20 novembre 2018 - Seul le prononcé fait foi
Discours du Président de la République à la communauté française Belgique
SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI.
Bruxelles Bozar – Mardi 20 novembre 2018
Madame, Monsieur les Ministres,
Madame l’Ambassadeur,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs, mes chers compatriotes,
Je suis très heureux d’être parmi vous aujourd’hui, non pas parce qu’il s’agirait simplement d’une tradition de visiter les Françaises et les Français lorsqu’on se déplace dans un pays, même si j’essaie de le faire au maximum, mais parce que tout particulièrement ici, la présence française n’a rien d’innocent. Ne vous sentez pas coupables pour autant. D’abord, parce qu’elle est nombreuse, elle s’est parfois installée depuis plusieurs générations. Ensuite, parce qu’on parle d’une communauté d’étudiants, d’entrepreneurs et d’entrepreneuses, d’artistes et puis de femmes et d’hommes qui font l’Europe. Parce que vous êtes beaucoup ici, dans cette salle, à travailler pour l’Union européenne, quelles qu’en soient les institutions.
Et donc, visiter les Françaises et les Français qui vivent, travaillent, aiment, étudient en Belgique et plus particulièrement à Bruxelles, c’est un peu partager de ce destin commun et c’est pourquoi je suis très heureux d’être parmi vous aujourd’hui. En effet, vous êtes ici les visages de la présence française en Belgique qui est l’une des plus grandes dans le monde. Beaucoup d’entre vous ont la double nationalité et cette présence, comme je le disais à l’instant, est diverse. Et je veux vraiment remercier toutes celles et ceux qui la font vivre, vous remercier, Madame l’Ambassadrice, pour votre engagement et l’ensemble des services auprès de vous, les services consulaires, nos enseignants, nos écoles, qu’il s’agisse des établissements d’Uccle, d’Anvers, la sécurité qui est aussi assurée pour la communauté française ici présente.
Remercier les conseillers consulaires engagés tout au long de l’année auprès de vous, Madame l’Ambassadrice, le consul général et nos consuls. Et puis remercie vos élus et tout particulièrement votre député, Pieyre-Alexandre ANGLADE, pour son engagement à vos côtés.
Vous êtes des acteurs économiques, culturels, sociaux importants, des entreprises, associations, organisations qui faites vivre justement cette relation et nous en avons bien besoin.
Ensuite, vous visiter, c’est aussi rendre compte de ce que nous venons de faire durant ce voyage. En effet, depuis le Président POMPIDOU, il n’y avait pas eu de visite d’Etat à proprement parler en Belgique, ce qui peut paraître surprenant mais ce qui montre que, comme je le disais hier soir, nous avons trop considéré entre Européens que nous retrouver de manière régulière autour d’une table au Conseil suffisait à se connaître. Non. Et donc nous avons échenillé durant ces deux journées de visite d’Etat cet agenda que vous faites vivre qui est celui de la relation bilatérale et transfrontalière.
La frontière entre la Belgique et la France, c’est la plus longue frontière métropolitaine pour notre pays.Et donc nous avons beaucoup de sujets d’importance que font vivre aussi nos élus, nos parlementaires et je veux remercier les parlementaires qui m’accompagnaient durant ce voyage, qui nous accompagnaient parce qu’ils font vivre, qu’il s’agisse des Hauts-de-France ou du Grand Est, cette relation transfrontalière à travers beaucoup de partenariats, d’investissements croisés, de projets d’infrastructures – et nous en avons signés d’importants –, d’engagements portuaires – le canal Seine Nord –, les projets logistiques, les projets de partenariats en matière de recherche – nous en avons signé hier –, en matière d’investissements économiques croisés. J’ai pu voir la vitalité, qu’elle soit wallonne ou flamande, à cet égard et ce que nous pouvons faire encore davantage.
Vous êtes les acteurs de cette relation bilatérale sur le plan économique, sur le plan de l’investissement.Nous sommes des partenaires essentiels et nous souhaitons encore développer cette relation sur le plan du transport, sur le plan de la culture et je remercie aussi les femmes et hommes de culture qui m’accompagnaient et les entrepreneurs culturels qui m’accompagnaient parce que nous aurons à faire vivre lors du prochain Salon du Livre l’Europe, Monsieur le Président, et nous aurons à faire vivre en particulier aussi la littérature, l’art, la culture belge en France et cette relation est extrêmement importante.
