Le Président de la République a co-présidé les célébrations du 60ème anniversaire de la signature de la convention de l’OCDE avec Angel Gurria, Secrétaire général de l’OCDE, et Pedro Sanchez, Président du gouvernement d’Espagne.

À cette occasion, il a prononcé un discours soulignant les succès de l'OCDE : 




 

14 décembre 2020 - Seul le prononcé fait foi

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Discours du Président de la République lors du 60ème anniversaire de la signature de la convention de l’OCDE.

Monsieur le Secrétaire général, cher Angel, 

Monsieur le Président, cher Pedro, merci d’être là. 

Monsieur le Président du Conseil européen, cher Charles, merci d’être à Paris aujourd’hui après plusieurs heures passées ensemble à Bruxelles la semaine dernière.

Madame la Directrice Générale de l’UNESCO, merci de montrer par votre présence la coopération entre les grandes organisations qui siègent à Paris, de montrer que c’est, ce faisant, un lieu de coopération concrète et d’intelligence collective entre elles. 

Mesdames et Messieurs, les ambassadeurs, 

Mesdames et Messieurs, chers amis. 

Il y a 60 ans, vous l’avez rappelé, à Paris, 18 pays européens signaient avec le Canada et les États-Unis la convention créant l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques. Alors que les fonds du Plan Marshall avaient été alloués et que la communauté économique européenne commençait à exister grâce au traité de Rome, le choix a été fait de pérenniser une organisation internationale dédiée au progrès économique et social, à la coopération entre des États partageant les mêmes valeurs. 

Il faut prendre le temps aujourd’hui de comprendre quels étaient les objectifs des pères fondateurs de l’OCDE. Cette convention de 1960 nous dit que nos économies et nos sociétés sont interdépendantes. Elle nous dit que la coopération économique et sociale doit être au service d’un projet politique. D’ailleurs, votre slogan - si je puis dire - le révèle parfaitement : la paix, le bien-être des peuples, rendre les vies meilleures. Elle nous dit que ce développement économique doit être aussi au service des pays en développement. Cette convention de 1960 que nous célébrons portait en elle tous les succès de l’OCDE que nous connaissons aujourd’hui. 

Ces succès reposent sur une méthode éprouvée, remarquablement efficace, autour de trois piliers. D’abord des données rigoureuses permettant à chaque pays de se comparer. Ensuite des échanges de meilleures pratiques entre experts. Enfin, des recommandations générales et adaptées à chaque État membre. 

De grands succès ont été construits grâce à cette méthode. Ils ont été rappelés par vous-même, Monsieur le Secrétaire général à l’instant, par la courte vidéo que nous avons vue. Je pense par exemple à PISA dans le domaine de l’éducation, qui nous aide à mesurer, à faire progresser nos niveaux scolaires. Je pense bien sûr aux travaux sur la lutte contre l’évasion fiscale, à la fin du secret bancaire, à la lutte contre la corruption. Je pense aussi au rapport de l’OCDE sur les financements du climat en 2015, qui a contribué au succès de la COP21 et de l’Accord de Paris. Je pense aux standards de l’OCDE sur la conduite responsable des entreprises, qui sont aujourd’hui la référence internationale en la matière. 

Et je crois qu’il faut le souligner, ces succès récents vous doivent beaucoup, Monsieur le Secrétaire général. Dans un contexte où le multilatéralisme est critiqué pour son incapacité à répondre aux grands défis contemporains, il y a un contre-exemple frappant à ce discours, cette fatalité ambiante, c’est celui de l’OCDE, qui fonctionne et qui produit des résultats. 

C’est pourquoi, je voulais vous adresser, Monsieur le Secrétaire général, mon cher ami, les remerciements de la France pour l’action résolue que vous menez à la tête de l’OCDE depuis 2006. C’est aussi une source de grande fierté pour nous d’accueillir à Paris l’OCDE. La France est une terre d’accueil de tous les talents, y compris ceux des organisations internationales. 

Nous sommes aujourd’hui confrontés à la plus grande crise sanitaire et économique depuis plus d’un siècle. Nous ne sommes pas encore sortis de cette crise, mais on peut déjà en tirer quelques leçons pour l’avenir, leçons qui concernent au premier chef notre organisation. 

