À l'occasion de la Conférence régionale pour la coopération et le partenariat, le Président Emmanuel Macron s'est rendu en République d'Irak pour un déplacement de deux jours.

Il a commencé sa visite par un échange avec le Premier ministre de la République d’Irak Moustafa al-Kazimi. 

Revoir la déclaration conjointe : 

Ensuite, le Président Emmanuel Macron s'est entretenu avec le Président de la République d’Irak Barham Saleh.

Revoir la déclaration conjointe : 

Le chef de l’État a assisté à la Conférence de Bagdad pour la coopération et le partenariat. Cette conférence organisée par l'Irak en coordination et coopération avec la France a pour objectif de rassembler les pays voisins de l'Irak en vue d'œuvrer à la sécurité, la stabilité et au développement du pays. 

Revoir la Conférence de presse à l'issue : 

28 août 2021 - Seul le prononcé fait foi

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CONFÉRENCE DE PRESSE DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DEPUIS BAGDAD

Monsieur le Ministre, 
Mesdames, Messieurs les parlementaires, 
Messieurs les ambassadeurs, 
Mesdames, Messieurs. 

Je vous retrouve pour ce point presse à l’issue de la conférence que nous venons de tenir, Conférence de coopération et de partenariat pour l’Irak, après les rendez-vous bilatéraux qui se sont tenus avec le Président et le Premier ministre, ainsi que les échanges que j’ai pu avoir avec plusieurs homologues présents à la conférence, en particulier, le Président SISSI, le Premier ministre du Koweït, l’émir du Qatar et d’autres représentants présents. Nous aurons l’occasion ensuite de poursuivre ce voyage en nous rendant auprès du Président du Parlement, et j’aurai ensuite, j’y reviendrai, l’occasion de poursuivre avec différentes séquences aujourd’hui et demain. 

Premier point sur lequel je voulais revenir, c’est à la fois notre relation bilatérale et le sens de cette conférence. Notre volonté, et c’est le fruit de discussions que nous avons eues avec le président SALEH depuis maintenant deux ans, était d’aider l’Irak à véritablement bâtir son avenir et donc travailler sur à la fois la lutte contre le terrorisme et la stabilité régionale. En effet, l'Irak a été le théâtre, ces dernières décennies, de conflits, déstabilisations multiples. Mais très clairement, ces dernières années ont été marquées par la guerre contre Daesh, d'une part, et la présence de déstabilisations externes de plusieurs voisins, de la présence de milices qui ont contribué à affaiblir l'État. La paix et la stabilité de l'Irak ne peuvent se concevoir que dans un agenda de stabilité régionale. Cette conférence avait donc vocation avant tout à répondre à ces difficultés irakiennes, et elle intervient dans un contexte géopolitique qui n'a échappé à personne, de recomposition des forces à la fois régionales et internationales qui, je crois, a montré aussi que l'Irak a eu la capacité dans ce moment de construire un forum de discussions inédit et de permettre à des puissances de la région qui ne se parlaient plus ,ou qui ne se parlaient pas en ce moment, de travailler ensemble sur ce sujet essentiel. Donc c'est pour moi l'aspect le plus important de la conférence que nous venons de tenir. 

