel, qui redevient une zone de conflictualité. Et l'espace, on l'a vu aussi au début de cette guerre avec les menaces russes. A côté de ça, on a toujours notre théâtre d'opérations, on doit lutter contre le terrorisme au Proche et Moyen-Orient, en Afrique. Et la France restera engagée. Et on a le retour de la guerre de haute intensité qui nous dit quoi ? On a besoin, vous avez tout à fait raison de bien vérifier dans tous les segments du jeu qu'on a des stocks, on en a, mais qu'on en a pour durer parfois plus longtemps que ce qu'on pensait. La deuxième chose, c'est qu'on est en train de regarder, quels sont les équipements qui sont pertinents ? Il faut continuer d'investir dans les meilleures technologies et on va le faire. Mais parfois, quand vous êtes dans des théâtres d'opérations qui sont si dangereux, comme on le voit en Ukraine, où il y a une agressivité très forte, vous avez parfois besoin d'équipements plus simples, mais en plus grande capacité. Donc, c'est tout ça qu'on va regarder. C'est cette analyse des nouveaux risques, de l'évolution des menaces et en fonction de ça, on va définir un budget. Je peux d'ores et déjà vous dire que le budget des armées ne va pas diminuer, au contraire, Et donc, on va consolider l'effort qu'on fait depuis 2018. On va le renforcer, l'intensifier, mais en même temps, vous avez parlé d'économie de guerre, c'est en effet un terme que j'ai repris à plusieurs reprises. On voit qu'on doit pouvoir produire plus vite, plus fort. Eh bien, des capacités d'armement, d’artillerie, dans la munition, peut-être des équipements parfois rudimentaires, d'autres très innovants en plus grande masse et plus rapidement. Un mot, je le dis aussi parce qu’on parle de l'Ukraine —

Anne-Claire COUDRAY
Oui.

Emmanuel MACRON
— nous venons de, ces 6 derniers mois, d'avoir la présidence française de l’Union européenne. Quand on parle de tous ces sujets, c'est aussi un sujet européen et il vient en renforcement de ce que fait la France. Pour la première fois aussi ces dernières années, on a renforcé l'Europe de la défense. C’était un projet que je défendais beaucoup, que je portais et on en voit la pertinence, cette Europe de la défense en complémentarité de l'OTAN, et on le voit pour défendre notre flanc Est.

Caroline ROUX
Il y a une question que se posent sans doute tous les gens qui vous regardent aujourd'hui : est-ce que cette guerre va durer ?

Emmanuel MACRON
D'abord, nous n'avons pas… Je vous mentirais en vous disant qu'on a toutes les réponses. C'est faux, puisque nous ne l'avons pas déclenchée et nous ne sommes pas partie prenante au sens le plus strict du terme. Et donc, nous faisons tout, nous avons tout fait, vous le savez bien, je me suis déplacé en février en Ukraine et en Russie, pour qu’elle ne se déclenche pas et pour qu'elle stoppe. Aujourd'hui, je pense qu'il faut nous préparer tous à ce qu'elle dure. L’été, le début de l’automne seront sans doute très durs, très durs.

Anne-Claire COUDRAY
Justement.

Caroline ROUX
[inaudible].

Emmanuel MACRON
Parce qu’il y a aujourd’hui un combat très intense qui se passe à l’est de l’Ukraine. Nos compatriotes, je crois maintenant, connaissent bien la géographie, dans ce qu’on appelle le Donbass, qui est cette région contestée dans ces deux régions administratives de Louhansk et Donetsk, où les combats sont très intenses, et qui sont le premier objectif de l'armée russe. Et les Ukrainiens se défendent avec un courage inouï et beaucoup d'équipements d’ailleurs que les Alliés, entre autres la France, ont fournis. 

Anne-Claire COUDRAY
Ce que vous venez de dire, ça va sans doute inquiéter beaucoup les Français parce que cette guerre, elle a provoqué une crise énergétique majeure sur notre sol. Élisabeth BORNE évoquait il n'y a pas longtemps une possibilité de rupture de livraison du gaz russe. Est-ce que cela veut dire que l'hiver prochain, les Français risquent d'avoir des coupures d'énergie ?
 
Emmanuel MACRON
Alors, d'abord, je le dis, cette guerre va durer. Mais la France sera toujours en situation d'aider l'Ukraine comme nous l'avons fait sur le plan militaire, humanitaire, économique et politique, de tout faire pour stopper l'effort de guerre russe par des mesures de sanctions. 

Caroline ROUX
Vous considérez que ça marche ?
 
Emmanuel MACRON
Bah, je considère que ça rend la vie pénible, oui. Et que…
 
Caroline ROUX
À qui, aux Européens ou aux Russes ? 

Emmanuel MACRON
Non, il ne faut pas rentrer dans cette logique. Les sanctions, elles touchent d'abord l'économie russe. Mais qu'est-ce que vous voudriez qu'on fasse ? Soyons…

Anne-Claire COUDRAY
Sur l’énergie oui parce que — 

Emmanuel MACRON
Non, mais je vais y revenir tout de suite mais je remets ça dans le cadre d'ensemble parce que c'est une des conséquences de ce que nous sommes en train de faire. Nous voulons stopper cette guerre sans nous impliquer dans cette guerre. Et en même temps que nous voulons tout faire pour que la Russie ne puisse pas gagner, pour que l'Ukraine puisse défendre son territoire, nous ne voulons pas d'une guerre mondiale. Et donc on ne veut pas l'extension géographique à d'autres parties prenantes de cette guerre. C'est pour cela qu'on veut stopper la guerre sans faire la guerre. Et donc… 

Anne-Claire COUDRAY
Sur l’énergie ?

Emmanuel MACRON
… le plus utile, la seule chose à faire : aider l'Ukraine, sanctionner l'économie russe. Dans ce contexte-là… 

Anne-Claire COUDRAY
Et qu’est-ce que vous dites au Français ? Voilà.

Emmanuel MACRON
Dans ce contexte-là, les prix de l'énergie d'abord ont monté, ils ont monté avant la guerre. Soyons honnêtes collectivement parce qu'il y avait une reprise économique très forte dans le monde entier. Ils ont monté ensuite du fait de cette guerre, et du fait que la Russie utilise l'énergie comme une arme. Et le vrai changement des derniers jours, je considère qu'on en a trop peu parlé, c'est la décision russe de commencer à couper le gaz. 

Caroline ROUX
60 % des livraisons ont baissé. 

Emmanuel MACRON
Elle avait commencé dans des pays, chez certains pays, elle avait menacé, elle inquiétait. Mais là, sur le principal gazoduc qui s’appelle Nord Stream 1, elle a coupé. C'est un signal. Et qu'est-ce qu'elle envoie comme message très clair ? Qu'elle utilisera le gaz comme un élément de cette guerre. Nous sommes dans ce qu'on appelle une guerre hybride. Et donc l'énergie… 

Anne-Claire COUDRAY
Y-a-t-il des conséquences ?

Emmanuel MACRON
… et donc l'énergie, j’ai dis ça aussi parce que c'est important par rapport à ce que beaucoup disent parfois. Ce n'est pas une conséquence de nos sanctions, c'est que la Russie utilise l'énergie comme elle l'utilise d'ailleurs, l'alimentation comme une arme de guerre pour faire pression. 

Caroline ROUX
Vous vous préparez à ce qu’ils coupent totalement les livraisons ?
 
Emmanuel MACRON
Et donc, je pense que nous devons aujourd'hui nous préparer à un scénario où il nous faut nous passer en totalité du gaz russe… 

Caroline ROUX
Et c'est possible ? 

Emmanuel MACRON
Parce que je pense que ce scénario n'est pas théorique, c'est un scénario très dur, et donc on doit s'y préparer. Et donc ce que je veux ici très clairement dire, c'est la vérité à nos compatriotes. Cela existe, ça ne dépend pas de nous. Et je pense que ce risque, ce choix que la Russie peut faire, il est probable. Et donc face à ça…

Anne-Claire COUDRAY
Quid des conséquences, voilà, pour les particuliers et pour les entreprises ?

Emmanuel MACRON
Face à ça, une mobilisation générale. Et donc… 

Caroline ROUX
Les entreprises, les particuliers.
 
Anne-Claire COUDRAY
D'abord, les États… 

Anne-Claire COUDRAY
Comme les années 70 ?

Emmanuel MACRON
… nous tous. Alors, la France grâce à son modèle énergétique est peu dépendante du gaz russe, c'est moins de 20 % de nos besoins, et nous avons déjà commencé à diversifier. Mais qu'est-ce que nous faisons depuis le début de cette guerre ? En Européen, nous nous diversifions pour aller chercher du gaz ailleurs. Et donc nous allons continuer, en Européen, à aller sécuriser des volumes de gaz ailleurs qu'en Russie, auprès des autres fournisseurs. La Norvège nous fournit beaucoup quant à nous, mais le Qatar, l'Algérie, beaucoup d'autres puissances, les États-Unis d'Amérique, et donc on va continuer. 

Caroline ROUX
On fait des stocks ? 

Emmanuel MACRON
Deuxième chose… donc ça, on diversifie l’achat. Deuxième, les stocks. Nous sommes en train de reconstituer nos stocks pour avoir à l'automne quasi à 100 % de nos stocks. Nous y serons, nous Français, nous y serons. On a beaucoup moins de stocks que d'autres, parce que d'autres économies, l'Allemagne entre autres, sont beaucoup plus dépendantes du gaz, et il faut les aider. Ensuite, on doit rentrer collectivement dans une logique de sobriété, c’est-à-dire que nous devons nous préparer à cela. 

Anne-Claire COUDRAY
Ça veut dire quoi concrètement ? Je crois que les français ont envie de savoir comment vous voulez que ça se traduise dans leur comportement. 

