Avec la disparition d'Yvette LUNDY, c'est une flamme de la Résistance et une grande voix de la mémoire qui s’éteignent.

Yvette LUNDY avait 103 ans. Née pendant la Première Guerre mondiale, cette Marnaise de naissance et de cœur s'engagea dans la Résistance dès le début de l'Occupation. La jeune institutrice fournissait des faux-papiers et des cartes d'alimentation à des prisonniers qui étaient parvenus à s’évader du camp de Bazancourt comme à des familles juives. Elle hébergeait des réfractaires du Service du Travail Obligatoire et des résistants traqués. Mais en 1944, à 28 ans, alors qu'elle donnait un cours, elle fut arrêtée par la Gestapo, interrogée, emprisonnée à Châlons-sur-Marne et internée au camp de Romainville avant d'être déportée à Ravensbrück puis à Buchenwald.

Comme beaucoup de survivants des camps, Yvette LUNDY se heurta à son retour au mur de déni que ses contemporains érigeaient comme pour tenir à distance ce passé dont ils ne voulaient plus entendre parler et ces revenants qui dérangeaient leur conscience. Alors, malgré les deux stigmates qu’Yvette LUNDY portait sur le bras – 47360 pour Ravensbrück et 15208 pour Buchenwald – ces preuves indélébiles de la tentative de déshumanisation qu’elle avait subie dans sa chair, elle s’est sentie tenue au silence, comme tant d’autres. Pendant 15 ans.

Elle trouva la force de parler en 1959 : elle eut enfin le sentiment d’en avoir le droit, et même bientôt le devoir, lorsque le Concours national de la résistance et de la déportation fut créé. Cette institutrice fit alors ce qu'elle savait faire de mieux, ce qu’elle faisait chaque jour par vocation : parler aux jeunes. Pendant près de 60 ans, inlassablement, Yvette LUNDY a témoigné. Guettant, dans le regard de ceux qui l’écoutaient, l'espoir qui la faisait tenir. Les années passaient et les générations se succédaient sur les bancs des écoles. En 2017, près d'un siècle la séparait de son jeune auditoire.

À ces élèves du XXIe siècle, elle parlait d'un temps qui était déjà loin, qui paraissait désormais ancien. Mais son témoignage conservait toute sa force d’avertissement, car il rappelait que les hommes sont capables du pire quand on les y pousse ou qu’on les y entraîne, et que les penchants de certains d’entre eux à la haine peuvent faire basculer dans l’horreur un pays entier, et avec lui, tout un continent et toute une époque.

La parole d’Yvette LUNDY était un vibrant appel à la vigilance citoyenne, pour que les heures les plus sombres du XXe siècle jamais ne se répètent. Avec la disparition de cette combattante de la mémoire, il revient désormais aux milliers de jeunes qui ont eu la chance de croiser sa route, de recueillir son témoignage, de porter le relais de son appel de paix et de fraternité.

Le Président de la République salue la vie d'engagements de cette femme d’exception, et adresse à ses proches ses plus sincères condoléances.

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