À ce titre, j'ai pu rappeler, en matière de lutte contre le terrorisme, que la France est engagée, comme vous le savez depuis plusieurs années, aux côtés des Irakiennes et des Irakiens et dans le cadre de la coalition internationale. Ce combat, il a été mené avec beaucoup de courage par les combattantes et les combattants en Irak. Je veux ici le rappeler et leur rendre hommage à nouveau et j'aurai l'occasion d'ailleurs de le faire demain en rencontrant plusieurs familles de combattantes et de combattants peshmergas. Je pense que c’est un élément qu’on ne doit pas oublier dans cette période. Mais nous continuons de rester engagés, parce que si nous avons défait le califat territorial, la bataille contre le terrorisme islamiste n’est pas terminée. A ce titre, j’ai pu exprimer très clairement le fait que la France reste et restera engagée dans la coalition internationale aussi longtemps que le gouvernement irakien le souhaitera et que la sécurité de l’Irak en dépendra, et ceci quels que soient les choix de nos alliés, pour être très explicite. Comme vous le savez, la France contribue à hauteur de plus de 800 soldats dans la région à la coalition internationale et la lutte contre Daesh, avec deux principaux emplacements qui sont l'Irak et en particulier Erbil, et j'aurai l'occasion d'ailleurs demain, de me rendre auprès de nos forces spéciales au camp Grenier, ainsi baptisé en hommage à notre soldat tombé à l'automne 2017 ; d’autre part, la base H5 en Jordanie avec nos aviateurs, plus la contribution de nombreuses autres forces d'appoint et en particulier de notre base aux Émirats arabes unis. Ça c'est le premier pilier que j'évoquais sur lequel la France s’est réengagée, et je crois que cette conférence d'aujourd'hui a pu marquer ce qui est là aussi un élément très important : l'engagement de toutes les parties prenantes, je dis bien de toutes les parties prenantes, dans la poursuite de la lutte contre le terrorisme. 

Le deuxième élément, c'est la stabilité par la préservation de la souveraineté irakienne. Vous le savez, les milices sont très présentes sur le sol irakien. Il y a eu plusieurs incursions dans le nord du pays qui sont liées aussi à des activités terroristes qui s'opèrent depuis le sol irakien vers la Turquie. Il y a très clairement aujourd'hui des incursions multiples qui fragilisent cette souveraineté. Notre volonté, à la fois dans un cadre bilatéral et par le truchement de cette conférence, est très clairement, d'une part, de renforcer les capacités de l'État irakien, de continuer à coopérer en renforçant les investissements et la formation de l'armée irakienne, mais également par le biais de discussions, d'échanges - et c'était aussi l'un des intérêts de cette conférence - d'engager les principaux voisins à coopérer pour réduire les interférences et permettre précisément de coopérer davantage avec les forces irakiennes. 

Troisième élément que nous avons évoqué dans le cadre de cet agenda pour une stabilité et le développement de l'Irak, ce sont évidemment les sujets économiques. Lutte contre le terrorisme, stabilité et souveraineté et puis progrès si je puis dire, et développement économique, parce que, nous le savons, nous ne pouvons réussir la stabilité dans la durée que s'il y a véritablement un progrès. Alors le progrès, c'est d'abord celui qui va vers les populations qui ont été déplacées. Il y en a beaucoup. Je veux ici redire d'ailleurs l'engagement qui est le nôtre, et je salue l'engagement du gouvernement irakien en la matière, pour toutes les communautés qui ont été déplacées, en particulier la communauté yézidie, dont 200 000 membres sont toujours déplacés. 
 
Je salue à cet égard la présence de Nadia MURAD, prix Nobel de la paix dans notre délégation et ici même avec nous, elle porte un engagement précieux. Le Sinjar reste véritablement victime des déstabilisations et des conflits qui demeurent, et dans une situation d'insécurité parce que cette région est victime à la fois de l'activité terroriste conduite par certains et des bombardements qui sont menés par l'armée turque. Donc il y a à la fois un travail de stabilisation, mais aussi un travail de développement économique, de pérennité. J'aurai l'occasion d'ailleurs de le redire tout à l'heure à Nadia MURAD, et nous continuons de travailler avec les Yézidis, nous avons investi beaucoup en matière de santé, en matière d'éducation, conformément à nos engagements en la matière. Je veux ici dire que nous continuerons de rester engagés sur tous ces sujets aux côtés des Yézidis. C'est un point important de cette stratégie de développement que j'évoquais tout à l'heure, avec des engagements financiers que j'aurai l'occasion de reclarifier et en particulier la construction de l'hôpital à Sinjar où nous continuons d'être collectivement mobilisés pour accompagner dans la stratégie que j'évoquais, l'ensemble des déplacés. 

