30 septembre 2018 - Seul le prononcé fait foi

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Transcription de la conférence de presse du Président de la République, Emmanuel Macron à Saint-Martin

SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI.
Saint-Martin – Dimanche 30 septembre 2018

Mesdames, Messieurs les Ministres,

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs les Parlementaires,

Monsieur le Préfet, Madame la Préfète,

Mesdames et Messieurs,

Je tenais en effet à rendre compte de ce déplacement à l'issue de ces 24 heures passées parmi vous à Saint-Martin et à répondre à toutes vos questions.

Il y a un an, j'étais venu quelques jours après le cyclone Irma pour, à vos côtés, partager la détresse de nos citoyens, constater les dégâts et engager la Nation toute entière. Irma a été un cyclone, je le rappelle, d'une ampleur sans précédent ; le premier cyclone qui est resté trois jours continus en catégorie 5 de mémoire d'homme et cyclone qui est passé précisément sur les deux îles. Nous déplorons 11 victimes et plus de 200 blessés.

Ce que Saint-Martin a vécu il y a un an, est inédit ; néanmoins, ce que Saint-Martin a vécu il y a un an, peut se reproduire à nouveau et nul ne peut aujourd'hui nous dire le contraire.

Tous les bâtiments ont eu des dégâts : 95% ont été endommagés à des degrés divers ; plus de 20% des bâtiments de Saint-Martin ont été totalement détruits. Des dégâts estimés à plus de 3 milliards d'euros au total.

Face à ces dégâts et ces drames d'une ampleur sans précédent, la Nation toute entière a été présente aux côtés de la collectivité des Saint-Martinoises et Saint-Martinois et je le dis ici avec beaucoup de force : ce sont 3.000 fonctionnaires qui se sont déplacés sur le terrain, bénévoles, membres des forces de sécurité avec des moyens lourds, le BPC Mistral, la Frégate, l’A400M, les hélicoptères ; des secours, on le sait, qui ont été perturbés ensuite par le passage de José qui interrompit le pont aérien pendant un temps, mais qui ont permis la stabilisation de l’île. Je le dis là aussi parce que cette mobilisation a été sans précédent ; c'est plus de 560 bénévoles qui ont été mobilisés, ce qui marque cette mobilisation de la Nation toute entière aux côtés de Saint-Martin.

Je veux ici aussi avoir un mot pour celles et ceux qui ont été là les premiers jours, nos forces de gendarmerie, notre sécurité civile, la préfète déléguée, madame LAUBIES, la ministre des Outre-mer qui, le lendemain, était parmi vous ; remercier le préfet de Guadeloupe qui a accepté la tâche de délégué interministériel dès les premiers jours et a œuvré aux côtés de la collectivité pour retrouver une vie normale et remercier madame la Préfète déléguée d'avoir accepté la charge de prendre la succession et de poursuivre ce travail.

L’État a été pleinement mobilisé, est pleinement mobilisé aux côtés de la collectivité de Saint-Martin, Président - et j'y reviendrai dans un instant dans le détail - le Président GIBBS a été élu très peu de temps avant Irma, a eu à subir de plein fouet ses conséquences et l'Etat se doit d'être à ses côtés et aux côtés de la collectivité pour réussir.

A la suite d'Irma, nous avons réussi dans un temps record à assurer le retour des services publics : routes, eau, électricité, téléphone, santé, ce qui a nécessité une forte mobilisation collective. L'électricité a été totalement rétablie en cinq semaines et cette phase de gestion de crise a été achevée en décembre 2017. Là aussi, je veux remercier l'ensemble des services de l'Etat et les opérateurs qui, en un temps record, se sont mobilisés aux côté de la collectivité, pour réussir ce qu’aucun autre endroit dans la région n’a réussi suite au passage d’Irma, aucun autre.

On a continué à soigner, on a continué à assurer ce qui est le service au public dans la République dès les premières heures parce qu'il y a des femmes et des hommes qui ont considéré que c'était leur tâche et nous avons réussi sur les réseaux essentiels grâce à la mobilisation de tous et toutes justement, à rétablir la norme. Je m'étais déplacé les 12 et 13 septembre pour être à vos côtés ; j'avais pris l'engagement de revenir pour rendre compte ; me voilà un an après pour ce qui est, à mes yeux, une visite de chantier.

L'Etat, je le disais donc, a mis en place un dispositif de soutien à la reconstruction au nom de la solidarité nationale. Les réseaux, et nous allons poursuivre avec la collectivité et les opérateurs ce travail pour dans les prochains mois et d'ici à fin 2020, ce travail sera parachevé, réussir à être exemplaires sur les réseaux essentiels, à enfouir le réseau électrique de téléphonie pour assurer justement la viabilité de l’île.

Mais l’Etat s'est aussi fortement mobilisé avec d'abord la gestion opérationnelle de la crise évaluée à près de 170 millions d'euros ; les populations sinistrées ont été aidées, la carte prépayée dont nous avions conçu le principe lors de la réunion tenue à la collectivité ensemble il y a un an, la carte prépayée Cohesia a bénéficié à 4.200 familles pour un montant de 2 millions d'euros ; des indemnisations pour les familles mal assurées ont été versés à hauteur de 1,7 millions d'euros au titre du Fonds de secours outre-mer ; 6 millions d'euros ont été mobilisés pour aider les bailleurs sociaux dans leurs chantiers de reconstruction. Les entreprises ont été accompagnées - 638 entreprises ont bénéficié d'une aide au redémarrage pouvant aller jusqu'à 10.000 euros - pour un montant total de 2,7 millions d'euros. Le chômage partiel a été mobilisé à hauteur de 46 millions d'euros en 2017 et les prévisions pour 2018 s'élèvent à 75 millions d'euros. Un moratoire fiscal et social très large a également été mis en place au bénéfice des entreprises. La collectivité de Saint-Martin a été également massivement soutenue par l’Etat parce que c'était notre devoir ; l'Etat a compensé la chute des recettes fiscales à hauteur de 12,2 millions d'euros en 2017, 50 millions d'euros en 2018 et 2019 principalement pour financer la paie des agents de la collectivité.

Enfin, l'Etat, avec ses opérateurs, a mobilisé 15 millions d'euros d'aides financières directes pour les travaux de mise en état des bâtiments publics et propose jusqu'à 60 millions d'euros de prêts. Je veux rappeler ces chiffres ; ils matérialisent la solidarité nationale à un niveau inédit pour une collectivité de cette taille mais parce que ce qui a été vécu par Saint-Martin est inédit.