Emmanuel MACRON
Ça veut dire que moi, je vais demander déjà dès à présent, aux administrations publiques, à nos grands groupes, à toutes celles et ceux qui peuvent de préparer un plan, là, dès cet été pour qu'on puisse se mettre en situation de consommer moins. 

Caroline ROUX
Un plan, ça veut dire des contraintes. 

Emmanuel MACRON
Ça veut dire des contraintes, des choix. Mais quand on est intelligent, on essaie que ces contraintes pèsent le moins possible. Qu'est-ce qu'on doit faire ? On doit essayer de réduire pour passer le pic de l'hiver nos stocks, parce qu'on aura besoin d'être solidaire avec les autres Européens. Et on doit le faire pour qu'il n’y ait jamais de coupure complète. Et essayer le moins possible d'arrêter notre économie. C’est ça l’objectif. 

Anne-Claire COUDRAY
Donc on baisse le chauffage ?

Emmanuel MACRON
Donc, on va construire un plan, on va d'abord essayer de faire attention collectivement le soir aux éclairages quand ils sont inutiles, en effet aux éléments sur l'utilisation notre électricité. Et donc, on va faire un plan pour les administrations publiques, on va faire un plan de sobriété dans lequel on va demander à tous nos compatriotes de s'engager et on va faire un plan de sobriété aussi, et ce qu'on appelle de délestage, c'est le gaz et l'électricité dont on parle là.

Caroline ROUX 
Sur la méthode.

Emmanuel MACRON
…avec nos entreprises. 

Caroline ROUX 
Sur la méthode, Monsieur le Président, cet appel aux Français à la sobriété, ça doit passer par une forme de responsabilité de chacun d'entre nous ou est-ce qu’à un moment donné, ça peut aller au-delà, à vos yeux, sur la façon dont vous voyez les choses ?

Emmanuel MACRON
Je pense qu’il faut aujourd'hui d’abord que ça passe pas,vous l'avez dit, deux choses : l'exemplarité et la responsabilité. L'exemplarité, c’est que les administrations publiques, les collectivités, l'État, aussi les grands groupes privés quand ils le peuvent et que ça ne touche pas le cœur de leur industrie, eh bien, doivent commencer à faire des efforts et moins consommer. Ensuite, moi, je crois à la responsabilité collective et je pense que c'est comme ça qu'on va avancer et ensuite on va préparer ce plan. Donc on doit faire un plan de sobriété et si je puis dire, un plan de contingence et d'urgence.

Caroline ROUX 
Avec des objectifs chiffrés ou pas, en termes de réduction de consommation ?

Emmanuel MACRON
Évidemment qu’on aura des objectifs chiffrés. Et donc on va regarder ensuite de manière très claire et on va d'abord passer à la responsabilisation. Là, nos premiers efforts ont commencé à avoir des résultats. On consomme un peu moins que l'année dernière.

Caroline ROUX 
Déjà ?

Emmanuel MACRON
Déjà un peu parce que tout le monde le sent, le voit, le vit. Et donc il faut que durant cet été, cet automne, on continue de le faire. Et je pense que d’ailleurs c'est une bonne chose parce que c'est de la chasse au gaspillage énergétique. Et vous savez, c'est à la fois bon pour passer ce cap mais les crises doivent toujours nous apprendre comme le Covid nous a appris. C'est très bon pour le climat et l'indépendance.

Anne-Claire COUDRAY
Justement…

Emmanuel MACRON
…c'est la même bataille. 

Anne-Claire COUDRAY
Est-ce que ce n’est pas une opportunité…

Emmanuel MACRON
La sobriété est une partie de notre stratégie, vous savez.

Anne-Claire COUDRAY
Est-ce que ce n'est pas une opportunité pour mettre vraiment un coup d'accélérateur sur la transition énergétique ?

Emmanuel MACRON
Alors oui. 

Anne-Claire COUDRAY
Alors au-delà de la crise énergétique, il y a aussi les incendies qu'on est en train de voir dans le sud de la France, en Gironde et ces répétitions d'événements climatiques dramatiques, ça passe de la grêle à la vague de chaleur, qui reviennent de plus en plus régulièrement. Vous comprenez bien que les Français commencent à sentir qu'il y a une sorte d'urgence. Comment vous comptez y répondre et mettre un coup d'accélérateur à cette transition écologique ?

Emmanuel MACRON
Alors, vous avez parfaitement raison. C'est une urgence et elle est déjà là. Mais je veux ici — vous m’en offrez l'occasion — rendre hommage à nos forces de sécurité civile, à tous nos pompiers. On avait ce matin des sapeurs pompiers de Paris, nos pompiers militaires qui défilaient, je pense à Paris et Marseille. Mais on a tous nos pompiers, nos sapeurs pompiers, on a nos professionnels comme nos pompiers volontaires qui, avec courage, sont en train de se battre contre un début de saison qui est absolument terrible, des incendies terribles. Et je pense aussi à nos agriculteurs parce qu'ils vivent les conséquences directes de cette sécheresse. Vous l'avez dit, le dérèglement climatique, il est là et donc on doit déjà faire face et donc mieux se protéger ; face aux éléments de sécheresse, aux canicules, c'est-à-dire protéger notre modèle agricole en les assurant mieux, ça veut dire protéger nos aînés et nos enfants, avec les plans qu'on a déclenchés face à la canicule et qu'on va mettre en œuvre et là aussi remercier, ce faisant, nos soignants. Maintenant, ça veut dire qu'on doit accélérer — vous avez parfaitement raison — la réponse à cela. On a une chance, nous, on a un modèle énergétique qui ne défend pas autant que les autres de ce qu'on appelle les énergies fossiles : le charbon, le gaz, le pétrole. Mais on en dépend pour souvent se déplacer, surtout du pétrole. Et on en dépend un peu pour produire de l'électricité et se chauffer. Qu'est-ce qu'on doit faire ? On doit accélérer sur l'énergie, 3 choses : la sobriété. C'est pour ça que je dis que cette crise est une opportunité.

Anne-Claire COUDRAY
Ça se traduit comment ? Est-ce que vous imaginez par exemple, comme on l’a déjà fait de baisser la vitesse sur les routes à 90 km/h même sur les autoroutes, comme on l'a fait dans les années 70 ? Je pense que les gens ont besoin d’exemples concrets pour bien comprendre ce que vous appelez la responsabilité. 

Emmanuel MACRON
Bien sûr, mais les exemples concrets, je pense que déjà, il faut qu'on arrive quand on regarde à moins consommer, c’est organiser différemment nos vies pour lisser les pics. Ce qui consomme beaucoup, c'est quand on a des pics et qu'on fait tourner toutes les machines et le matin et le soir. Donc on va essayer de favoriser un lissage de l'utilisation de notre électricité. Deuxième chose, je parlais de tous ces éclairages qui sont parfois inutiles, qu'on a dit des gaspillages qu'on fait dans les administrations. Moi je commence toujours par les gros avant de demander des efforts aux gens. 

Caroline ROUX 
Vous le faîtes ici ?

Emmanuel MACRON
On fait le maximum ici. 

Caroline ROUX 
C'est vrai ?

Emmanuel MACRON
Et on a fait aussi des économies d'énergie en suivant, c'est-à-dire on fait de la rénovation. Et vous verrez d'ailleurs aussi dans ce parc, peut-être dans quelques mois, des trous qui seront faits parce qu'on va se chauffer aussi avec des systèmes de géothermie. Première chose : sobriété. Deuxième chose : développer le renouvelable. Et donc là, on a un plan et on va passer dès cet été une loi d'urgence pour réduire les délais. Il faut qu'on aille beaucoup plus vite. Vous imaginez, aujourd'hui, on met 10 ans à faire un plan d'éolien offshore, 10 ans. Donc on doit aller beaucoup plus vite pour produire de l'éolien offshore, aussi du solaire, on sait les difficultés sur l'éolien terrestre parce qu'il y a des problèmes d'acceptabilité, mais aussi pour développer des éléments qui, très clairement nous permettent de nous passer de tout cela, c'est-à-dire pompe à chaleur, c'est-à-dire la géothermie, la biomasse, etc. Troisième levier, c’est le nucléaire.

Caroline ROUX
Monsieur le Président, le problème, c’est… On va revenir au troisième levier sur le nucléaire, mais quand même, on est dans une crise énergétique. Vous avez très bien expliqué. On est en Europe en train de rouvrir des centrales à charbon. Comment est-ce qu'on peut dire dans un même temps, on accélère sur la transition écologique et dans un autre temps, parce qu'il faut répondre à une urgence à la fois de pouvoir produire, comme vous l'avez expliqué, on a le sentiment d'avoir des injonctions contradictoires ? 

Emmanuel MACRON
Non, ce qu’il y a, c’est que vous avez une difficulté, je peux vous expliquer exactement ce qui est en train de se passer. La France n'est pas le pays, comme vous le savez, qui le fait le plus sur ce point là, compte tenu de ce modèle que j'évoquais. 

Caroline ROUX
Mais on va le faire quand même.

Emmanuel MACRON
C'est simple. On a les quatre centrales qui fonctionnaient avec les fossiles. Sur ces quatre centrales, on en a fermé deux. Et il y en a une qu’on doit de toute façon, qu'on voulait garder un peu plus longtemps parce qu'elles dépendent de l'ouverture de Flamanville et d'une centrale à gaz à Landivisiau, pour ne pas que ça coupe en Bretagne. Mais c'est toujours la même chose, c’est-à-dire que vous ne voulez pas couper votre énergie et vous voulez sortir de ce qui pollue.

Anne-Claire COUDRAY
La difficulté, c’est que cette transition énergétique, elle aussi coûte très cher. Il ne vous a pas échappé qu’on est au milieu d’une crise économique et de pouvoir d’achat.

