Depuis Varsovie, retrouvez le discours du Président Emmanuel Macron à la communauté française de Pologne :
3 février 2020 - Seul le prononcé fait foi
Discours du Président Emmanuel Macron à la communauté française de Pologne
Heureux de vous retrouver Mesdames et Messieurs les ministres, Monsieur le vice-président, Messieurs les parlementaires, Mesdames Messieurs, Monsieur l’ambassadeur, cher Frédéric, et Madame merci de nous accueillir, très heureux de vous revoir.
Je suis très heureux avec toute la délégation d’être parmi vous, de vous retrouver, de retrouver beaucoup de visages amis croisés il y a un peu plus de 3 ans lorsque j’étais déjà venu une première fois mais sur une autre condition et à l’issue d’une journée qui a été bien chargée. Nous avons multiplié les rendez-vous dont je vais rapidement aussi vous rendre compte. Et je veux surtout passer un moment parmi vous. Mais je me devais avant toute chose de passer quelques mercis et aussi faire le point sur notre présence ici, la situation de la communauté française et tout le travail qui est fait.
Vous remerciez d’abord pour celles et ceux qui sont venus ce soir et parfois de l’autre bout de la Pologne, on m’a dit que certains étaient venus d'assez loin et je vous remercie, j'y suis très sensible. Mais je veux ici aussi ce soir remercier vos représentants, votre député et président du Groupe d'amitié France-Pologne de l'Assemblée nationale, Monsieur Frédéric PETIT, l'ensemble des conseillers consulaires, le député Pieyre-Alexandre ANGLADE très mobilisé sur les sujets européens et également le sénateur Jean-Pierre LELEUX, président du Groupe d'amitié France-Pologne du Sénat. Ils font vivre là où ils sont comme je le disais avec les conseillers consulaires la relation bilatérale. Ils répondent aussi parfois aux difficultés qui sont les vôtres. Tous les sujets font fructifier les choses et j'y suis extrêmement sensible. Et je reconnais le visage ami du commissaire devant moi que je salue puisque nous avons la chance d'avoir ce soir un Commissaire européen parmi nous. Il n'est pas infiltré, il est invité. Merci, cher Commissaire. L'histoire de la relation franco-polonaise vous la connaissez tous et elle prend ses racines bien loin. Je ne vais pas ici la refaire parce que vous en êtes parfois les héritiers, vous la faites vivre, vous en êtes, si je puis dire, les vestales. C'est les 100 ans de relations diplomatiques que nous avons célébrés l'an dernier, c'est une relation qui dépasse d'ailleurs la diplomatie, qui est faite d'émotions, de héros en partage. Je disais que si Frédéric CHOPIN a son corps à Paris, il a le cœur à Varsovie et nous tirons chacun la couverture à nous-mêmes. Marie CURIE a le même problème et nous avons ainsi multiplié, si je puis dire, les conquêtes amoureuses réciproques. C'est une histoire aussi militaire où Napoléon BONAPARTE a permis des premières reconnaissances et la naissance de duchés et où la France peut se glorifier de n'avoir jamais été une des puissances qui a dominé ou mis sous son joug véritablement la Pologne. Et où, à l'inverse, le Général DE GAULLE qui était ici même il y a 53 ans comme président était jeune soldat venu se battre dans un autre cadre et là aussi dont nous fêterons les anniversaires. C'est toute cette histoire que nous célébrons, que nous continuerons de célébrer. J'y reviendrai d'ailleurs demain à Cracovie pour que la jeunesse estudiantine polonaise mesure la force de ce lien, pour que aussi nous continuions de le faire vivre. C'est pourquoi j'ai invité la Pologne pour le 14 juillet prochain, et c'est aussi pour cela que nous serons présents pour les célébrations du Centenaire du miracle sur la Vistule du 15 août qui sera une occasion à nouveau de célébrer cette fraternité d'armes. Et je veux d'ailleurs, ils doivent être là mais je ne les vois pas avec l'obscurité ou les lumières dans le visage, mais les ministres ont tout à l'heure décoré quelques-uns des vétérans et je veux ici les saluer parce que quelques vétérans polonais de la Deuxième Guerre mondiale qui étaient à nos côtés tout à l'heure et qui se sont battus pour nous étaient là, ont été décorés. De la même manière que je veux célébrer quelques-uns des héros qui marquent cette amitié bilatérale, y compris ceux qui ont encore récemment sauvé Français et Françaises. Voilà cette relation bilatérale qui s'inscrit dans l'histoire et que vous faites vivre parce que ce partenariat de chaque jour à un ciment, c'est votre présence.