Il y a eu aussi des assouplissements pour accélérer les procédures, c'est l'engagement que j'avais pris il y a un an : bousculer les procédures pour réussir. Un guichet unique a été mis en place pendant plusieurs semaines pour toutes les formalités des entreprises - chômage partiel, cotisations sociales, situation fiscale - l'Etat a mis en place un dispositif spécifique de chômage partiel plus généreux que le dispositif actuel car sa durée a été augmentée de 60% en 2017. L'Etat a mobilisé les assureurs pour qu'ils rattrapent leur retard - et nous étions encore présents aujourd'hui comme il y a un an, avec le président de la Fédération Française des Assurances. La Fédération Française des Assurances s'est rendue à plusieurs reprises à Saint-Martin ; 95% des dossiers ont commencé à avoir une indemnisation ; il y a encore des difficultés qui existent, nous l'avons vu, mais elles sont en train d'être traitées mais il y a aussi des difficultés résiduelles qui sont liées, dues au fait que beaucoup d'entreprises ou de ménages ne s'étaient pas assurés préalablement à la crise. Des outils juridiques ont été recommandés aux syndics pour faciliter les prises de décisions dans les copropriétés dégradées ; les règles de mise en concurrence des marchés publics ont été assouplies dans la période d’urgence et les règles de mise en décharge des véhicules et des gravats ont été assouplies au bénéfice d'un retraitement des encombrants et deux garages supplémentaires ont été agréés.

Je rentre dans le détail parce que c'est ça le quotidien de nos concitoyens et ce sur quoi ils m'ont interpellé hier comme ce matin.

Cette mobilisation va être adaptée sur les enjeux du quotidien, compte tenu de ma visite d’hier et d'aujourd'hui sur le terrain. D'abord sur la situation des écoles, nous l'avons évoqué avec le Président, cette situation ne saurait durer ; il y a des difficultés qui sont inhérentes à la complexité de certains projets mais nous allons maintenant avec la collectivité prioriser le sujet des écoles. 15 millions d'euros sont mobilisés pour accompagner la collectivité dans la réparation des installations scolaires dont le coût est conséquent y compris ce qui a été pris en charge par la collectivité. S'agissant des travaux à achever pour un fonctionnement normal du système scolaire, nous allons accélérer les choses aux côtés de la collectivité pour nous assurer que dans les prochaines semaines, une réponse est apportée à toutes les situations résiduelles. La Préfète a mis en place un comité de suivi dans chaque établissement et désormais, chaque semaine, un comité de pilotage sera réuni avec les parents, les enseignants, les administrations pour faire le point des avancées et des difficultés rencontrées. Il reste des difficultés, on le sait, sur certaines infrastructures – collèges, lycées, lycées professionnels - il y a des emplois du temps qui ne conviennent pas pour l'école de la République - j'en ai vu hier la démonstration, il y a des livres qui sont encore manquants - et donc nous devons dans les prochaines semaines répondre à ces besoins.

Nous avons déjà mobilisé depuis plusieurs mois, au sein de la collectivité, un agent technique du ministère de l'Education nationale qui assiste les fonctionnaires territoriaux pour le pilotage des travaux. Cette mission sera renforcée et prolongée aussi longtemps que cela sera nécessaire et c'est à mes yeux, l'une des priorités de notre action aux côtés de la collectivité.

Deuxièmement, s'agissant des logements sociaux, il n'est pas acceptable que nombre de travaux ne soient pas encore réalisés. L'Etat a réservé 6 millions d'euros au bénéfice des bailleurs et demandé en échange que les bailleurs ne versent pas de dividendes à leurs actionnaires pendant trois ans. Je constate que ces crédits n'ont pas été versés, faute d'accord d'un des bailleurs dont nous avons visité hier les logements. Cette situation est inacceptable. Nous avons ce matin avec un des présidents de la SEMSAMAR, eu cette discussion ; il hérite une situation passée et je veux que nous l'aidions.

Cette situation passée, elle a plusieurs fois été dénoncée et les procédures y compris judiciaires seront menées à leur terme mais je veux aider la nouvelle présidence de la société d'économie mixte et la collectivité pour réussir ce nouveau pari. Mais réussir, ça veut dire accompagner avec les financements, ça veut dire aussi changer ces pratiques. On ne peut pas accepter l'état des logements que nous avons vus hier ; il faut donc accélérer les travaux, répondre aux besoins de la population.

Je demande à tous les bailleurs de réaliser les travaux d'ici le 31 décembre ; si les travaux ne sont pas achevés à cette date, le préfet pourra enclencher une procédure pénale considérant qu'ils relèvent de la catégorie des marchands de sommeil. C'est ce que nous ferons ensemble pour ne pas reproduire les erreurs du passé et pour accompagner la nouvelle présidence de la société d'économie mixte.

De façon générale, je veux qu'ensemble, nous puissions accélérer la reconstruction. D’abord, l'accompagnement de la collectivité sera renforcé ; l'Agence française de Développement mobilise d'ores et déjà trois cadres techniques pour le management interne sur les marchés publics, les ressources humaines, la finance, les services techniques ; ce soutien en ingénierie sera renforcé de deux effectifs supplémentaires au moins d'ici la fin de l'année et je souhaite que nous puissions répondre à tous les besoins du président de la collectivité et de ses équipes. Ces renforts sont faits à la demande de la collectivité, en plein accord avec son président. En outre, les financements européens seront mobilisables par la collectivité au-delà de la date initialement prévue du 31 décembre 2018 qui s'avère trop courte pour l'achèvement des travaux sur les bâtiments publics.

Ensuite, le redémarrage de la vie économique et des entreprises. Sur ce point, nous venons d'avoir ce matin un long échange qui a été fructueux et nous en avons vu toute la nécessité. Le moratoire sur les charges sociales sera prolongé jusqu'au 30 juin 2019. Des annulations totales ou partielles des charges patronales, pourront avoir lieu pour les entreprises dont l'activité est durablement diminuée. Le chômage partiel se prolongera en 2019 sur la base de mille heures dans l'année et donc nous poursuivrons cet accompagnement mais il impose aussi – et j'y reviendrai dans un instant - une mobilisation de tous et toutes.

Je souhaite citer trois chantiers complémentaires qui seront accélérés : un effort particulier sera fait pour l'élimination des bateaux hors d'usage avec des normes environnementales élevée - 170 épaves sont encore concernées -l'objectif est de relever 32 épaves d'ici la fin de l'année 2018 et le solde en 2019. Le ministère des Transports proposera une assistance pour aider à la fluidification du transport maritime, pour faciliter l'arrivée des matériaux et la reconstruction.

Enfin, le volet social sera renforcé par l'action des compagnons bâtisseurs, qui prévoit la réhabilitation de 140 maisons pour des populations très défavorisées.

Voilà les éléments d'urgence et de poursuite de cette urgence sur lesquels je souhaitais revenir.

Le deuxième point sur lequel je voulais insister auprès de vous, c'est que le passage d'Irma a mis en lumière des fragilités du territoire et des vulnérabilités auxquelles il faut répondre pour permettre la renaissance durable du territoire. Ces fragilités, elles ne sont pas simplement dues à Irma et elles ne datent pas d'il y a un an. Et donc nous ne devons pas reproduire ce qui a conduit à cette vulnérabilité ou parfois d'ailleurs aux faiblesses du passé.