Emmanuel MACRON
Mais moi, je veux vous répondre très clairement sur l'urgence écologique et ce qu'on fait et ce qu’on a fait parce que durant les 5 dernières années, on a doublé le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Donc on a fermé deux centrales complètes sur les quatre qu'on avait en totalité. Il y en a une qu'on doit garder, et on l'avait annoncé, pendant encore quelques trimestres. Ça n'est pas du tout lié à la crise. C’est parce qu’on a du retard sur la centrale de Landivisiau pour le gaz et l’EPR de Flamanville. Difficultés techniques et c’est largement dû au Coid. Et il y en a une à Saint-Avold qui devait fermer, c'est la seule, et qu'on prolonge un peu pour ne pas qu'il y ait de coupure, tout simplement. Et donc, ça, ça va durer quelques mois, mais c’est quelques mois. Simplement ce que je veux vous dire, c'est qu'on va passer de quatre, d’ores et déjà à deux, puis à un, puis à zéro dans les trimestres qui viennent. La grande difficulté, c'est les pays, l'Allemagne en particulier, la Pologne également, qui ont beaucoup plus de charbon que nous. Je dis ça parce qu'il ne faut pas culpabiliser les Français, on est des bons élèves sur ce sujet. Et donc, eux devaient passer du charbon au gaz. Ils dépendaient du gaz russe. Comme il y a ce risque aujourd'hui, ils sont obligés de maintenir, voire de rouvrir des centrales. Mais dans ce contexte, je le dis, le nucléaire est une solution et une solution durable. Il l’est en France et il le sera dans d'autres pays européens. 

Anne-Claire COUDRAY
Vous avez établi un bouclier sur les prix de l'énergie jusqu'au 1er janvier 2023. Qu'est-ce qui se passe au 1er janvier ? On subit tous des hausses, 35 % pour le gaz, 50 % pour l'électricité ?

Emmanuel MACRON
D’abord, je vous remercie de rappeler ce que nous avons fait dès le mois d'octobre avant la guerre, parce qu'il y avait une envolée. La France a été parmi les premiers pays à le faire et on l'a fait beaucoup plus que tous les voisins. C’est-à-dire, on a mis en place ce bouclier qui fait qu'aujourd'hui, sur le gaz et l'électricité, les hausses ne sont pas passées aux ménages et aux petites entreprises. Et donc…

Anne-Claire COUDRAY
Et vous allez poursuivre sur l'année 2023 si la situation reste identique ?

Emmanuel MACRON
Les parlementaires auront à voter un texte dans les jours et semaines qui viennent. Ce sera leur responsabilité. Mais ce que le Gouvernement propose, c'est de poursuivre ce bouclier jusqu'en fin d'année. Parce que, je pense, c'est une nécessité pour protéger l'économie et les ménages les plus modestes face à ces hausses très importantes.

Caroline ROUX
La fin d'année, parce qu’ensuite, vous pensez que ça ira mieux ? 

Emmanuel MACRON
Il y a deux choses ensuite qu'on va faire. La première, c'est qu'on va évaluer l'évolution sur le gaz. Je ne sais pas dire en fonction des capacités qu'on va justement sécuriser, de la production qui va peut-être se libérer, de l'évolution géopolitique, donc je ne peux pas vous dire. Est-ce qu'on pourra prendre la totalité des hausses ? Non, il faudra progressivement qu'on ait un mécanisme de responsabilisation où chacun va connaître un peu des hausses.

Anne-Claire COUDRAY
Ça peut être en fonction des salaires ou des revenus ?

Emmanuel MACRON
Non. D’abord, je ne vais pas ici présenter les choses. Je dis juste qu'aujourd'hui, qu'est ce qu'on fait ? Le contribuable paye à la place du consommateur, mais il y a quelqu'un à la fin. C'est nous tous, par nos impôts. Donc, et à un moment donné, ces choix seront réinterrogés en fonction de l'évolution du prix, mais aussi du partage de la charge. Parce que quand c’est la mobilisation générale, on doit tous partager l'effort ; ça, on l’évaluera d'ici à la fin d'année. Ensuite, la deuxième chose sur l'électricité. Là, sur l'électricité, on va faire quelque chose qui est important en parallèle, qui est différent, c'est qu'on va réformer le marché européen de l'électricité. Nous avons besoin d'un marché européen. Je le dis, parce que j'entends parfois certains qui disent : « il faut sortir de ce marché qui est fou ». Horreur ! Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui, nous achetons l'électricité. On n'en produit pas assez sur notre sol. Pourquoi ? Parce qu'on a des problèmes techniques sur certaines centrales, beaucoup sont à l'arrêt. Et donc aujourd’hui, la France, elle, achète son électricité chez les voisins. On a besoin de l'Europe. Sans l'Europe, vous auriez des coupures d’électricité. Et vous en auriez depuis des semaines et des semaines. Par contre, le prix de l'électricité, si je puis m'exprimer ainsi, est mal fichu en Europe et il est du coup très dépendant du gaz qu'on importe et qui a beaucoup augmenté. Nous, on produit notre électricité, surtout grâce au nucléaire, puis avec notre énergie hydroélectrique, notre renouvelable et marginalement par le gaz. Et donc, on va négocier en européen un changement du prix de l'électricité pour que d'ici à la fin de l'année, le prix puisse justement baisser parce qu'il ne correspondra plus à ce qu'est le marché.

Caroline ROUX
Mais monsieur le Président, est-ce que… ? 

Emmanuel MACRON
Donc, on continuera d'accompagner, mais on va en fin d'année faire un bilan sur comment les prix évoluent vraiment, faire cette réforme sur l'électricité et puis ensuite, en transparence, voir comment, progressivement, on partage la charge. 

Caroline ROUX
Mais vous pouvez dire aujourd'hui aux Français « quoi qu'il arrive, l'Etat sera aux côtés de vous pour accompagner la crise énergétique ». Ou est-ce qu'à un moment donné, vous dites : « on fera pour les plus modestes mais ça va couter, forcément, ça va coûter », notamment aux classes moyennes, à ceux qui sont juste un peu au-dessus et qui ont parfois le sentiment de ne pas être entendus. 

Emmanuel MACRON
D'abord, il faut résumer parfaitement la situation. D'abord, je dis, il y a une partie de l'équation qui ne dépend pas de nous, et donc on va se battre pour que les choses s'améliorent. La deuxième chose, je vous l'ai dit, ça va durer. Troisième chose : on va réévaluer. On va vous protéger avec ce qui est aujourd'hui défini, si le Parlement le vote jusqu'à la fin d'année, et de la même chose, on va continuer de protéger sur les déplacements, l'utilisation de l'essence ou du gazole de la même manière, avec un mécanisme qui va s'adapter, sans doute aller plus vers les gros rouleurs ou en tout cas s'adapter. Ce sera le fruit des discussions entre le Gouvernement et le Parlement. Ensuite, moi, je veux ici dire en toute transparence, on va aller vers des mécanismes qui, d'abord, vont plus cibler les gens qui en ont le plus besoin. Ce qui ne veut pas forcément dire que les classes moyennes seront abandonnées. Pourquoi ? Par exemple, sur l'essence, on va, avec les employeurs, faire en sorte que les gens, qui pour leur travail, ont besoin de beaucoup utiliser leur voiture soit mieux accompagnés en incitant les à mieux rembourser. Il y a déjà des instruments qui existent quand vous travaillez, mais à améliorer les forfaits kilométriques, à les aider à mieux prendre en charge, etc. 

Caroline ROUX
Ça, ce sont les entreprises qui vont décider ?

Emmanuel MACRON
Ce sont les entreprises qui le décideront. L'Etat employeur et les collectivités emplyeurs le feront, mais on peut décider d'améliorer les dispositifs fiscaux qui l'accompagnent. 

Anne-Claire COUDRAY
Il y a une solution pour répondre aussi à tous ces problèmes de pouvoir d'achat, c’est les salaires. Vous avez bien compris que c'était un débat qui semblait inévitable. Je regarde juste l’heure monsieur le Président et nous avons tellement de thèmes à évoquer avec vous.  

Emmanuel MACRON
Vous me volez ma transition parce que… non mais, qu’est-ce qu’on va devoir faire ? On va devoir progressivement, je le dis très nettement, cibler les choses. Ce n'est pas possible que l'Etat prenne la totalité des conséquences pour tout le monde. Ce qu'on fait aujourd'hui pour… de fait. Donc, on va ensuite cibler vers ceux qui en ont le plus besoin, soit pour travailler, soit parce qu'ils sont plus modestes que d'autres…

Caroline ROUX
Le temps qu'il faudra. Le temps qu’il faudra. 

Emmanuel MACRON
… pour les accompagner. Et en fonction de l'évolution de la crise. 

Caroline ROUX
D’accord. 

Emmanuel MACRON
Mais on ne va pas laisser sur le bord de la route, sans mauvais jeu de mots ou sans possibilité de se chauffer des ménages français. Mais, ce seront des périodes qui seront difficiles, on le sait bien. Simplement, on sera mobilisés et solidaires. A côté de cela, on va surtout investir l'argent public pour aider les classes moyennes et les Français les plus modestes à faire cette transition. Et c'est là où l'urgence doit nous conduire à aller beaucoup plus vite sur le climat. Et moi, je veux qu'on utilise l'argent public pour accélérer ce qu'on doit faire pour rénover les logements, pour changer de véhicules et aller vers des véhicules qui consomment moins et prendre en charge beaucoup plus. Et je vous le dis avec beaucoup de force : un euro d'argent public est mieux utilisé à vous aider à acheter plus vite votre voiture hybride ou votre voiture électrique qu’à vous aider à dépenser de l'argent pour acheter de l'essence qui pollue et qu'en plus on va payer à d'autres parce qu’on ne la produit pas. 

Caroline ROUX
Mais comme le disait Anne-Claire, les primes ne remplacent pas les salaires. C’est ça. Et les aides ne remplacent pas les salaires. 

