A l'occasion de la visite d'État en Belgique, le Président de la République Emmanuel Macron et le Premier ministre belge Charles Michel ont dialogué avec les étudiants de l'Université de Louvain-la-Neuve.
20 novembre 2018 - Seul le prononcé fait foi
échanges entre Emmanuel Macron, Charles Michel et les étudiants de l'Université de Louvain-la-Neuve
Tom, Etudiant en master 2 Droit européen, membre du Code citoyen : J’ai une première question, les grands enjeux de notre époque qu’ils soient de nature environnementale, sociale, fiscale exigent selon vous des nouvelles avancées dans l’intégration européenne. Si vous partagez le constat d’une impossibilité politique de réviser les traités à court ou moyen terme comment réalise-t-on l’Europe à deux ou trois vitesses alors que mis à part peut-être des progrès en matière de défense ni les coopérations renforcées que vous défendiez, Monsieur le Premier ministre, ni l'inter-gouvernementalisme informel que vous prônez, Monsieur le Président, ne semble suffire à produire des avancées majeures ? Merci.
Johanne MONTET : Votre question s’adresse aux deux personnalités. Monsieur le Président ?
Michel LIEGEOIS, Professeur de relations internationales : On va prendre directement la question de Lorielle…
Johanne MONTET : Oui, on prend la deuxième question.
Michel LIEGEOIS : On prend les deux questions.
Johanne MONTET : Oui, trois questions.
Lorielle, Etudiante : Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, tout d’abord merci d’être présents, je vous remercie personnellement et aussi je vous remercie de la part des « J’aime Benelux » dont je fais partie. Ma question est celle-ci, ne pensez-vous pas qu'il faudrait mettre au pilori « Les salauds de l'Europe » pour reprendre les termes de Jean QUATREMER qui s'attribue les réussites de Bruxelles tout en niant toute responsabilité dans ses échecs pour caresser leur électorat ? Pour mettre fin à cette hypocrisie du « c'est la faute à Bruxelles » ne faudrait-il pas laisser une place plus importante aux institutions de l'Union européenne sous les projecteurs des médias nationaux ? Merci.
Johanne MONTET : Après « Les salauds de l’Europe » on va prendre une troisième question, une question dans la salle. Elle est où ? Qui la pose ? Je ne vois pas de main… Ah voilà, c’est parti ! On lui donne un micro ?
Jonathan, Etudiant en deuxième année ingénieur de gestion : Ma question, dans les deux dernières années des mouvements paneuropéens se sont créés comme VOLT par exemple en vue des prochaines élections européennes, je me demandais ce que vous en pensez de ces mouvements qui rassemblent des jeunes des différents pays d’Europe.
Johanne MONTET : Merci pour la question, alors on va répondre l’une après l’autre, Monsieur le Président, on vous écoute !
LE PRESIDENT : Merci beaucoup, d’abord permettez-moi de vous remercier de cette opportunité d’échanger très librement avec vous et de remercier le Premier ministre, de vous remercier pour votre accueil et d'être là, je suis très heureux toujours de parler librement d'Europe.
Première question sur l'intégration et comment avancer sur une Europe plus sociale avec une vraie harmonisation fiscale et plus d'ambition environnementale. D'abord en effet moi je crois à une Europe à plusieurs cercles ou plusieurs vitesses, elle existe déjà et donc il ne faut pas avoir de fausse pudeur sur ce sujet, il y a déjà à l'Europe de Schengen, de la zone euro et donc on doit avoir un maximum d'ambition. L'Europe a toujours fonctionné comme ça, une avant-garde qui a beaucoup d'ambition et qui attire les autres. La grande erreur qui est la nôtre au fond depuis cinq, 10 ans c'est qu'on veut toujours tout décider à 28, peut-être demain à 27 après le Brexit, ça n'est pas vrai, ça n'a jamais marché comme ça. Ce n'est pas l'Europe du plus grand dénominateur commun, c'est l'Europe de la plus grande ambition qui attire les autres.
Fort de cela moi je pense qu’il faut continuer à faire des coopérations renforcées, vous l’évoquiez, on le fait en défense, et pour ma part je suis favorable à ce qu'on puisse changer les traités. On arrive à un moment où il faut le faire, il ne faut pas avoir peur de cela mais il faut une règle claire, celui qui est contre ne bloque pas les autres. Et je dis ça venant d'un pays qui lors du dernier référendum, 2005, quand la France a voté non elle a bloqué tous les autres et ça je pense que c'est une erreur. C'est pourquoi dans les propositions de méthode faites c'est Europe à plusieurs vitesses, définissons le maximum d'ambitions, voyons qui suit, faisons le maximum déjà dans le cadre des traités et acceptons le principe de changer les traités et donc d'aller éventuellement selon les systèmes devant le référendum ou devant nos parlements pour les changer mais sur la base d'un projet, pas d'une dénonciation de ce qui ne fonctionne pas. Et celui qui est contre ne participe pas mais de bloque pas les autres, ce qui est un vrai changement de méthode et ce qui permettra d'avoir une avant-garde et vous verrez que progressivement on aura ce cœur d'Europe qui fonctionne mieux avec cette plus grande intégration sociale, économique, fiscale et une vraie ambition environnementale et alimentaire.
Ceci suppose de changer, et c'est la réponse à la deuxième question, de changer en effet l'approche de l'Europe. Tous les pays ont en effet eu cette approche qui consistait à dire « quand il y a un problème - pardon de le dire ici - c'est Bruxelles » et « si ça va bien c'est grâce à moi » oubliant d'ailleurs que bien souvent ils avaient des crédits européens y compris pour les projets qu'ils inauguraient, un, c’est de la pédagogie. Alors est-ce qu'il faut tout laisser à Bruxelles, est-ce qu'il faut davantage communautariser ? Je ne suis pas sûr, je pense qu'il faut clarifier ce qu'on appelle les financements croisés pour que quand il y a des financements ils soient plus identifiés mais je pense qu'ensuite il y a une politique, une responsabilité des dirigeants, en particulier des dirigeants pro-européens à assumer et porter cela nous-mêmes et de le porter de deux manières. Un, à chaque fois de dire qu'il y a des crédits ou des projets européens de le signifier, de le rendre tangible pour la population. J’étais tout à l'heure à Molenbeek, il y a une association qui a elle-même reconnu, qui a dit « moi j’ai eu des crédits européens, je mène ça parce qu'il y a l'Europe ». Et, deux, d'accepter que quand nous avons des problèmes c'est souvent que nous ne savons pas les résoudre tout à fait, qu'on a besoin de plus de coordination et ce n'est pas Bruxelles, moi l'Europe ne m'empêche pas de faire quelque chose ou de régler des problèmes que j'ai !
Et je vais vous avouer un secret, l'Europe c'est nous aussi, il se trouve que quand on dit « c'est Bruxelles » ou « le problème c'est l'autre », vous faisiez référence à une formule lapidaire du journaliste Jean QUATREMER, mais c'est nous, c'est les 28 autour de la table, donc ce n'est pas la peine de se défausser derrière quelqu'un d'autre ! Et donc, oui, il faut faire une pédagogie, oui, il faut retrouver le vrai courage politique, c'est la bataille du moment et je crois qu'elle est absolument fondamentale pour celles et ceux qui croient dans cette mission. Je ne pense pas pour autant qu'il faille aller dans le sens d'une plus grande communautarisation aujourd'hui, pourquoi ? Parce que l'un des problèmes que nous avons c'est une trop grande bureaucratie européenne et l’un des problèmes que nous avons c’est parfois qu’il y a un trop grand éloignement de la population la plus locale. C’est aux dirigeants de chaque pays et parfois aux dirigeants locaux de porter aussi l'Europe et de considérer que ça n'est pas seulement les fonctionnaires communautaires qui doivent le porter, c'est un partage parce que c’est notre projet commun. Moi je suis même favorable à ce qu'il y ait plus de subsidiarité qui peut aller avec plus d'esprit européen.
