Jean Morel, l’un des derniers héros du commando Kieffer, ce bataillon français qui avait débarqué le Jour J sur les plages de Normandie, s’est éteint il y a quelques jours.

L’appel de la mer avait saisi tout petit cet enfant de Paris, né en 1922, qui troqua à dix-sept ans son béret pour un bâchi et les brumes des bords de Seine pour les embruns de l’École des Mousses de Brest.

En 1939, c’est l’appel aux armes de son pays qui résonna en lui, et qui détermina son engagement dans la Marine nationale en tant qu’opérateur radio.

Le 18 juin 1940, enfin, retentit de Londres un troisième appel, qu’il n’entendit pas directement, comme la plupart des Français, mais qui fit basculer le cours de l’histoire, comme celui de sa vie. Refusant le fatalisme de la défaite, il quitta alors les côtes françaises à bord du cuirassé Courbet avec plusieurs camarades et rallia les troupes de la France Libre, basée à Portsmouth, où couvait le débarquement.

Fort de sa réussite aux épreuves du stage de commando et du brevet de parachutiste qu’il fut l’un des premiers à obtenir, Jean Morel devint instructeur de la Troop 8, et prépara un premier projet de destruction de la base sous-marine allemande de Lorient, qui avorta. Il s’engagea alors dans le groupe de fusiliers-marins commandos que montait Philippe Kieffer, ancien banquier reconverti en chef de guerre, qui ne voulait pas que les Français soient absents de la libération de la France.

Le 6 juin 1944, Jean Morel s’élança des barges anglaises vers la plage de Colleville-sur-Orne, dans une charge héroïque où il frôla la noyade et perdit son arme. Muni du fusil d’un camarade blessé, il gagna Ouistreham, montant à l’assaut du casino transformé en blockhaus, puis Bénouville, puis Ranville, passant de l’une à l’autre sur un pont grêlé par la mitraille allemande. Chaque fois qu’une ville était reprise, la France reprenait son souffle. Chaque percée, chaque avancée était un pas vers la victoire. Mais l’élan de Jean Morel fut brisé le 18 juillet à Bavent, lorsqu’une balle l’atteignit à la jambe, une autre au bas-ventre, provoquant son rapatriement à Londres, inconscient, entre la vie et la mort.

Perpétuel combattant, il se battit pour la guérison avec le même courage qu’il mettait à toute chose. Après une longue convalescence, il s’installa à Saint-Malo, berceau de sa famille, où il rejoignit l’anonymat, dans l’humilité du guerrier grec dont l’Iliade et l’Odyssée sont achevées. Revenu à la vie civile, devenu démineur puis électricien, il commença dans les années 80 à participer aux commémorations annuelles du Débarquement, pour reprendre le témoin du souvenir et maintenir vivante la mémoire de cette page de l’histoire qu’il avait contribuée à écrire.

Comme chacun des 177 Français qui s’élancèrent sur les plages de Normandie, Jean Morel fut en ce mois de juin 1944 un héros de la liberté et un héraut de l’avenir. Il resta fidèle toute sa vie aux valeurs du béret vert des commandos marines, symbole de courage et de droiture.

L’exemple de « P’tit Jean », comme l’appelaient ses camarades, nous enseigne à tous la révolte salutaire, le courage et l’amour de la liberté.

Le Président de la République adresse à son entourage et à ses compagnons Léon Gautier et Hubert Faure ses condoléances attristées.

À consulter également

Voir tous les articles et dossiers