Emmanuel MACRON
Et donc, les aides, on va progressivement les resserrer. On va accélérer sur la transition énergétique pour aider et faire ces changements et on va la planifier sur les années qui viennent mais mettre plus d'argent et il y a une chose que je veux dire, j'ai demandé au Gouvernement à ce que la fiscalité qu'on touche dans cette période sur le pétrole, le gaz elle aille complètement financer l'accélération de cette transition énergétique. Et à côté de ça, la meilleure réponse au pouvoir d'achat, c'est le travail et les salaires. Et donc, ça doit être au cœur de nos réformes et des avancées des prochains mois. C’est une priorité. 

Anne-Claire COUDRAY
Comment vous y incitez les entreprises ? 

Emmanuel MACRON
Non, il n’y a pas que les entreprises, c'est nous tous. Et donc, je veux dès cet été, que nous puissions avancer sur la réforme du travail. Il n’y a pas de fatalités, vous savez, et je le dis, avec l'expérience qui est la nôtre durant les 5 dernières. Il y a 5 ans, quand je disais, on va amener le taux de chômage à 7 %, on disait, « d'accord, promesse ». On l'a fait malgré la crise Covid, malgré la crise des gilets jaunes, malgré les difficultés. 

Caroline ROUX
Qu'est-ce que ça veut dire avancer sur la réforme du travail ? 

Emmanuel MACRON
Ça veut dire que nous devons…

Caroline ROUX
Ça veut dire avancer sur la réforme de l'assurance chômage ? 

Emmanuel MACRON
Oui, ça veut dire qu'aujourd'hui…

Anne-Claire COUDRAY
Aller plus loin ? 

Emmanuel MACRON
Bien sûr.

Anne-Claire COUDRAY
Pour inciter — 

Emmanuel MACRON
Bien sûr qu’on doit aller plus loin parce que le contexte [inaudible] 

Anne-Claire
— les Français qui ne travaillent pas à revenir au travail ? 

Emmanuel MACRON
Regardez la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui. Il n'y a pas aujourd'hui un endroit en France où les gens ne vous disent pas : « j'ai besoin de travail. Je cherche des gens pour travailler ».

Anne-Claire
6 entreprises sur 10… 

Emmanuel MACRON
Partout. 

Anne-Claire
… disent qu’elles ont des problèmes de recrutement. 

Emmanuel MACRON
Et il m'est arrivé parfois dans ce jardin de dire qu'il fallait traverser la rue pour parler des restaurants qui sont en face.

Caroline ROUX
Vous l’avez regretté ? 

Emmanuel MACRON
C'est encore plus vrai. Pas du tout mais c’est une vérité.

Caroline ROUX
Non ? Mais comment vous l’analysez ? 

Emmanuel MACRON
Je l’ai dit dans la discussion qui était… 

Anne-Claire COUDRAY
Comment vous l'analysez ? C’est lié à quoi ? 

Emmanuel MACRON
Mais je l’analyse dans le sens qu'il nous faut une mobilisation là aussi de la nation…

Anne-Claire COUDRAY
Mais il y a une démobilisation ? C’est ce que je comprends dans votre phrase. 

Emmanuel MACRON
… pour accélérer. Non, mais c'est d'abord… d'abord le Co… Il y a deux choses : nous sommes un pays qui, pendant des décennies, a connu le chômage de masse. Ça laisse des traces. Et moi, le cœur de la bataille que je veux mener dans les prochaines années, c'est le plein emploi, parce que je pense que ça change la vie d'une nation. Ça change le rapport à l'éducation, à la formation, au travail. Ça change le moral des troupes, si je puis dire, dans un jour comme le nôtre. Donc ça, c'est la première chose. La deuxième, c'est que le Covid a beaucoup déstabilisé beaucoup de gens et le rapport au travail, et donc aujourd'hui, nous devons nous remobiliser. Mais si on parle de pouvoir d'achat, la priorité, c'est de dire : « on doit réussir à produire et à ouvrir tout ce qui est ouvert. Mais je ne peux pas accepter.

Caroline ROUX
Le problème… 

Emmanuel MACRON
Je ne peux pas accepter. Non mais, quand je me déplace, j’ai aujourd'hui des restaurateurs qui me disent : « je ne pourrais pas ouvrir le week-end parce que je n'arrive pas à trouver de gens ». Il y a des gens qui disent… 

Caroline ROUX
Et vous savez [inaudible] 

Anne-Claire COUDRAY
C’est un problème de salaire ou est-ce que c’est problème de formation ?

Caroline ROUX
Est-ce qu’ils ne trouvent pas ? C’est intéressant peut-être de s’arrêter sur ce sujet-là. 

Emmanuel MACRON
Alors… c’est un ensemble, ça dépend des régions. 

Caroline ROUX
Sur ce sujet-là, il y a certaines personnes qui peut-être vous regardent aujourd'hui et qui se disent : « non, c'est vrai que ce ne sont plus des métiers que je veux faire parce que ce sont des métiers trop durs. On commence trop tôt, on termine trop tard et trop mal payés ». Est-ce que vous entendez cela ? 

Emmanuel MACRON
Alors, je vais vous dire, s' ils peuvent trouver et aller vers un autre métier, je l'entends très bien. Si derrière la réponse, c’est « je vais bénéficier de la solidarité pour réfléchir à ma vie ». J'ai du mal à l'entendre parce que cette solitaire nationale, c'est ceux qui bossent qui la paie. Et une nation, c'est un tout, organique. Et je le dis, il n'y a pas de modèle social s'il n'y a pas du travail pour le financer et de la solidarité par les impôts. On est le pays, nous sommes le pays d’Europe avec le Danemark qui taxe le plus. Nous sommes un des modèles sociaux au monde les plus généreux. Ce sont… c'est une force, je veux la défendre. Et donc, le cœur de la réponse, si on veut le progrès social, si on veut accélérer la transition énergétique, c'est quoi ? C'est le travail. Et donc, il faut réussir…

Anne-Claire COUDRAY
Comment [inaudible] vers l'activité. En les payant mieux ? En les formant mieux ? 

Emmanuel MACRON
Alors, mais d’abord, alors, j’y viens. Et donc, il y a un ensemble de choses. La première chose, c'est qu'on doit accompagner. C’est la réforme du RSA. C'est la réforme de France Travail. C'est qu’aussi souvent, bien souvent —

Anne-Claire COUDRAY
Vous voulez dire qu’on conditionne le RSA à une reprise d’activité comme vous l'aviez suggéré pendant votre campagne ? 

Emmanuel MACRON
Non… Je n’ai pas dit reprise d’activité. C'est que c'est un contrat. Un contrat, chacun fait sa partie. Et souvent, les pouvoirs publics n’ont pas fait leur partie et les bénéficiaires non plus. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que ce n'est pas simplement verser une prestation le RSA. On verse une prestation, mais on doit accompagner des personnes qui sont en RSA pour les remettre, leur remettre le pied à l'étrier pour qu'ils aillent vers l'activité. Donc, la collectivité publique à la nation, elle doit de la formation, de l'accompagnement pour aller vers des métiers où il y a des besoins. Et parfois, c'est aussi des accompagnements pour retrouver des repères dans la vie parce qu’il y a des gens qui sont… 

Anne-Claire COUDRAY
Ce sera obligatoire ? 

Emmanuel MACRON
Ça, c’est ce que nous, nous devons faire. Bien sûr, c'est obligatoire, et parfois, on ne l’a pas assez fait. 

Anne-Claire COUDRAY
Mais c'est pour les gens qui touchent le RSA, ils devront s’engager ? 

Emmanuel MACRON
Et pour les gens qui touchent le RSA… Mais bien sûr, ils doivent s'engager ce qui était le cœur du RMI quand Michel ROCARD l'a mis en place avec une majorité relative, d'ailleurs, à l'époque aussi, en 1988. Et donc, il est important que… c'est une question aussi… On veut sortir du RSA. Personne ne veut rester au RSA. Donc, il faut que la nation, il mette tous les moyens pour aider et que les personnes prennent leurs responsabilités pour participer. Donc ça, c'est la première. La deuxième, c'est réussir à mieux travailler avec les régions, les départements, les communes. Nos élus locaux font un travail formidable pour lutter contre le chômage. Les solutions, souvent, elles sont dans des choses très concrètes. Pourquoi quelqu'un ne reprend pas un emploi ? Parfois, c'est parce qu'il n'a pas le permis de conduire ou qu’elle n'a pas de permis de conduire. Parfois, c'est parce qu'il y a des difficultés pour se déplacer. D'autres fois, c'est parce qu'il a des problèmes de logement. C’est des choses très concrètes qui ne sont pas que le travail mais qui viennent ensuite sur le reste à vivre. Ça, il faut qu'on améliore nos réponses. Et c'est ça, France Travail. C'est une réponse complète. Troisième chose : la formation et la qualification. Et au cœur de ce quinquennat, il va y avoir une série de réformes. La réforme du lycée professionnel, à laquelle je tiens beaucoup, qui va permettre de payer en stage nos lycéens professionnels, mais qui va permettre d'avoir aussi plus de lien avec les entreprises et des filières qui permettent des débouchés ; renforcer, comme l’a fait le quinquennat passé, l'apprentissage. On a plus que doublé l'apprentissage dans notre pays ces 5 dernières années. On a réussi quelque chose sur lequel on était bloqué depuis des décennies. On a aujourd'hui plus de 730 000 apprentis. Je veux qu'on passe le cap du million, c'est-à-dire réussir à ce que nos jeunes aillent plus vite vers le marché du travail et mieux. 