Enfin, réponse à la dernière question, je crois profondément au mouvement paneuropéen, je suis très favorable à tous les mouvements de jeunes qui émergent, jeunes ou moins jeunes, et je suis favorable à l'émergence d'un vrai démos européen. C'est d'ailleurs pour ça que j'avais défendu cette idée d'avoir des vraies listes européennes, on disait transfrontalières, ça inquiétait beaucoup de gens mais on a des élections européennes, simplement lorsqu'on aborde le scrutin les débats redeviennent totalement nationaux. C'est pourquoi moi j'avais proposé qu'il y ait sur la base de sensibilités communes, d'une approche commune de l'Europe un quota de parlementaires européens qui soient élus sur un vrai projet européen et par tous les Européens ensemble. Et je pense qu'on ira dans ce sens-là, si on croit à la force, à la place du Parlement européen, si on croit qu'on peut, ce qui est ma conviction profonde, être un espace plus démocratique au sein de l'Europe on a besoin de plus de mouvements véritablement européens qui permettent le dialogue entre nos différents pays qu'il s'agisse des jeunes ou des moins jeunes.
Johanne MONTET : Charles MICHEL, Monsieur le Premier ministre, une réaction à cela ?
// Propos de Charles MICHEL, Premier ministre belge //
Johanne MONTET : Allez, on va prendre une petite question dans la salle, levez la main bien haut que je vous vois parce que c’est grand, il y a un monsieur là-bas qui lève la main, derrière madame, oui, vous, là à gauche, et c’est parti, on vous écoute.
Maxime, Etudiant en master en histoire : Je voulais vous poser une question qui est peut-être un petit peu provocatrice, je vais donc l'introduire brièvement.
Johanne MONTET : Pas trop longuement, attention aux intros !
Maxime : Pas trop longuement, brièvement, brièvement ! En France avec la récente démission de Nicolas HULOT de votre gouvernement on a vu est être mis en lumière l'influence des lobbies sur les politiques de lutte contre le changement climatique et la manière dont ils les freinaient. En Belgique on a la Fédération des entreprises et la Fédération des entreprises pétrolières qui se sont aussi exprimées contre les engagements pris par la Belgique aux différentes COP. En France de nouveau, TOTAL a fait usage de son influence pour introduire des exceptions à la loi sur la fin des hydrocarbures qu'elle a obtenues, puisqu’ils considéraient que ça menaçait leurs bénéfices. On n'a pas vu ce genre de chose pour les petits consommateurs de diesel qui font l'actualité pour le moment. Donc ma question est la suivante, à l'approche de la COP24 vous avez dit, Monsieur MACRON, que vous considériez que certains pays devaient être à l'avant-garde, montrer l'exemple, que comptez-vous faire en tant que chefs d'Etat de deux pays développés, de deux puissances industrielles pour faire appliquer les recommandations du GIEC et du coup pour se libérer de l'influence des lobbies qui pour le moment freinent l'application de ces mesures, cherchent à défendre les bénéfices des grosses entreprises dont elles savent qu'elles sont les premières pollueuses. On sait par exemple que 100 multinationales sont responsables à elles seules sur les 30 dernières années de 71 % des émissions de gaz à effet de serre et parmi ces multinationales il y a notamment TOTAL dont je parlais plus tôt qui a réussi encore avec cette loi sur les hydrocarbures à influencer, à retarder la lutte contre le changement climatique. Merci.
Johanne MONTET : Merci, on a entendu votre question et maintenant on va entendre les réponses.
LE PRESIDENT : Je ne sais pas à quoi vous faîtes référence quand vous parlez de TOTAL et de la loi sur les hydrocarbures parce que ça c'est factuellement faux mais je vais vous répondre sur chacun des points. D'abord Nicolas HULOT l'a dit, il a démissionné aussi pour des raisons très personnelles que je respecte, je l’ai encore eu il y a quelques jours au téléphone, c'est un ami, un homme libre. Ne croyez pas que changer les choses en profondeur soit une tâche aisée chaque jour et s’il a fait référence à des lobbies il en a plutôt parlé pour la chasse que pour les hydrocarbures et donc quand on pose des questions sur des sujets aussi délicats il faut être très précis.
Alors qu'est-ce que c'est que la transition environnementale que je compte mener en France et à laquelle je crois en Europe ? En effet c'est de dire on doit baisser nos émissions, quand on regarde les chiffres en France, les deux dernières années mesurées, 2015, 2016, il l'a d'ailleurs évoqué au moment où il est parti, on a des émissions qui augmentent. Je n'étais pas à ce moment-là en charge et d'ailleurs le travail que nous sommes en train de faire aura des effets mais pas pour l'année courante, pour les années à venir, mais je pense qu'on aura des effets concrets et réels. Si on veut baisser ces émissions on doit travailler sur trois choses, la production de l'énergie, le fonctionnement des entreprises et les ménages et la mobilité. Sur les entreprises on leur demande comme les ménages de faire une évolution profonde puisqu’on réduit l'écart qu’il y avait de taxation en France entre le diesel en effet et l'essence normale et on met en place ce qui a été voté sous les deux précédentes mandatures mais pas appliqué qui est ce qu'on appelle une stratégie carbone où on intègre justement sur les énergies fossiles une contribution pour pouvoir accroître leurs prix et financer du renouvelable.
Nous le mettons en œuvre, la stratégie a été votée au début du quinquennat de manière très transparente, et nous mettons en œuvre celle-ci avec contrairement à ce que vous avez dit des vraies mesures d'accompagnement pour les personnes plus modestes mais ça suppose de changer les habitudes, ça n'est jamais aisé. Le Gouvernement est aujourd'hui en effet confronté là-dessus à des protestations et c'est dans le dialogue qu'on peut en sortir, dans l'explication, dans la capacité à trouver à la fois le bon rythme et les solutions de terrain. Mais la stratégie c'est d'une part de taxer davantage les énergies fossiles et d'autre part d'avoir un accompagnement des plus modestes avec une aide à la conversion qui consiste à dire qu’on s'engager et ça montera jusqu'à 4.000 euros pour aider des ménages à acheter des véhicules neufs ou d'occasion électriques, hybrides ou moteur mais beaucoup moins polluants que les vieilles générations.
Ca consiste à dire on indemnise les gens qui ont besoin de beaucoup se déplacer et qui font beaucoup de kilomètres avec l'indemnité kilométrique, ça a été annoncé par le Premier ministre la semaine dernière, et ça veut dire qu'on accompagne les ménages qui pour se chauffer ont recours au fuel en leur permettant là aussi de faire des économies d'énergie et en les aidant à changer de chaudière.
Johanne MONTET : Monsieur le Président, vous avez expliqué tout ça aux Français ?
LE PRESIDENT : Oui et on va continuer !
Johanne MONTET : Et pourtant ils sont quand même dans la rue…
LE PRESIDENT : Mais c’est normal !
Johanne MONTET : …et la Belgique aussi.
LE PRESIDENT : Je vais vous dire, les choses ne se font pas spontanément et c'est là aussi où collectivement il faut qu'on ait un esprit de responsabilité. On ne pourrait pas être dans un débat dans nos sociétés constamment à dire « vous n'allez pas assez vite à faire le changement, la transition climatique, l'écologie, vous êtes dans la main des lobbies, ça ne va pas assez vite ». Et quand vous vous battez pour changer les choses, là de ne plus entendre ceux qui disent ça ou de dire « vous êtes à la main des lobbies » mais de ne plus être face aux Français ou aux Belges et à tous ceux qui vivent les conséquences de ces transitions ! Parce que ceux qui bloquent aujourd'hui notre changement c'est en rien des lobbies et je vais venir sur la production d'énergie, en rien ! Moi je vous défie de voir en quoi TOTAL a influencé la stratégie française, en rien, rien ! Nous serons le premier pays au monde à avoir fermé d'ici 2022, moi je ne stipule pas pour les mandats à venir, d'ici 2022 en France nous aurons fermé toutes les centrales thermiques à charbon, toutes, il n’y a pas un pays au monde qui fait ça.