Cette stratégie aussi de progrès et de développement économique, elle est essentielle dans un contexte où l'Irak continue à se développer d'un point de vue démographique, et je le rappelais ce matin, il y a chaque année plus de 500 000 jeunes Irakiens qui arrivent sur le marché du travail. Donc il y a la nécessité de trouver des projets économiques, d'aider au développement du pays. C'est évidemment ce qui est au cœur dans notre relation bilatérale, à travers des projets en matière d'énergie, de transport, d'aménagement sur lesquels nous sommes revenus, de traitement de l'eau où les entreprises françaises sont très fortement mobilisées, mais c’est ce qui est au cœur aussi de l’agenda régional que nous avons développé dans cette conférence qui a pour vocation de dégager des grands projets structurant en termes d’infrastructures, qui permettront en particulier sur l’axe Bagdad-Aqaba sur lequel nous sommes plusieurs fois revenu ce matin, mais d’avoir des projets en matière d’eau, en matière d’énergie, en matière de ferroviaire, en matière d'infrastructures qui sont là aussi extrêmement importants. 

Vous le voyez, cette conférence internationale avait pour but véritablement de marteler au fond un message simple : ni ingérence, ni indifférence, mais un clair engagement de toute la région et de la France pour aider l'Irak à être pleinement stable, souverain, en paix, et assurer un développement pour sa population et en particulier sa jeunesse. Tout ça vient en appui du travail du Président SALEH et de l'élan réformiste du gouvernement KAZIMI, que je veux ici saluer. Des réformes courageuses ont été engagées, le processus électoral est aussi porté avec beaucoup de courage et la confirmation des élections le 10 octobre prochain, ce qui est pour nous aussi un point très important qui a été rappelé et qui, je crois pouvoir le dire, a permis d'engager cette conférence dans les meilleures conditions possibles. 

Voilà les éléments que je souhaitais rapidement apporter à votre connaissance après ces premiers temps. Nous allons, comme je le disais, dans un instant nous rendre au Parlement parce que d’abord je suis accompagné d'une éminente délégation parlementaire et je remercie nos parlementaires français d'être venus en nombre et en force, mais parce que le Parlement va avoir un rôle extrêmement important pour donner un cadre juridique à cette coopération et continuer le travail qui a été engagé. 
 
Cette visite est aussi pour moi dédiée à la relation bilatérale avec l'Irak et nous avons construit un partenariat qui, évidemment, passe par la lutte contre le terrorisme, les actions de stabilisation, cet agenda régional et beaucoup de projets importants, mais c'est aussi l'occasion, avec la délégation aussi culturelle, intellectuelle et religieuse qui m'accompagne, d'aller à la rencontre de toutes les composantes du peuple irakien dans sa diversité. Je crois que c'est d'ailleurs ce qui correspond à l'histoire même de la France. Nous avons une longue histoire avec l'Irak et je veux ici saluer l'engagement qui est le nôtre depuis longtemps, des différentes communautés, en particulier de ce qui est fait à l'égard des communautés chrétiennes et des Chrétiens d'Orient. Je salue la présence de Monseigneur GOLLNISCH à nos côtés ici même. C'est aussi le sens de l'engagement historique qu'a eu Danielle MITTERRAND à travers sa fondation et le rôle qui a été le sien à l'égard du peuple kurde. C'est aussi tout le sens de notre action intellectuelle, culturelle, éducative. M. PERSONNAZ mène une mission pour le compte du ministre des Affaires étrangères et nous développons cette coopération avec les écoles et le patrimoine religieux. Nous avons pu ici mener des actions utiles et nous continuerons de le faire. ALIPH a mené une action extrêmement importante et je salue ici la Présidente et son Délégué général qui mènent un travail extrêmement important et ont contribué à la restauration de plusieurs monuments extrêmement importants, qu'ils soient culturels ou cultuels en Irak, en partenariat avec l'Agence française de développement ou l'Unesco, et l'Institut du monde arabe conduit un travail depuis plusieurs années extrêmement structurant avec et pour le peuple irakien dans toute sa diversité. 