Caroline ROUX
[inaudible] 

Emmanuel MACRON
Et il y a la formation continue tout au long de la vie parce que beaucoup de gens sont aujourd'hui au chômage, parce qu'ils n'ont pas une formation qui correspond aux besoins de la nation. Et donc, vous voyez, l'Éducation nationale, l'Enseignement supérieur, la formation tout au long de la vie, on va aussi les mobiliser pour aller vers le travail. Et puis, il y a le travail des séniors qu'on doit améliorer par la formation aussi pour permettre de travailler tout au long de la vie et de dire que quelqu'un qui a plus de 50 ans, quelqu'un qui a une utilité, une place, un rôle et j'ai vu trop de situations inadmissibles sur ce sujet.

Caroline ROUX
Monsieur le Président, est-ce…

Emmanuel MACRON
Donc vous voyez, il y a énormément de chantiers. Dès cet été, on va passer les textes pour pouvoir les faire. 

Caroline ROUX
« Dès cet été on va passer les textes. » Vous pensez à quoi quand vous dites ça ? 

Emmanuel MACRON
Dès cet été, il faudra qu’il y ait un texte de loi au retour de l'été. Après discussion avec les partenaires sociaux, le Gouvernement aura à soumettre un texte…

Caroline ROUX
Sur la réforme de l’assurance chômage.

Emmanuel MACRON
Sur la réforme du travail. C'est un tout parce qu'il y a l'assurance chômage… 

Caroline ROUX
Oui, compris. 

Emmanuel MACRON
… la valorisation des acquis de l'expérience, la qualification. 

Caroline ROUX
Il y a un débat qui est très européen d'ailleurs. Est-ce que vous pensez que les entreprises qui profitent de l'inflation, d'ailleurs, je ne sais pas si c’est à eux que vous pensez quand vous parliez des profiteurs de guerre, vous allez me dire de contribuer à l'effort collectif. Au fond, ils profitent de cette situation, de cette crise énergétique. D'autres pays l'ont fait le, le Royaume-Uni l’a fait, l'Italie l’a fait. Est-ce que la France peut le faire ? 

Emmanuel MACRON
Alors, il y a deux choses différentes. D'abord, ça permet de compléter ma réponse sur le travail, parce qu’il y a tout ce que je dis-là, qui est de lutter contre le chômage où le travail à temps partiel subi, mais aussi il faut qu'on fasse en sorte que le travail paye mieux. On a commencé à le faire sur tous les métiers du soin, et on va continuer grâce à ce que le Ségur a lancé et ce qu’on va faire. Moi, je veux qu'on puisse faire deux choses dans les prochains mois. D'abord, faire un travail avec beaucoup de forces, et j'ai demandé au Gouvernement de l'engager et de la commencer, c’est avec toutes les branches professionnelles où le salaire minimum est en dessous du Smic. 

Anne-Claire COUDRAY
Alors, les entreprises compensent parce que ce n'est plus facile d'être payé en dessous de Smic aujourd'hui. 

Emmanuel MACRON
Alors il y a des… 

Anne-Claire COUDRAY
Elles sont censées compenser mais effectivement il faut clarifier.

Emmanuel MACRON
Il y a des compensations mais qui ne sont d'abord pas toutes complètes, et ensuite il y a, on le sait, des négociations de branche qui sont parfois en retard. Alors, pour certaines, c'est parce qu'il y a une accélération des augmentations du Smic les derniers mois. Pour d'autres, c'est parce que le dialogue social est défaillant. On doit accélérer les choses pour mettre tout le monde au même niveau. Et je le dis parce qu'on a réussi aussi collectivement, on a un bon modèle de régulation. Au 1ᵉʳ août, le Smic va augmenter. Il aura augmenté ces derniers mois de 8 %. Il aura augmenté d'environ 100 euros depuis le août du mois dernier. Et donc on aura un Smic qui quand je prends pour une personne seule qui est au Smic, l'augmentation du 1ᵉʳ août et toutes les augmentations, le Smic net plus la prime d'activité que nous avons augmentée, on est à 1 475 euros par mois. 

Caroline ROUX
On est presque à 1 500 euros. 

Emmanuel MACRON
Suivez mon regard. Mais il y a une partie qui est payée par la collectivité pour ne pas que ça pèse sur l’emploi et la compétitivité. 

Caroline ROUX
Mais vous dites on va accélérer. Vous parlez des accords de branches, c’est important. Mais ça veut dire qui « on » ?

Emmanuel MACRON
Donc, ça, il y a le Smic, il y a les accords de branche, c’est-à-dire que le Gouvernement va mobiliser, et c'est une des choses que je veux faire aussi et structurer dans ce conseil national de la refondation qu'on va lancer dès la fin de l'été, avec les partenaires sociaux, les employeurs, mais aussi les collectivités locales, les forces politiques, c'est lancer ces chantiers. Donc, ça, c'est le premier point. L'autre ensuite, vous l'avez très bien dit, c'est qu'il faut que les employeurs répondent aussi à une situation où l'inflation étant là, ils doivent mieux accompagner leurs salariés sur les déplacements et parfois avoir des négociations salariales qui suivent l’activité.

Caroline ROUX
Mais ils vous disent : On a des matières premières trop élevées. Le coût est trop élevé pour les matières premières… 

Emmanuel MACRON
Mais ça c’est la négociation salariale. Moi, je n'ai pas, je dis c'est leur responsabilité. 

Caroline ROUX
… c’est bien le sujet ?

Emmanuel MACRON
Mais moi, je leur dis : Quand il y a eu des risques asymétriques, l'État était là pour aider. Il n'y a pas un État au monde qui a autant aidé les entreprises et leurs salariés pendant la crise Covid. Et tout ça impose une responsabilité. 

Caroline ROUX
Vous n’avez pas répondu sur les superprofits. 

Emmanuel MACRON
Alors j'y viens. Donc ça je dis parce que c'est ce que j'attends des entreprises et des branches dans les mois qui viennent. Ensuite, qu'est-ce que c'est les superprofits ? Ce n'est pas l'inflation, c'est les gens qui, quand ils étaient dans des secteurs où il y a eu une déformation des marchés, ont fait des profits qui n'étaient pas justifiés par leur activité. 

Anne-Claire COUDRAY
Les fournisseurs d'énergie, transporteurs avec des containers. 

Emmanuel MACRON
Des fournisseurs d'énergie qui ne dépendaient pas. Donc on va regarder chacune de ces situations. La France est un cas particulier, mais nous, on l'a déjà fait ça avec EDF. J'ai entendu beaucoup de gens d'ailleurs qui nous reprochaient de le faire à l'époque. Ce qui a été fait, par exemple en Italie ou en Grande-Bretagne, c'est qu'il y a… 

Caroline ROUX
25 % sur les bénéfices. 

Emmanuel MACRON
C'est un peu compliqué, mais je vais essayer de l'expliquer. Ils ont fait… 

Anne-Claire COUDRAY
En deux mots, parce qu’on a encore beaucoup de sujet.

Emmanuel MACRON
Mais oui, mais non, mais pardon, mais sinon on tombe dans la démagogie, et la démagogie ne produit jamais de bonne solution. 

Anne-Claire COUDRAY
Oui, mais la réponse est est-ce que oui ou non on va taxer… 

Emmanuel MACRON
Mais non, la réponse, elle est qu'on essaie de faire des choses qui sont intelligentes et qui sont économiques. Au Royaume-Uni, en Italie, qu'est-ce qu'il y avait ? Il y avait des producteurs d'électricité qui n'avaient rien à voir avec le gaz. Le prix de l'électricité s'est envolé, ils ont fait des profits, mais leurs coûts ne dépendent pas de celui-ci. Il y a une taxation d'une part de ces bénéfices. Nous, qui a ça ? EDF, mais pas les autres, puisqu'en fait EDF produit très peu avec du gaz. On l'a fait comment ? En demandant à EDF de porter notre effort et le bouclier, c’est-à-dire qu'on a augmenté les volumes d'électricité dans le prix est garanti et on l’a fait payer par EDF. Et je dirai, ils ont eu, en quelque sorte, la double peine puisque on n'a pas taxé EDF, mais ils n'ont pas fait de surprofits, ils ont garanti le bouclier au côté de l'État. Mais en plus, comme ils ont eu des centrales à l'arrêt, ils ont dû acheter cette électricité chez d'autres, et ils ont plus payé le prix. C'est la grande difficulté du moment dont nous parlons. Donc nous, on n'a pas tellement cette situation. On a des grands groupes pétroliers mais qui font des profits, pas en France. Donc on y a veillé, donc on les a mis à contribution pour baisser leur profitabilité, si je puis dire, en France, et nous aider sur le prix de l'essence, et ils les font à l'étranger. Et ensuite, on mobilise aujourd'hui les grands groupes de transporteurs pour qu'ils nous aident. Donc, de manière très claire, nos grands transporteurs de fret, on va les mettre autour de la table, on a déjà commencé, pour nous aider à baisser les prix, et même à réparer une partie des hausses sur des matières premières et d'alimentation pour nos consommateurs et en particulier pour nos Outre-mer. 

Caroline ROUX
Puisque nous parlons du travail, une petite parenthèse.

Emmanuel MACRON
Donc oui, il y aura une contribution, mais elle ne sera pas dans la démagogie et elle sera ciblée en regardant les entreprises, les bénéfices indus qui ont été faits et comment les mettre à contribution de manière intelligente. 

Caroline ROUX
Je le disais, puisque nous parlons du travail, une parenthèse sur ce qu'il convient d'appeler l'affaire « Uber files ». Vous êtes mis en cause pour avoir facilité l'implantation de l’entreprise en France contre l'avis du Gouvernement. Alors, vous assumez, vous dites même que vous referiez…

Emmanuel MACRON
Oui.

Caroline ROUX
Monsieur le Président, vous le referiez après avoir vu ce qu’était le modèle social Uber ?

Emmanuel MACRON
Alors, totalement, je vais vous dire pourquoi. D’abord, quand j'étais ministre, donc quand on est ministre, on ne fait pas les choses contre l'avis du Gouvernement. Ça n'existe pas.

