Le journaliste Henri Tincq, spécialiste des questions religieuses, qui a écrit pendant plus de trente-cinq ans dans les colonnes de La Croix puis du Monde, a été emporté par le coronavirus. Il était l’un des meilleurs connaisseurs du catholicisme et l’un des plus fins observateurs du Vatican, capable d’en sonder les arcanes les plus complexes comme d’en analyser les grandes évolutions historiques.
Né dans une famille chrétienne du nord de la France, le jeune Henri Tincq milite à la JEC, la jeunesse étudiante chrétienne, et il étudie les lettres, les sciences politiques puis le journalisme. Dans une synthèse parfaite de ces années de jeunesse et de formation, il signe bientôt ses premiers articles dans le journal La Croix. Durant treize années, il noircit les pages du journal de ses analyses lumineuses sur le fait religieux, qu’il examine sous toutes ses facettes, institutionnelle et spirituelle bien sûr, mais aussi historique, culturelle et philosophique. Il avait à cœur de rendre compte des faits, de mettre en lumière les différentes forces en présence avec un sens aigu de l’équilibre, dans le but jamais abandonné, toujours poursuivi, de permettre à ses lecteurs de se forger une opinion en toute liberté.
Il s’impose alors rapidement comme l’une des voix les plus écoutées sur les questions religieuses si bien qu’en 1985 Le Monde lui confie les rennes de sa rubrique Religion à laquelle il s’empresse d’ajouter un «-s » afin de signifier son ouverture à toutes les confessions.
Au cours de sa carrière, il aura ainsi couvert le long pontificat du Pape Jean-Paul II, le « curé du monde », auquel il vouait une profonde admiration et qu’il suivait aux quatre coins de la planète pour témoigner de ses paroles et de son action, sur tous les fronts où le souverain pontife partait lutter contre les oppressions et pour les droits de l’homme.
Henri Tincq prônait un catholicisme progressiste : il déplorait les inflexions communautaristes et identitaires d’un certain nombre de ses coreligionnaires contemporains, et il appelait de ses vœux la fin d’un système clérical qu’il jugeait patriarcal et sexiste.
S’il était à la retraite depuis 2008, il n’avait jamais raccroché sa plume et continuait à écrire des articles pour le journal en ligne Slate.fr et pour Le Monde des religions, en infatigable éclaireur des temps.
Ebranlé comme bon nombre de fidèles par les crises multiples qui secouent l’Eglise depuis plusieurs années, passé « du déni à la sidération », il avait publié en octobre dernier un livre, Vatican, la fin d’un monde, dans lequel il sonnait le glas de cette institution pluriséculaire. Mais s’il dépeignait le crépuscule de la papauté classique, il dessinait aussi les chemins possibles de sa réforme.
Le Président de la République salue l’œuvre d’information et d’investigation d’une grande plume de la presse française qui a éclairé les lanternes du débat public sur la Curie romaine et la vie spirituelle de notre siècle à la lumière de son érudition et par la ferveur de sa foi. Le Président adresse à sa famille, ses proches, ses anciens collègues et ses lecteurs ses plus sincères condoléances.