C’est pourquoi il nous faut d'abord et avant tout renforcer la capacité du territoire à faire face aux risques naturels ; c'est à mes yeux une priorité. Les scientifiques considèrent en effet que la fréquence et l'intensité des cyclones s'aggravent du fait du changement climatique. Le territoire doit donc être renforcé pour y faire face. Nul ne sait dire en responsabilité si l'année prochaine, l'année suivante, un nouvel Irma n’est pas possible ; c'est même le contraire.

Il nous faut donc avant tout mieux connaître les zones dangereuses. A Saint-Martin, le statut d'autonomie confie aux élus locaux l'urbanisme et l'aménagement mais c'est l'Etat qui est compétent pour dire où sont les zones dangereuses. L'Etat a édité une nouvelle carte de submersion marine en novembre 2017 en un temps record. Cette carte a permis à la collectivité d'édicter de nouvelles règles d'urbanisme provisoires qui encadrent la reconstruction dans les zones de submersion. L’Etat présentera les nouvelles cartes qui prendront en compte la combinaison des risques tsunamis- séismes et cyclones d'ici à la fin de l'année. L'enquête publique aura lieu au second semestre 2019 ; le plan de prévention des risques sera approuvé fin 2019 ; entretemps, un plan provisoire sera approuvé par anticipation d'ici la fin de l'année pour figer les constructions nouvelles.

Le respect de ces zones dangereuses devra être renforcé. C'est l'objet de la nouvelle commission de contrôle mise en place par le préfet et le procureur. Nous allons aussi renforcer le contrôle de légalité des actes d'urbanisme par un examen plus systématique et rapide des autorisations qui sont délivrées. En outre, désormais, le préfet saisira le procureur de la République pour mise en danger de la vie d'autrui à chaque fois qu'il aura connaissance de construction de logements ou d'hébergements en zone dangereuse.

Les constructions devront aussi être plus robustes et à cet égard, l'État mobilisera le CSTB pour une vérification des normes. Dans les zones les plus dangereuses, le fonds Barnier sera mobilisé pour racheter les logements régulièrement construits ; les immeubles seront alors détruits et les propriétaires seront indemnisés. Ces procédures seront engagées d'ici la fin de l'année sur la base du volontariat des propriétaires qui le souhaiteront ; plusieurs dizaines d'habitations pourront être concernées.

Par ailleurs, pour les biens immobiliers dégradés qui resteront abandonnés, des règles spécifiques seront présentées d'ici l'été 2019 pour que ces abandons ne deviennent pas des obstacles à la reconstruction de l'île. Sur cette base, nous allons aussi, de manière pragmatique, mettre en place des normes qui vont permettre le redémarrage, qu'il s'agisse des logements comme de l'activité économique - nous l'avons évoqué tout à l'heure. Il faut sur ce point de l'exigence et du pragmatisme. On peut sur les zones identifiées comme vulnérables avoir des constructions mais aux normes adaptées, soit des constructions démontables et rapidement évacuables, soit des constructions avec un étage qui permettent l'évacuation en cas de submersion. Là-dessus, un accompagnement se fera pour qu’en bon ordre, l'activité économique, en particulier hôtelière et touristique, puisse reprendre, puisse être assurable et l'Etat jouera aussi son rôle avec les assureurs pour être sûr que quand les règles sont respectées, quand la loi est respectée, l'ensemble justement des assurances sont obtenues pour un retour à la vie économique normale.

De manière générale, pour l'ensemble des Outre-mer, le gouvernement prépare un plan d'action spécifique sur les risques naturels, qui sera traduit dans un projet de loi avant l'été 2019 et y prévoira entre autres un programme de mise en sécurité des bâtiments dont les bâtiments publics.

Il faut bien évidemment, dans ce contexte, parler des assurances. Le taux actuel d'assurance qui est de l'ordre de 40%, est une grande fragilité pour le territoire ; l'Etat proposera une concertation sur la refonte du dispositif des catastrophes naturelles, en vue d'un système plus rapide, plus généreux mais aussi plus incitatif et cette refonte sera présentée d'ici l'été 2019.

La résilience, c'est aussi une opportunité économique et je souhaite que l'ensemble des filières dans la construction, dans le développement touristique, des filières engagées dans la biodiversité que nous avons vue ce matin, puissent pleinement s'engager aux côtés de l'Etat, de la collectivité pour construire la résilience à venir de l'île et pour faire que le message que j'avais délivré il y a un an, devienne pleinement réalité. Nous ne saurions reconstruire l'île comme elle était précédemment.

Nous devons également renforcer l'attractivité touristique de Saint-Martin. C'est, je le sais, la priorité aujourd'hui du président GIBBS ; c'est au cœur de son programme et nous en avons ensemble longuement parlé. Le tourisme est un moteur économique de l’île ; il tire l'ensemble des secteurs d'activité, qu'il s'agisse du transport, du BTP, des services à la personne, de la distribution. C'est pourquoi l'Etat se mobilisera à vos côtés, Président, pour que la saison touristique 2018, soit une saison touristique à part entière. Les capacités d'accueil pour la fin de l'année sont estimées à hauteur de 600 à 800 places et de nombreux restaurants ont prévu d'ouvrir à nouveau leurs établissements pour la saison touristique d'hiver. Il y a donc la possibilité d'accueillir les touristes de façon plus réduite qu'avant Irma mais suffisamment significative pour que cette saison puisse devenir une priorité partagée.

L'Etat accompagnera de façon exceptionnelle cette première saison touristique post Irma d'abord par une relance promotionnelle des structures hôtelières qui sont ouvertes et qui sera prise en charge par Atout France pour les publics ciblés spécialement américains et européens. Ensuite, par un fonds de relance pour les petits acteurs de l'économie qui sera mis en place par l'Etat pour aider les artisans et commerçants à être prêts. Sur le modèle de la carte Cohesia, des aides à la relance seront allouées de l'ordre de 500 à 2.000 euros ; 200 micro-entreprises sont visées ; l'attribution se fera sur la base de projets. Un plan de formation sera mis en place avec l'ouverture dans quelques semaines d'un BTS dans le domaine des métiers du tourisme, la première promotion de BTS a été lancée l'année dernière ; son fonctionnement reposera sur l'alternance. Mais plus largement, j'ai demandé qu'un fonctionnement tripartite – collectivités, Etat et forces vives de Saint-Martin - soit coordonné tous les quinze jours par la préfète déléguée, afin que nous puissions avancer concrètement et répondre aux besoins soit par des formations locales et le développement de l'alternance et de l'apprentissage, soit par des solutions de continuité territoriale pour permettre à des jeunes ou moins jeunes d'avoir des opportunités dans les entreprises - je pense tout particulièrement à l'hôtellerie à Saint-Martin - et d'avoir la partie formation en Guadeloupe en ayant évidemment la possibilité de se déplacer.