Caroline ROUX
Ils étaient au courant ?

Emmanuel MACRON
Mais vous rigolez ou quoi ? C'est-à-dire que quand vous êtes ministre, les textes que vous portez, ils sont soumis à des contrôles. Il y a eu des batailles difficiles. Je défendais totalement en effet cette ouverture du marché et je la re-défendrai demain. Quelle était la situation ? Vous aviez des grands groupes… Je le dis parce qu'on a souvent opposé les taxis aux conducteurs d’Uber ou d'autres... Les VTC. Les taxis ont une vie difficile. Ce sont des femmes et des hommes qui ne comptent pas leurs heures, qui travaillent très dur. Ce n'est pas eux qui faisaient du gras, c'est les grandes entreprises qui avaient fermé le marché. Mais on avait des besoins de transport et on avait des besoins de création d'emplois. Et donc, je me félicite. Je n'ai pas du tout aidé Uber spécifiquement.

Caroline ROUX
Non ? Vous n’avez pas favorisé plus qu'un autre autre ? Vous n’avez pas été sous influence de ces lobbies ? C’est ça les questions que posent cette enquête.

Emmanuel MACRON
Moi, je n’ai pas un tempérament à être sous influence. Ça, non. Et d'ailleurs, il n'y a aucun élément qui ne l'a montré dans ces prétendues enquêtes. Aucun élément…

Caroline ROUX
L'enquête met sur la table des rendez-vous répétés…

Emmanuel MACRON
Mais elle met sur la table le fait que je…

Caroline ROUX
Et les fuites particulièrement.

Emmanuel MACRON
J’ai vu énormément d'entreprises, mais j'ai vu les entreprises françaises qui ouvraient ce marché, comme j'ai vu les entreprises qui ont permis d'ouvrir les cars qui sont encore là, comme d'ailleurs ces VTC, et qui ont créé depuis des milliers d'emplois et permettent à des gens de se déplacer. Mais qu'est-ce qui s'est passé ? On a ouvert le marché, mais il y a eu aussi des parlementaires qui ont fait un travail remarquable, Monsieur GRANDGUILLAUME, Monsieur THÉVENOUD et d'autres. On a ouvert le marché de manière équilibrée et donc on a fait en sorte que…

Caroline ROUX
À certains types d'emploi. 

Emmanuel MACRON
Alors je vais venir parce que c'est très important. Les gens qui étaient pour fermer le marché, qui disaient faut rien bouger, ils étaient pour que des jeunes à qui ont refusait tous les emplois n'en ait pas. Il y a des milliers de jeunes venant de quartiers difficiles à qui on ne donnait même pas de réponse à leur cv qui ont été embauchés par les VTC. Grâce à ça, ils ont trouvé leur première activité professionnelle, leur premier paye. Ils peuvent nourrir leur famille. Je vais vous dire que je regrette ? Jamais. Eh oui, je le referai demain. Et on a ouvert ainsi des milliers d'emplois et de solutions. Ensuite, qu'est-ce qu'on a fait ? On a régulé. La France, et j'en suis aussi fier, quand je suis devenu Président, elle a porté des textes de loi pour réguler ces plateformes et pour donner un statut social aux chauffeurs, pour permettre d'éviter, après les abus qu'il y ait eu surtout chez les grands groupes américains parce que je ne veux pas qu'on mette tout le monde dans le même sac. Il y a des entreprises françaises qui utilisent et qui font travailler justement ces personnes qui, elles, respectent les règles…

Caroline ROUX
Sur la méthode….

Emmanuel MACRON
Non mais pardon… 

Anne-Claire COUDRAY
Parce que les lobbies…

Emmanuel MACRON
… mais les lobbies, oui..

Anne-Claire COUDRAY
Oui, mais est-ce qu'il faut aller vers plus de transparence dont la façon dont les choses se passent, y compris dans…

Anne-Claire COUDRAY
Alors la question, je la pose précisément, est-ce que vous pensez qu'il faut aller vers plus de transparence sur le rôle des lobbies dans la fabrique de la loi par exemple ? 

Emmanuel MACRON
Mais je pense que ce que nous sommes en train de faire, c'est exactement cela. Nous avons contribué, d'abord la France — et j'ai été au Gouvernement, mais ce n'est pas du tout moi qui ait porté ce texte. Michel SAPIN, à l'époque — a fait en 2016 une loi très importante pour à la fois la transparence, la lutte contre les lobbies et les lanceurs d'alerte. L'Europe en 2019 a avancé et nous sommes en train de transposer les choses. On va là au mois de juillet, passer les derniers décrets après les lois qui ont été passées en 2021. Donc on avance là-dessus, c'est un très bon agenda. Mais ne confondons pas tout. Ce n'est pas des lobbies dont on parle, c'est des entreprises. Alors, elles défendent l'ouverture. Mais moi je serai toujours pour qu'on ouvre des nouvelles possibilités dans notre économie et pas qu'on laisse des chasses gardées… Vous êtes… C'est marrant l'enchaînement de vos questions. 

Anne-Claire COUDRAY
Allez-y !

Emmanuel MACRON
C'est qu'on est les premiers à dénoncer les surprofits, mais on est les premiers à vouloir les laisser faire. Quand on a ouvert le marché à des nouvelles activités, on a enlevé les surprofits qui étaient faits par d'autres. Pas à nos taxis, mais les gens qui détenaient le marché des licences de taxis et qui les revendaient à prix d'or après avoir fait travailler d'autres gens pendant toute leur vie. Et là, on a dit on a d’autres solutions…

Caroline ROUX
Puisqu’on parle de la fin de la carrière… Quand on parle retraite…

Emmanuel MACRON
Mais vous voyez, en termes de philosophie, notre pays doit savoir… faire cet « en même temps » celui de l'ambition du goût de l'avenir et de la justice. Mais il ne faut pas expliquer que se battre pour la justice sociale, c'est renvoyer à leurs conditions, à l'impossibilité d'avoir un avenir certains autres. Quand j'entends les cris d'orfraie qui en ce moment sur le sujet des VTC, tous ces gens-là se fichent totalement de savoir si des jeunes qui sont dans des quartiers difficiles qui ne retrouvent pas encore assez de réponses à leur CV, on créé suffisamment d'emplois pour eux ou pas. C'est ça le combat. C’est le combat que je mène depuis que je suis engagé et je continuerai de le mener.

Caroline ROUX
Allez, l’autre combat.

Anne-Claire COUDRAY 
On a bien compris que vous contestiez cette enquête. 

Emmanuel MACRON
Non, que je conteste... C'est un combat politique que je revendique.

Anne-Claire COUDRAY
Sur les retraites maintenant. On a entendu Elisabeth BORNE en parler lors de son discours de politique générale et on n'a pas très bien compris finalement, ce qui allait en ressortir. Je sais qu'il va y avoir une discussion au Parlement, mais est-ce que vous avez renoncé à travailler les Français jusqu'à 65 ans ? Est-ce que vous êtes plutôt sur une durée de cotisation ? Où va votre préférence et votre cap sur cette question ?

Emmanuel MACRON
Alors, ce sur quoi je me suis engagé dans la campagne présidentielle, c'est de dire : « on doit progressivement décaler l'âge de départ légal obligatoire jusqu'à 65 ans, mais à un horizon qui n'est pas demain, qui est au milieu des années 2030, en décalant de 4 mois par an. Ce qui veut dire qu'on faisait d'ici à la fin du quinquennat un peu moins de deux ans. Donc, quel est le cœur de la philosophie ? Nous devons travailler plus et plus longtemps. Il n'y a pas de doute. Je le disais, quand on prend deux pas de recul et qu'on regarde la France, nous avons l'un des modèles sociaux les plus généreux. C'est une force. Ici, la santé est prise en charge pour presque tout le monde, dès le début. L'éducation est gratuite en même temps qu'elle est obligatoire jusqu’à un certain âge et les services publics se développent et nous allons continuer à réinvestir. On veut continuer de faire des progrès. Il y a 3 manières de financer cela et en plus de financer l’accélération de notre transition climatique qui est indispensable et qui va supposer de l'argent public. Vous l’avez très bien dit tout à l’heure.

Anne-Claire COUDRAY
Alors les 3.

Emmanuel MACRON
La première : l'impôt. On est avec le Danemark, le pays d'Europe qui fait payer le plus d'impôts. 

Caroline ROUX
Vous avez dit pas de hausse d'impôts ? 

Emmanuel MACRON
Non.

Caroline ROUX
Vous le redites ?

Emmanuel MACRON
Je le redis.

Caroline ROUX
OK.

Emmanuel MACRON
Je le redis parce que nous avons baissé de 50 milliards nos impôts durant le quinquennat passé pour redevenir compétitifs et faire que les gens qui travaillent, gagnent leur vie et sentent que le travail paye. Parce que si on augmente les salaires, mais que derrière, on augmente les impôts, ça n’a pas beaucoup de sens. Donc, ce n'est pas l'impôt. Deuxième chose : la dette. Tout le monde se met d'accord là-dessus. Parce qu’en fait, quand les gens ont des réponses croquignolesques, insincères ou autres, ils font de la dette. La dette, c'est nos enfants. Est-ce qu’on a de la marge ? Non. Nous avons augmenté la dette. Je l'ai assumé, nous l'avons assumé pendant la crise Covid, comme d'ailleurs tous les pays européens l'ont fait à ce moment-là. Nous n'avons pas décalé notre endettement parce qu'il y avait une crise massive qui bloquait notre économie. Et nous avons eu une politique dans le quinquennat passé hors période Covid, qui était une grande politique de sérieux budgétaire. On doit la reprendre.

Caroline ROUX
On est revenu au sérieux budgétaire ?

