Fait partie du dossier : Déplacement en Serbie

1 mai 2024 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe d’Emmanuel Macron et de Aleksandar Vucic

Merci beaucoup Monsieur le Président, 

Je suis très heureux, comme je le disais il y a quelques instants, en arrivant, d'être aujourd'hui à Belgrade à vos côtés, comme je m'y étais engagé, pour cette première visite d'un Président français en Serbie depuis 2001. C'est long, très long. Je suis heureux non seulement de respecter la parole donnée et d'être à vos côtés aujourd'hui, mais de le faire, je crois, à un moment de notre histoire et de l'histoire de notre Europe très particulier qui, je pense, peut donner à nos échanges aujourd'hui et aux décisions que nous allons prendre un tour particulier. En effet, il y a maintenant 180 ans, nos relations diplomatiques commençaient et il y a à peine plus d'un siècle, nous étions côte à côte, et nous aurons l'occasion tout à l'heure de rendre plusieurs hommages, durant la grande guerre. Au fond, l'histoire qui unit nos peuples, nos pays, est ancienne. Cette histoire se fit bien souvent au nom d'un certain rapport à la fierté, vous l'avez rappelé à juste titre, et par un attachement extrême à la liberté.

Nous rendrons hommage dans quelques instants ensemble aux combattants serbes et français auxquels nous devons tant. Je suis très heureux aussi de pouvoir être à vos côtés au parc de Kalemegdan tout à l'heure pour pouvoir rendre cet hommage et dire ce que cette histoire signifie. Mais en disant cela, je veux rappeler l'amitié profonde, enracinée, qu'il y a entre nos deux pays, et que cette amitié, c'est celle-là même qui doit nous rendre capables de surmonter toutes les épreuves et parfois toutes les incompréhensions qu'il y a pu y avoir. Nous y avons été confrontés, nous en avons parlé là aussi de manière très directe, à la fin des années 1990, mais nous nous tenons ensemble aujourd'hui pour nous souvenir aussi de ce qui a une force sans pareil, cette profondeur historique, et pour dire aussi combien nous sommes convaincus, l'un et l'autre, que cette amitié profonde doit permettre de dire la vérité, de revenir sur des malentendus et de bâtir le présent et l'avenir.

Notre avenir se construit par et à travers cette relation. Je veux vous remercier, Monsieur le Président, pour la qualité de votre accueil, à l'image de l'hospitalité serbe dont je sais la générosité que vous venez de rappeler, et cette générosité, c'est celle aussi dont je vous remercie, vous qui avez tôt décidé après l'incendie de Notre-Dame de Paris en faisant un don conséquent à notre cathédrale. Nous avons eu, le Président l'a rappelé à l'instant, plusieurs sujets de discussion, d'abord sur notre relation bilatérale. Je ne reprendrai pas tout ce qu'a dit le Président à l'instant, et j'y souscris complètement. Notre relation bilatérale doit trouver une dynamique nouvelle, c'est ce que nous sommes en train de bâtir, et je crois que plusieurs des accords qui ont été signés aujourd'hui, des contrats signés aujourd'hui comme ceux signés durant les derniers mois, en attestent : confiance et exigence au rendez-vous de la part de nos industriels pour ce qui est de l'aéroport, avec Vinci. Sur de nombreux contrats que nous avons signés aujourd'hui, sur le plan économique, c'est un véritable engagement que nous souhaitons développer. Nos grandes entreprises françaises sont présentes en Serbie depuis plusieurs années, mais nous souhaitons renforcer cette présence. C'est plus de 11 000 salariés qui sont présents en Serbie et qui contribuent aux échanges commerciaux, à la dynamique économique de votre pays. La France a été, l'an dernier, l'un des plus grands investisseurs en Serbie, entre autres avec la concession de l'aéroport de Belgrade. Je souhaite que nous poursuivions dans cette dynamique et, vous l'avez évoqué, avec l'ambitieux projet du métro de Belgrade, qui est pour moi très structurant, avec aussi beaucoup d'autres projets que nous avons évoqués et qui doivent avoir un effet d'entraînement sur les entreprises françaises, et s'y ajoute désormais l'intervention actée de l'Agence française de développement en Serbie qui renforcera significativement le soutien de la France au développement économique et social de votre pays.