Plus de 6 000 Françaises et Français immatriculés dont la moitié réside à Varsovie. Vous êtes une communauté forte dans les affaires, l'enseignement supérieur, la recherche scientifique, beaucoup de jeunes étant venus aussi étudier et faire un volontariat international. Et je sais combien vous pouvez ici compter sur le soutien de l'ambassade, du consulat général de Cracovie, de nos 6 consuls honoraires et de nos conseillers consulaires. Et je veux ce soir remercier l'ensemble des équipes pour ce travail. Ce sont plus de 1 100 entreprises françaises qui sont présentes en Pologne. Je l'ai fait valoir tout à l'heure sentant aussi que je troublais presque le Président DUDA en rappelant cette réalité des chiffres : industries, services, banques, commerces, énergie, agro-alimentaire, je le rappelais, nous sommes le 3ème, nous entreprises françaises c'est le 3ème employeur du pays. Nous avons franchi le seuil de 20 milliards d'euros de commerce bilatéral. Nous sommes le 4ème investisseur en Pologne, je le disais le 3ème employeur et nous pouvons encore mieux faire. D'abord parce que nous avons un déficit commercial bilatéral et parce que beaucoup de choses peuvent encore être repoussées. C'est d'ailleurs pourquoi le forum économique qui s'est tenu cet après-midi sous les auspices de Bruno LE MAIRE et d'Elisabeth BORNE était important et je veux remercier toutes les entreprises françaises qui y ont participé ainsi que les 42 conseillers du commerce extérieur et la Chambre de commerce et d'industrie qui font vivre au quotidien cette communauté d'affaires. Et je souhaite que nous puissions encore faire davantage, je vais y revenir dans un instant.
Nous avons aussi une forte coopération éducative et j'ai tout à l'heure avec le Premier ministre évoqué la situation du lycée français René GOSCINNY de Varsovie. Il s'agit d'un établissement d'excellence, plus de 750 élèves de la maternelle à la terminale, connu et reconnu à Varsovie et qui vient de célébrer son centenaire. Je veux aussi saluer la direction et la communauté éducative du lycée qui œuvre au quotidien pour le succès de ses élèves, 98 % de réussite au bac en 2019, et qui est un véritable exemple de cette excellence. L'ouverture d'une section internationale polonaise à la rentrée prochaine montre aussi une volonté d'enracinement et je souhaite que nous puissions aller plus loin là aussi dans le cadre de la stratégie que nous avons voulue avec le ministre des affaires étrangères avec son collègue de l'Education nationale porte dans la réforme que nous avons menée de l’AEFE c'est-à-dire avoir davantage d'élèves, permettre aussi d'en faire un levier pour développer le français. Et je suis convaincu, monsieur l'Ambassadeur était là, que nous allons finaliser les accords qui permettront le projet de réunification des sites et qui parachèvera ce que nous souhaitons faire ici en bonne intelligence avec les autorités. Je saisis aussi cette occasion pour saluer les personnels de l'Institut français de Varsovie, des Alliances françaises, des centres de coopération décentralisée qui mènent des actions de formation qui participent au rayonnement de notre pays et qui sont là aussi un maillon indispensable de cette coopération. Nous travaillons main dans la main avec, je le disais, les autorités polonaises pour que tous ces projets avancent et je veux remercier l'ensemble de celles et ceux qui sont engagés sur ces sujets éducatifs, culturels. Saluer aussi les parents d'élèves qui se sont impliqués depuis la création du lycée français dans la gestion de l'établissement, qui s'impliquent au quotidien et auxquels nous devons beaucoup. Tous ces remerciements rappellent à la fois la profondeur de nos relations, leur vitalité et votre rôle. Parce que je viens ici et j'ai le plaisir de vous retrouver mais c'est ce que vous faites vivre au quotidien qui rend cela possible, qui est la trace de notre pays, la vitalité du lien entre justement ces femmes et ces hommes. Je sais que certains sont en train de finir des études, d’autres ont ici trouvé l’amour, certains y sont depuis plusieurs générations, il y a autant d'histoires que de visages, mais il y a à chaque fois le rôle qui est le vôtre de faire vivre aussi la relation bilatérale dans un moment extrêmement important de celle-ci et de notre Europe. Alors l'objectif de notre visite aujourd'hui était précisément de renforcer ce qui existe et d'ouvrir une nouvelle page, parce que les dernières années ont parfois été porteuses de malentendus, de conflits, peut-être, de désaccords à coup sûr, et je crois très profondément que, pour nos deux pays comme pour l'Europe, il nous faut ouvrir un chapitre nouveau. C'est ce que nous avons tâché de faire et ce que je poursuivrai demain à Cracovie. Nous savons à quoi sont dues les hésitations des dernières années, parfois les reculs, les contradictions ou les contrariétés, à une situation où la Pologne a parfois davantage vu dans les Etats-Unis d'Amérique un allié que dans ses partenaires européens. Je ne reviendrai pas ici sur la péripétie du Caracal, par respect pour Jean-Yves LE DRIAN qui, je crois, a effectué 13 ou 14 visites comme ministre des Armées à l'époque. Nous nous en sommes expliqués en 2017 avec le Président DUDA. Mais il y a des choses qui n'étaient pas acceptables entre alliés, entre pays membres de l'Europe. Quand des contrats sont conclus, ils doivent être honorés. C'est vrai que les choses ralentissaient sur ce terrain-là.