Nous avons des fonds qui sont destinés à cela ; ils doivent être mobilisés et nous devons améliorer l'organisation collective sur ce point, c'est une priorité. L'Etat s'engage aussi dans la durée en faveur du développement économique à Saint-Martin ; Saint-Martin sera concernée par la refonte des aides économiques aux entreprises d'Outre-mer, portée par la ministre des Outre-mer. Les entreprises bénéficieront désormais des exonérations de charges sociales majorées ; à Saint-Martin, cette réforme représente 6 points de baisse de charges sociales qui seront intégralement exonérées dès le 1er janvier 2019, soit 12 millions d'euros environ. L'État modifiera les règles d'accès à la défiscalisation pour les équipements hôteliers afin d'inscrire dans la loi les critères de la défiscalisation responsable ; il s'agit de garantir dans la durée l'exploitation des capacités hôtelières aidées par l'Etat. Le délai d'exploitation des hôtels bénéficiant de la défiscalisation passera donc de 5 à 15 ans avec cette exigence de responsabilité.

L'Etat facilitera les aménagements touristiques qui permettent un tourisme de qualité ; il soutiendra le projet de requalification urbaine du centre ville de Marigot, Monsieur le Ministre, notamment la mise en valeur de l'habitat traditionnel créole et la valorisation des rues commerçantes et artisanales.

Ce que nous voulons ensemble, c'est une stratégie durable pour tous les acteurs économiques et nous serons au rendez-vous des projets ambitieux, Monsieur le Président, que vous voulez porter pour l’île, je le sais, avec toutes les filières économiques. Et pour cela, nous devons avoir une stratégie à la taille de l'île. Aujourd'hui, je le rappelais tout à l'heure, les chiffres sont cruels ; en termes de tourisme, la partie française, c’est 5% de l'activité, 5%. Nous ne sommes pas donc au rendez-vous de cette ambition. Il ne s'agit pas de courir après un modèle qui est à mes yeux peut-être déjà daté, d'attractivité à outrance ; nous devons construire un modèle reposant sur la biodiversité, sur la valorisation du patrimoine naturel qui est le nôtre, sur la qualité de l'accueil des Saint-Martinois, sur l'excellence des infrastructures et d'infrastructures durables nouvelles. Et c'est cette ambition que nous devons avoir à la taille de l'île, par une coopération aujourd'hui renforcée depuis les accords signés par le Président et la Ministre avec nos partenaires néerlandais en juin dernier ; et donc c'est pour se faire que je veux que nous construisions avec les acteurs économiques cette nouvelle stratégie d'un développement économique touristique durable.

Les deux parties de l'île doivent avancer ensemble vers des mutualisations - la question de la plateforme aéroportuaire a été évoquée - et l'Etat apportera son soutien pour mobiliser des financements exceptionnels via l'Agence française de développement et la Caisse des Dépôts.

Pour réussir dans cette stratégie, pour conforter Saint-Martin, nous devons aussi renforcer l'action de l'Etat sur le terrain ; c'est pour moi complémentaire et indispensable. L’Etat a été présent, je l'ai dit, en cas de crise après peut-être des années où il y avait eu à Saint-Martin de nombreux débats pour dire que la République, c'était loin et parce que la République non plus n'avait pas toujours été à la hauteur de ce qu'elle devait sur un de ses territoires. Nous sommes tous les héritiers d'un passé qui nous a précédés. Sur ce point, je veux renforcer la présence de l'Etat en particulier dans sa part la plus régalienne pour vous accompagner Monsieur le Président. Vous avez un défi : vous avez été élu quelques semaines avant Irma ; on ne peut pas vous reprocher ce qui s'est passé avant et on ne peut que vous encourager à relever ce défi aujourd'hui mais à le relever pour transformer et pour corriger ces errements du passé.

C'est pourquoi je veux que l'Etat soit pleinement présent à vos côtés, aux côtés des Saint-Martinois et Saint-Martinoises, pour que maintenant, les règles soient respectées, pour que les accommodements avec les règles, parfois les corruptions auxquelles on a assisté, ne se reproduisent plus. Je sais que c'est aussi votre combat, que vous voulez le réussir. J'ai confiance en vous et je veux vous y aider et c'est pour cela que nous devons à tous les Saint- Martinois et à ceux qui visitent le territoire d'abord sécurité et tranquillité.

Je veux ici saluer l'ensemble de nos forces de sécurité qui ont été exemplaires dans les premiers jours avec un courage personnel - et je pense en particulier au général de gendarmerie et au colonel qui sont derrière nous, qui étaient là il y a un an. Depuis le passage d'Irma, la délinquance a baissé, notamment la grande délinquance ; les vols à main armée ont été divisés par deux entre 2017 et 2018, passant de 52 faits à 21 faits. Et nous poursuivrons cela et il faut le dire : Saint-Martin est un endroit sûr parce qu'il y a eu la mobilisation de tous et un travail exemplaire.

La lutte contre la fraude, le blanchiment et la corruption sera également renforcée. A cet égard, les services de sécurité et de la justice seront dotés de plusieurs compétences spécialisées pour lutter contre cette délinquance en col blanc ; la coopération internationale sera progressée et j'ai demandé que des équipes spécifiques soient envoyées à la fois en Guadeloupe et ici, à Saint- Martin ; d'une part, pour renforcer les actions indispensables en matière de lutte contre la corruption ; je souhaite que le Parquet national financier puisse avancer dans les meilleurs délais sur les procédures d'ores et déjà engagées.

Nous allons également mettre davantage de moyens pour assurer ce qu'est l'ordre public économique. L'ordre public économique, c'est simple… Qu'est-ce que c'est ? C'est s'assurer que celles et ceux qui veulent se loger ou retourner dans un logement, n’aient pas le loyer qui soit triplé par des propriétaires parce qu'ils ne sont que quelques-uns à tenir l’île. C'est s'assurer que les délais des marchés qui sont en particulier passés par la collectivité, sont respectés et que ce ne soit pas simplement quelques-uns qui concentrent les appels d'offres et qui ensuite décident de leur bon vouloir de la priorité qu'ils donneront à tel marché face à tel autre. C'est s'assurer que les assurances soient bien au rendez-vous et que certains ne majorent pas les primes indûment ou refusent d'assurer quelques-uns. C'est s'assurer que les entreprises ne triplent pas parce que c'est leur bon vouloir et qu'en quelque sorte les publics sont captifs le prix de la réparation d'un toit ou d'une fenêtre. C’est s'assurer, comme je le disais tout à l'heure, que l'ensemble des acteurs de l'économie, en particulier du logement social, fassent leur travail comme ils le doivent et donc pour ce faire, nous lancerons des contrôles avec l'ensemble des services de l'Etat compétents, des sanctions seront prises et nous saisirons la justice à chaque fois que ce sera nécessaire. C'est ce que nous vous devons pour mettre fin aux pratiques du passé. C'est ce que nous devons à nos concitoyens dont j'ai ici vu la détresse et l'impatience.