Je me rendrai tout à l'heure à Al-Khadimiya avec le Premier ministre, sanctuaire et lieu d'études chiite. C'est aussi une marque de respect et de reconnaissance à l'égard de l'ensemble des Chiites, et je crois une première aussi pour un Président français. Je me rendrai ensuite plus tard dans la soirée à Erbil, ce qui me permettra demain matin d'être aux côtés de nos troupes. Mais je serai à Mossoul demain. Mossoul, qui porte encore les stigmates des crimes de Daesh. J'y porterai des messages et des gestes de solidarité à ses habitants. Je rencontrerai les représentants des communautés chrétiennes. Nous prendrons d'ailleurs des engagements importants, y compris pour aider à la restauration de plusieurs lieux attendus et j'aurai l'occasion de l'annoncer demain. J'aurai l'occasion aussi d'aller à nouveau auprès de la communauté sunnite, et puis, je rencontrerai également les autorités kurdes et des combattants kurdes, comme je l'ai évoqué, pour leur exprimer la solidarité de la France, son soutien, comme le soutien que j'ai pu exprimer tout à l'heure au Yézidis. Donc vous le voyez, c’est à travers aussi si je puis dire ce parcours, ce cheminement, qui vise à reconnaître la richesse et l’ensemble des composantes du peuple irakien que nous dédierons la poursuite de ce déplacement à l’issue de cette conférence. Je vais maintenant répondre à vos questions.

Journaliste
Bonjour Monsieur le Président. J’ai deux questions à vous poser, une sur la conférence : on a écouté les discours, les interventions des uns et des autres, sur un ton en général assez policé, on a entendu l’Iranien parler en arabe, donc beaucoup de bonne volonté mais est-ce qu’il y a un mécanisme de follow-up des décisions qui va être adopté ? Peut-être aussi pouvez-vous nous dire si ensuite à huis clos ce ton policé est resté policé, ou est-ce qu’il y a eu peut-être un peu plus d’échanges je dirais « acrimonieux » ou quelque chose comme ça ? Puis ma deuxième question, c’est vous l’avez dit ce matin, vous l’avez répété tout à l’heure que la France donc ne faisait pas dépendre sa décision de rester en Irak d’une autre décision américaine. Cela veut dire qu’en cas de retrait américain cette fin d’année, quelle que soit la décision américaine, la France s’engage à rester militairement en Irak ? Et est-ce qu’on a d’un point de vue opérationnel les moyens de rester en Irak sans une couverture américaine ? 

Emmanuel MACRON
Alors sur votre premier sujet, vous avez raison de dire que le ton était à l’apaisement. Je pense que c'est aussi lié d'abord au travail que nous avons conduit depuis un an puisque nous avions nous avions presque imaginé faire cette conférence il y a un an avec le Président et le Premier ministre. C’est qu’il y a eu tout un travail d’approche et d’engagement de l’Irak et de la France à l’égard de l’ensemble des parties prenantes. Ensuite, je pense qu’il y a aussi une prise de conscience de toutes les puissances de la région, que le contexte contemporain impose à réengager des discussions et à coopérer. Est-ce que ça veut dire que toutes les divergences ou les désaccords disparaissent ? Non. Mais le choix collectif a été fait de ne pas les aborder de manière je dirais trop directe ou brutale et donc il n’y a pas eu non plus d’aparté en ce sens. C’est le même ton qui a régné dans les apartés ou le déjeuner que nous avons eu ensuite. C’est délibéré parce que la volonté est de créer véritablement ce format inédit - où d’ailleurs, pour la première fois je pense depuis très longtemps, vous aviez autour de la table un ministre des Affaires étrangères d’Arabie saoudite et de l'Iran qui parlaient et échangeaient sur un même sujet - et d’essayer de poursuivre. 