Sur le plan climatique, des hésitations étaient là. Et sur le plan des principes de l'Europe, j'ai eu l'occasion de le dire au Président, au Premier ministre et lors de la conférence de presse, il est clair que les valeurs européennes ont été bousculées ou continuent de l'être par des décisions difficiles qui, d'ailleurs, font l'objet de positions, de procédure menées par la Commission européenne, la Cour de justice, le Conseil de l'Europe, derrière laquelle la France se trouve non pas parce qu'elle a jugé d'un autre Etat membre, ce n'est pas notre rôle et nous n'avons de leçons à donner à personne, mais parce que ce sont nos valeurs qui sont en cause. Mais il ne faut pas s'arrêter à cette espèce de bascule, de temps de latence, d'hésitation. Au fond, ma conviction, c'est qu'en nous réengageant dans la relation bilatérale et en réengageant la Pologne encore davantage dans une aventure européenne, il me semble que nous pouvons tout à la fois faire plus, mieux, et réussir à montrer à la Pologne et à son peuple que son avenir se construit dans cette relation et dans un réinvestissement de l'Europe, et pas dans des décisions qui risqueraient de la marginaliser au sein de l'Europe, je crois que c'est le rôle profondément de la France, et de le faire au nom de l'histoire et avec la force de l'histoire, parce que notre histoire commune est une histoire faite de liberté, de courage, de combats communs. C'est ça, ce que j'ai essayé de porter aujourd'hui et ce sur quoi je souhaite que nous puissions avancer sur le plan bilatéral, en étant conscient de nos désaccords, sans naïveté aucune, mais en réengageant ce nouveau chapitre. Sur les sujets de désaccords, les principes, la réforme de la justice qui arrive, je l'ai dit, nous soutenons la Commission. J'espère que les travaux que la présidente VON DER LEYEN va réengager avec la Commission permettront d'avancer et de trouver une issue positive. Je pense que c'est souhaitable pour tout le monde.
Ensuite, sur le plan stratégique, nous avons eu une discussion, et je crois que notre vision est compatible avec l'intérêt de la Pologne. Notre vision est simple, c'est de dire : l'Alliance atlantique n'épuise pas tout de notre sécurité commune, et nous avons, pour bâtir la sécurité collective de l'Europe, à travailler sur l'OTAN et l'Europe de la défense. Ce sont les deux piliers de la sécurité collective de notre continent, de notre Union européenne. C'est ça, ce à quoi nous croyons. Parfois, notre discours a été caricaturé. Parfois, il a bousculé, j'en ai conscience. Mais je l'ai dit tout à l'heure, notre relation bilatérale sera forte et l'idée européenne sera forte ici quand les Polonaises et les Polonais seront sûrs que c'est l'Europe qui les protège et les défend aussi et peut-être surtout. Au demeurant, notre allié américain ne nous demande rien d'autre que de nous réengager, lui qui veut dépenser moins pour notre défense et considère que notre voisinage n'est pas le sien. C'est pour cela que je crois à ce que nous avons lancé depuis maintenant deux ans et demi, une coopération renforcée en matière de défense, un fonds européen de la défense pour intervenir et cette initiative européenne d'intervention pour rapprocher nos cultures communes et œuvrer ensemble. J'ai bien entendu, d'ailleurs, le souhait de la Pologne de rejoindre à terme cette initiative européenne d'intervention. Dans ce cadre, il nous faut être cohérents. C'est ce que j'ai dit à mes interlocuteurs. Il nous faut aussi renforcer les liens bilatéraux sur le plan industriel et sur le plan des opérations à mener ensemble. Je crois que, dans les prochaines semaines et les prochains mois, du Liban au Sahel en passant par la mer Baltique, nous avons des théâtres d'opérations communes qui peuvent se déployer. Je sais que la ministre des Armées y a travaillé avec son homologue et je sais aussi que nous avons des projets. Il y a un intérêt polonais pour le char du futur que nous développons entre autres avec les Allemands, et il y a aussi beaucoup de projets sur lesquels nous devons acter d'une plus grande coopération européenne et donc bilatérale. Je crois très profondément que cette vision que nous portons est indispensable, elle est compatible avec la sécurité de la Pologne, avec une ambition bilatérale et européenne.