J'en ai eu des lobbies mais j’ai aussi des entreprises avec des salariés sur le terrain et les gens qui donnent des leçons et qui disent « vous êtes à la main des lobbies » je ne les vois jamais face aux salariés, les salariés sont en effet dans la rue aujourd'hui, ils disent « moi vous voulez tuer mes jobs ! » C’est ça la réalité du monde que nous avons face à nous, il n’y aurait pas d'un côté des lobbies et de l'autre côté des donneurs de leçons, nous avons tous la même planète à partager, nous voulons tous réduire les émissions, nous voulons tous changer de monde et changer de modèle économique, social, environnemental, en tout cas je le veux vraiment. Mais il y a la dure réalité à étreindre comme le disait un poète voisin, certes français mais des Ardennes, Arthur RIMBAUD, et la dure réalité à étreindre c'est de pouvoir regarder en face en effet, les gens qui vont perdre leur emploi parce qu'on dit il faut fermer les centrales thermiques à charbon. On va le faire mais il faut leur inventer des emplois dans les nouvelles énergies, dans les nouveaux métiers, il faut pouvoir dire aux gens qui avaient des habitudes de mobilité « on vous aide mais il faut progressivement changer les comportements, on va vous aider, on va développer le télétravail, on va développer d'autres formes de mobilité, on va vous accompagner pour changer de véhicule, avoir des véhicules moins polluants et qui consomment moins », on va avoir des mécanismes pour ajuster socialement.
Et donc je ne peux pas laisser dire que le groupe TOTAL est en quoi que ce soit laissé influencé à la stratégie française en France, c'est factuellement faux, et les gens qui disent ça mentent, je vous le dis même si vous êtes loin les yeux dans les yeux. Si j'étais à la main des lobbies j'aurais beaucoup moins de problèmes, beaucoup moins, parce que je n'aurais pas fait cette transition ! Si j'avais suivi TOTAL je n'aurais pas augmenté le prix de l'essence, ce n'est pas leur intérêt, au contraire, simplement il faut aussi qu'on sache sortir des postures qu'on a depuis 15, 20 ans qui fait qu'on n’avance pas sur ces sujets et c'est ça la transformation économique, sociale, environnementale. Moi je crois dans un nouveau modèle que l'Europe saura porter mais où il faut pouvoir justement faire ces transformations, elles ne sont faciles pour personne, ça contrarie les entreprises qui sont touchées, c'est difficile pour les gens mais ça suppose de faire de la pédagogie, d'avoir des mesures d'accompagnement sociales, économiques et de ne céder justement à aucun lobby.
Au niveau européen c'est la même ambition que je veux que nous puissions porter, moi je suis favorable à un prix plancher carbone, on a mis en place un marché du carbone, tous les groupes que vous évoquiez sont contre avoir un prix plancher, moi j'y suis favorable parce que c'est le seul moyen d'avoir une vraie transition et de dire les investissements changeront parce qu’on va avoir un prix plancher du CO2 et on aura un vrai marché. Mais ça suppose à côté, et là il ne faut pas céder trop vite non plus au schématisme, d'avoir des vraies mesures d'accompagnement et donc de savoir aussi regarder nos champions et donc de mettre une taxe carbone à nos frontières. Parce que ce n'est pas céder aux lobbies que de dire on a des grands groupes de sidérurgie, on a des grands groupes qui consomment beaucoup d'électricité ou de carbone pour produire. Si on ne fait que les pénaliser eux en Europe mais qu'on continue à importer des produits qui viennent de Chine, d'Inde ou autres qui eux ne sont pas soumis aux mêmes règles nous n'aurons pas réduit les émissions au niveau de la planète et nous aurons sacrifié l'industrie européenne.
Ce n'est pas céder aux lobbies, c'est là aussi tenir toutes les contraintes d'un modèle où on veut changer le mode de production, avoir une influence sur le reste du monde mais continuer à avoir de la production et des emplois en Europe ! Et donc moi je suis favorable à un prix plancher du CO2 en Europe, à une taxe CO2 aux frontières pour compenser justement cela et pour taxer les produits qui viendraient d'autres pays qui ne font pas les mêmes efforts que nous et en même temps protéger nos entreprises, vous voyez. Donc le chemin d'une transition n'est ni du côté d'une forme de vérité éthérée qui oublierait la réalité des gens ni du côté des lobbies parce que d'un côté vous pouvez faire des choses formidables mais ça n'existe jamais et de l'autre vous ne bougez pas. Et croyez bien une chose, nous bougeons en France et moi je souhaite qu'on bouge en Europe sur la ligne que je viens d'évoquer.
Michel LIEGEOIS : Merci beaucoup. Il est déjà grand temps de passer à notre deuxième séquence consacrée aux politiques de l'Europe et à la politique en Europe, on a d’ailleurs esquissé cette deuxième séquence avec cette importante question sur la transition écologique et donc on débute cette deuxième séquence ici sur la scène avec la question d'Anaïs.
Johanne MONTET : Anaïs on va lui donner un micro, ça va être plus simple, voilà Anaïs, il n’y a qu’à demander !
Anaïs, Etudiante : Merci beaucoup. Monsieur le Président, vous êtes actuellement dans une université, donc il nous semblait opportun de vous poser une question à ce sujet. Parcoursup il y a un an plutôt que d'ouvrir des places dans les universités vous avez décidé de limiter le nombre d'étudiants ayant accès avec un algorithme de répartition gardé secret alors que les législations européennes l'interdisent. Vous avez généralisé la sélection à l'entrée et mis en panne l'ascenseur social. Suite à votre réforme 160.000 étudiants inscrits se tournent vers l'enseignement privé, plus d’un bachelier professionnel sur deux n'a pas obtenu de sélection dans la phase principale et à la rentrée plus de 10.000 étudiants sont en attente d'une affectation. Contre cette réforme les étudiants se sont organisés, mobilisés pour défendre le droit de tous à l'éducation publique. Cependant, la réponse face à ceci ne s'est pas faite attendre, pour la première fois depuis 50 ans les CRS investissent les temples du savoir et participent à leur désacralisation. Petit à petit la conception de ce qu’est l'enseignement supérieur change, il n'est plus une composante essentielle de la société mais un lieu où le savoir se marchande. Récemment vous avez changé les règles de nomination aux rectorats, désormais 12 recteurs sur 30 pourront être élus sans obtenir de doctorat. Personne ne peut comprendre que pour diriger une université il ne faille pas être scientifique mais bon gestionnaire et ceci représente une violation flagrante du principe de collégialité qui fonde nos universités européennes.
Johanne MONTET : La question.
Anaïs : Oui, désolée, j’ai encore juste un petit paragraphe.
Johanne MONTET : Il y a beaucoup de monde et la question est…
Anaïs : Est-ce que je peux finir mon petit paragraphe, s’il vous plaît ?
Johanne MONTET : Allez, va pour le paragraphe mais vite, vite, vite !
Anaïs : Ok. Justement en parlant de ces universités européennes vous démontrez cette vision utilitariste dans votre projet d'alliance européenne, une…des universités comme vecteur de pouvoir et formation des plus nantis, considérer l'étudiant client, considérer que l'enseignement supérieur est créateur d'élites, qu'il est normal de payer des dizaines de milliers d'euros pour une année d'études. Fait confirmé hier par votre Premier ministre lorsqu'il a annoncé que le minerval pour les étudiants hors Union européenne allait augmenter, une décision qui montre l'idée que le minerval de tout le monde pourrait augmenter.
Johanne MONTET : Allez, la question maintenant, on y va, ça y est !
Anaïs : Oui, désolée, désolée, désolée. Ma question est la suivante, comment comptez-vous protéger l’université des forces du marché et lutter contre les inégalités à travers elle ? Merci.
LE PRESIDENT : Je vous remercie pour cette question tout à la fois nuancée, précise et pleine de modération. (Applaudissements) D'abord je pense qu'il y a un malentendu sur la notion de recteur qui n'est pas la personne qui dirige l'université tel que les modifications ont été faites mais qui est en effet une fonction administrative en France, le recteur dirigeant les services de l'Education nationale à l'échelle d'une région. Et moi je suis très favorable à l'ouverture de la fonction publique et il n'y avait plus grand chose qui justifiait à ce que l'exclusivité et la totalité des fonctions de recteur soient détenues par des gens qui aient forcément un doctorat parce que ce sont des fonctions de gestion administrative et pédagogique. Donc la compétence administrative, la compétence gestionnaire est au cœur du métier de recteur totalement et donc vous pouvez par exemple être un très bon professeur des universités et avoir tous les titres qui vous permettaient de devenir recteur mais être un très mauvais gestionnaire aussi. Et donc ça c'est le pouvoir de nomination qui le donne et il était important d'élargir le vivier mais je pense qu'il y a eu un malentendu lié au fait que vous n'avez pas mis la même réalité derrière le mot de recteur.