Donc c'est pour ce faire que nous avons d'abord acté et tous approuvé une décision où les termes de lutte contre le terrorisme, de stabilité, de lutte contre les ingérences, sont explicitement écrits, mais où nous avons aussi acté un processus de suivi de cette conférence, suivi à travers lequel nous allons avoir des délégués qui vont travailler ensemble, d’abord pour s'assurer que les engagements pris sont bien tenus, ensuite pour aller plus loin dans l'identification des projets et les besoins de financement et de mobilisation des bailleurs internationaux. Nous avons acté qu'il y aurait des points de rendez-vous réguliers, l’un sans doute au niveau ministériel entre trois et six mois, et l'un au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement d'ici 10 à 12 mois, et nous avons acté aussi que ce suivi pourrait se faire à Aqaba. 

Sur ce qui est ensuite de nos forces ici présentes et du travail qui est le nôtre : je le disais, la présence française en Irak s'inscrit d'une part de manière respectueuse avec la souveraineté irakienne. Nous n’intervenons depuis le premier jour qu'à la demande et avec le consentement des autorités irakiennes, et dans le cadre de la coalition internationale, avec un objet unique et simple qui est la lutte contre le terrorisme. Quels que soient les choix américains, nous maintiendrons notre présence pour lutter contre le terrorisme en Irak, aussi longtemps que les groupes terroristes continueront à opérer et aussi longtemps que le gouvernement irakien nous demandera cet appui. Ce sont les deux seules conditions qui sont les nôtres. Nous avons mené les études qui me permettent de vous dire que nous avons les capacités opérationnelles pour assurer cette présence, quels que soient les choix américains. Nous adapterons notre dispositif parce que la France a toujours une même ligne : nous luttons contre le terrorisme islamiste. C'est notre engagement au Sahel, c'est notre engagement ici même. Avec une grammaire des affaires internationales qui est toujours la même : nous le faisons en appui des Etats, à la demande de ceux-ci et avec des exigences vis-à-vis de ces Etats. C'est dans ce cadre que nous intervenons aussi ici.

Journaliste
Bonjour. Concernant l’Afghanistan, il y a eu un premier contact hier entre la France et les Talibans. Se sont-ils engagés sur la poursuite possible des évacuations ? Ces évacuations sont-elles la condition sine qua none d'un éventuel dialogue avec eux ? Par ailleurs, vous avez rencontré l'émir du Qatar tout à l'heure. Qu'est-ce que vous vous êtes dit ? En quoi le Qatar peut aider la France dans la poursuite de ces évacuations des Afghans ?

Emmanuel MACRON
Le Qatar joue un rôle important depuis plusieurs mois, à la demande des Américains et de la précédente administration, pour mener, d'abord abriter, puis participer à des négociations avec les Talibans. Dans ce contexte-là, je veux saluer le rôle de l'émir du Qatar et de l'ensemble de sa diplomatie qui ont conduit un travail en profondeur et qui, en particulier dans le contexte que nous vivons, joue un rôle extrêmement important et utile. Comme vous le savez, nos alliés américains sont en train, conformément aux engagements qu'ils avaient pris avec les Talibans, de fermer l'aéroport militaire par lequel nous avons mené des opérations d'évacuation depuis mi-août dernier et qui a permis d'évacuer 2 800 ressortissants à la fois français, européens et afghans, pour une écrasante majorité afghans, que nous souhaitions protéger ou rapatrier, nous-mêmes ayant arrêté hier ces opérations. Nous sommes en train de mener des discussions, elles demeurent encore fragiles et très provisoires, c'est pourquoi je serai extrêmement prudent dans la réponse que je vous apporte. Mais oui, il y a des discussions qui se sont entamées avec les Talibans sur le sujet des opérations humanitaires et de la capacité à protéger et rapatrier des Afghanes et des Afghans qui sont en risque. 