De même, la politique migratoire sera totalement repensée car on ne peut continuer à appliquer sans adaptation un droit qui est inadapté à ce territoire sans frontières. La collectivité a demandé de revoir les modalités de gestion et d'attribution du RSA et des prestations sociales ; la préfète déléguée, Madame FEUCHER, conduira des consultations locales pour faire des propositions au gouvernement en ce sens d'ici la fin de l'année. J'y suis favorable. La dématérialisation du RSA pourra notamment être étendue à ce territoire ; nous devons le verser différemment, être plus exigeants, mieux contrôler. Nous intensifierons notre coopération avec les Pays-Bas et le gouvernement local de Saint-Martin dans le domaine de la sécurité et des contrôles ; nous avons vu hier la situation, regardons-là en face : il y a trop d'habitants qui sont dans des situations irrégulières. Ceux qui sont là depuis parfois des décennies, qui ont eu des enfants ici, il faut que nous traitions les situations au cas par cas mais on ne peut pas laisser continuer des gens venant de toute la région arriver pour bénéficier des dispositifs de la France, de la solidarité de la communauté nationale, ça n'est pas soutenable.

Et donc là aussi, nous devons nous adapter, changer les règles, être plus pragmatiques et sans doute avoir une équipe au plus proche du terrain, faisant au concret les contrôles indispensables. Et nous finirons avec la logique de traitement dématérialisé comme partout sur le territoire de la République parce que ça ne fonctionne pas et j'en ai vu les dérives.

L'autre grand enjeu de service public, c'est évidemment la santé. Le système de santé français a montré sa robustesse. Madame la Ministre, vous étiez ce matin aux côtés des équipes soignantes et je vous en remercie, vous n'avez pas non plus compté votre mobilisation mais ces équipes ont été exemplaires. Dès le 8 septembre, deux jours après la crise, les blocs opératoires étaient de nouveau en fonctionnement ; le réseau de vigilance a permis d'éviter des épidémies contagieuses et détecter les situations de vulnérabilité. Des accords de coopération seront passés avec la partie hollandaise de l'île pour conforter la position du système médical français avec une transparence accrue sur les conditions d'accès et de financement.

Enfin, je le disais, le système scolaire est au cœur de nos préoccupations. Le ministre de l'Education nationale s'était rendu à Saint-Martin lui aussi, avec moi, dès le lendemain de la crise ; le Premier ministre avait assisté à la rentrée scolaire qui avait été décalée à la Toussaint et dans ce territoire jeune, nous devons proposer à la population des perspectives d'éducation, de formation dont l'ambition ne soit pas moindre que celle du reste de la France.

Nous devons aussi prendre en compte la situation majoritairement anglophone du territoire et adapter les modalités pédagogiques et les modalités de recrutement des enseignants. Le recteur y travaille déjà avec ses équipes. Et pour faciliter la réponse aux besoins, une déconcentration accrue au bénéfice de Saint-Martin et des personnels enseignants, sera mise en place par le recteur de Guadeloupe ; l'adjoint du recteur spécialement en charge de Saint-Martin, sera élevé au rang de vice-recteur dans le courant de l'année 2019. Cette appellation matérialisera des responsabilités accrues au sein du rectorat mais ne conduira pas à la création d'une académie autonome qui serait un frein à la mobilité des personnels.

Voilà ce que je voulais rappeler avec beaucoup de détails mais c'est un engagement indispensable.

En termes de calendrier, cette mobilisation est échelonnée ; la première étape, c'est la première saison touristique post-Irma. Saint-Martin doit être prêt, nous avons mis les outils pour cela ; cette étape doit être une réussite collective et maintenant. La deuxième étape, je la fixe dans six mois : un nouveau comité interministériel à la reconstruction se réunira en avril pour faire le point d'avancement du chantier et de la reconstruction et des avancées de chacun des acteurs mobilisés. Juste avant ce comité, la ministre reviendra pour voir les avancées sur le terrain et constater ce qui a fonctionné et n'a pas fonctionné.

Nous devons ensemble réussir cette transformation. La présence à mes côtés de quatre membres du gouvernement, les visites régulières de la ministre des Outre-mer vous montre une chose : après la visite du Premier ministre en novembre et le fait qu'il ait lui-même présidé plusieurs comités interministériels : il n'y a jamais eu une telle mobilisation de l'Etat, du gouvernement aux côtés d'un territoire en crise et en particulier de Saint-Martin. L'Etat est là et je remercie les ministres qui ont pris de leur temps, de leur énergie et qui suivent ce dossier et je remercie encore une fois le préfet et la préfète pour leur exemplarité et leur engagement.

Et nous réussirons cela si nous sommes pleinement engagés avec la collectivité, avec l'ensemble des partenaires économiques et sociaux. J’ai fixé ici quelques lignes et je compte sur vous pour réussir, c'est ce que nous devons aux habitants, c'est ce que nous devons à nos concitoyens. C'est exigeant, ça suppose de tourner des pages, celle d’Irma, mais celle aussi du passé. Cela suppose une ambition nouvelle, en transparence.

Vous l’avez compris, je suis là, j'ai tenu mes engagements, l'Etat continuera à être là et donc je compte sur chacune et chacun d'entre eux pour être au rendez-vous avec la même ambition et la même exigence.

Je vous remercie je vais répondre à toutes vos questions.

Estelle GASNIER : Bonjour. Vous avez évoqué des mesures de protection de la population en cas de cyclone ou autre événement, est-ce que l'Etat peut rendre obligatoire l'évacuation de la population ou à imposer certaines règles en matière de population ?

LE PRESIDENT : Bien sûr, tout à fait, c'est… d'abord l'Etat là a fait une première cartographie. Il y aura ensuite un travail qui sera fait, je redonnais, la répartition, les responsabilités. La situation que nous avons connue au moment d'Irma, qu'elle est-elle ? C'est qu'il y avait beaucoup d'habitations qui n'étaient pas conformes aux normes compte tenu du risque auquel elles étaient exposées et qu'il y avait aussi beaucoup d’occupations sans droit, ni titre. C’est ça la réalité. Et donc c'est des gens qui étaient exposés à un risque, peut-être le savaient ils, peut-être ne le savaient-ils pas, c'est des gens aussi qui n'étaient pas assurés. Et donc comme je vous le disais, la responsabilité de l'Etat, c’est de faire cette cartographie du risque.