Nous souhaitons aussi apporter, et la délégation qui est à mes côtés le montre, un engagement très fort en matière de coopération, de ce qui fait la structure d'une relation, de coopération juridique – nos professions du droit sont à mes côtés pour sceller ces partenariats – de coopération en matière d'innovation sociale, c'est ce que nous souhaitons faire aussi à travers plusieurs initiatives qui seront signées, et autour de la Serbie avoir une série d'initiatives et d'entrepreneurs sociaux dans toute la région, qui est un modèle auquel nous croyons beaucoup, de développer nos coopérations en matière académique, scientifique, de les développer aussi entre nos artistes, car je crois beaucoup  à la capacité que nous pouvons avoir ensemble de bâtir un nouvel imaginaire européen et de le faire dans une région où le rôle que nos artistes peuvent jouer est, à mes yeux, extrêmement important. Nous aurons l'occasion d'y revenir en particulier demain matin, durant ce déplacement. La délégation qui m'accompagne montre aussi l'engagement politique de la France. Plusieurs parlementaires nous accompagnent avec la ministre, ce qui montre notre volonté non seulement de faire vivre avec force nos groupes d'amitié, mais qui parfois, sur le plan très personnel, scellent les liens qu'il y a entre nos pays et la volonté de bâtir une communauté de destins. Je remercie nos parlementaires de m'accompagner dans ce travail et cet engagement.

Nous avons également évoqué notre coopération dans le domaine de la sécurité, parce que la stabilité de l'Europe se joue en grande partie dans cette région, et la Serbie est un partenaire fiable pour la France dans la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée en particulier. Et je veux tout particulièrement vous remercier, Monsieur le Président, pour votre engagement dans la lutte contre la prolifération des armes légères dans le cadre de l’initiative franco-allemand lancée en 2017. Et c’est dans ce même cadre que nous souhaitons aussi renforcer notre coopération de défense. Vous l’avez évoqué, l’accord signé aujourd’hui est une première mais il montre que cette fraternité d’armes que nous avons vécue, nous souhaitons la traduire en actes, par des coopérations renforcées et la volonté aussi de donner des réalités à des choix européens, choix européens bien sûr parce qu’au-delà de cette relation bilatérale qui pour nous compte beaucoup et à laquelle nous souhaitons donner un tour nouveau, la Serbie est une grande nation européenne. Et je le dis ici avec beaucoup de force.

Au moment où certains, où que ce soit d’ailleurs sur le globe, pourront avoir le sentiment que cette région doit être en quelque sorte pour les décennies à venir, ou devrait être le théâtre des influences des uns et des autres, vous êtes attachés à votre indépendance et à votre souveraineté et je suis attaché à la souveraineté des nations que nous respectons. C’est pourquoi je crois très profondément que l’ancrage de la Serbie en Europe et que la responsabilité de l’Europe à l’égard de la Serbie, c’est cette histoire commune qui sera décisive pour les mois et les années à venir, et c'est celle sur laquelle nous avons beaucoup débattu.

Alors, il y a bien évidemment le sujet du processus d'adhésion à l'Union européenne. La Serbie y est engagée. La Serbie a vocation à rejoindre l'Union européenne et vous avez toujours eu l'esprit de responsabilité et la sagesse de dire qu'on ne s'est pas engagé sur une date au moment où nous serons prêts et vus comme prêts parce que vous avez vu là un moyen de traduire des réformes importantes, de montrer un engagement, de dessiner une ligne d'horizon historique mais aussi de porter des réformes qui étaient courageuses et indispensables.

Et l'Union européenne a ses exigences et nous en avons également parlé ensemble, de réformes économiques, l'Etat de droit et de réformes structurelles profondes sur lesquelles le dialogue est constant, et de vérité. Je reconnais au Président une grande franchise et une volonté de faire très forte. Moi j'ai toujours eu une position très claire sur ce sujet. Je pense aujourd'hui que l'Union européenne est mal rangée. Je vous le dis en toute sincérité. Je pense que l'Union européenne fonctionne très mal à 28 et donc je pense qu'il faut avant, et c’est tout à fait compatible avec le processus dans lequel vous êtes engagé, il faut que nous, nous fassions très rapidement les choix pour avoir une Union européenne qui fonctionne déjà beaucoup mieux, qui sache prendre plus vite des décisions et être une vraie puissance souveraine quand elle regarde la Chine ou les États-Unis d'Amérique. Et au fond, ceci pour vous dire que nous avons les uns et les autres du travail à faire. Mais nous avons l'un et l'autre beaucoup d'énergie et une volonté de nous atteler à ce travail. Je pense que si la Serbie n'était pas engagée dans cette route et si l'Europe n'avait pas cette force justement, et ce dialogue, nous ferions collectivement une grande faute et donc je serai toujours à vos côtés pour œuvrer dans le sens de ce rapprochement avec un esprit de responsabilité, un dialogue de vérité parce que je pense que vous vous êtes attelé aux réformes indispensables pour ce faire.