La première leçon, c’est que nous devons être mieux préparés. En termes de sécurité sanitaire d’abord : la pandémie a mis en évidence de nombreuses failles dans notre préparation collective, elle a souligné la nécessité de mettre en commun nos ressources, nos connaissances. En termes de résilience économique aussi : cette crise a révélé l’interdépendance industrielle, commerciale, financière de nos économies. Elle a mis au grand jour ce que vous documentiez depuis plusieurs années, l’extrême imbrication de nos chaînes de valeur, avec si je puis dire, tous les atouts que cela représentait, perceptibles pour nos consommateurs, et toutes les faiblesses que cela représentait, potentielles avant cette crise, pour nos pays et nos souverainetés. Aucun pays ne doit dépendre d'un seul partenaire pour ses approvisionnements dans les secteurs stratégiques. Et donc nous sommes tous confrontés à ce monde ainsi révélé et à la recomposition de nos chaînes de valeur dans une coopération choisie qui n'est ni la dépendance exclusive, ni évidemment l'isolationnisme nationaliste, mais bien une logique de coopération. Pour cela, nous avons et aurons besoin des analyses et des recommandations de l'OCDE. 

La deuxième leçon de cette crise, c’est que pour être au rendez-vous des grands défis contemporains, les États doivent mieux coordonner leur action. L’OCDE devra continuer d’être une force motrice du multilatéralisme. Les normes souples, ces fameuses « soft law » qu’on évoque en anglais, montrent la voie en incitant plutôt qu’en imposant et elles nous seront utiles dans le monde de demain. Nous avons vu que face à une pandémie internationale qui révélait nos interdépendances, face à ses conséquences économiques et sociales, toutes les réponses doivent être coordonnées et coopératives, qu’il s’agisse des réponses en termes d’organisation face à l’épidémie, en termes de vaccin - c’est ce que nous sommes en train de voir à travers ACT-A et l'initiative COVAX - en termes ensuite de suivi et de résilience de nos systèmes de santé, comme en termes économiques et sociaux. 

La troisième leçon, c’est que cette crise accélère la numérisation de nos sociétés, de nos économies. Sur ce projet, nous le savons, nous avons besoin de continuer à accélérer sur tous les fronts. Vous avez commencé à nous aider à y participer, vous l’avez évoqué, nous en parlions avec Pedro SANCHEZ tout à l’heure, cette crise a révélé sur le plan de l’école, du savoir, de la culture, du travail, de nos fonctionnements propres, la nécessité d’accélérer la numérisation de nos sociétés. Là-dessus, le travail de comparaison, de parangonnage comme on dit en français, le partage des meilleures pratiques est un élément absolument essentiel pour nous aider dans cette numérisation. Sur ce sujet aussi, nous le savons, nous avons besoin d’une fiscalité plus juste. Car si cette crise va continuer à servir d’accélérateur à la numérisation de nos économies, elle rendra encore plus nécessaire le fait qu’une poignée d’entreprises numériques qui réalisent depuis plusieurs années - et ont encore davantage réalisé durant cette crise - d’énormes bénéfices sans la plupart du temps payer leur juste part d’impôts, ne peut continuer à être une réalité de notre vie internationale. C’est de plus en plus inacceptable pour nos citoyens et donc il ne faut plus simplement l’expliquer, il faut y apporter une réponse par la coopération. Vous le savez, la France est très engagée dans les négociations en cours à l’OCDE et souhaite que celles-ci aboutissent au plus tard mi-2021, comme en a décidé le G20. Je crois très profondément qu'en matière de numérisation, une juste fiscalité numérique dans le cadre de l'OCDE est la meilleure réponse. 

La quatrième leçon, c'est que cette crise, et la réponse qu'y apportent les gouvernements, constituent une opportunité pour réorienter en profondeur nos modèles économiques et les rendre plus verts, plus compatibles avec notre défi qui est de lutter contre les dérèglements climatiques et les émissions de gaz à effet de serre et pour la biodiversité. Nous nous sommes engagés au niveau européen à atteindre la neutralité climatique en 2050 et avons réhaussé il y a quelques jours nos objectifs pour 2030 à hauteur d'une réduction de 55 % de nos émissions. Mais nous savons aussi qu'il nous reste beaucoup de chemin à parcourir pour se positionner dans les faits sur la bonne trajectoire, atteindre l'objectif de température de l'accord de Paris. C'est l'esprit du plan de relance européen, de nos plans de relance nationaux.

