À 90 ans, le pianiste de jazz Claude Bolling nous a quittés. Il était un grand nom du jazz international et un compositeur prolifique auquel la chanson et le cinéma français doivent quelques-uns de leurs plus beaux airs. 

Né à Cannes, il grandit à Paris, mais passa à Nice, chez ses grands-parents, les années d’occupation. C’est sa grand-mère qui lui fit découvrir le piano : plus qu’une initiation, une révélation. À quatorze ans, de retour dans la capitale libérée, l’adolescent put donner libre court à sa soif d’apprendre. Le jour, il étudie l’harmonie et la composition au sein du temple de la musique, le conservatoire. Le soir, il continue à l’apprivoiser dans ses catacombes : les clubs de jazz. C’est alors l’âge d’or des caves de Saint-Germain-des-Prés, où danse toute une jeunesse effervescente et bohème, sur des rythmes nouveaux qui grisent le jeune Claude. 

Il commence à se produire avec le Steffy Club Gang, dans le 16e arrondissement, où il a le bonheur de croiser quelques-unes de ses idoles américaines, comme Duke Ellington qu’il vénère par-dessus tout. Sa carrière prend son essor en février 1956, quand il crée son propre big band, un ensemble qui verra défiler les plus grands virtuoses du saxophone, de la trompette et du trombone, et qui battra des records de longévité. Ensemble, pendant un demi-siècle, ils enregistrent de nombreux albums, notamment des reprises d’Ellington ou Django Reinhardt, accompagnent des spectacles à l’Alhambra, interviennent fréquemment à la télévision. Le grand public découvre le septette de Claude Bolling sur le plateau d’«  ge tendre et tête de bois », l’émission d’Albert Raisner. 

Son talent pour la composition et l’orchestration le fait réclamer par les étoiles de la scène et des écrans. Après Boris Vian, Sacha Distel, Henri Salvador ou Juliette Gréco lui demandent ses services. C’est lui qui adapte « La Madrague » à la voix de Brigitte Bardot. Pour l’ensemble Les Parisiennes, il crée des rythmes pétillants, des mélodies fraiches, à l’image de cette citadine légendaire qu’elles incarnent. Parmi plus de cent autres musiques de film, il orchestre la rencontre au sommet entre Alain Delon et Jean-Paul Belmondo dans Borsalino avec cette ritournelle ragtime qui nous trotte encore dans la tête, et écrit la partition aux accents mexicains du Magnifique de Philippe de Broca. Il compose également pour la télévision, par exemple le générique de la série Les Brigades du Tigre, et travaille même pour le dessin animé Lucky Luke. 

Le succès rencontré sous les feux des projecteurs ne l’éloigna jamais de projets plus personnels et expérimentaux. Au contraire, la notoriété et l’aisance financière acquise lui permirent de mieux faire vivre son big band et d’accomplir un rêve de longue date, composer une suite pour flûte et piano jazz, avec le célèbre flûtiste français Jean-Pierre Rampal. Le résultat enthousiasma les amateurs de jazz sur les cinq continents, triomphe qui l’encouragea à multiplier ces expériences musicales mariant un soliste classique et une formation de jazz. 

Le Président de la République déplore la disparition d’un monument du jazz parisien qui n’eut de cesse d’accroître, du Petit Journal Montparnasse au Carnegie Hall, le rayonnement musical français. 

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