Et puis c’est évidemment en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme que nous avons fortement renforcé les choses, d’abord, à travers des projets concrets en matière de sécurité et de défense. Nous avons parfois eu des déconvenues pour des projets commencés depuis plusieurs années mais vous verrez dans les prochains mois que nous ne répliquerons pas ces tâtonnements. Nous avons aussi beaucoup amélioré la coopération en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Nos deux pays ont été frappés par des attaques terroristes en leur sein et nous avons nettement amélioré durant l’année qui vient de s’écouler la coopération entre nos ministères de la Justice et de l’Intérieur pour démanteler des réseaux organisés entre nos pays, des réseaux de passeurs, de trafiquants qui nourrissent l’hydre terroriste et qui nous ont frappés.
Mais ces projets, ce sont aussi ceux qui nous permettront d’envisager l’avenir. J’étais ce matin à Molenbeek avant d’aller à l’université de Louvain et j’ai pu voir la vitalité aussi de nos coopérations, des projets qui sont portés sur le terrain et qui nous permettront ensemble de regarder l’avenir.
Ensuite, le message que je voulais vous adresser, c’était vous donner quelques nouvelles du pays. Je vous ai parlé de vous, je vous ai parlé de la relation bilatérale et transfrontalière, mais il y a la France. Beaucoup d’entre vous sont parfois partis pour ce qui était à l’époque des bonnes raisons, je crois qu’elles le sont de moins en moins, et je suis convaincu au contraire que dans ces cas-là, vous pouvez et vous devez revenir.Beaucoup sont partis et sont encore là parce qu’ils ont des opportunités, parce qu’ils ont trouvé l’amour, parce qu’ils sont heureux là et c’est l’Europe. Et mon souhait est que, simplement, il n’y ait aucun départ contraint ou aucun exil forcé.
Alors, en France, nous avons commencé depuis un an et demi à conduire des réformes profondes et nous allons poursuivre ce mouvement au même rythme. L’objectif, le sens profond, la finalité de ce que nous sommes en train de faire, quelle est-elle ? C’est de refaire de la France une grande puissance économique, sociale, environnementale et, ce faisant, d’en refaire une grande puissance d’inspiration pour l’Europe tout entière. Je crois en effet très profondément que ce que notre pays a vocation à être, à faire, c’est être une puissance. C’est ce que nous avons décidé sur le plan militaire en réinvestissant massivement. C’est ce que nous souhaitons sur le plan géopolitique, là aussi, en réinvestissant le débat, le dialogue européen et international. Mais ceci n’existe, n’a de place, n’a de réalité que si nous décidons à nouveau d’être une puissance pour nous-mêmes et donc d’aller au bout de ce travail de redressement moral, éducatif, économique que nous avons entrepris. Ce n’est pas un projet technique, c’est un vrai projet politique auquel je crois profondément.
Alors, depuis un an et demi, le Gouvernement d’Edouard Philippe a mené des réformes très importantes, conformément aux engagements que j’avais pris devant les Françaises et les Français. Commencer à réinvestir et rétablir le projet éducatif avec l’obligation scolaire dès 3 ans, avec des classes dédoublées, c’est-à-dire réduites à 12 élèves, dans les zones les plus difficiles du pays en CP-CE1, pour conjurer ce destin où, dans notre pays, 20 % des élèves ne savaient pas bien lire ou écrire ou compter arrivés en CM2.
Réinvestir dans l’orientation et le travail au collège pour, là aussi, conjurer les inégalités familiales, améliorer l’éducation et l’orientation dans le premier cycle universitaire avec ce fameux Parcoursup.Réinvestir dans le supérieur parce que nous en avons besoin et que nous avons chaque année 50.000 étudiants de plus pour bâtir cette Nation éducative.
Mais elle ne s’arrête pas là parce que le défi qui est le nôtre collectivement pour embrasser le monde qui vient, c’est celui des compétences et de la formation. Notre pays, comme tous les pays, change et chacun doit y trouver sa place. Et c’est pourquoi nous avons décidé aussi de transformer en profondeur – c’est l’objet d’une loi promulguée il y a quelques semaines – la formation continue, l’apprentissage et l’alternance pour que nos jeunes qui sortent du système éducatif ou l’achèvent, mais pour que les Françaises et les Français tout au long de leur vie puissent réapprendre lorsque c’est nécessaire.