Sur ce sujet aussi, nous comptons beaucoup sur l'OCDE. J'ai évoqué plus tôt cette méthode de l'OCDE qui est si efficace pour faire avancer les politiques publiques. Nous souhaitons que l'OCDE applique ses outils, sa méthode, son efficacité au service de nos ambitions climatiques. La France a lancé une initiative importante sur ce sujet à l'OCDE : je souhaite que les travaux puissent aboutir rapidement, pour que nous ayons à notre disposition un outil de mesure supplémentaire de nos engagements pour le climat, et qui nous donne à chacun des recommandations pour atteindre la neutralité carbone, d'une façon qui soutienne aussi l'emploi et la prospérité collective. L'OCDE doit participer à cette nouvelle étape qui aujourd'hui s'ouvre, qui est la bonne mesure de nos efforts concrets de court terme. Le cœur de nos débats internationaux dans les prochains mois sera là-dessus. Nous nous sommes tous engagés pour 2030, pour 2050. Nous avons tous enclenché des actions, mais nos peuples vont légitimement nous dire : "Où en êtes-vous ? Qui mesure ? Qui évalue de manière indépendante ?" avec une participation de toutes les expertises à cet égard. 

La dernière leçon, c'est que cette crise a aggravé ce sujet que vous aviez justement pointé au moment de la crise économique et financière et qui s'est aggravé ensuite à cause des réponses que nous y avons collectivement apporté : c'est le sujet des inégalités. 

Les inégalités entre pays d'abord. Des décennies de progrès accomplis en matière de développement risquent aujourd'hui, en raison de la pandémie, d'être remises en cause. Il est urgent pour l'OCDE d'apporter une réponse durable pour aider les pays les plus vulnérables, et en priorité le continent africain. Je crois que c'est notre défi à tous en tant que membres de l'OCDE. Comment réduire ces inégalités entre pays sur le plan sanitaire mais aussi économique et social ? L'initiative ACT-A est un pilier et ce que nous aurons à poursuivre entre Européens et Africains est essentiel. 

Inégalités au sein des pays ensuite. Il faut y remédier rapidement et solidement pour garantir la cohésion de nos sociétés. Tous les acteurs ont un rôle à jouer à cet égard, avant tout les Etats et la puissance publique, mais aussi les entreprises, les ONG, la société civile, la solidarité même entre les citoyens. L'OCDE y a participé, entre autres en participant à l'initiative Business for Inclusive Growth (B4IG) lancée lors du sommet du G7 de Biarritz. La rigueur, l'inventivité de l'OCDE seront décisives pour catalyser demain ces nouvelles coalitions qui changent la donne. 

Vous l'avez compris, pour réussir à accompagner le monde en sortie de cette crise, nous aurons besoin - et c'était l'objet de ces quelques leçons que je voulais tirer avec vous aujourd'hui, en ce soixantième anniversaire - de la méthode, des principes, de la philosophie et de l'efficacité de notre organisation. Nous sommes sans doute à un moment de tournant de notre monde. Nous l'étions avant la pandémie et elle sert de formidable accélérateur pour le meilleur ou pour le pire. La crise démographique, technologique, climatique, celle des inégalités, est aujourd'hui accélérée, comme révélée encore davantage par la pandémie. Face à cela, je crois dans la science, les faits, l'expertise indépendante plutôt que dans le complotisme et la manipulation de l'information ou le nouvel obscurantisme. Face à cela, je crois dans la coopération libre, choisie, intelligente plutôt que dans le repli nationaliste ou la brutalité. 

Ces deux croyances se trouvent pleinement incarnées par votre organisation et Monsieur le Secrétaire général, par ce que vous avez su conduire durant ces 14 années ici à Paris, dans le monde entier pour nous tous, et donc merci pour cela. 

Merci à l'organisation, à l'ensemble de ses équipes qui sont ici et à travers le monde à notre service collectif, et merci à l'ensemble des pays membres et comme vous, je souhaite que nous continuions à élargir ce cercle de bonnes volontés. 

Je vous remercie.
 

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