Ensuite, moi je n’aime pas l’idée de protéger l'université des forces du marché, d'abord les forces du marché si c’est la cupidité, etc., oui, mais il n’y a pas que l'université que j'ai envie de protéger de ça, c'est la société tout entière. Si les forces du marché c'est ce qui vous empêche de faire le changement social, environnemental, je n'ai pas envie de réserver cette protection à l'université, j'ai envie de le faire partout. L'université j'ai envie d'en faire comme elle doit l'être, comme elle l'est historiquement, le lieu du partage de tous les savoirs, des controverses, de l'émancipation des individus, du savoir-libre, du choix libre qui permet à un individu d'être autonome, c'est-à-dire de pouvoir s'orienter librement dans sa vie, dans les savoirs et d'aller vers un emploi. Parce que moi je crois dans le travail et donc je pense aussi qu'une des fonctions de nos universités c'est de guider non seulement vers des savoirs et vers cette plus grande autonomie de l'individu libre et rationnel mais c'est aussi d’accompagner vers des métiers. C'est en ça que l'idée de protéger des forces du marché ça ne peut pas être l'idée de protéger du reste du monde, l'université doit être ouverte au reste du monde, au contraire. L'exemple que vous donnez ici est formidable puisque c'est une université qui est ouverte sur un écosystème d'innovations, d’entreprenariat, de recherche qu'elle soit publique ou privée. Moi je n'aime pas ces clivages qui sont souvent doctrinaires et qui ne correspondent pas y compris à la réalité que vous vivez ici, vous êtes là dans cet amphithéâtre parce que vous êtes au cœur d'un écosystème où le public et le privé savent travailler ensemble.
Le problème que nous avons en France parce que vous avez décrit de manière erronée et caricaturale une réforme qui n'a pas de sens si on n’en comprend pas à quelle situation elle répond. La France, c'est vrai dans toutes les enquêtes internationales, a un système éducatif et d'enseignement supérieur qui s'est beaucoup dégradé durant les 20 dernières années. Il s’est dégradé parce qu'un peu sur la base de votre discours pendant très longtemps on a eu un discours égalitariste, on a dit il faut au fond diminuer le niveau moyen pour que tout le monde y ait accès, il ne faut plus qu'il y ait de sélection aucune et donc ce faisant de moins en moins d'orientation pour être sûr que tout le monde ait accès. Bilan des courses, moi quand je suis arrivé aux responsabilités 20 % des jeunes ne savaient pas proprement lire, écrire, compter ou se comporter en CM2, donc à la fin du primaire. On avait environ 100.000 jeunes par an qui sortaient du système sans formation ni travail et on avait un taux d'échec du premier cycle universitaire qui était l'un des plus grands d'Europe, c'est-à-dire des gens qui s'inscrivaient en première année à l'université mais qui pour près d'un tiers d'entre eux, et c'est encore plus vrai dans les quartiers les plus difficiles et dans certaines filières, ne finissaient jamais ou leur année ou leur cycle. Ce qui est un gâchis pour eux-mêmes et un gâchis collectif parce qu'ils avaient été mal orientés, parce qu'ils venaient gonfler des filières qui étaient déjà en surnombre.
C'est à ça que répond Parcoursup, Parcoursup s'inscrit dans une réforme beaucoup plus large où nous avons réinvesti le projet éducatif auquel je crois profondément et qui si vous reprenez mon projet présidentiel est le premier pilier. Un, nous avons réinvesti dans l'école, c'est la première fois depuis le général de GAULLE qu'on modifie l'obligation scolaire dès trois ans, obligation scolaire pour rentrer à l'école, c'est là que les inégalités commencent, elles ne commencent pas à l'université, ne vous trompez pas. Deux, on a réinvesti dans les premières années de l'école primaire en réduisant à 12 élèves par classe dans tous les quartiers les plus difficiles en France le nombre d'élèves. On a remis des évaluations annuelles parce que l'évaluation c'est une bonne chose pour accompagner les élèves comme les étudiants et en particulier pour ceux qui ont le plus de difficultés. Trois, on a mis en place des innovations à l'école primaire, au collège et au lycée, devoirs faits par exemple pour éviter qu’on considère que tout s'arrête au moment du temps scolaire et permettre de compenser les inégalités familiales en disant « vous rentrez à la maison avec le devoir fait pour là aussi compenser les choses ». On a remis de l'orientation dès la fin du collège en réinvestissant pour accompagner.
Parcoursup s'inscrit dans cette transformation parce que qu'est-ce que c'est l'initiative de Parcoursup ? C'est de dire on oriente différemment, on étudie les dossiers, ce n'est pas un algorithme aveugle qui préexistait, qui était ce qu'on appelait APB, qui affectait les gens selon leurs choix, premier arrivé premier servi, y compris dans des filières où ils n'y avaient rien à faire, où ils n'avaient que très peu de chances d'évoluer. Jusqu'à présent quelqu'un qui sortait d'un bac technologique pouvait s'inscrire en médecine sans avoir aucun accompagnement, aucune forme de propédeutique, bilan des courses, c'était formidable, il pouvait arriver dans des amphithéâtres de médecine qui étaient déjà surchargés, il n'avait aucune chance de réussir, aucune. Il faisait un an, deux ans mais aucune chance, les pré-requis n'étaient pas là.
Parcoursup c'est un algorithme qui a été rendu public contrairement à ce que vous dites, donc vous vous trompez, il a été rendu public, je m'y étais engagé, la ministre s'y était engagée, il a été donc totalement transparent et changé, on continue d'ailleurs le travail de recherche parce qu'il peut être constamment amélioré. C'est en fait un outil ensuite qui permet d'évoquer des choix et de les confronter avec les compétences nécessaires pour que le choix de votre filière universitaire puisse correspondre à vos compétences de base. Et donc il y a une expression ensuite qui se fait par les équipes pédagogiques de l'université ou de la formation supérieure qui vous accueille pour dire « si vous faites ça il vaut mieux que vous fassiez d'abord six mois dans tel endroit, six mois dans tel autre » ou « là vous n'avez aucune chance de réussir et on vous réoriente mais en vous accompagnant avec un accompagnement individualisé », c'est-ce qu'on va continuer à déployer.
Il y a cette année comme l'année dernière des jeunes qui n'ont pas eu la totalité de leurs choix à la rentrée, pourquoi ? Parce que la France fait face à une démographie estudiantine beaucoup plus importante que les années précédentes. Nous aurons, et ça sera vrai de tout mon mandat, à peu près 50.000 étudiants en plus chaque année, ce qui fait que j'aurai à l'université environ 250.000 étudiants en plus cette année. Donc on va rouvrir des postes, rouvrir des filiales d'ailleurs un peu partout sur le territoire mais chaque étudiant aura une solution qui lui sera apportée, soyez rassurée, mais elle sera adaptée, elle sera mieux étudiée, elle sera basée sur une approche avec des pré-requis qui consiste à dire « si vous voulez aller vers telle filière alors il faut passer d'abord par tel et tel pré-requis académique », il faut savoir cela. Ce n'est pas vrai que l'université c'est un grand nirvana où tout est possible quel que soit ce que vous aviez fait avant, ça n'est pas vrai, c'est possible si vous prenez un chemin. Au fond, c'est l'idée comme son nom l'indique d'avoir un chemin pour vous accompagner plutôt qu'un guichet ouvert aveugle qui vous permet de croire pendant six mois, un an que c'est possible pour vous confronter à la réalité de l'échec la première ou la deuxième année.