Nous sommes dans des sociétés apprenantes et l’idée qu’à 25 ans ou 20 ans, on a tout appris pour la vie est une idée aussi erronée que celle qui voudrait qu’on rentre dans une entreprise où on passera sa vie tout entière. C’est terminé. Et donc nous avons décidé de réformer notre organisation collective en la matière, ce sont les lois passées qui vont se décliner sur le terrain avec les branches professionnelles pour simplifier ces formations, pour permettre qu’il y ait plus d’exigence, qu’elles soient évaluées maintenant par un organe unique de manière beaucoup plus claire et indépendante, pour que l’apprentissage, l’alternance soient décidés dans ces règles par les branches professionnelles et que ce ne soit plus l’Education nationale qui impose des règles qui ne permettaient pas de déployer pleinement ces filières.C’est pour ça que la France avait beaucoup moins de résultats, par exemple, que l’Allemagne entre autres.
Et en même temps que nous faisons cette réforme, nous investissons massivement : ce seront 15 milliards d’euros investis dans la formation des jeunes décrocheurs, des chômeurs de longue durée, de toutes celles et ceux qui ont besoin d’une formation tout au long de leur vie en plus de l’université. Nous avons 2 millions de Françaises et de Français ainsi à reformer si on veut qu’ils puissent retrouver un travail compte tenu des bouleversements de notre société, de la transformation numérique et environnementale qui changent en profondeur les compétences requises.
Le deuxième pilier après l’éducation, c’est le travail. Dès l’été 2017, conformément à mes engagements, nous avons négocié très rapidement, puis porté ces fameuses ordonnances qui ont été promulguées en début d’année. L’ensemble des textes nécessaires est pris, ils ont été complétés par une série de dispositions qui permettent de transformer profondément la logique de l’organisation du marché du travail en France et de permettre d’avoir des équilibres qui sont définis au niveau de la branche et de l’entreprise et beaucoup moins au niveau de la loi. Fini les débats théoriques sur une durée légale du temps de travail qui ne serait définie que par la loi. Il y a un référent qui est donné mais on peut y déroger par le dialogue de branche, d’entreprise et ainsi, pour de nombreuses règles qui nous permettent d’épouser bien davantage les cycles économiques, les variations et d’être plus adaptérs à l’évolution de notre société et d’éviter que nous soyons, la France, l’un des pays qui a détruit le plus d’emplois lors de la dernière crise parce que nous avions des lois prétendues protectrices mais qui, à force d’être protectrices, étaient devenues rigides et dont la rigidité avait une principale victime, les Françaises et les Français les moins bien formés ou les plus jeunes.
Et cette transformation maintenant, elle peut se décliner branche par branche, territoire par territoire pour avoir des résultats. Elle sera complétée dans les prochaines semaines par une réforme en profondeur du système d’indemnisation du chômage parce que nous allons changer celui-ci, tenant compte de ces évolutions et de l’investissement dans la formation continue, pour avoir un système d’indemnisation où il y a davantage de contrôles, où on ne peut plus refuser de manière répétée des offres d’emploi qui correspondent aux compétences et où, en même temps, on oriente mieux les demandeurs d’emploi vers des formations s’ils n’ont plus des compétences requises pour obtenir un véritable emploi dans le pays.
Cette négociation en cours sera menée à bien et l’Etat prendra ses responsabilités en début d’année prochaine pour justement permettre d’avoir un système qui est à la fois plus juste et plus efficace pour notre pays parce que le cœur du projet qui est le nôtre repose sur le mérite et le travail. Il n’y aura pas de redressement français, il n’y aura pas de réussite sur le pouvoir d’achat ou quelque autre débat s’il n’y a pas davantage de travail et de production, c’est une évidence, sinon nous avons des débats sans fin sur des quotités finies qui consistent à prendre à l’un pour répartir à l’autre. Si on n’augmente pas la taille du gâteau, il est difficile d’avoir un débat dépassionné sur sa répartition et c’est ce débat que nous avons depuis 30 ans trop souvent.
