Il était l’enquêteur en chef de la télévision française : l’acteur et réalisateur Yves Rénier, célèbre pour son rôle du commissaire Moulin, s’est éteint à 78 ans.
    
Il naquit en 1941 en Suisse, d’un père français et d’une mère anglaise. Les chemins du septième art, qui l’attirèrent depuis sa plus tendre enfance, furent d’abord lents et sinueux. À force de persévérance, de petits rôles sur les planches et les écrans, il fraya sa place jusqu’aux premiers plans en 1965, dans Belphégor, le fantôme du Louvre, où il incarnait un étudiant en physique plongé dans une affaire crapuleuse au parfum de magie noire, sur fond d’antiquités égyptiennes. Les Français se passionnèrent pour ce feuilleton à l’atmosphère fantastique qui les tint en haleine durant quatre épisodes. Déjà, Yves Rénier excellait dans ce rôle d’enquêteur confronté aux rebondissements les plus palpitants, de l’enlèvement de sa fiancée aux séductions de la mystérieuse Juliette Gréco. Après avoir donné à ses compatriotes le goût de l’étrange, il reparut à l’écran l’année suivante pour leur insuffler l’appel des lointains : dans la série Les globe-trotteurs, il jouait un journaliste qui sillonnait le monde avec sa débrouillardise et quelques sous pour tout viatique, accompagné de son meilleur ami américain. 

Mais sa carrière prit son véritable essor dix ans plus tard, en 1976, quand il décrocha le rôle du commissaire Moulin dans la série télévisée du même nom. Le personnage, trop lisse, trop placide, finit par le lasser. Après une pause de quelques années, Yves Rénier accepta de ressusciter son personnage à condition de pouvoir le moderniser à sa guise, troquer son costume sage pour une veste en cuir et ses bonnes manières pour des méthodes moins orthodoxes. Sherlock Holmes sans pipe ni casquette, Hercule Poirot sans cravate ni moustache, ce limier en jean-baskets bouleversa les codes de l’enquête policière par sa décontraction et par le réalisme des aventures qu’il traversait, juché sur sa moto. Durant trois décennies, des millions de téléspectateurs ont vibré au générique de la série, exploré les rouages judiciaires, frissonné d’angoisse dans les bas-fonds du crime organisé et soupiré de soulagement quand l’assassin finissait sous les écrous.

Yves Rénier écrivit lui-même le scénario d’une dizaine d’épisodes, en réalisa une vingtaine, et prit goût à cet autre versant de la caméra, qui lui permit notamment d’explorer le thème de la lutte contre la drogue ou des bavures policières. La réalité, parfois plus dramatique que la fiction, lui inspira en 2018 le téléfilm Jacqueline Sauvage, C’était lui ou moi, à partir d’un fait divers sanglant de 2012. En portant à l’écran ce meurtre d’un homme par sa femme qu’il battait, il mit en lumière la question des violences conjugales, et la légitimité d’une défense préméditée. 

Quand il ne tournait pas aux côtés d’Ingrid Chauvin, Mathilde Seigner ou Kad Merad, quand il ne s’essayait pas à la chanson, cet hyperactif s’adonnait également au doublage, prêtant sa voix chaude à la version française de Chuck Norris, Paul Hogan, Tommy Lee Jones ou Burt Reynolds. Son aura d’éternel d’enquêteur lui permit en outre d’animer l’émission Affaires criminelles, de 2008 à 2011.

Le Président de la République salue la carrière d’un acteur qui sut à la fois incarner et romancer la soif de justice et les arcanes de la police. Il adresse à sa famille et à son public ses condoléances émues.

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