Il y a déjà un premier document qui a été fait, j'irai donner le calendrier tout à l'heure avec les échéances sur les mois à venir. Sur cette base-là la collectivité aura à prendre les documents d'urbanisme et ensuite pour l'avenir nous avons, nous aurons vraisemblablement des évacuations à faire dans certaines habitations en raison de risques extrêmes ou d'ailleurs d'occupations illégales et donc il faudra le de gérer au cas par cas et nous allons construire pour l'avenir. Mais dans beaucoup de zones, nous pourrons construire y compris dans des zones qui sont identifiées comme vulnérables, simplement nous construirons à des normes que nous aurons pensées et organisé ensemble, collectivités, Etat pour sa compétence, assureur et acteurs économiques. Et j'ai donné des exemples tout à l'heure dans certaines zones, ce sont des paillotes, des structures démontables et très rapidement évacuables, dans d'autres zones, ce sont des bâtiments où il faut un étage parce que ce sont des zones qui ont des risques de submersion, donc faut que les gens puissent monter à l'étage et donc ces normes existent, il faut simplement de la transparence, du professionnalisme et un suivi et c’est ce que nous ferons.

Jean-Marc, Radio Saint-Martin : Vous avez parlé de régularisation des illégaux, il y a aussi… est-ce que vous pensez sur la régularisation des personnes qui occupent par exemple, les 50 pas géométriques qui sont là depuis une trentaine d'années et qui habitent sur des zones inondables, comme vous pensez… comme on pense qu'ils pourront reconstruire à l'étage, est-ce qu'il y aura aussi une régularisation à ce niveau ?

LE PRESIDENT : Mais c’est la même logique, on doit sortir d'un système perdant-perdant. Le système depuis des décennies, c'est un système perdant-perdant. Il faut le dire, c’est un système où on n'a pas été assez présent sur le contrôle et on n'a pas permis aux gens de s'installer dans des conditions pour construire leur avenir et celui de leur jeunesse. Regardez la situation, que propose-t-on à leurs enfants, comment construit-on l’île ? Et donc je veux transformer avec l'ensemble des acteurs compétents ce système, donc remettre des contrôles beaucoup plus. Il y a des gens qui sont en situation irrégulière et qui sont expulsables, ont les expulsera, je vous le dis très franchement. Il y a des gens qui arrivent et qui sont en situation irrégulière, qu'on ne peut pas accepter. Il y a des gens qui sont là depuis des décennies qui se sont installés, ont construit une vie familiale normale, ils sont régularisables, il faut pouvoir les régulariser pour qu'ils puissent pleinement assurer la pérennité de leur famille, qu’on puisse s'occuper de leurs enfants. C'est au cas par cas qu'il faut regarder les choses. Moi, je ne veux en aucun cas avoir une politique caricaturale sur ce point. Et sur chacun de ces cas, nous aurons des politiques en vertu de ce que j'ai expliqué tout à l'heure pour gérer le risque, c'est-à-dire avec la collectivité, nous aurons une politique qui consiste sur la base des risques identifiés, parfois en effet à reloger des gens, à les bouger quand ils sont dans des zones qui ne sont pas simplement inondables, mais qui sont à risques en raison de tsunami, de séisme, ou de nouveau cyclone, on ne peut pas les laisser là parce que c'est notre responsabilité collective, sinon nous constaterons encore demain. Donc voilà c'est cette politique exigeante, pragmatique, mais qui va nous conduire à devoir régler chaque situation.

Karim ROSACE, journal le Pélican : C’est à Saint-Martin. Vous avez rappelé en début de conférence tous les chiffres de la mobilisation de l'Etat, notamment en période d'urgence post-Irma, vous avez aussi pu voir la situation du territoire de Saint-Martin notamment hier le quartier d'Orléans et compte tenu de ce que vous avez vu, est-ce que vous ne pensez pas que l'aide de l'Etat a été sous-évaluée ou largement sous-évaluée, pas dans la phase post-Irma, pas dans la phase d'urgence mais dans la phase de reconstruction et d'aide à la reconstruction du territoire ?

LE PRESIDENT : Non, non je ne pense pas en toute honnêteté avec vous, je pense qu’il y a une mobilisation, il faut que tout le monde prenne sa responsabilité. La compétence déchets, c'est à la collectivité, la collectivité doit avoir 1.400 agents, ça aussi c'est un héritage du passé, je sais la volonté du président GIBBS de pleinement mobiliser des choses. Il a repris en main ses équipes, il a aussi mis un nouveau directeur, donc voilà il faut que les gens travaillent aussi davantage et plus dans leurs compétences, je vous parle en toute franchise. Ce n’est pas l'Etat qui va mettre de l'argent du contribuable pour aller payer ce qui est de la compétence de la collectivité, alors qu'il y a déjà beaucoup de fonctionnaires et que l'Etat a payé les salaires de ces fonctionnaires jusqu'à la fin de l'année prochaine. Par contre il y a là dessus des habitudes à changer, il faut le dire. Et ces habitudes, c'est le président GIBBS qui en est juge, enfin qui veut l'échanger et là on va l’accompagner. On en a longuement parlé hier, il est courageux, il a changé des équipes, il veut reprendre en main et je sais que les gens sont impatients mais les choses sont en train de changer et il a aussi, sur ces quartiers, commencé à faire, ces derniers mois des choses mais comme je le dis, il a été élu quelques semaines avant l'ouragan.

Deuxième point : Les bailleurs sociaux, on a visité de manière improvisée des logements de la Semsamar, là aussi j'ai vu tout à l'heure le président, homme engagé qui fait partie des élus de la collectivité, il vient d'arriver je ne peux pas lui reprocher les errements du passé. Donc il a envie de changer les choses, il a envie, on va l'aider, mais la Semsamar aujourd'hui elle ne gère pas proprement ses logements, elle continue à percevoir les loyers des gens. Les loyers des gens que j'ai vu, qui les paie pour une très grande partie, le contribuable français, ne vous trompez pas, ce sont des gens qui payent entre 500 et 600 euros de loyer, 80 à 90 % de ce loyer, ce sont les APL qui le paient, c'est le contribuable français. Donc tout ça à la fin c'est circulaire et il va à qui ce loyer ? Il va à la Semsamar, vous croyez que c'est normal que les toits soient percés, moi je ne trouve pas ça normal, c’est pour ça que j'ai dit que je donnais jusqu'à la fin de l'année, ce n’est pas l'Etat français, chaque acteur doit prendre ses responsabilités. Il y a des gens qui ont gagné beaucoup d'argent, moi j'ai regardé par le passé quels étaient les salaires des cadres de la Semsamar, j'ai regardé, je sais où il va l’argent, il ne peut plus aller là. Et c’est bien que les habitudes aient changé et c'est bien que ce soit repris en main. Il y a des actions judiciaires qui ont été lancées sur ce sujet et vous voyez, vous riez tous parce que vous le savez, vous riez tous parce que vous le savez, mais c’est un drame, parce que cet argent c'est lequel, c'est celui des Saint-Martinoise et des Saint-Martinois, parce que ça, ça veut dire quoi ? Ca veut dire qu'il y a un système organisé pendant des décennies qui lui a bien vécu de ça, qui a très bien vécu, donc moi je ne peux pas mobiliser l'argent de toute la nation et dire cet argent il va aller dans la main quelques-uns, donc je vais vous dire sur ces sujets, les deux que j'ai évoqué, il n’y a pas un centime du contribuable français en plus qui ira tant que les gens n'auront pas pris toutes leurs responsabilités sur leurs terrains parce que c'est ce que je vous dois, parce que vous êtes des contribuables français. Et sur les écoles, je l’ai détaillé dans mon point, là aussi président s'est engagé, on l'a aidé avec 16 millions d'euros, je sais qu'il y a des délais qui sont incompressibles, il y a aussi des entreprises qui ont fait traîner les choses et qui ont un peu pris en orage la collectivité. Donc là qu'est-ce qu'on va faire ? Un : Nous, on va renforcer les moyens qu'on met en termes d'ingénierie, pour suivre. Deux : Un comité autour de la préfète toutes les semaines et on va tenir les choses au quotidien avec les parents d'élèves pour avoir de la transparence. Et trois : On va mettre la pression sur les entreprises avec la collectivité pour qu'elles accélèrent, pour qu'elles soient aussi au rendez-vous. Et là aussi ce n'est pas normal, on a quelques entreprises qui ont pris tous les marchés et qui maintenant font attendre. Moi, j'ai vu plein de jeunes qui veulent travailler dans le bâtiment, plein d'entreprises qui ont envie de se créer, ce n'est pas normal, ça fait partie aussi des choses qu'on veut changer avec le président GIBBS. Donc là on va un peu pousser tout le monde pour avoir des réponses concrètes.