Et donc cette deuxième bataille, celle du travail, elle est pour moi essentielle. Nous avons pris les grandes dispositions qui permettent l’évolution du marché du travail français. Nous avons maintenant un travail concret sur le terrain à faire, permettant de tirer tous les fruits de cette réforme et de celle de la formation professionnelle, un investissement avec les régions et les filières professionnelles pour recréer des compétences et de l’emploi et le décliner partout sur le territoire pour recréer de l’emploi industriel et de l’emploi dans le digital.
Alors il y a évidemment toutes les filières qui s’inscrivent derrière cette ambition macro-économique, de l’agriculture en passant par les services et l’industrie. Je ne veux pas être ici trop long et je ne vais pas toutes les égrainer mais j’ai une certitude, c’est que cette stratégie, au-delà des lois qui sont déjà passées, passe par deux priorités : un investissement dans le capital humain – ce sont ces réformes en matière d’éducation que j’évoquais – et un investissement dans le capital productif du pays qui est aussi les lois fiscales que nous avons décidées au début du quinquennat. La loi supprimant, comme je m’y étais engagé, l’impôt sur la fortune pour tout ce qui était réinvesti dans l’économie productive, la loi permettant de réduire la taxation de tous les revenus du capital et de mettre une Flat Tax à 30 % tout compris nous ont remis dans le jeu des nations européennes à un niveau plus que compétitif et permet de manière tangible, mesurée, une réaccélération de l’investissement dans le capital, y compris dans le capital industriel. S’il n’y a pas cet investissement, il ne peut pas y avoir de développement et de création d’emploi et il ne peut pas y avoir d’émancipation économique dans notre pays.
Les fondements sont donc là. C’est maintenant une pleine confiance, une pleine mise en œuvre et une action résolue sur le terrain qui sera conduite par le Gouvernement pour mener ce projet et réussir cette transformation.
Le troisième pilier, après l’éducation, après le mérite et le travail, c’est ce que j’appellerai la transition, les transitions. Nos sociétés sont en train de se transformer et on ne peut pas dire qu’on doit en quelque sorte fermer la parenthèse d’une crise. Depuis que je suis conscient, on me parle d’une crise. Nous ne referons pas les Trente Glorieuses. La question pour l’ensemble d’ailleurs des grandes démocraties européennes, c’est de savoir comment on conduit nos pays pour être ces grandes puissances que j’évoquais, économiques, sociales, environnementales. Et donc, conduire des transitions profondes pour produire différemment et protéger différemment.
Nous avons lancé un travail ambitieux pour mener cette transition environnementale indispensable, conforme à nos engagements internationaux et indispensable pour avoir un modèle de production durable. Cela passe par la fermeture de la totalité des centrales thermiques à charbon. Nous serons le seul pays développé à le faire et ce sera dans ce quinquennat. Je ne stipule pas pour dans 10 ans ou 15 ans, on l’a trop fait. Ce sera d’avoir une politique de réduction massive des émissions pour les particuliers, les entreprises et la production d’énergie, avec les bonnes incitations. Et donc une politique d’accompagnement qui s’adapte. C’est tout le débat que nous avons en ce moment, qui prend parfois des tours passionnés mais qui implique beaucoup de dialogue, beaucoup aussi de transparence et beaucoup d’esprit de responsabilité, ce dont parfois dans notre pays, nous avons manqué, il faut bien le dire.
Nous aimons les débats théoriques et nous délaissons trop souvent les travaux pratiques et ceux-là même qui étaient pour les débats théoriques, on ne les voit plus quand il faut mettre les mains à la paillasse. Les transitions sont dures parce qu’elles supposent de changer les habitudes et en aucun cas la transition écologique ne saurait se faire au détriment de la transition sociale et ne saurait se faire au détriment des plus fragiles. Et donc il y a tout un travail d’accompagnement parce qu’il faut bien le dire aussi, pendant des décennies, on a laissé s’installer dans notre pays une situation où, avec la précarité sociale, existait la précarité énergétique, où les gens les plus modestes habitaient des passoires thermiques et roulaient dans les véhicules les plus polluants et les plus consommateurs. Ça ne s’est pas découvert il y a six mois.