Voilà la réalité de cette philosophie et voilà aussi quelques contrevérités sur lesquelles je souhaitais revenir mais c'est une réforme qui sera améliorée chaque année à laquelle je crois beaucoup parce que pour moi c'est un combat fondamental pour notre jeunesse.
Johanne MONTET : Rapidement avant de passer à une autre question, juste vous faire réagir, Monsieur le Premier ministre.
// Propos de Charles MICHEL //
Johanne MONTET : Je résiste mais là quand même je prends la parole pour vous donner la parole. Ah il y a une jeune fille en bout de rangée, non, un peu plus bas, c’était celle-là que j’avais désignée, peu importe, ça peut être l’autre aussi, mais comme je l’ai montrée, oui, c’est ça, vous allez croire que j’ai fait exprès parce que c'est elle, etc., mais non, c’est parce que je l’ai montrée, je ne veux pas la décevoir ! Voilà, on y va !
Astrid, Etudiante en troisième année à l’Université Saint-Louis en Sciences politiques : C’est une question qui a été préparée par tous les étudiants de troisième de Sciences Po à Saint-Louis et elle s'adresse à monsieur Emmanuel MACRON. A l'approche des élections européennes vous évoquez régulièrement la montée des populismes en Europe mais à dépeindre le débat démocratique des élections européennes comme une opposition entre populistes et progressistes est-ce qu'on ne réduit pas au silence un ensemble de voix discordantes qui ne se reconnaîtraient pas forcément en termes de progressistes ou populistes ? Par conséquent ne risque-t-on pas après les élections de se retrouver avec un débat européen qui tourne autour de la question de savoir si on est pour ou si on est contre l'Europe plutôt que d'un débat sur la question de rendre l'Union européenne plus démocratique et plus proche des peuples ? Merci.
LE PRESIDENT : Merci à vous. D'abord il ne m'appartient pas de dire le débat européen se structure comme ça, il m'importe de dire quel est pour moi le principal adversaire, ce qui est différent, parce qu'on peut avoir des différences de sensibilité sur beaucoup de choses mais si on oublie quel est le principal adversaire et la priorité du combat démocratique et politique qu'on veut mener au moment d'une élection on se trompe. Je n’utilise pas si souvent que ça, même plutôt rarement, le terme de « populiste » parce que je me méfie de son approche, moi je crois dans les peuples et j'ai la prétention de penser, d'ailleurs beaucoup de gens quand j'ai émergé dans la scène politique française ont dit que j'étais un populiste parce que je n'étais pas dans la scène démocratique structurée. Je parle plutôt moi de nationaliste ou de démagogue, ce qui est différent, si être populiste c’est être avec le peuple je prétends être populiste. Si être populiste c'est flatter le peuple dans en quelque sorte ses peurs les plus réductrices ou le renvoyer vers des automatismes c'est ce que j'appelle être plutôt démagogue. Donc moi j’oppose plutôt les nationalistes, vous m’avez peut-être entendu le 11 novembre, j'ai opposé nationalistes et patriotes, mais les nationalistes aux progressistes. Ca n'écrase pas tous les débats et, vous avez totalement raison, il y a des tas de sensibilités différentes, il y a des gens qui croient à différentes formes d'Europe, qui sont pour la faire évoluer beaucoup plus vite. Moi je crois à une Europe qui soit une vraie puissance économique, sociale, environnementale, je crois à une Europe plus souveraine, plus unie, plus démocratique, il y a des gens qui n'ont pas les mêmes sensibilités et donc il faut que ce débat vive.
Ce que je sais pour le vivre chaque jour en tant que dirigeant européen c'est que ces sensibilités sont de moins en moins audibles parce qu'il y a une summa divisio qui est en train d'émerger et qui est là en Europe entre ceux qui croient dans des solutions européennes et ceux qui n'y croient plus et cette summa divisio malgré tout elle est plus importante que les différences qu'on a entre nous. Sur les sujets par exemple migratoires que nous avons en Europe il y a aujourd'hui des dirigeants qui très clairement autour de la table vous disent « moi je ne crois plus à la solution européenne, je n'en veux pas, je veux revenir à la solution nationale ». Les mêmes pour reprendre votre réflexion mettent dans la poche les fonds structurels, tout va bien, ils prennent tout le reste de l'Europe mais ça, ça ne leur plaît pas. Ca c'est un vrai problème parce qu'on peut avoir nous des débats, dire « moi je suis plutôt pour telle solution technique, je suis pour être plus favorable a tel droit d'asile ou tel autre », vous voyez, ça c'est des vrais débats et c'est une sensibilité démocratique très importante que je ne veux pas du tout écraser.
Mais si d'abord je ne mène pas le combat face à ceux qui ne croient plus du tout dans une solution européenne sur le plan migratoire les débats de sensibilités que nous avons ensuite entre pro-européens n'existeront plus, c'est ce qu'on voit sur tous les points ! Et ne vous trompez pas, moi dans mon pays aux dernières élections européennes le parti qui a gagné c'est le Front national, les gens l'ont oublié, ils disent « vous êtes en train de dire le pire », la belle affaire, moi je n'ai pas oublié, le premier parti européen en France c'est le Front national, c'est lui le sortant ! Qu'est-ce qu'il a fait, il a amélioré l'Europe ? Je ne l’ai pas vu. Mais si dans tous les pays on laisse monter ces partis extrêmes dont l'objectif n'est pas d'avoir un débat démocratique sur est-ce qu'il faut un peu plus de social ou un peu moins d'écologie ou autre mais de dire « je veux moi moins d'Europe, voire je veux la sortie de l'euro, je veux la sortie de l'Europe, je veux le retour au nationalisme », on se réveillera le lendemain des européennes et ils auront gagné.
Et je ne vous parle pas là d'une fiction, je vous parle d'un scénario possible, si plus aucune majorité européenne demain au Parlement n'est envisageable sans les nationalistes et les extrêmes je peux vous dire que tous les débats ensuite qu'on a sur nos sensibilités, les différences entre pro-européens ou progressistes ou plus conservateurs ou autres ils seront… Et donc il faut savoir prioriser dans le débat politique les combats qu'on veut conduire et moi très sincèrement, je vous dis, je constate qu'en Europe il y a des gens qui croient dans la solution européenne et il y a des gens qui n'y croient plus, il y a des gens… Alors qu'est-ce que c'est votre banderole ? Là ça ne va pas bien marcher les confettis…
Johanne MONTET : Ce n’est pas le lieu d’une manifestation, je ne sais pas si la sécurité peut…
LE PRESIDENT : « Le sang coule de leurs mains, renseignez-vous ».
Johanne MONTET : Ou bien alors quelqu’un prend la parole et pose une question, ça serait peut-être plus malin !
LE PRESIDENT : Mais il faut que vous disiez des mains de qui !
Johanne MONTET : Est-ce que quelqu’un peut prendre la parole et expliquer plutôt que de démontrer en posant une question, une simple question ?
LE PRESIDENT : Juste, je finis pour vous dire et je répondrai à la question.
Un étudiant : Pourquoi vous matraquez vos…, pourquoi vous êtes le seul pays qui utilise une grenade contre sa propre population ?
LE PRESIDENT : Ah non là vous dîtes n’importe quoi !
Johanne MONTET : Ca ne me paraît pas une question mais une accusation, dans ce cas-là c’est une démonstration et la sécurité va s’en occuper.
L’étudiant : …dans la Méditerranée et vous continuez, vous n’arrêtez pas, vous mentez, vous dénoncez…
Johanne MONTET : C’est un lieu de débat, Monsieur, ce n’est pas un lieu d’agression !
LE PRESIDENT : Mais venez, venez, n’invectivez pas ! Attendez, Messieurs, ne le sortez pas ! Non, moi ni je vous tutoie ni vous tord quoi que ce soit. Je dis juste…
Johanne MONTET : C’est un lieu de discussion.
LE PRESIDENT : C’est un lieu de discussion, si vous m’autorisez, je réponds à votre camarade ou collègue, vous posez votre question et je répondrai. Ne mettez pas des papiers partout parce quelqu'un va les ramasser, ce ne sera pas vous !
