Ennio Morricone était le maestro des salles obscures, l’un des plus célèbres et des plus prolifiques compositeurs de musiques de film. Face aux grands écrans, sa baguette de chef d’orchestre avait tout d’une baguette magique puisqu’il en faisait jaillir, depuis près de 60 ans, cette alchimie secrète entre les images et la musique qui fait la force d’envoûtement du septième art.

Un jour de novembre 1928, la maison romaine des Morricone vibra au son de la trompette : le jeune Ennio fut accueilli au monde en musique. Ainsi bercé par les airs de jazz joués par son père, trompettiste professionnel, Ennio Morricone se mit très tôt en tête de jouer sa propre partition. Aussi intégra-t-il l’Académie nationale Sainte-Cécile, dont il sortit en 1954 diplômé en trompette, composition, instrumentation, et direction d’orchestre. 

Il composa d’abord des œuvres de concert, cette « musique absolue » qui fut le premier horizon de son élan de créateur, mais elle ne lui suffisait pas à vivre de son art. Il mit alors ses talents au service de la radio, de la chanson populaire et surtout du grand écran. En faisant ainsi un pas de côté par rapport à la musique de concert qu’il ne délaissa toutefois jamais, Ennio Morricone traça sa voie et, peu à peu, trouva sa voix : celle de la musique de cinéma, qui s’entrelace aux images, aux mouvements et aux dialogues, qui étoffe l’imaginaire d’une scène et porte les films à leur point d’orgue. 

C’est d’abord avec Sergio Leone, un ancien camarade de classe, qu’il conquit ses galons de compositeur star. D’abord avec la trilogie du dollar (Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus, Le bon, la brute et le truand), puis avec celle d’Il était une fois (… dans l’Ouest, …la révolution, …en Amérique) par lesquelles les deux Italiens bousculèrent les codes du genre. Avec ces films, c’est un nouveau « la » qui fut donné dans le septième art : trompettes, sifflements, guitares, claquements de fouet, plaintes de coyote, riffs d’harmonica… Dans ces entrechocs de sonorités brutes et de puissances lyriques, un nouveau style était né, reconnaissable entre tous, dès les premières mesures ; une capacité inédite à électriser une atmosphère, à créer une tension folle. « Morricone n’est pas mon compositeur. Il est mon scénariste » déclarait, reconnaissant, Sergio Leone.

Mais ces partitions restées célèbres ne furent qu’un prélude à la monumentale fresque musicale qu’Ennio Morricone a composé pour le cinéma, de Cinecittà à Hollywood, en passant par les écrans français. Délaissant la poussière et le soleil brûlant des westerns, il composa ensuite pour tout le spectre du cinéma, du drame à la comédie, du film policier au film d’horreur. Dans sa chère Italie, son pays de naissance et de cœur, il collabora avec les plus grands maîtres, Pier Paolo Pasolini, Vittorio De Sica, Bernardo Bertolucci, Dario Argento. Il orchestra aussi une partie du cinéma français, en particulier celui des années 1970, en signant les partitions de films d’Henri Verneuil, Yves Boisset, Georges Lautner ou Jacques Deray. On se souvient ainsi des lancinants violons du Professionnel avec Jean-Paul Belmondo ou des ritournelles nostalgiques du Clan des Siciliens. De l’autre côté de l’Atlantique, il officia pour Brian de Palma, John Huston, Terrence Malick, et renoua avec le genre du Western auprès de Quentin Tarantino, des retrouvailles réussies qui lui permirent de décrocher à 87 ans l’Oscar de la meilleure musique. 

Le Président de la République salue l’œuvre magistrale et entêtante de ce compositeur qui savait trouver les plus beaux accords entre les images et la musique, harmonies mystérieuses qui ont fait vibrer en nous les cordes les plus sensibles et qui ont fini par accompagner nos vies. Il adresse à sa famille, à ses compatriotes, aux mélomanes et aux cinéphiles ses condoléances émues.

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