Mathieu COACHE, BFM TV : Bonjour Monsieur le Président, dans la même thématique, on a quand même senti des tensions assez fortes hier entre vous, enfin entre l'Etat et les collectivités locales, entre vous et le président GIBBS. Vous avez soulevé quelques questions sur l'utilisation de ces aides, est-ce qu'après ce déplacement vous pensez qu'elles ont toutes été utilisées ou est-ce que certaines aides de l'Etat ont pu disparaître pendant cette année ?

LE PRESIDENT : Alors je vais être très clair, il n’y a aucune tension entre le président GIBBS et moi, aucune. Il y a une exigence de l'Etat à l'égard de la collectivité, le président GIBBS, il a été élu à la tête de cette collectivité quelques semaines avant Irma, donc on ne peut pas lui reprocher tout ce qu'on vient d'évoquer qui est le fruit de gestion passée et d'un système qui lui préexiste et il a pris avec la population le pire cyclone que Saint-Martin ait vécu. Donc tout ce qui a été versé est utilisé comme il se doit, là-dessus il y a un contrôle absolu, une transparence complète, ce que je dis c'est qu'on doit aller plus vite et donc il y a des réformes à faire à la collectivité, ce qui est évoqué, le président les mène, nous on l'accompagne en mettant de l'ingénierie et je suis exigeant avec lui pour qu’il puisse passer tous les marchés qu’il doit passer le plus vite possible, il le sait. Il y en a encore quelques-uns sur l'EHPAD, sur d'autres points et il a la volonté de le faire donc on est beaucoup plus dans l’aide. Ensuite il y a des gestions passées, il n'en est pas le débiteur mais elles sont là et donc la population est exaspérée par cela que ce soit certains bailleurs sociaux, que ce soit certains acteurs économiques, et un mécanisme d'ententes. Et donc parce que je veux l'aider maintenant je vais bousculer le système. Il y a un an, on a bousculé les procédures, maintenant ce qu'on veut faire avec le président GIBBS, c'est bousculer les mauvais comportements et donc la préfète déléguée, présente ici, le préfet de Guadeloupe, le président GIBBS, l'ensemble des acteurs concernés vont bousculer ces habitudes du passé qui ne sont pas dignes, on poursuivra chaque cas de corruption identifié et on rendra le meilleur service à la population. Donc voilà nous avons répondu à la colère, je le disais à chaque fois ce qui est des compétences de l'Etat, de la collectivité, mais il y a des gens qui veulent faire aujourd'hui et qui sont en responsabilité politique et moi je veux aider les gens qui sont là, c'est pour ça qu'on a décidé d'accompagner la collectivité et de renforcer les moyens pour l’aider sur ce point.

Loïc SIGNOR, CNEWS : Hier on vous a vu longuement déambuler dans un quartier de Saint-Martin et notamment aller à la rencontre d'un ancien braqueur, vous avez discuté avec lui, vous lui avez demandé de ne plus faire de bêtises malheureusement il a posté une photo sur les réseaux sociaux sur laquelle on le voit faire un doigt d'honneur. Alors certes il précise qu'il n'est pas adressé au président de la République mais à ceux qui pensent que ce quartier n'est pas sécurisé. Mais à Paris Marine LE PEN s'est emparée du sujet, elle dit que c'est impardonnable, est-ce que vous ne regrettez pas d'être allé trop loin dans la proximité avec ce jeune homme et d’alimenter ce que vous appelez vous-même les populismes ?

LE PRESIDENT : Je n'aime pas le terme de populisme parce que la question est toujours de savoir où est le peuple. Marine LE PEN n'est pas avec le peuple, ce qu'elle a dit le montre encore. Marine LE PEN, c'est l'extrême droite. L'extrême droite, ça n'est pas le peuple. Moi, je suis président de la République française, et je ne laisserais à personne le peuple comme vous dites. Il y a une justice dans notre République, ce jeune garçon, je pense que d'ailleurs la personne à qui vous faites référence est plutôt son frère, mais qu'importe, ce jeune garçon, il sortait de prison, le croise dans la rue, je vais au contact des gens, ce n'est pas préparé comme vous l'avez vu, parce que je suis là comme je l'ai fait l'année dernière, je suis avec nos concitoyens. Et il est là, il sort de prison. Nous avons une justice dans notre pays, s'il avait fait des fautes, il a été attrapé, il a été sanctionné, il a purgé sa peine, chacun doit retrouver une place dans la société, je ne suis pas pour une société de l'invective et de la division. Et donc j'ai été voir sa famille, l'objectif c'est d'aider cette jeunesse et d'aider cette jeunesse de montrer aussi, qu'il s'agisse d'ailleurs de la jeunesse ici comme celle de tout les quartiers de la République, parce que vous savez Madame LE PEN, elle a souvent fait ça, elle essaie de diviser, d'invectiver, de jouer sur la peur de quelques-uns, de jouer sur la peur d'une partie du pays face à une autre. Toute la jeunesse dans la République a droit à un avenir et elle a envie d'avoir un avenir et moi mon rôle c'est de ne rien laisser passer. On me reproche de temps en temps d'être trop dur avec cette jeunesse, quand je l'appelle à ses responsabilités, quand je lui dis qu'il faut trouver un travail, quand je lui dis qu'il faut aller une formation et je l'assume totalement je le fais en bienveillance parce que mon rôle c'est aussi d'assumer cette part d'éducation d'accompagnement, nous investissons comme jamais dans la jeunesse, dans son éducation, mais c'est aussi de reconnaître chaque enfant de la République, quelles que soient ses erreurs, sa trajectoire et la famille dans laquelle il est né, parce que ces jeunes ils sont là et plutôt que d’en faire des espèces de prétextes pour alimenter un discours de haine ou de peur, il faut qu'on arrive à en faire une chance. Ce jeune dont vous parlez quelques minutes après on était en bas au milieu des immeubles, il y a une dame qui est venue me voir et elle m'a dit ma fille est handicapée et voudrait vous embrasser. Elle était très loin, déjà très en retard, je ne pouvais pas le faire. Et j'ai pris les deux jeunes, celui qui sortait de prison et celui qui manifestement a fait ce geste, je crois que c'est lui, qui est en CAP, lui fait des études et veut avoir un travail. Je leur ai dit, allez chercher la petite, ils ont porté la petite et ils l’ont apporté pour que je l'embrasse. Il faut arrêter de penser que dans notre jeunesse parce qu'elle est d'une certaine couleur, parce qu'elle a à un moment fait des bêtises, il n’y a rien à tirer, c'est l'inverse. Moi, mon rôle c'est de chercher dans chaque jeune de la République ce qu'il a de bon à offrir, ils l’'ont fait et ces deux gamins qui sans doute on fait plein de bêtises, des choses très répréhensibles, ont beaucoup ennuyé la vie du quartier sans doute, ces deux gamins parce que je leur ai demandé ils ont été capables de faire ça, parce que je les ai regardés avec confiance, parce que je les ai respectés. C'est ça la République, on ne tirera rien des discours de haine. Et donc ce qui fait que je me suis battu pour être élu face à Marine LE PEN, et que je suis là aujourd'hui, c'est parce que j'aime chaque enfant de la République, quels que soient ses bêtises, parce que bien souvent parce que c'est un enfant de la République, il n’a pas choisi l'endroit où il est né et il n’a pas eu la chance de ne pas en faire. Peut-être une dernière question ?