Johanne MONTET : Monsieur ne veut pas poser de question, monsieur veut manifester ! (Applaudissements)
LE PRESIDENT : Mais, attendez, je vais vous écouter mais si vous avez deux onces de respect, Monsieur, si vous avez un peu de respect, je finis la réponse à votre collègue et je vous donne la parole. Donc pour finir la réponse qui est sur un sujet très important je pense que ce débat entre les progressistes, ceux qui croient dans l'Europe et ceux qui n'y croient plus est fondamental et si nous ne le menons pas, si en quelque sorte nous considérons que notre désaccord entre pro-européens est plus important que notre désaccord avec ceux qui veulent démanteler l'Europe on se trompe. Je ne veux pas écraser les différences, au contraire, elles sont fondamentales, c'est tout le débat qu'on est en train d'avoir, mais je pense que ce combat que j'ai voulu installer et que je vais continuer à porter est essentiel dans nos pays.
Alors Monsieur.
Johanne MONTET : Monsieur n’est plus là, il n'a pas ramassé les papiers !
LE PRESIDENT : Franchement, Monsieur, parce qu’il a repris un truc que vous avez dit, c'est n'importe quoi, en France les CRS ne s'attaquent pas aux étudiants ou autres ! Il y a pendant des jours et des jours des étudiants et beaucoup de non-étudiants si vous vous renseignez y compris un petit chien qui avait un compte Twitter extrêmement sympathique à Tolbiac, je vous le recommande, le petit chien de Tolbiac qui fait concurrence au chat du 10 Downing Street pour les amateurs de comptes Twitter, qui ont saccagé l'université, il faut arrêter les bêtises ! La moitié des gens qui étaient dedans ne sont pas étudiants depuis longtemps, c'est des groupes anarchistes, malheureusement ils ont arrêté les études depuis très longtemps et ils n’ont pas envie de s'y remettre ! Moi je serais très favorable à ce qu'ils reprennent les études, eux ils n’ont pas envie ! Et donc ils ont occupé une université, on les a laissés, il n’y a eu aucune intervention, de la violence contre eux, il y a d'ailleurs eu beaucoup de blessés malheureusement dans nos forces de l'ordre à qui je rends hommage, il n’y en a pas eu de leur côté, et ils ont été évacués. On va dépenser pour nos universités des centaines de milliers d'euros pour réparer ce qu'ils ont fait, ce qui est franchement inacceptable, on ne peut pas défendre le savoir quand on détruit les universités.
Ensuite, nous avons évacué, puisque je pense qu'il faisait référence à ça, des gens à Notre-Dame-des-Landes comme nous continuerons à le faire partout, ce n’est pas vous, parce qu’il évoquait ça. A Notre-Dame-des-Landes qu'est-ce qu'on a fait ? On a arrêté le projet qui était un projet qui n’était plus cohérent sur le plan écologique mais ils voulaient continuer à s'installer et à empêcher les gens de vivre normalement ! Quand il y a des conflits d'usage dans une société il n’y a pas de liberté s'il n’y a pas d'ordre public ! Et ça c'est un point pour moi qui est très important dans nos débats et qu'il faut qu'on ait, on doit avoir des règles de civilité entre nous, ce n'est pas très civil, moi je suis pour le débat, on peut m’interpeller, à chaque fois je réponds, mais pas pour dire des bêtises, disperser du papier puis s'en aller ! De la même façon on peut être contre un projet, manifester, je n'ai aucun problème avec ça, débattre, changer d'avis, moi je suis pour cette ouverture, mais à un moment donné quand même le projet n'existe plus, qu'on continue à être là et qu'on empêche les autres personnes libres de travailler, de s'exprimer, de faire librement, ce n'est plus une société ! Et donc il y a un moment l'ordre public doit être tenu, il n’y a plus de liberté s’il n’y a pas d’ordre public.
Johanne MONTET : Il nous reste 15 bonnes minutes, allez, on va en profiter !
LE PRESIDENT : C’est vous la détentrice de l’ordre public ici !
Johanne MONTET : Voilà, allez hop là ! Il y a un monsieur là-bas au milieu, dans mon axe, voilà. Cette rangée-là, voilà, voilà, voilà ! Levez bien la main haut, oui, c’est vous avec les lunettes que j’ai repéré comme ça, mon regard est tombé sur vous par hasard. Ca va, vous avez le micro ?
Un étudiant : Bonjour Monsieur le Président de la République et Monsieur le Premier ministre. Je me sens d’autant plus concerné de votre présence vu que je suis Franco-belge, donc, je vous préviens, je peux voter pour vous deux. Je suis attentif à vos réponses, j’ai déjà voté pour vous, je le dis franchement. Ma question, reprenons sur l'Europe quand même, c'est sur l'Europe de la défense. Monsieur MACRON, j'ai vu que vous étiez assez intéressé pour une Europe de la défense malgré un certains tweets de notre ami américain, c'était pour savoir avec une Allemagne assez timide dans l'intégration européenne, avec madame MERKEL qui est assez faible au niveau électoral, quel est votre agenda et les dispositions pratiques pour une Europe de la défense avec tout ce qui est les soucis linguistiques, logistiques, etc. ? Merci.
LE PRESIDENT : Merci à vous. L'Europe de la défense d'abord on est vraiment en train de la faire et je pense qu'il faut qu'on ait encore plus d'ambition. D'abord pourquoi je crois à une Europe de la défense ? Parce que je pense que c'est un ciment parce que quand on regarde la mission première d'un Etat, d'une structure politique, c'est de protéger ses concitoyens et on ne pourra pas avoir une Europe forte, plus souveraine, plus unie si lorsqu'il y a un risque vital dans un endroit de l'Europe on dit « je ne sais plus vous protéger, je dois faire appel à d'autres ». C'est d'ailleurs ce qui fait que, vous pouvez le sentir, dans certains pays d'Europe centrale, orientale ou méditerranéenne, balkanique, certains pays se sont habitués à se tourner beaucoup plus vers les Etats-Unis que vers l'Europe ou vers l'OTAN que vers l'Europe. L'Europe est une composante de l'OTAN mais nous devons avoir notre souveraineté propre parce que c'est ça qui nous rassemblera, qui fait que s'il faut protéger l'Estonie, la Finlande ou tel ou tel autre pays on est capable de le faire et on le fait.
Donc moi je crois beaucoup à cette notion et je pense que c’est un ciment fort, c'est une crédibilité, ce sera aussi un moyen de dépassionner notre débat avec les Russes, de créer une vraie architecture européenne de défense et c'est un moyen aussi de répondre à ce qu'on voit même déjà avant le président TRUMP côté américain qui est des Etats-Unis d'Amérique qui regardent soit de plus en plus vers eux-mêmes dans un isolationnisme actuel, soit vers le Pacifique, je rappelle que le président OBAMA avait dit « je serai le premier président Pacifique » au sens géographique du terme, et donc l'Europe doit prendre son destin en main. On a déjà fait une coopération structurée sur le plan de la défense, on l’a signée ensemble, on y est ensemble avec une très large majorité de pays et on a des projets déjà qui sont lancés, plus d'une quinzaine, dans cette Europe de la défense, des projets concrets qui engagent nos armées, nos industriels de défense et qui nous permettent d'avancer.
On a ensuite pour appuyer ça lancer un Fonds européen de défense, les débats sont en train de se poursuivre mais nous on a pris au Conseil et la Commission était très active aussi, il faut lui rendre hommage parce que c'est la Commission européenne à laquelle on doit beaucoup sur ces deux sujets, on avance très fortement et donc là on va pouvoir financer des projets y compris pour des petites entreprises du secteur de la défense en la matière.
Troisième point…
Johanne MONTET : Monsieur le Premier ministre, oh, pardon, je vous ai coupé !…
LE PRESIDENT : Non, non, juste, je finis très rapidement, rassurez-vous, j’ai compris votre manœuvre !
Johanne MONTET : Je suis incorrigible !