Et donc, en même temps qu’on fait cette transition, il faut expliquer ce cap à tout le monde, le porter, accompagner, avoir les bons dispositifs, mais je vous le dis avec beaucoup de clarté ici aussi, ne pas l’abandonner. Si on abandonne le cap de cette transformation et de cette transition, on donne raison ou bien aux lobbies, aux conservateurs qui ne voudraient rien bouger et voudraient produire comme on l’a toujours fait ou bien aux plus iréniques qui considèrent que les belles âmes valent mieux que les réalisations les plus laborieuses. Je crois que l’avenir de notre pays ne se construit ni chez les uns ni chez les autres mais dans ce que vous avez à conduire et ce que vous faites les uns et les autres dans votre quotidien, c’est-à-dire justement transformer cette matière complexe qui est un pays, un peuple avec ses paradoxes, ses ambitions. Et c’est ça qu’il nous faudra conduire, cette transition écologique, solidaire. Et je crois que la France peut le faire, elle en a les moyens, nous en avons la volonté. Ce ne sera pas un chemin aisé mais ça suppose l’engagement de toutes les forces vives du pays.
Et donc nous allons poursuivre ce chemin pour à la fois produire différemment, pour accompagner cette transformation, pour être à la hauteur de nos responsabilités environnementales et c’est ce que souhaite là aussi notre peuple, pour produire différemment notre alimentation. Je crois très profondément à une ambition alimentaire et agricole française mais qui, là aussi, suppose progressivement de sortir des phytosanitaires, suppose progressivement de changer les modes de production en restant compétitif, ce qui est possible si on accompagne, si on a une vraie stratégie et si on met de l’intelligence collective plutôt que des passions tristes et des peurs ensemble. Ce défi est essentiel.
C’est le même défi que nous avons à conduire sur le plan de la transition digitale, le numérique transformant en profondeur notre manière de produire, de consommer, de nous comporter. Et là aussi, nous avons des investissements à mener. J’ai pris des engagements clairs. Tout le pays sera équipé en fibre et en connexion mobile avant la fin de ce quinquennat, ce qui est là aussi une gageure quand on voit la taille et le maillage de la France. Et derrière cela, nous allons réduire progressivement la fracture numérique qui existe avec certains territoires et nous réinvestissons massivement dans nos priorités.C’est la stratégie intelligence artificielle que j’ai présentée en février dernier et qui est pour moi essentielle pour la réussite de notre pays parce que cette transition, elle transforme aussi la manière de produire dans tous les domaines, elle vient bousculer toutes les frontières et elle suppose un engagement en matière d’enseignement, d’investissement dans la recherche et le développement, recherche fondamentale comme appliquée et organisation de notre tissu productif.
Enfin nous avons une transformation importante à mener qui est celle de la cohésion nationale.Evidemment, le projet éducatif y joue un rôle essentiel. Si on ne forme pas bien les élèves, il y a peu de chances qu’ils se sentent comme étant des citoyens à part entière. Cela passe par la mise en œuvre – et nous allons commencer à l’expérimenter dans les prochains mois – du service national universel que je veux comme une matrice de la citoyenneté, avec une partie obligatoire, puis une partie d’engagement pour l’ensemble de nos concitoyens.
Ça passe par un projet culturel ambitieux que nous avons commencé à déployer qui remet au cœur du projet du pays la place des auteurs, d’un imaginaire français et européen et qui replace aussi au cœur de ce projet toute une politique à la fois de création et d’accès à la création. Je ne veux pas être ici trop long et donc je ne peux la détailler mais c’est pour moi un élément fondamental de cette politique de cohésion nationale.
Cette politique de cohésion nationale, c’est aussi une politique des territoires et de l’émancipation économique et sociale qu’il nous faut repenser. Je me suis refusé à avoir une énième politique où on crée des zones dans notre pays et il faudrait mettre dans les unes beaucoup d’argent public, dans d’autres y renoncer. Il faut des péréquations parce qu’il y a des territoires plus avantageux que d’autres, il faut de la justice territoriale, mais je crois très profondément dans une politique d’émancipation des individus et dans une politique qui redonne, quels que soient la famille, le quartier où l’on est né, la possibilité de réussir. Et qu’il s’agisse d’école, de culture, d’entreprenariat, c’est pour moi le cœur de cette politique que nous devons conduire.