Emmanuel MACRON
Mais on doit revenir au sérieux budgétaire. Bien sûr. C'est aussi pour ça que je vous dis qu'on doit cibler les aides, travailler plus et continuer d'avancer. Bien sûr. Donc, ça veut dire qu'on ne doit pas augmenter la dette. Et j'ai pris à cet égard l'engagement de commencer à la rembourser à compter de 2026 et de tenir nos engagements de déficits publics que nous avions pris au printemps. La troisième façon de faire, c'est de créer plus richesse et c'est la meilleure façon de faire d'ailleurs. 

Caroline ROUX
Oui, mais là, on n’est pas tous seuls.

Anne-Claire COUDRAY
Et donc, de travailler plus ?

Emmanuel MACRON
Mais pardon, si, c’est notre pays, c'est le produit intérieur brut de notre pays.

Caroline ROUX
On n’est pas hors sol. On n’est pas la France hors du monde. Quand vous voyez les prévisions, par exemple, du FMI qui annoncent… 

Emmanuel MACRON
Non, mais pardon, mais d’abord, est-ce que nous, on est à notre capacité ? Là, toujours pareil. Je prends deux pas de recul. Je regarde la France. Eh ben, la France, elle a deux choses qui la différencient de ses grands voisins européens. Elle a un taux de chômage qui est supérieur depuis trop d'années. Et donc, il ne faut pas penser que notre 7 % d'aujourd'hui serait satisfaisant. Nous pouvons aller à 5% en fin de mandat et on doit tout faire… 

Caroline ROUX
C’est votre objectif ?

Emmanuel MACRON
Mais bien sûr.

Anne-Claire COUDRAY
Et à quoi vous ne renoncerez pas dans cette réforme des retraites ?

Emmanuel MACRON
Avec tout ce que je viens de dire. Et ensuite, la deuxième chose, c'est qu’on travaille moins longtemps que les voisins et y compris des pays qui aujourd'hui, ont à leur tête des formations politiques et qui sont aujourd'hui dans l'opposition et qui ont passé des réformes courageuses. Donc, je pense qu'il faut d'abord le faire en respectant chacune et chacun, en étant unis. 

Caroline ROUX
En étant unis ?

Emmanuel MACRON
Mais bien sûr. Alors, il y aura peut-être des désaccords.

Caroline ROUX
Les partenaires sociaux, certains partenaires sociaux disent : « les retraites à la rentrée, c’est le chaos ». 

Emmanuel MACRON
La discussion doit commencer à la rentrée. J’ai vu tous les partenaires sociaux. Ça ne vous a pas échappé, ces dernières semaines. Ils ne voulaient pas qu'on passe la réforme cet été. On commencera… Il y aura au sortir de l'été une discussion stratégique et générale avec toutes les forces vives de la nation sur tous les sujets, puisqu'il faut les mettre ensemble. 

Anne-Claire COUDRAY
Mais vous avez bien compris qu'il y avait des blocages, des points de blocage… 

Emmanuel MACRON
Il y a toujours des points de blocage.

Anne-Claire COUDRAY
… dont les 65 ans. Mais est-ce que vous êtes prêt à dire que vous y renoncez pour ouvrir le dialogue ?

Emmanuel MACRON
Les 65 ans ne sont pas sous ce quinquennat, donc je pense qu'il faut ouvrir le dialogue, mais avancer. Je pense que nous — je ne pense pas, je sais que nous devons travailler plus longtemps. Donc, il faut simplement… On ne peut pas avoir des forces politiques ou sociales qui disent : « il faut aller plus vite pour financer nos services publics ». Oui, nous allons être ambitieux sur l’école et la santé, investir de l'argent. Les autres « il faut être plus, il faut mieux aider les ménages » et de l'autre, nous expliquer que tout ça se finance d’une manière qu’ils ne décrivent pas. Donc, on doit faire cette réforme. À la fin de l'été, il y aura donc… d'abord cette discussion stratégique et générale. Ensuite, il y aura un travail avec les forces syndicales et patronales. Et puis ensuite, il y aura un travail avec les forces politiques au Parlement.

Caroline ROUX
Pour trouver un compromis sur une grille de lecture qui est celle que vous venez d'exposer.

Emmanuel MACRON 
Pour trouver des décisions, alors est-ce qu'on fera les choses en plusieurs étapes ? Est-ce qu'on trouvera des solutions qui ouvrent le jeu ? Moi, ce qui m'importe, c’est le résultat.

Caroline ROUX
Été 2023.

Anne-Claire COUDRAY
Et justement, le résultat il se jouera à l'Assemblée nationale, on avait deux jours que ce n’était pas si simple.

Emmanuel MACRON 
Non, mais je vais venir tout de suite, mais le résultat quel doit-il être ? On doit améliorer la qualité du travail. On doit améliorer le travail des seniors et on doit travailler plus longtemps en tenant compte des carrières longues, des gens qui ont commencé à travailler très tôt, en tenant compte des métiers qui sont les plus difficiles et plus pénibles, donc de manière juste.

Caroline ROUX
Le calendrier reste le même parce qu'on va beaucoup discuter, on va beaucoup concerter, on va chercher des compromis.

Emmanuel MACRON 
Mais je pense que c’est à l’automne qu'on doit regarder les choses et après…

Caroline ROUX
Une entrée en vigueur à l'été ?

Emmanuel MACRON 
Et donc, il faudra qu'on puisse regarder. Je pense que dès l'été 23, il faut qu'on ait une première entrée en vigueur. Mais on va regarder comment on fait les choses ? Et pour répondre à votre point.

Anne-Claire COUDRAY
Alors justement, avant de penser à l’été 2023, il va falloir que ce soit voté. Pardon, je finis ma question mais…

Emmanuel MACRON 
Il faut qu'on ait en quelque sorte, il faut qu’on arrive à créer la richesse et qu’on ait l’effet financier pour la nation, qui est le même que celle qu'on avait envisagée. Si on a un compromis pour dire : on va décaler moins vite l'âge de départ légal, mais on va, par exemple, demander plus de trimestres là. Il faut bâtir des compromis responsables.

Anne-Claire COUDRAY
Justement ! À l’Assemblée nationale.

Emmanuel MACRON 
Donc, aller à l’objectif peut-être pas avec la bonne réponse.

Anne-Claire COUDRAY
On a vu que pour cette semaine, votre Gouvernement a été mis en échec sur un amendement [inaudible] avec…

Emmanuel MACRON 
Sur quoi ?

Anne-Claire COUDRAY
Alors, sur l'amendement, sur le pass sanitaire des mineurs et aux frontières. Voilà.

Emmanuel MACRON 
Aux frontières. Alors, c'est intéressant.

Anne-Claire COUDRAY
Mais ça veut dire qu'il y a une majorité contre votre politique qui est possible sur certaines questions. Est-ce que vous avez peur de passer à un quinquennat, à voir vos projets retoqués ?

Emmanuel MACRON 
Non, non.

Caroline ROUX
Qu'est-ce qui vous permet de dire ça comme ça ?

Emmanuel MACRON 
Parce que je crois à l'esprit de responsabilité des formations politiques qui sont à l'Assemblée. L'exemple que vous décrivez qui est sans doute, ce qui peut arriver, un coup de chaud nocturne.

Anne-Claire COUDRAY
Peu de personnes présentes dans votre propre camp ?

Emmanuel MACRON 
Je ne suis pas là pour… La majorité fait un travail remarquable et nos députés sont là, mais nos deux chambres font un travail remarquable, le député comme nos sénateurs sont, quelles que soient leurs sensibilités politiques, des femmes et des hommes engagés au service de la nation et jouent un rôle essentiel. Mais qu'est-ce qui s’est passé l'autre soir ? Vous avez donc des députés de la France insoumise, avec des députés du Rassemblement national et des députés Les Républicains qui ont voté ensemble. Je ne crois pas que les députés, les Républicains se soient engagés devant leurs électeurs à voter avec la France insoumise et le Rassemblement national pour empêcher qu'on mette en place un pass aux frontières.

Caroline ROUX
Donc, c’est eux que vous appelez à la responsabilité ? Ce sont les Républicains ?

Emmanuel MACRON
Non, mais je pense que…

Anne-Claire COUDRAY
C’était un symbole… C'est un message qui vous était envoyé ?

Emmanuel MACRON
D'abord, je dis : « il n'y de majorité contre le Gouvernement qu'avec cet attelage baroque, baroque de femmes et d'hommes qui se combattent complètement et disent : nous sommes incompatibles ».

Anne-Claire COUDRAY
Qui ne peut pas être adapté à une question aussi sérieuse que les retraites, c’est ce que vous voulez dire ? Qui ne se renouvelera pas ?

Emmanuel MACRON
Et la deuxième chose c'est que… je pense qu'ils auront du mal à expliquer devant leurs électeurs ce qu'ils ont fait l'autre soir. Je crois d'ailleurs dans la sagesse de ces mêmes parlementaires pour les textes qui viennent et dans la sagesse des sénateurs qui avec le Gouvernement sauront rétablir un texte qui nous permettra d'aller au bout. Donc oui, je pense qu'il y aura une responsabilité collective qui prévaudra. Et au fond, c'est une bonne chose…

Caroline ROUX
Mais comment… Pardonnez-moi, mais comment vous pouvez être très sûr de ça ? Les Français ont voté effectivement —

Emmanuel MACRON
Mais oui.

Caroline ROUX
— pour vous à la présidentielle et ensuite pour les législatives. Je reprends la formulation de la question d’Anne-Claire, est-ce qu'on est parti pour 5 ans d'immobilisme ?

Emmanuel MACRON
Mais pas du tout. D'abord vous…

Anne-Claire COUDRAY
Des demi-mesures ?

Emmanuel MACRON
Vous ne m'avez pas entendu depuis tout à l’heure ?

Anne-Claire COUDRAY
Si, si, vous avez beaucoup de volonté, mais…

Caroline ROUX
Les choses ont un peu changé quand même.