Ensuite, oui, nous avons un travail que nous menons conjointement avec le Qatar, entre autres, pour permettre de procéder à ces opérations parce que le Qatar, dans le cadre des discussions qu'ils ont avec les Talibans, a la possibilité - je parle encore au conditionnel - peut-être d’aménager des opérations de ponts aériens, en tout cas de réouverture de certaines lignes aériennes dans des conditions de sécurité qui demeurent à définir. C'est pourquoi je resterai très prudent, mais qui permettraient des opérations d'évacuation dans un cadre forcément différent et dans un cadre forcément et systématiquement négocié avec les Talibans, et en particulier avec des opérations de sécurisation des Talibans. 

Pour ce qui nous concerne et être très clair parce que je sais qu'il y a beaucoup d'angoisse dans de nombreuses familles, nous avons sur toutes les Afghanes et tous les Afghans qui nous ont été signalés, et qui paraissent éligibles justement à la procédure d'asile, mais qui sont en tout cas à protéger compte tenu de ce qu'ils sont, du combat qu'ils portent, nous avons à chaque fois que nous avons obtenu ces informations pour les contacter, transmis des titres, des certificats à ces femmes et ces hommes. Plusieurs centaines d'entre eux, d'ailleurs, les ont déjà eus, qui n'ont pu rejoindre l'aéroport. Nous en avons évacué plus de 2 200 dans la période critique, mais il y en a encore beaucoup de centaines qui sont sur site. Donc, notre objectif, c'est que nous puissions dans les jours, les semaines ou les mois qui viennent, par ce travail de coopération avec le Qatar, dans le cadre de discussions avec les Talibans, procéder à des opérations d'évacuations ciblées pour protéger ces femmes et ces hommes que nous avons identifiés, à qui nous avons donné ces titres provisoires. Ceci, très clairement, est une condition pour nous de toute forme d'engagement politique et à terme donc, une procédure qui engagerait la France comme nos alliés à l'égard des Talibans. J'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises. Il y a des listes importantes qui ont été négociées, qui sont sorties des communiqués du G7 et autres. 

Mais pour moi, les prérequis essentiels pour prétendre discuter de l'avenir et avoir quelques éléments de reconnaissance ou d'engagement politique, c'est premièrement que les Talibans respectent absolument le droit humanitaire et la protection des Afghanes et des Afghans qui souhaitent sortir et bénéficier de cette protection et en particulier de l'asile constitutionnel. Pour les artistes, pour les intellectuels, pour les journalistes, les magistrates et les magistrats, pour beaucoup de femmes, c'est essentiel. C'est la première condition. La deuxième condition, c'est le respect d'un engagement clair et d'une ligne rouge à l'égard de tous les groupes terroristes, et la clarté vérifiable à ce titre. Le troisième, c'est le respect des droits de l'homme et en particulier de la dignité des femmes et de leurs droits. Ces sujets sont importants et notre volonté est d'avoir une action coordonnée, c'est ce que nous avons décidé en G7. C'est ce que nous décidons maintenant aussi avec nos partenaires. J'ai eu cette discussion avec tous les partenaires de la région qui souhaitent aussi se coordonner avec nous dans ce processus de gestion politique d'une phase qui va être forcément chaotique, fortement déstabilisée, mais où il nous faut tenir quelques principes fermes.