Dans ce cadre-là, et je dirais dans le cadre de ce premier pilier géostratégique et de défense, j'ai eu l'occasion, évidemment, d'aborder la question russe qui, elle aussi, a fait naître beaucoup d'interrogations, parfois d'angoisses compte tenu de l'histoire et de la géographie, si je puis dire. Ces angoisses sont légitimes parce que ces dernières années n'ont pas contribué à rassurer. Mais là aussi, je l'ai dit à mes interlocuteurs et je le crois très profondément, je l'ai dit et je le redirai demain, la France n'est pas soudainement devenue pro-russe, pas plus qu'elle n'a à être anti-russe, mais la France est pro-européenne et l'Europe a une géographie et une histoire, et celle-ci ne peut se regarder sans intégrer la Russie et sans essayer de la réinclure dans une architecture de confiance et de sécurité que nous avons à rebâtir. Si nous considérons que l'Europe n'existe pas hors de l'OTAN ou indépendamment de l'OTAN ou avec sa propre voix dans l'OTAN, ces trois réalités étant vraies et compatibles les unes avec les autres, mais si l'Europe ne porte pas sa propre voix à l'égard de la Russie et si nous nous réfugions dans la caricature qu'on fait parfois de nous-mêmes, c'est à dire d'être la face émergée de l'influence américaine dans cet endroit du globe, nous n'arriverons jamais à avancer. Qui, aujourd'hui, pâtit des sanctions économiques, des conflits gelés, de l'impossibilité de stabiliser une architecture de confiance en Europe, si ce n'est l'Europe elle-même et les Européens ? Pas ceux qui vivent à l'autre bout du monde et qui nous poussent à aller plus loin en ce sens. Donc il nous faut chercher les voies et moyens de reconstruire la confiance sans aucune naïveté. Je l'ai dit, je vous parle d'un endroit, ayant vécu naguère comme candidat à l'élection présidentielle suffisamment de péripéties avec nos amis pour n'avoir aucune naïveté. Mais il nous faut réengager un dialogue de confiance avec la Russie, le faire sur les questions cyber, sur les questions spatiales, sur les conflits gelés de la région, évidemment sur la crise ukrainienne, mais également sur les grands sujets de sécurité qui nous concernent et concernent la Pologne au premier chef. J'en ai pris deux tout à l'heure. Le premier, c'est la crise ukrainienne. Regardez les résultats. Nous avons réengagé un dialogue exigeant, mais rouvert cette voie. Pour la première fois en 5 ans, nous avons pu avoir des avancées dans le cadre du processus de Minsk, tenir en novembre un sommet Normandie à Paris et avancer sur la crise ukrainienne comme nous ne l'avions pas fait depuis des années. Nous ne sommes pas au bout du chemin, mais ça montre l'effet utile d'une telle approche. L'autre point sur lequel cette approche est essentielle, c'est celui du contrôle des armes. Regardez bien les 10 dernières années, elles ont conduit à démanteler les grands traités internationaux, qui étaient souvent des traités bilatéraux datant de la guerre froide qui assuraient la sécurité de l'Europe, le dernier étant le traité dit FNI. La Russie ne le respectait plus, les Etats-Unis ont décidé d'y mettre fin sans nous consulter. Qui sont les victimes de ce nouvel ordre international sans droit ? Nous, Européens. Qui sont les premières victimes ? La Pologne, si proche de la frontière, et que les missiles Iskander, qui n'était d'ailleurs pas couverts par le traité FNI, peuvent toucher du jour au lendemain. Nous devons donc rebâtir dans ce dialogue exigeant un cadre de confiance qui permet de contrôler les armements dans la région. C'est notre intérêt. Je vous dis ça pour que vous puissiez saisir combien la démarche française à l'égard de la Russie s'inscrit dans cette volonté d'une plus grande souveraineté européenne sur le plan militaire et de défense, mais aussi sur la préservation des intérêts de tous nos alliés, en particulier polonais, et combien la situation actuelle ne remplit pas cet objectif. C'est, pour moi, le premier axe de ce nouveau chapitre que nous avons à écrire sur le plan bilatéral et européen.