Et donc parallèlement aux réformes que la Serbie devra mener pour rendre son adhésion possible, l'Union européenne devra se réformer pour être prête à l'accueillir.

Dans ce cadre, nous avons évidemment parlé de la question du Kosovo. Vous l'avez abordée vous-même, on l'a fait avec beaucoup de franchise, de vérité, de courage pour ce qui vous concerne parce que ce sujet est un sujet épineux pour votre pays, son histoire comme son présent. Nous avons eu avec plusieurs autres de nos homologues une réunion il y a plusieurs semaines à Berlin et conformément aux engagements pris, dans quelques semaines j’organiserai dans un format réduit une réunion spécifiquement dédiée avec les dirigeants kosovars, vous-même, votre première ministre et la chancelière. Et sur ce sujet je veux ici redire l'engagement de la France pour qu’un accord global et pérenne soit trouvé.

Nous vivons un moment de regain de tension et parfois ces tensions, il faut bien le dire, sont entretenues de part et d'autre, par des extérieurs, si je puis dire, qui ont intérêt à ce qu'il n'y ait pas d'accord trouvé. Moi je sais une chose. C'est que l'Europe est ce précipité de complexité. Je cite souvent Umberto Eco qui disait : « la langue de l'Europe c'est la traduction », parce que je crois très précisément que la Serbie et le Kosovo sont européens. Je pense qu'on a besoin d'aider à traduire les malentendus et les lever mais pas entretenir les peuples, surtout lorsqu'ils vivent si proches, dans l'idée que la fierté nationale, ce serait de toujours tourner le dos au compromis. Et comme je vous l'ai dit, je vous ai aussi écouté vous exprimer ici publiquement et le dire avec beaucoup de courage : la capacité à porter la fierté de son pays, son indépendance, sa force mais à savoir bâtir avec ses voisins un compromis est une qualité indispensable. Et je pense que c'est la force des Européens.

Et donc si l'Europe veut être forte dans le moment qu'elle vit aujourd'hui, elle le sera en s'engageant et en aidant la Serbie et le Kosovo à trouver cet accord. Je pense que c'est tout particulièrement notre responsabilité – en tout cas je la vis comme tel – que de vous apporter le soutien indispensable aux compromis et à la stabilité de la région. Parvenir à un accord suppose que chaque parti s'abstienne de tout geste unilatéral et non constructif et à cet égard, les développements des dernières semaines sont préoccupants. Et les décisions contraires aux engagements pris doivent être abrogées. Il appartient ensuite aux deux parties et à elles seules de déterminer le contenu d'un accord et d'examiner toutes les options qui peuvent conduire à un règlement global et définitif.

Mais je veux le redire ici : la France sera pleinement engagée à soutenir et à bâtir avec l'Allemagne, et dans le cadre de la médiation européenne, non seulement la reprise du dialogue mais d'un dialogue exigeant visant à trouver dans les mois qui viennent une solution concrète. En tout cas je m'y engage personnellement, vous le savez. Et je m'y suis engagé. Je m'y engage parce que je crois dans l'avenir de cette région. Je m'y engage par respect pour votre pays et pour votre peuple. Je m'y engage aussi avec une certaine idée des dettes réciproques qui sont les nôtres mais je m'y engage aussi parce que je crois dans l'Europe. Et quiconque croit dans l'Europe ne peut accepter la fatalité de conflits indécidables et interminables en Europe ou l'idée que ces conflits devraient être arbitrés par des puissances non européennes pour toute éternité. Et donc notre réengagement, c'est aussi le signe d'une souveraineté européenne à laquelle nous croyons et qui se tiendra à vos côtés. Je vous remercie, Monsieur le Président, une fois encore pour votre accueil notre échange très fructueux, vous l'avez dit, et je prie la Première ministre et le gouvernement de nous excuser de les avoir fait attendre. Nous nous retrouvons, je crois, juste après. Mais c'était pour la bonne cause, si j'ose dire. En tout cas merci à vous pour votre accueil et merci à votre peuple pour son accueil et son hospitalité. 

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