Pour vous donner les chiffres de manière très précise sur les évacuations : j'ai eu l'occasion de le rappeler à plusieurs reprises, mais je veux ici redonner le cadre. La France, comme vous le savez, qui n'est plus engagé militairement depuis la fin 2014, a procédé d'ores et déjà à l'évacuation et la protection de plus de 830 auxiliaires de l'armée française, plus familles, dans la période qui précédait la crise que nous venons de vivre. Ça, nous l'avons fait dans la durée, dans le calme en allant retrouver tous ceux qui se présentaient en vérifiant leurs titres, en protégeant leurs familles. Nous avons ensuite, dans le cadre du droit d'asile, constamment mené notre travail et fait notre devoir, la France ayant reçu la demande de plusieurs dizaines de milliers d'Afghanes et d'Afghans ces dernières années. En moyenne, 10 000 par an se sont présentés, et la France ayant un des taux de protection les plus importants d'Europe : 89% de taux de protection, beaucoup plus que d’autres pays européens. Ça, ce sont les Afghanes et les Afghans qui se sont présentés chez nous pour bénéficier de l'asile. Troisième élément : nous avons évacué, avant le pic de la crise de mi-août, l'ensemble de nos personnels locaux et leurs familles pour les protéger, ce qui représente environ 630 personnes. Ça, c'est un travail que nous avons fait au printemps dernier. Il nous a parfois été reproché en disant : « Vous voyez les choses de manière trop pessimiste ». Je me réjouis d'avoir été lucide et pas pessimiste. Nous avons pu, hors de ces opérations d'urgence, protéger tous les personnels de notre ambassade et nos ressortissants. Puis depuis le cœur de la crise, nous avons pu évacuer exactement à date 2 834 personnes du sol afghan, parmi lesquelles 142 Français, 17 Européens, et donc, vous le voyez, plus de 2 600 Afghans pour être très précis sur les chiffres et ce, à travers une quinzaine de vols depuis les Emirats arabes unis depuis le 17 août dernier. Ce travail a été permis grâce à l'engagement de nos équipes diplomatiques, au centre de crise du quai que je remercie, puisque son dirigeant est aux côtés du ministre aujourd'hui et aura vocation à prendre des responsabilités imminentes pour la diplomatie française ici. Ça me permet de saluer toutes les équipes du centre de crise et également les équipes évidemment présentes à Kaboul : l'ambassadeur, son personnel, mais également nos militaires et nos policiers, voilà.

Journaliste
Bonjour Monsieur le Président. Demain, vous l'avez rappelé, vous serez à Mossoul, ville longtemps aux mains de Daesh. Quel message allez-vous porter, notamment d'une part sur le site de la mosquée al-Nouri où Abou Bakr al-Baghdadi s’était proclamé kalif de l'Etat islamique ? Et puis, vous parliez un petit peu plus tôt des composantes du peuple irakien, quel message aussi pour les chrétiens d'Orient ici ? Hier, il se trouve qu’à Bagdad, on a rencontré des Dominicains qui ne voient pas vraiment comment les chrétiens d'Orient, au-delà même des reconstructions, pourraient retrouver une place dans la société irakienne. Merci.

Emmanuel MACRON
Alors, je pense que c'est l'un des enjeux, justement, que toutes les composantes de la société irakienne retrouvent leur place, comme vous le dites. Je pense aussi que notre présence, notre engagement, c'est cela. C'est le même fil rouge d'ailleurs, qui guide notre engagement amical, j'allais dire, affectueux à l'égard du Liban. C'est qu'il y a quelques pays dans la région qui, par leur histoire, portent ce pluralisme. La vocation de la France, c’est de défendre cela, parce que c'est la condition même de la stabilité de la région, parce que c'est le respect pour son histoire et c'est pourquoi nous avons été constamment engagés au soutien des chrétiens d'Orient, mais aussi au chevet de toutes les minorités, de toutes les communautés. 

Alors, vous l'avez rappelé, je serai demain dans la vieille ville de Mossoul, au pied de la mosquée Al-Nouri, dont la première construction est presque millénaire et avec une histoire récente qui a marqué avec beaucoup de cruauté la vie du pays, en particulier la présence de Daesh. Donc là-dessus, je veux simplement dire, le message que je porterai, c'est celui d'un retour à la souveraineté, mais d'un retour pas simplement à la normale, mais aussi à la culture et à la possibilité d'exercer son culte d'une manière apaisée, mais parce que la communauté internationale a travaillé sur ce site. La réhabilitation de ces lieux est pour nous une priorité et la France œuvre en faveur de cette réhabilitation. Nous le faisons au sein de l'Unesco, et d'ailleurs, je veux ici saluer le projet « Faire revivre l'esprit de Mossoul » qui a été lancé par l'Unesco et nous le faisons aussi à travers le travail qui est mené par ALIPH, qui œuvre avec le musée du Louvre à la réhabilitation du musée de Mossoul, qui est voisin et sur lequel nous menons des travaux. Le message que nous porterons, c'est un message de reconstruction dans tous les sens du terme, d'un engagement de la France, de la communauté internationale pour réparer ce qui a été fait par certains qui ont diverti une religion, qui l’ont déformée, détournée pour porter un projet d'obscurantisme, de crimes, dont les Irakiens, les musulmans irakiens ont été les premières victimes. 