Le deuxième axe, il est sur les grands sujets climatiques et énergétiques. C'est un défi formidable pour nous tous, extraordinairement anxiogène pour beaucoup, et je dirais encore plus difficile sans doute en Pologne qu'ailleurs, avec une formidable injustice qu'il ne faut pas nier, c'est que si la Pologne dépend autant du charbon, ce n'est pas une décision souveraine qu'elle a prise à l'époque mais une décision imposée par ceux qui, ici, avaient le joug. On ne peut faire fi de cette situation et dire d'un seul coup à la Pologne : "plus de 80 % de votre électricité est produite avec du charbon ou des hydrocarbures, allez, basculez". Vous le savez mieux que moi, ce sont des millions de citoyens qui sont engagés dans ces secteurs, ce sont des régions entières, c'est tout un modèle qu'il faut changer. Néanmoins, aucun d'entre nous n'a le choix, et cette ambition climatique est au cœur de notre projet. La France s'inscrit complètement dans le pacte vert qui a été proposé par la Commission il y a quelques semaines. J'ai eu l'occasion de le dire, je m'y retrouve totalement et il a repris beaucoup des engagements de campagne que nous avons menés. Il est ambitieux et propose, en Europe, d'aller vers la neutralité carbone 2050, d'investir massivement dans les nouvelles technologies, d'avoir un mécanisme d'inclusion carbone à nos frontières pour préserver notre compétitivité, et de renchérir le coût du CO2 pour permettre cette mutation. Simplement, il faudra accompagner la Pologne, et nous le ferons de deux manières qui, d'ailleurs, traduisent cette volonté à la fois bilatérale et européenne sur le plan européen, en soutenant l'idée du fonds de transition juste et en faisant tout pour que ce fonds puisse au maximum profiter aux régions et aux pays les plus pauvres, qui en ont besoin pour cette transition. C'est absolument clé pour que la Pologne puisse s'engager sur cette voie de la neutralité carbone et faire ces changements. Et la deuxième chose, c'est en coopérant sur le plan là aussi économique et industriel pour bâtir une énergie du nucléaire en Pologne, parce que la Pologne a fait ce choix et parce qu'il est très difficile, voire aujourd'hui impossible, de passer de 80 % de charbon à un mix qui soit complètement renouvelable compte tenu de l'intermittence de cette énergie. La composante nucléaire dont la Pologne souhaite se doter, la France a un rôle à y jouer sur le plan, là aussi, technologique, industriel, de coopération stratégique, pour qu'il intègre son mix énergétique. Nous avons commencé les discussions et nous les poursuivrons. Mais cet axe énergétique et climatique est, pour moi, le deuxième grand volet de cette relation bilatérale et de ce dialogue.