LE PRESIDENT : Moi j’avais proposé il y a un peu plus d'un an à La Sorbonne une Initiative européenne d'intervention pour rassembler en quelque sorte nos cultures d'intervention et dire on va ensemble mieux coordonner cette fois-ci non pas le côté industriel mais nos manières d'intervenir. On a déjà plusieurs États membres qui sont là, on est en train de la structurer et de continuer à développer. Et puis vous parlez de l'Allemagne, ce sera mon dernier mot, en franco-allemand on a plusieurs projets, un projet de char d'assaut du futur et un projet d'avion de combat du futur qu'on fait ensemble, enfin de manière intégrée, et plus on peut l'ouvrir à des partenaires européens, plus on peut travailler avec justement des Etats comme la Belgique, mieux c'est. Donc elle avance, moi je souhaite qu'on aille encore plus loin mais on a déjà fait en un an et demi ce que nous n'avions jamais fait depuis le milieu des années 50, date à laquelle, je dois bien le dire, la France avait contribué à bloquer le projet de Communauté européenne de la défense.
Johanne MONTET : Monsieur le Premier ministre, on peut la faire ensemble cette Europe de la défense sachant qu'on a acheté des avions américains ? (Applaudissements)
// Propos de Charles MICHEL //
Michel LIEGEOIS : Très bien, il est donc déjà temps maintenant de passer à la troisième séquence, le temps passe très, très vite, la séquence consacrée à l'Europe dans le monde, aux relations internationales. Je pense qu'on n’aura pas beaucoup plus de temps que pour une seule question ou alors si elles sont très brèves peut-être, donc vraiment je vous demande de faire un effort.
Johanne MONTET : Ah on va en grouper deux, trois !
Michel LIEGEOIS : Grouper deux, trois questions extrêmement brèves.
Johanne MONTET : On va les faire en rafale !
Michel LIEGEOIS : Voilà, je vois déjà qu’il y a des mains qui se lèvent.
Johanne MONTET : J’avais une main par là, j’avais une jeune fille ici devant.
Pauline, Etudiante en relations internationales à l’UCL : Monsieur le Premier ministre, Monsieur le Président de la République, merci. Ma question est la suivante, je m’adresse à vous, Monsieur le Président, quelle est la positon de la France à propos du déplacement de l'ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem et ce que cela représente pour la symbolique ? Merci.
Johanne MONTET : Une deuxième question, il y a une jeune fille là au bord, je prendrai peut-être bien un garçon aussi.
Une étudiante : Bonjour Monsieur le Président, bonjour Monsieur le Premier ministre. En mai dernier, le président des Etats-Unis annonça qu'il se retirait de l'Accord de Vienne sur le nucléaire iranien, je m'adresse à chacun de vous, comment évaluez-vous la manière avec laquelle l'Iran a rempli ses obligations à l'égard de l'Accord de Vienne ? Et justement quel rôle l'Europe peut-elle jouer pour l'amélioration des relations entre l'Iran et les Etats-Unis ?
Johanne MONTET : Une troisième, là, une fille !
Dilay, Etudiante en deuxième année de master en administration publique : Bonjour Monsieur le Président, bonjour Monsieur le Premier ministre, bonjour à toutes, bonjour à tous ! Monsieur le Président, vous avez mentionné lors de votre discours à la 73ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies que nous sommes dans une crise du multilatéralisme. En effet on peut voir qu'aujourd'hui au centre de l'Union européenne cohabitent des régimes, des dirigeants avec des idées et des idéologies assez divergentes et on l'entend notamment dans votre rhétorique assez offensive envers les démocraties libérales en vue des élections européennes, néanmoins on ne peut pas nier leur place légitime dans l’Europe. Ma question est donc dans ces conditions comment faire avancer le projet européen en dépassant ces divergences et quelle est la place de votre pays, la France, mais aussi de la Belgique, Monsieur le Premier ministre, dans ce processus ? Merci beaucoup.
Michel LIEGEOIS : Nous avons très peu de temps…
Johanne MONTET : On a trois minutes si vous voulez être à l’heure pour le roi et la reine ! (Elle sourit)
// Propos de Charles MICHEL //
Johanne MONTET : Monsieur le Président, sur ces trois thèmes…
LE PRESIDENT : Sur la le choix unilatéral américain de déplacer l'ambassade à Jérusalem, je l'ai dit, nous ne partageons pas ce choix et surtout je pense que ça ne sert à rien, au contraire, et on l'a vu dans les réactions que ça a produit sur le terrain. La France continue à défendre ce qui, je le rappelle, est d'ailleurs conforme au droit international, on ne peut pas défendre le multilatéralisme si on le conteste quand il ne nous arrange pas les deux Etats avec Jérusalem pour capitale et ces deux Etats c'est la seule manière de construire la paix sur le terrain. Donc d'une part nous ne partageons pas ce choix, nous l’avons désapprouvé et je le regrette dans les conséquences qu'il a eues sur place mais surtout en méthode. Je pense que la seule manière de faire advenir la paix c'est sur le terrain, c'est en permettant à l'ensemble des protagonistes de reprendre le dialogue et de construire sur le terrain la possibilité de le faire. Ca n'est ni à Paris ni à Bruxelles ni à Washington par des décisions unilatérales qu'on arrivera à régler ou à faire avancer ce problème. Au contraire, on est après dans une espèce d'escalade symbolique qui a des effets absolument terribles sur le terrain et qui a conduit aux émeutes que nous avons vues à la suite de cette décision. Donc je pense que c'est une mauvaise décision et j'ai eu l'occasion de le dire, elle n'a d'ailleurs pas eu de lendemain puisqu'on nous annonçait quelques semaines après un plan plus large de paix qui n'a toujours pas vu le jour.
Sur l'accord nucléaire iranien, vous êtes là, donc l'accord dit de Vienne signé en juillet 2015. Comme vous le savez la France en est signataire avec l'Allemagne et le Royaume-Uni, nous avons décidé nous d’y rester et donc c'est la grande différence parce que là aussi je crois à ce multilatéralisme fort. Les récentes révélations ont montré que les Iraniens étaient sans doute même plus avancés que nous ne le pensions avant la signature de cet accord en termes de progression vers la maîtrise du nucléaire et du nucléaire défense. Y compris les révélations les plus récentes montrent le bien-fondé de la démarche internationale qui a vu le jour durant les années qui ont précédé cet accord.
Deuxième chose, depuis que cet accord est signé, juillet 2015, l'AIEA qui est l'agence compétente pour assurer justement ces vérifications a pu mener toutes diligences lorsqu'elle a demandé justement d'évoluer, c'est-à-dire d'aller par exemple vérifier comme à notre demande dans les universités, elle a pu le faire et elle n'a jamais constaté d'infraction à l'Accord de Vienne, jamais. Donc nous n'avons aucun fondement sur la base des constats faits par l'AIEA et de l'accord signé pour dire qu'il y a eu une infraction par rapport à ce que nous avions signé.
Troisième point, je pense qu’on s'affaiblit collectivement s’il y a un Etat qui ne se comporte pas normalement, qui est délinquant et au moment où nous signons un accord avec lui nous sommes les premiers à ne pas le respecter. C'est pourquoi l'Europe a décidé de rester dans le JCPoA comme on l'appelle en bon français, donc l'accord sur le nucléaire iranien, que la conséquence première, vous l'avez noté, c'est que l'Iran y est resté. Je suis convaincu que si les pays européens en étaient sortis l'Iran serait sorti et ils auraient repris leur activité. Donc nous avons aujourd'hui une situation où la pression est maximale, où des sanctions nouvelles ont été prises par les Etats-Unis, parce que l'Europe a décidé de rester dans cet accord, est encore en train de construire d'ailleurs des solutions pour permettre à cet accord de vivre pleinement mais a pris la décision politique avec des conséquences d'ores et déjà concrètes, les Iraniens restent dans cet accord et ne reprennent pas leur activité nucléaire, ce qui est une bonne chose.