Journaliste : Vous avez évoqué le RSA, est-ce que Saint-Martin pourrait être un territoire pilote pour dématérialiser le RSA ? Si oui, quand et comment ?

LE PRESIDENT : Oui, je le souhaite, la concertation sera menée par la préfète déléguée, des propositions ont été faites par la collectivité. Je pense que c'est un territoire qui est tout à fait adapté et des propositions seront faites pour que le gouvernement puisse prendre les décisions en fin d'année et qu'on puisse commencer mettre en œuvre au premier semestre 2019 des choses. Je pense que ça fait partie de cette politique d'exigence et de pragmatisme que nous partageons avec la collectivité. Allez toute dernière question.

Journaliste : Merci, simplement à plusieurs reprises pendant le déplacement vous avez été interpellé par des Antillais, c'était aussi en Guadeloupe et en Martinique sur cette phrase que vous avez prononcé à un jeune chômeur en lui disant qu'il pouvait aller chercher du travail, que vous pouviez lui trouver un travail en traversant la rue. Est-ce qu'avec un peu de recul, vous regrettez peut-être la forme de cette phrase qui a pu choquer certains Français, ils vous l'ont dit en partie pendant ce déplacement ?

LE PRESIDENT : Non, non, je ne suis pas dans cette attitude. Il faut toujours y revenir, je suis fait comme ça comme le dit la chanson, je suis désolé, je suis fait comme ça, donc je n’ai pas changé. Je ne vais pas dire, je ne vais pas vous faire des mea-culpa parce que ça vous ferait plaisir, voulez l'écrit ou autres, je suis fait comme ça, j'aime les gens et je vais au contact des gens. Et je m’emporte parfois avec les gens parce que je suis naturel et je ne me suis jamais drapé dans la fonction qui est la mienne pour me tenir à distance. Donc parfois quand les choses sont un peu sorties de leur contexte parce qu’elles l'ont été un peu, parce que il faut bien le dire tous les gens qui étaient là sur place, qui l’ont fait à ce moment-là n’ont peut-être pas perçu les choses comme elles l'ont été quand c'est une capsule, une phrase qui est sortie de son contexte. Je ne vais pas m’en plaindre, c'est la vie dans laquelle on est plongé collectivement d'un flux permanent des réseaux sociaux et autres, ce n'est pas la première fois que ça m'arrive, c'est sans doute pas la dernière, donc je ne vais pas à chaque fois dire « je suis désolé, je n'aurais pas dû », non, je suis fait comme ça et je vais pas m'arrêter d'aller au contact des gens et de porter un discours qui est un discours d’amour et de responsabilité. Quand on aime quelqu’un, on ne peut pas lui mentir et ce jeune garçon, j'avais raison de lui dire ça parce que c'est vrai que de l'autre côté de la rue, il y a des gens qui offraient du travail. Ce n’est pas vrai de toutes les rues, il se trouve qu’il était dans le jardin de l'Elysée, qui était dans un endroit qui était plutôt bien placé, donc hier un jeune a eu raison de me dire, moi, où j'habite en Guadeloupe ce n'est pas vrai de l'autre côté de la rue, il a totalement raison, mais parce qu'on a sorti les choses de leur contexte. Mais je peux aussi dire à chacun, on vous doit une formation, on vous accompagne, on est là, c'est ce que je crois, ce qu'on fait pour l'école de la République, pour l'orientation des jeunes, pour la formation, mais à un moment donné il y a une responsabilité qui est dans chacun et c'est aussi ça un peu la part de responsabilité qui est la mienne là où je suis. Et je regrette si parfois c'est mal compris, mais je ne regrette pas de le dire, de la même manière que quand je dis à un jeune garçon qui manque de respect que ce n'est pas une bonne chose, parce que si moi je ne le fais pas, comment voulez-vous que le reste de la République tienne, si vous ne dites pas à un enfant qui n'est pas respectueux avec le président de la République qu'il ne l'est pas, comment voulez-vous que le lendemain quand il rentre dans sa classe le maître soit respecté. Si vous ne dites pas quelqu'un qui vous dit « Donnez-moi un emploi », ce n'est pas l'Etat qui le donne et en rentrant dans le dialogue lui dire qu'il peut-on trouver un puisqu'il est prêt à chercher, qui voulez-vous qui puisse lui expliquer et comment voulez-vous d'ailleurs qu’on mette en œuvre ce que le gouvernement a fait passer, qui est de dire on met plus de formations, mais aussi plus de responsabilités, vous ne pouvez pas refuser plus de deux offres. Donc voilà, il y a des polémiques, il y en aura parce que ça va sans doute avec mon style parce que je me protège pas, mais parce que je n'ai pas le droit de le faire parce que notre société est tellement bousculée justement par ces haines, ces peurs, ces malentendus que si on ne bouscule pas un peu les choses en bienveillance en accompagnement on ne les fera pas changer. Donc voilà je suis fait comme ça, donc je continuerai. Je vous remercie Mesdames et Messieurs et nous serons là avec vous.

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