Emmanuel MACRON
Mais non, mais attendez, les Français… si les choses avaient changé à un point qui me rend impossible l'action. Je n'aurais pas pu confirmer la Première ministre Élisabeth BORNE. Donc, il faut quand même remettre la mairie au milieu du village, comme on dirait en bon laïc.

Anne-Claire COUDRAY
Mais dans un compromis, il y a forcément une partie du chemin qui est faite par tout le monde. Sur quelle partie du chemin vous acceptez de faire des efforts ?

Emmanuel MACRON
Mais tout le monde doit bouger. Mais les Françaises et les Français m’ont fait confiance… mais, je ne vais pas d’abord faire le travail du Gouvernement et le décliner ici. Ça dépend de chaque réforme. Mais les Françaises et les Français m’ont accordé leur confiance au premier tour de la présidentielle, en mettant mon projet en tête largement et en votant plus nombreux qu'ils ne l'avaient fait pour moi il y a 5 ans. Ils m'ont accordé ensuite leur confiance au deuxième tour et ils ont accordé aux députés de la majorité leur confiance par une majorité relative. Qu'est-ce qu'ils ont envoyé comme message ? Nous sommes un grand peuple politique, vous savez. Ils nous ont dit : « on veut bien que vous avanciez. On croit dans votre projet. Certains, évidemment, non. Mais on veut que vous travailliez ensemble. On veut que vous sachiez bâtir des compromis. Ce n'est pas un gros mot. Ça veut dire qu'on veut que vous travaillez en écoutant en plus les oppositions en enrichissant la loi. » Et donc, la responsabilité du Gouvernement, de la majorité parlementaire, de toutes les forces d'opposition, c'est de savoir trouver dans la cohérence des projets de chacun, les compromis.

Anne-Claire COUDRAY 
Si on croît, si on croît.

Emmanuel MACRON
Mais moi, je crois à l'intelligence collective et moi, je crois les prochaines semaines et les prochains mois, ils vont nous le dire.

Caroline ROUX
Vous avez des outils à votre disposition ?

Emmanuel MACRON
On va pouvoir avancer, mais d'abord…

Caroline ROUX
Le 493, la dissolution.

Emmanuel MACRON
Mais d'abord, nous sommes dans ce qui s'appelle… les constitutionnalistes appellent un parlementarisme rationalisé. Et donc, oui, le général de Gaulle a bâti une Constitution qui, elle, a été modifiée par plusieurs de mes prédécesseurs, qui donne la possibilité au Gouvernement de ne pas être bloqué sur des textes importants.

Caroline ROUX
S'il y a blocage du coup ?

Emmanuel MACRON
Mais non mais, je ne vais pas… vous savez, on ne peut pas dire on fait confiance à la responsabilité d’esprit collectif, et commencer à dire, à donner le sentiment qu'on menacerait. Moi, je veux que le pays avance. Donc, je vais vous dire les choses de manière simple. Je suis pour l'esprit de responsabilité et des compromis ambitieux, où chacun devra bouger, mais on doit trouver, on doit faire avancer le pays et on doit le faire avancer, c’est ça qui m'importe le plus. Pour faire quoi ? Premièrement, rendre la France plus indépendante. La crise Covid, comme la guerre nous l'ont rappelé. Deuxièmement, gagner la bataille pour le climat, faire de notre nation une grande nation écologique. Troisièmement, pour l'égalité des chances.

Caroline ROUX
Ça, c'est votre cap, ça c'est votre cap !

Emmanuel MACRON
C’est-à-dire pour l'école, la santé, l'emploi.

Caroline ROUX
Ça, c'est votre cap pour 5 ans.

Emmanuel MACRON
C'est le cap. Et donc, je ferai tout pour que les compromis intelligents soient trouvés le long de ce cap, pour que nous sortions une nation plus forte et plus juste. C'est ça la réponse de la France dans ce moment que nous vivons.

Caroline ROUX
Monsieur le Président, qu’est-ce que ça change ?

Emmanuel MACRON
Et ensuite, peut-être qu’il y a certain moment aussi la Constitution me le permet. J'irai devant les Français, je leur soumettrai des projets.

Caroline ROUX
Par référendum ?

Emmanuel MACRON
…j'irai appeler à leur choix. Je pense que c'est important et il faut qu'on utilise tous les instruments pour que notre démocratie soit une démocratie vivante. Elle sera vivante à l'Assemblée comme au Sénat, par plus de compromis et de respect mutuel. Elle sera vivante avec les élus locaux. Je veux travailler plus vite et plus fort avec nos maires, nos élus mais aussi nos partenaires sociaux. Dans ce Conseil et la refondation que je vais mettre en place. Elle sera vivante par des conventions citoyennes et par des référendums.

Caroline ROUX
Vous venez de définir votre cas de manière très claire. Qu'est-ce que ça change de savoir que, au fond, vous ne devez pas penser à votre réélection ? Qu'est-ce que ça change dans votre manière de conduire les espaces publics ?

Emmanuel MACRON 
Ça me pousse à être encore plus exigeant avec moi-même. C'est-à-dire à penser à évidemment la nation et la trace qu'on laisse dans l'histoire et le…

Caroline ROUX
Vous voulez qu'on retienne quoi ?

Emmanuel MACRON 
Et le pays avant tout, on écrit pas l'histoire, on écrit pas l'histoire avant de le faire. Mais ça me donne encore plus de responsabilités. Vous savez, je le sens depuis le premier jour et j'étais il y a quelques instants sur les Champs-Élysées à regarder avec beaucoup de fierté et d'émotion les militaires défiler. Voilà, Président et chef des armées, ça donne une responsabilité insigne et d’à la fois conduire à nos armées comme le cours de la vie de la nation, avec la part de responsabilité qui est la mienne et le respect de toutes les institutions, de tous les pouvoirs, la bonne organisation de ceci, c'est un insigne honneur que les Françaises et les Français m’ont fait à deux reprises.

Caroline ROUX
Mais vous gardez votre combativité ? Je pose la question.

Emmanuel MACRON
Résolument. 

Caroline ROUX
Certains, vous avez lu la presse, s’en sont inquiétés ou on se disait, écoutait, y avait-il du flottement ?
 
Emmanuel MACRON
Ça me touche qu'on s'inquiète pour moi. Parfois, ceux qui écrivent ça ne s'inquiétaient pas…
 
Anne-Claire COUDRAY
Pour reprendre le terme qui a été beaucoup utilisé, si vous n'êtes plus Jupiter, vous êtes devenu qui alors après cette séquence électorale ? 

Emmanuel MACRON
Je n'ai jamais revendiqué cette comparaison mythologique. Donc, mais je le disais, certains avaient voulu me voir comme tel. C'est plus Vulcain, c’est-à-dire à La Forge. Non, je suis engagé au service du pays. Vous savez, je sais qu'il y a beaucoup de doute. La vie est dure pour beaucoup de nos compatriotes, qui sont sortis d'une crise très longue de plus de deux ans avec encore la pression où nos soignants vivent encore une période très dure. Il y a de l'anxiété dans notre jeunesse…

Caroline ROUX
Il y a inquiétude pour la rentrée. 

Emmanuel MACRON
… il y a une inquiétude. Mais je veux le dire ici avec beaucoup de force, en ce jour qui est un jour d'unité nationale. Nous sommes un pays fort et nous allons y arriver. Regardez tout ce qu'on a relevé. Nous allons y arriver parce que nous sommes une grande puissance d'équilibre dans le concert des nations, parce qu'on a beaucoup de force que nos aînés ont su bâtir. Et donc, si on se mobilise tous, si chacun prend sa part dans le respect de tous et de chacun nous l’aurons. Et donc oui,... 

Anne-Claire COUDRAY
Et la responsabilisation des français,... 

Emmanuel MACRON
… c’est l'ambition et le respect. 

Anne-Claire COUDRAY
… c'est ce que vous avez choisi, notamment sur le Covid. Vous ne remettez pas des restrictions, même pas le port du masque dans les transports. C'est ça votre message aux Français, c’est : Vous êtes maintenant responsable ? C’est cette question-là ?
 
Emmanuel MACRON
Mais, je pense que l'épidémie, je suis très prudent, mais apparemment, le pic est en train d'être passé sur cette septième vague. Et donc je pense qu'on a bien fait. Pourquoi ? Mais parce qu'on a bien fait collectivement, parce que tant et tant de nos français se sont fait vacciner, et ont fait le rappel, et parce que nos soignants se sont mobilisés et qu'on résiste mieux. Donc je pense que chacun maintenant sait, les gens sont habitués, donc oui, ces responsabilisations, responsabilités, soutien à nos équipes de santé, nos soignants, avec les mesures qui ont été prises par la Première ministre, le ministre de la Santé pour cet été. Et puis aussi, on prépare la rentrée. On a appris tous de l'expérience, donc on la prépare, on l’a préparé dès maintenant, la rentrée scolaire et bien prête, la rentrée de l'ensemble de nos services publics avec les familles. Et puis, on prépare aussi la campagne de rappel pour nos aînés, les plus âgés d'entre nous, et les plus fragiles, qui auront sans doute besoin d'être vaccinés, accompagnés. Voilà. 

Caroline ROUX
Merci monsieur le Président de nous avoir accordé cet entretien. 

Anne-Claire COUDRAY
Merci monsieur le Président.
 
Caroline ROUX
Merci de nous avoir suivis. 

Emmanuel MACRON
Merci à vous. Mais je souhaite que dans cette journée, voilà, je souhaite un bon 14 juillet à tous nos compatriotes. Mais ayez l'espoir et cette volonté à la fois d'ambition et de respect de chacun, c'est ça qui nous unit et qui nous rend plus forts. Nous allons y arriver. 

Caroline ROUX
Merci monsieur le Président. 

Anne-Claire COUDRAY
Merci beaucoup. 

Emmanuel MACRON
Merci beaucoup.

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