Nous avons commencé là aussi à en jeter les bases et nous la poursuivrons mais ce qui désagrège notre pays, ce qui a pu désagréger certains quartiers, c’est l’idée que lorsqu’on est né quelque part ou que lorsqu’on vit avec telle adresse ou tel prénom, on n’a pas les mêmes chances de réussir qu’ailleurs. C’est ça qu’il faut conjurer et non pas s’assurer qu’on vit un peu mieux à cette adresse ou avec ce nom de famille.
Enfin ça suppose la transformation d’une ambition d’intégration sous toutes ses formes que nous allons poursuivre avec des choix importants sur l’organisation des religions dans notre pays que j’annoncerai en début d’année prochaine après un très long travail. Je sais qu’il y a des gens qui voudraient, qui auraient voulu que j’aille beaucoup plus vite sur ce sujet. Il est périlleux et donc j’ai d’abord voulu beaucoup écouter, entendre, mais nous devons là aussi changer nos habitudes. Pour s’assurer qu’on peut croire ou ne pas croire, on peut croire à la religion que l’on souhaite et on peut y croire avec force, mais qu’il faut s’assurer beaucoup mieux qu’on ne le fait aujourd’hui que les lois de la République sont, de manière absolue et inconditionnelle, partout respectées.
Et enfin ce projet de cohésion passe par un projet de sécurité dans notre pays et c’est pourquoi j’aurai l’occasion dans les prochaines semaines de lancer des opérations très fortes. Mais nous avons d’ores et déjà décidé de réinvestir dans les fonctions régaliennes de l’Etat, indispensables pour vivre dans une société plus sûre, ce qui suppose de changer notre politique pénale et de Justice, je l’ai annoncé au mois de mars dernier de manière détaillée. Ce qui suppose aussi de redonner des moyens sur le terrain, de simplifier les choses et de permettre de mieux protéger nos concitoyens partout sur le territoire.
Je brosse là grands traits un projet d’ensemble mais au fond, autour de ce projet d’éducation, de travail et de mérite, de transitions au pluriel et de cohésion nationale, je crois que je vous ai dit là un peu du cœur du projet que je veux porter pour notre pays et qui permettra d’en faire une vraie puissance éducative, économique, sociale, environnementale pour le siècle qui advient.
Mais tout cela n’est possible et n’a de sens que si grâce à cet effort, par la crédibilité retrouvée par notre pays dans le concert des nations européennes, nous avons une politique européenne ambitieuse.
Et l’Europe aujourd’hui, je pèse mes mots, est au bord du précipice. Elle est au bord du précipice parce que, si nous avons réussi à éviter le pire au moment de la crise économique et financière comme au moment de la crise migratoire, nous n’avons pas réussi à redonner une impulsion, un sens, un cap au projet européen. Pas encore. Il y a un peu plus d’un an, j’ai fait quelques propositions en ce sens. Nous avons ensuite obtenu un accord franco-allemand à Meseberg qui en reprend une partie. Nous devons œuvrer pour le mettre en œuvre mais il nous faut retrouver un souffle bien supérieur ensemble et regarder aussi les périls qui sont face à nous.
Je vous le dis avec beaucoup de franchise, je pense que nous pouvons, nous, Français et Européens, avoir un rôle historique en la matière. D’abord, parce que si la France n’avait qu’à se transformer ou se réformer pour elle-même, elle ne le ferait sans doute pas. Je l’ai souvent dit, ça a été largement commenté, déformé. Beaucoup ont voulu mal le comprendre. Je suis fier d’être Français et je suis le premier à ne pas vouloir changer les choses quand il est permis de ne pas les changer. Et lorsque je dis que la France n’est pas un pays luthérien, je n’insulte pas les Français, je suis le premier à m’en réjouir, je ne le suis pas moi-même. Mais c’est une réalité que de dire que nous ne sommes pas un pays qui s’ajuste au fil de l’eau, avec des réformes savamment pesées et la capacité d’un consensus permanent. Soyons lucides sur nous-mêmes, nous ne sommes pas un régime parlementaire qui évolue par petites touches. Nous sommes un pays qui se cabre parce que nous n’aimons pas le changement imposé mais qui sait mener des transformations profondes quand le sens de l’Histoire est là et que le projet est plus grand que lui.