Le débouché de cet accord, je l'avais évoqué dès le discours que j'avais tenu à l'Assemblée générale des Nations Unies à l'été 2017, c'est pour moi de compléter cet accord avec trois piliers, un accord sur l'activité nucléaire iranienne post-2025, une négociation sur l'activité du régime iranien dans la région parce qu'il déstabilise beaucoup, en Irak, en Syrie, au Liban, au Yémen, et un accord contraignant l'activité balistique iranienne dans la région, c'est donc là-dessus que nous allons continuer à nous concentrer. Mais aujourd'hui pour moi le rôle de l'Europe c'est d'être justement ce ciment, le garant de ce multilatéralisme fort avec des résultats, l'Iran est resté, mais le garant aussi d'un dialogue qui à un moment va produire ses fruits et moi je pense que dans les prochains mois on retournera dans une phase de dialogue avec l'Iran et les Etats-Unis sur ce sujet, c'est le seul moyen d'éviter un embrasement régional et d'apporter une réponse profonde à cette crise.
Enfin, sur votre point, les fondements du multilatéralisme à la fois hors d'Europe et en Europe. Le Premier ministre l'a dit, on voit partout dans le monde une tentation illibérale et vous l'avez rappelé dans votre question. Cet illibéralisme sur le plan politique on le mesure à quoi ? Quand on ferme des universités ou qu'on interdit des universités, lorsqu'on revient sur l'indépendance de la justice ou qu'on la réduit drastiquement et lorsqu'on contraint le droit à l'information libre et qu'on multiplie la manipulation de l'information ou qu'on emprisonne les journalistes. Il y a évidemment la réduction du droit syndical qui va avec beaucoup d'autres choses mais ce sont ces trois, quatre symptômes qui permettent justement de repérer le recul de l'Etat de droit et les menaces faites au multilatéralisme partout où nous les condamnons, partout où nous luttons contre ces pratiques et nous les avons aussi en Europe.
Moi je pense qu'il y a deux façons de faire en Europe, la première c'est de ne rien céder à ces reculs et donc de lancer les procédures, d'être clair dans les votes au Parlement européen, il y a eu un vote sur la base d'un rapport fait au Parlement sur la Hongrie, enfin on a réussi à avoir un vote positif, et certains parce qu'on a mis la pression sont sortis de leur ambiguïté, les mêmes qui s'étaient abstenus ou avaient voté pour protéger leur ami hongrois, dirigeant hongrois, ont été enfin clairs. Mais on a aujourd'hui des procédures européennes qui sont trop lentes, paralysées, inefficaces et qui ne nous permettent pas bien de protéger l'Etat de droit. Et moi je ne veux pas d'une Union européenne qui protègerait formidablement bien et de manière tatillonne le moindre écart aux déficits publics mais qui ne protégerait jamais le moindre écart à l'Etat de droit. C'est un peu la situation dans laquelle nous sommes entrés et ça doit être un des débats pour les prochaines européennes et de modification des traités à venir. Mais, un, ne rien lâcher à ce combat, être intraitable et sur tous les pays où toutes les pratiques qui dérivent ou qui vont dans le sens que j'évoquais être très dur et considérer que c'est une infraction non seulement à nos traités mais à notre ADN, c'est l'Europe ! L'Europe c'est ce seul espace politique au monde qui aime la liberté, l'égalité, le respect de l'individu et de ses droits fondamentaux, il n’y a aucun espace politique au monde où il y a cet équilibre politique, économique et social.
Malgré tout il ne faut pas s'arrêter à ces divisions et c'est pourquoi nous travaillons ensemble y compris avec des Etats qui sont dans ces procédures à essayer de trouver des compromis pour faire avancer d'autres sujets et pas simplement les mettre au ban en disant « on n’avance rien », ne pas cesser la bataille pour avancer plus efficacement en termes de migration, trouver des solutions en terme social. Par exemple on a trouvé un accord avec plusieurs Etats qu’on nous opposait souvent pour faire avancer la directive Travail détaché et revenir sur ces aberrations, on continue le dialogue sur le transport et sur beaucoup d'autres sujets. Donc moi je ne suis pas pour créer ou mettre de nouveaux murs en Europe, je suis pour un dialogue avec tout le monde mais je suis pour une exigence avec tout le monde y compris avec nous-mêmes quand il s'agit des principes et de l'Etat de droit.
Johanne MONTET : On peut prendre une dernière question mais courte avec des réponses courtes, Monsieur…
Nicolas de SADELEER, Etudiant à l’Université Saint-Louis de Bruxelles : Vous avez beaucoup parlé tous les deux, Monsieur le Premier ministre et Monsieur le Président de la République, d'ambitions. Du fait qu'une certaine forme de technocratie européenne devait sans doute descendre de son piédestal et que le projet européen devait être porté par nos concitoyens sans doute davantage.
Johanne MONTET : On a dit court, Monsieur, je précise juste parce que je donne une dernière question vraiment pour en profiter un maximum du temps mais il faut y aller tout de suite !
Nicolas de SADELEER : D’accord, pourrions-nous en matière d'enseignement, d'éducation, de recherche où nous perdons des places constamment par rapport aux universités chinoises, australiennes, etc., opérer un basculement paradigmatique en refinançant, en décuplant le financement de la recherche, avoir un véritable projet européen de la recherche et de l'enseignement, seriez-vous tous les deux prêts à porter ce projet ?
// Propos de Charles MICHEL //
LE PRESIDENT : La réponse est oui, moi je crois à une Europe qui a de l'ambition en matière d’enseignement supérieur et de recherche, c’est pour ça que j'ai proposé cette idée d'université européenne pour gagner justement en déploiement. Et c'est pour ça que, vous avez raison, il faut largement multiplier nos financements européens en la matière, programmes de recherche, priorité, de recherche fondamentale comme de recherche appliquée, il ne faut pas oublier la première parce que si elle n'est pas là la seconde a peu de chance d'exister. Quand je regarde aujourd'hui les défis d'avenir en termes d'innovations l'intelligence artificielle dont on parle tant, l'Europe c'est de 10 % des crédits investis en la matière. Et donc si nous ne nous réveillons pas le risque c'est que le cœur de la recherche, de l'investissement et des initiatives soit chinois, américain. Donc, oui, nous devons passer à l'échelle et profondément bousculer nos habitudes en investissant bien davantage et moi je suis favorable à une augmentation du budget commun européen par une augmentation de ressources propres allouées sur des priorités comme celles-ci. Oui, passer à l'échelle sur recherche fondamentale, innovation, en particulier sur l'intelligence artificielle mais pas uniquement, et avec cela passer à plus de subsidiarité dans le fonctionnement du système européen de recherche et d'enseignement supérieur.
Je crois à des grands programmes de recherche européens, je crois à ce projet d'université européenne mais je crois à moins de bureaucratie tatillonne où le moindre chercheur dès qu'il a un crédit européen passe une semaine et des dossiers infernaux à remplir pour pouvoir avoir accès à ces crédits et donc obligé d'embaucher des gens quasiment en permanence pour avoir accès à ces quelques crédits. Aujourd'hui notre schéma est « lose lose », on dépense moins que les grandes puissances et on a des schémas plus compliqués, on doit mettre plus, évaluer de manière beaucoup plus rigoureuse et peut-être a posteriori et moins a priori débureaucratiser et subsidiariser beaucoup plus.
Michel LIEGEOIS : Voilà, le chronomètre est impitoyable et donc nous arrivons déjà au terme de ce beau moment d'échange et de débat. Ce matin sur une radio de service public que je ne citerai pas une chroniqueuse ironisait sur la possibilité d'organiser un vrai débat avec 1.000 étudiants mais vous avez prouvé que c'était possible et je vous en remercie. Donc je vous rappelle, point technique, qu'il est demandé à l'assistance d'attendre que les délégations se soient retirées avant de quitter la salle et en quelques secondes je voudrais tout de même remercier toutes celles et tous ceux, et je n’ai évidemment pas le temps de les citer, qui se sont mobilisés sans compter pour que ce bel événement puisse avoir lieu. Un tout grand merci en particulier aux collègues qui ont animé les groupes de réflexion au sein des facultés, je remercie les étudiants, vous, les étudiantes et les étudiants pour votre implication, votre dynamisme. Merci à toi, Johanne, pour ton aide précieuse dans l'animation et bien entendu un immense merci à vous, Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, pour ce très beau moment privilégié de dialogue et de débat.
Johanne MONTET : Merci !
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