Le troisième, c'est celui de notre politique économique et industrielle. Vous en êtes les artisans, mais nous avons, sur le plan bilatéral et européen, beaucoup à faire ensemble parce que d'abord, nous avons la même vision des choses. L'idée, et je salue la commissaire polonaise qui a œuvré sous le mandat précédent d'ailleurs quand elle était en charge de l'industrie, et la Commissaire BIENKOWSKA a beaucoup fait sur ce sujet, et je sais que la nouvelle commission va continuer à œuvrer en la matière, nous avons besoin de retrouver, sur le plan européen, une vraie politique industrielle, commerciale, climatique et de souveraineté technologique cohérente. Ça veut dire que nous avons besoin de reprendre la main sur notre avenir et de décider de nos choix. Politique industrielle, on n'est pas dans un monde fermé, nous savons traiter de la concurrence en notre sein, mais nos concurrents sont américains, chinois, ce sont des géants et on doit intégrer ces dimensions quand on regarde nos concentrations. Cela veut dire aussi avoir une politique de régulation sur les grands secteurs qui nous permette d’avoir des champions qu’il s’agisse du numérique, de l’énergie ou les autres. Ensuite il nous faut une politique commerciale cohérente en la matière. Nous ne pouvons pas simplement être un marché ouvert à tout vent, il nous faut défendre nos intérêts, élaborer nos standards et dans la politique commerciale que nous aurons à définir mettre en place une politique commerciale cohérente avec l’agenda climatique. Nous ne pouvons demander à nos industriels d’évoluer, de changer et ouvrir nos frontières à des industries elles venant du bout du monde qui ne se donnent pas les mêmes peines. C’est là aussi un élément de souveraineté. Et puis il nous faut retrouver de la souveraineté technologique et je salue la décision, la communication présentée par la Commission européenne la semaine dernière sur la 5G. On en a beaucoup parlé avec le Premier ministre MORAWIECKI qui est un élément important d’une Europe qui décide de se doter de standards, d’une même approche pour éviter d’être là aussi le théâtre de jeux d’influences et tout faire pour que les deux grands industriels qui sont les nôtres, les deux grands équipementiers aident sur les sujets les plus stratégiques à avoir une Europe souveraine sur le plan technologique. Et derrière ça veut dire que nous avons énormément à faire sur tous ces sujets et énormément à bâtir sur le plan bilatéral. Le forum que j’évoquais tout à l’heure, que la ministre de la Transition écologique et solidaire et le ministre de l’Economie ont présidé étant un levier de ce réengagement de la relation bilatérale dans le cadre d’une politique que nous voulons plus forte sur le plan industriel et économique.
Je ne veux pas être plus long ici devant vous mais je voulais ici vous redire quelques-uns des grands axes que je suis venu ici défendre. Je crois que en réengageant la Pologne dans le cadre de ceci, avec l’exigence qui est la nôtre, nous pouvons d’une part faire plus sur le plan bilatéral et d’autre part au moment où le Brexit a marqué ces derniers jours une nouvelle phase et où la Grande-Bretagne quitte notre Union européenne et bien réengager un partenaire stratégique qu’est la Pologne à son bon niveau dans l’aventure européenne c’est-à-dire celui d’un acteur de la transition énergétique et climatique, celui d’une partenaire de la relation géostratégique et de défense, celui d’un grand acteur sur le plan économique et de l’innovation. Je crois que cette nouvelle page si nous arrivons à la porter marquera à la fois sur le plan bilatéral et européen quelque chose de profondément nouveau et fécond. Quand je regarde l’histoire des dernières décennies il semble, et sous votre contrôle, qu’il y a eu pendant longtemps ici, je le redisais tout à l’heure, le sentiment d’une forme d’abandon des Européens. L’Europe, en particulier l’Europe de l’ouest, avait laissé un rideau tomber et la Pologne être dominée par d’autre. Et il y a peut-être eu après que la Pologne avait rejoint l’Union européenne le sentiment d’humiliation, de vexation. Le statut n’était pas le même, il fallait imiter un modèle qui existait, celui de l’Europe de l’Ouest, avons-nous tout à fait notre place ? Et sur ce sentiment-là, sur ces deux sentiments-là une forme d’irrédentisme, de nationalisme peut-être, de fermeture parfois a grandi. Je crois qu’il nous appartient à nous tous et toutes, et je le dis à chacun d’entre vous là où vous êtes dans ce beau pays, de montrer qu’on peut être fier de la Pologne et profondément européen. Et que ce soit ce sentiment pro-européen qui au fond préside aux destinées à venir. Ceci n’est pas écrit et je n’ai ni irénisme ni naïveté. Mais si nous montrons que par cet attachement, cet ancrage, cette nouvelle stratégie on protège mieux, on défend mieux les intérêts de la Pologne parce qu’elle est dans l’Europe et parce qu’elle est européenne je crois que nous aurons fait œuvre utile. Et je crois surtout que vous y vivrez encore plus heureux et nous y vivrons ensemble dans cette belle Europe plus longtemps. Voilà quelques-uns des mots, des convictions que je voulais échanger avec vous après cette première journée et avant de retrouver peut-être quelques-uns d’entre vous à Cracovie demain, retrouver nos étudiants. Je voulais à nouveau remercier les ministres qui m’accompagnent et les parlementaires qui font vivre cette relation, vous remercier Monsieur l’Ambassadeur, Madame, et vous remercier donc chacune et chacun d’entre vous pour ce rôle ô combien important que vous jouez chaque jour pour cette relation.
Vive l’amitié franco-polonaise, vive la République et vive la France !
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