Je crois très profondément que la France est l’un de ces peuples qui ont le sens de l’universel et qui ont, lorsqu’ils sont confrontés à leurs défis, en capacité d’apporter des réponses à la hauteur de l’Histoire.C’est pourquoi je crois que parce que nous sommes à ce moment de notre Histoire nationale et européenne, nous devons et nous pouvons conduire ces grandes réformes. Et ce moment européen que nous vivons est indispensable et je conclurai là-dessus. Nous aurons dans quelques mois à nous prononcer pour les élections européennes. Ces élections européennes ne sont pas innocentes. En France, il y a près de cinq ans, le parti qui a gagné les élections européennes est le Front national, beaucoup l’ont oublié. Et nous voyons depuis partout monter les extrêmes, les partis nationalistes, ceux qui veulent non pas discuter de savoir s’il faut un peu plus de social, un peu plus d’environnement, un peu moins de ceci ou de cela. Ceux qui veulent rompre avec l’Europe et revenir à une logique nationale sont en train de monter dans tous les pays.
Et donc le premier combat des prochaines élections européennes, il est entre ceux qui croient à l’Europe et ceux qui n’y croient pas. Et si nous refusons de mener ce combat ou si nous faisons mine de dire : celui qui ne veut plus d’Europe est autant mon ennemi ou mon opposant politique que celui qui n’a pas tout à fait la même vision de l’union bancaire ou de ceci ou de cela, nous faisons une erreur fondamentale, une faute historique ! Nous sommes les complices d’un projet de démantèlement de l’Europe et il a commencé, il est autour de la table du Conseil, il est là ! Pourquoi nous avons progressivement abandonné l’esprit communautaire ? Pourquoi, progressivement, nous nous sommes enfermés dans des sommets qui n’en finissent pas et qui remplacent l’esprit d’intérêt commun qui doit vivre en Europe et la faire avancer ? Pourquoi nous avons laissé progressivement s’exprimer davantage ceux qui ne croient pas à l’Europe, ceux qui veulent la quitter ? Parce que nous n’osons plus être Européens, parce que nous n’osons plus avoir d’ambition.
Je vous demande une chose, quel que soit votre sensibilité, pour les élections à venir, que ceux qui croient en l’Europe osent l’aimer. Ils l’aimeront différemment, comme au sein même d’une famille ou d’un couple, nous nous aimons différemment. Mais qu’ils ne pensent pas que ces variations soient la même chose que ce choix fondamental, l’Europe ou pas. Or, partout il y a ceux qui n’y croient pas qui montent. Et le risque est grand de voir lors du prochain Parlement européen l’impossibilité d’avoir quelque majorité que ce soit sans avoir des anti-Européens ou des nationalistes avec nous et à la table ! Ça n’est pas une fiction que je suis en train de faire ! Je ne suis pas en train d’agiter des peurs, je regarde simplement ce qui est en train de se réaliser sous nos yeux ! Je ne veux pas être un somnambule !
Nous appartenons à une génération qui doit tirer toutes les leçons du passé et beaucoup qui se croyaient malins il y a quelques décennies en disant : « Ils disent des choses atroces, oubliez-les, mettons-les autour de la table, vous allez voir, nous allons les digérer et ils vont s’habituer au système », ils se sont retrouvés quelques mois ou quelques années après les premiers chassés des pays où ils les avaient fait rentrer parce que les nationalistes, parce que les démagogues sont plus forts qu’eux. Mais ils ne sont pas plus forts que nous. L’erreur fondamentale, c’est de laisser la possibilité de protéger nos peuples au souverainisme national. Croyons ensemble dans une vraie souveraineté européenne !
