Avec lui, les seconds rôles passaient au premier plan. Michael Lonsdale s’est éteint aujourd’hui après avoir traversé six décennies de théâtre et de cinéma en acteur éclectique.

Né d’un père britannique et d’une mère française, il vit le jour à Paris mais passa son enfance de l’autre côté de la Manche et de la Méditerranée, à Londres et à Casablanca. C’est là qu’il découvrit le cinéma américain, en s’immisçant aux projections réservées aux GI’s.

De retour en France à la fin de la guerre, l’adolescent sentit grandir en lui sa foi catholique et une soif de beauté sous toutes ses formes, se prenant de passion pour la musique, la littérature, la peinture et le théâtre. Ses rencontres, ses coups de foudre et ses dons propres présidèrent ensuite à sa vocation de comédien. S’essayant d’abord au théâtre de boulevard, il lui préféra bientôt les avant-gardes et les auteurs contemporains, Eugène Ionesco et Samuel Beckett, Marguerite Duras et Peter Handke, et fut souvent dirigé par les plus grands noms de la mise en scène, de Claude Régy à Peter Brook.

Sa riche palette de jeu ne tarda pas à être réclamée derrière les caméras de Gérard Oury, Yves Robert, René Clément, Louis Malle et Georges Lautner. Les cinéastes de la nouvelle vague, François Truffaut, Jean-Luc Godard, Alain Resnais et Jacques Rivette, ne lui tinrent pas rigueur de ces affinités avec le « cinéma de qualité » qu’ils conspuaient tant, et le convièrent aussi dans leurs univers, tout comme l’inclassable Jean-Pierre Mocky. Il se faufilait avec aisance du cinéma d’auteur aux productions populaires : mélancolique vice-consul bouleversé d’amour dans l’étrange et onirique India Song de Marguerite Duras ou bien impassible professeur de médecine dans Hibernatus au côté d’un Louis de Funès plus facétieux que jamais.

Parfaitement bilingue, il passait tout aussi facilement des écrans français aux grandes productions hollywoodiennes, jouant chez Orson Welles et James Ivory, dans un Spielberg (Munich) et dans un James Bond (Moonraker).

La sobriété et la souplesse de son jeu lui permettaient d’être à la fois toujours lui-même et toujours autre, reconnaissable et perpétuellement nouveau, insaisissable en somme.

Chrétien passionné et acteur fervent, il revêtit souvent la soutane au cinéma, qu’elle soit ample et médiévale dans Au nom de la rose de Jean-Jacques Annaud, noire et stricte pour le prêtre d’école qu’il incarne dans Le Souffle au cœur de Louis Malle, ou chatoyant de la pourpre cardinalice dans Galilée de Joseph Losey et Les Fantômes de Goya de Milos Forman. Mais c’est sans doute la bure immaculée et le gros chandail du frère Luc dans Des Hommes et des dieux de Xavier Beauvois qui marquèrent le plus les Français. De silences pensifs en regards délicats, Michael Lonsdale y incarnait à la perfection la sagesse, la générosité et la spiritualité profonde de cette communauté de moines pris dans la tempête de la guerre civile algérienne, qui nouèrent des liens fraternels avec population musulmane qu’ils côtoyaient au point de refuser, jusqu’au martyre, de les abandonner au terrorisme.

Le Président de la République et son épouse sont attristés par le départ de cet acteur à la carrière foisonnante, qui semble n’avoir été guidée par autre chose que sa curiosité pour tous les regards et pour tous les récits. Ils adressent à ses proches comme à tous les Français qui ont aimé Michael Lonsdale sur les planches ou les écrans leurs condoléances émues.

 

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