Ensuite, parce que nous retrouverons aussi les Dominicains demain, nous aurons évidemment un échange pour là aussi rappeler le rôle de la France à l'égard des chrétiens d'Orient, en Irak en particulier, mais plus largement dans toute la région. Ce message, il est là aussi, comme je le disais, civilisationnel, mais il est également géopolitique. Il n'y aura pas d'équilibre s'il n'y a pas un respect de ces communautés. L'Irak ne resterait pas l'Irak s'il n'y avait pas la possibilité pour… On sera sur le site de Notre-Dame de l'Eure, mais l'ensemble des communautés chrétiennes dit vivre en paix leur culte et de pouvoir le poursuivre. Donc, j'aurai l'occasion à ce titre, à ce moment-là, de saluer le travail admirable des communautés dans le domaine éducatif, médical, social pour toute la population, pas simplement d'ailleurs à l'égard des chrétiens. Cet engagement est toujours un engagement pour la paix et la coexistence pacifique qui doit être sauvegardée. À ce titre, la France soutient ce travail, c'est ce que je redirai, dans le cadre du Fonds Minorités, depuis 2017, la France a financé divers projets en faveur des chrétiens d'Irak sur le plan social médical, pour un montant total de 6 millions d'euros. Nous finançons aussi des projets en matière d'écoles, je l'évoquais tout à l'heure, pour diffuser la francophonie, mais aussi ses valeurs de paix et de coexistence pacifique dans la région. Le Fonds de soutien aux écoles d'Orient, dont j'ai annoncé la création à Jérusalem en janvier 2020, soutient financièrement trois écoles en Irak. Je le rappellerai demain, j'ai demandé à ce qu'on puisse faire plus dans les prochains mois, nous en avons parlé avec Monseigneur GOLLNISCH et avec le ministre LE DRIAN et nous allons accroître ce travail. Puis, nous aurons l'occasion aussi d'annoncer des investissements très concrets de la France et d'ALIPH pour la maison de prière et les réhabilitations qui sont attendues. Donc c'est un travail de résistance dans les temps obscurs que nous vivons. Mais ce travail de résistance, il est essentiel et il est accompagné par la France, dans des projets concrets, mais aussi par la voie qui est la nôtre, c'est-à-dire qu'à l'égard des gouvernements et de toute la région, nous portons constamment la protection et la défense de l'ensemble de ces communautés et en particulier des chrétiens d'Orient. Voilà.


 


 

À la fin de sa première journée en Irak, le Président Emmanuel Macron s'est entretenu avec Nadia Murad, Prix Nobel de la Paix 2018, pour aborder la situation des communautés yézidies et les droits des femmes.

Il s'est rendu dans la soirée à Kadhimiya, haut lieu de spiritualité chiite, à la rencontre du peuple irakien dans toutes ses composantes.

Pour son second jour en Irak, le Président de la République Emmanuel Macron a échangé avec des représentants des chrétiens d’Orient dans la cathédrale Notre Dame de l’Heure à Mossoul.

Revoir la conclusion du Président :

Le Président s'est également rendu sur le site de la Grande Mosquée al-Nouri, en cours de réhabilitation, après sa destruction par Daech. 

Pour la fin de son déplacement, le Président Emmanuel Macron était dans la ville d'Erbil pour s'entretenir avec le Président de la région autonome du Kurdistan d’Irak, Netchirvan Barzani. 

Revoir la conférence de presse conjointe :

Le déplacement en images : 

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