Qui protégera les Européens contre le risque d’attaques, de guerres ? L’Europe et une capacité dont l’Europe doit se doter de se défendre elle-même, avec l’idée vers laquelle je veux aller d’une vraie défense européenne ! Nous en avons besoin ! Nous en avons jeté les bases et nous en construisons les prémices !Qui protégera l’Europe de la menace du réchauffement climatique et de sa transformation ? Elle-même, aucun Etat seul ! Nous sommes les seuls parce que nous avons un marché crédible de 500.000 habitants qui peut décider des règles où nos entreprises, l’ensemble de nos concitoyens pourront progressivement apporter des changements qui réduiront les émissions, apporteront des changements fondamentaux que devront ensuite suivre Américains ou Chinois. La France seule ne le peut pas ! Nous investirons et nous continuerons à le faire mais aucun pays seul ne le peut !
Qui protégera les Européens face aux cyberattaques, face au risque de ne plus protéger, de ne plus détenir ses données individuelles ? L’Europe seule ! Elle a commencé à le faire avec un règlement conjoint.Sur tous les grands risques qui sont devant nous, la réponse de souveraineté, de protection est européenne et ceux qui vous expliquent que face à tous ces risques, la réponse serait davantage nationale mentent résolument et il faut le dénoncer !
Qui se protégera des risques migratoires seul ? La belle affaire ! Je les entends les nationalistes qui vous expliquent qu’ils ne veulent pas de solution européenne ! Ils sont d’accord entre eux quand il faut être contre l’Europe mais qu’ils se mettent autour de la table pour trouver une solution commune. Le nationaliste de Hongrie, sa solution est l’exact opposé de celle du nationaliste de l’Italie !
L’Europe est ce seul espace de coopération qui permet de nous protéger vraiment. Donc, oui, ne commettons pas l’erreur de laisser la souveraineté aux nationalistes, empoignons-la au niveau européen et portons la, ayons une Europe plus unie, plus démocratique et porteuse d’une ambition d’avenir. Tous les défis que j’évoque depuis tout à l’heure devant vous, l’Europe peut nous permettre de les porter plus vite et plus fort. Elle est parfois même notre seule possibilité de réussite. Le défi de l’intelligence artificielle dont j’évoquais tout à l’heure l’importance, l’Europe, ce sont 10 % des investissements mondiaux. Pensez-vous qu’on peut se permettre d’avoir une stratégie française qui n’aurait rien à voir avec une stratégie allemande ou belge ou suédoise ? C’est une stratégie européenne démultipliée qu’il nous faut.
Et donc, dans ce contexte, il nous faut plus d’ambition encore pour porter non seulement cette volonté de protéger, d’avoir une ambition collective, cette volonté aussi de défendre l’Etat de droit que l’Europe a su inventer, protéger et qu’elle laisse bousculer en son sein. Ce sont tous ces débats qui nous attendent !Tous ces débats ! Et je vous le dis ici avec beaucoup de force, de là où vous êtes, nous aurons besoin de vous pour savoir faire le distinguo entre ceux qui y croient et ceux qui n’y croient pas, pour savoir porter cette ambition qui nous fait là et qui nous permet d’être ici, à BOZAR. Et merci une fois du formidable accueil dans ce lieu où j’ai toujours plaisir à venir débattre, échanger et m’exprimer.
Mais ne nous trompons pas, ce qui nous fait ici n’est pas acquis pour toute éternité. Il y a plus de 70 ans, certains se sont battus contre parfois toutes leurs opinions publiques pour le faire, d’autres se sont battus pour le faire grandir et nous nous sommes peut-être un peu endormis en considérant qu’on pouvait le gérer. L’Europe, ça ne se gère pas, ça se réinvente chaque jour. C’est comme la République.Comme le disait RENAN, c’est un plébiscite de tous les jours. Les assis et les habitués, prière de s’abstenir.Mais les assis et les habitués, prière de ne pas empêcher les autres de rêver, de vouloir, de s’enthousiasmer, de combattre et de mener le combat jusqu’au bout parce que nous en avons besoin.
Et donc je compte sur vous pour ce combat à venir. Voilà, mes chers compatriotes, mes chers amis, ce que je voulais vous dire cet après-midi. Merci pour votre accueil ! Merci pour votre accueil, merci d’être là, merci d’être au quotidien chacune et chacun dans vos études, vos entreprises, dans les institutions européennes, aussi des ambassadeurs de la France et de l’amitié entre la France et la Belgique, merci d’être ces ambassadeurs de l’Europe ! Vive la République, vive la France et vive l’Europe ! Merci à vous !Merci à vous !
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