25 août 2017 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse conjointe d'Emmanuel Macron et de Klaus Iohannis, président de la Roumanie
Monsieur le Président, cher Klaus.
Merci pour cette invitation lancée au mois de juin dernier et à laquelle j’ai évidemment accédé, parce que je me réjouis d’être ici aujourd’hui dans cette première visite bilatérale, qui témoigne de la vitalité de notre relation historique, et de la vitalité que nous entendons donner, l’un et l’autre, à la relation actuelle et future.
Je suis ici aujourd’hui parmi vous parce qu’en effet, nous avons un partenariat étroit – j’y reviendrai – sur le plan bilatéral, parce qu’il y a maintenant dix ans votre pays est entré dans l’Union européenne et a fait des progrès considérables, que vous venez de rappeler. Parce que nous sommes à l’orée d’une année qui marquera un rendez-vous historique important pour votre pays. Parce qu’au premier semestre 2019, vous aurez à prendre la présidence du Conseil de l’Union européenne et qu’il est important de pouvoir aussi préparer ces échéances durant lesquelles vous aurez des responsabilités éminentes.
Nous avons bien évidemment, durant nos échanges, évoqué la relation bilatérale avec – vous l’avez rappelé – une saison culturelle 2018-2019 qui est à construire, qui permettra de consacrer la force de nos relations historiques, culturelles, de part et d’autre, de continuer à développer ici la présence de l’enseignement de la langue et je vous remercie de l’engagement que vous avez vous-même pris de la présence française et de l’enseignement du français, auquel je suis très attaché et que je continuerai à développer fortement, mais aussi aux liens culturels, affectifs qui existent entre nos deux pays.
La relation bilatérale se construit aussi à travers des relations d’affaires, que je souhaite que nous puissions développer ensemble. Je verrai tout à l’heure la communauté française présente ici, en Roumanie, qui est importante, avec toutes les grandes entreprises françaises qui sont ici présentes, avec aussi beaucoup de jeunes qui sont présents en Roumanie et qui veulent développer cette activité, mais avec aussi des entreprises et des investisseurs roumains qui doivent continuer à se développer côté français et des coopérations qui sont aujourd’hui à encourager.
A ce titre, les trois accords ou documents-cadre, qui viennent d’être signés sous nos yeux, sont extrêmement importants, et ont permis de consacrer sur le plan de la formation de la haute fonction publique l’importance de notre partenariat et sur le plan de l’industrie de défense et militaire la force aussi de ce partenariat et les étapes qui sont encore à franchir. Je me félicite de la vitalité de cette relation bilatérale.
Nous avons ensuite évoqué plusieurs sujets d’intérêt conjoint et notre vision commune des affaires européennes, avec un agenda de court terme qui est celui de cette Europe qui protège, à laquelle je suis extrêmement attaché, qui consiste, sur des sujets extrêmement précis, à avancer ensemble pour faire progresser l’Europe.
Nous avons évoqué un sujet que je sais particulièrement sensible dans votre pays, qui est celui de la révision de la directive des travailleurs détachés. Je me félicite à cet égard de cette volonté commune de travailler ensemble et je suis persuadé, comme nous l’avons évoqué, que nous trouverons un accord d’ici la fin de l’année. Je souhaite qu’il puisse être trouvé sous la présidence estonienne et qu’il puisse naître dès les rendez-vous ministériels d’octobre, qui permettra de clarifier le cadre et d’aller au cœur de ce qui est le projet européen, c’est-à-dire un projet de convergence entre nos économies sur le plan fiscal, sur le plan social.
Je veux ici, au bénéfice de cette conférence de presse, lever sans doute ce qui est un malentendu que j’ai pu lire dans la presse roumaine. Revoir la directive du travail détaché et en particulier défendre la proposition française, ça n’est en aucun cas empêcher les transporteurs routiers roumains d’opérer partout à travers l’Europe, bien au contraire. Le problème de la directive des travailleurs détachés, c’est qu’aujourd’hui, parce qu’elle propose un cadre trop faible, elle a conduit et elle conduit des employeurs, des entreprises françaises à embaucher en France des ressortissants du reste de l’Union européenne et en particulier de pays à bas coût au coût du pays d’origine, contournant le sens même de ce qui est le marché unique, venant concurrencer de manière indue les travailleurs français, volant les talents en particulier à la Roumanie et créant une concurrence déloyale.
Je souhaite que nous mettions fin à ce système qui, en aucun cas, n’est l’esprit de l’Union européenne et est incompréhensible pour nos concitoyens. Et donc nous devons trouver un nouvel accord pour que la prochaine directive limite dans le temps l’utilisation du travail détaché, renforce les contraintes, permette d’avoir, à travail égal, rémunération égale dans le même pays et permette de renforcer fortement les contrôles. Et nous avons acté que sur le plan bilatéral, au-delà de cet accord, nous renforcerons les partenariats pour qu’un contrôle plus ferme soit acté.
Nous aurons ensuite une autre négociation sur le transport routier et à ce titre, ma volonté est que toutes celles et ceux qui opèrent en Europe puissent le faire de manière tout à fait loyale, compétitive et qu’en particulier, les acteurs du transport routier roumain puissent évidemment mener leur activité partout en Europe et pouvoir le faire de manière totalement digne et efficace. Je pense que cette clarification était indispensable au moment où nous nous parlons et je vous remercie de l’esprit constructif dans lequel nous abordons cette phase finale de discussion.
L’Europe qui protège, c’est aussi l’Europe de la défense, vous l’avez évoqué. Nous avons, en juin dernier, marqué une avancée réelle sur le plan européen avec la mise en place d’une coopération structurée permanente, d’un fonds européen de la défense et donc d’instruments qui vont permettre enfin à une Europe de la défense, pour celles et ceux qui veulent y contribuer, d’avancer de manière concrète et à ce titre, je suis extrêmement satisfait que notre discussion d’aujourd’hui ait pu montrer votre volonté d’engager la Roumanie dans cette Europe de la défense, dans ces nouveaux instruments.
Donc, nos équipes et nos ministres compétents vont pouvoir travailler dans les semaines à venir ensemble pour pouvoir, au-delà de ce qui a déjà été fait avec quelques-uns de nos partenaires européens, construire les voies et moyens d’une plus grande intégration, de commandes communes, de formats communs, de capacités communes et d’un vrai partenariat renforcé qui permettra de donner un cadre encore plus fort aux coopérations qui d’ores et déjà sont en train de se structurer depuis quelques années et que nous avons encore confirmées aujourd’hui dans l’industrie de la défense entre nos deux pays.
Au-delà de cet agenda, notre volonté, c’est de faire avancer l’Europe. Depuis plusieurs années, vous êtes en droit de demander votre intégration à l’Europe de Schengen, vous l’avez rappelé, et je sais combien cela est important pour vous. Vous ne trouverez chez moi aucune idéologie sur ce point et j’y suis totalement ouvert. Je vous dois simplement une forme d’honnêteté, l’Europe de Schengen ne fonctionne pas bien et celles et ceux qui en sont membres ne peuvent s’en réjouir.
Ma volonté est donc que dans les semaines et les mois qui viennent, nous puissions accélérer la refonte de nos règles communes en la matière, les clarifier, être plus solidaires, mieux contrôler nos frontières communes, avoir plus de convergence en matière de règles communes, d’asile et d’accueil des populations extérieures et que nous vous associions à cette discussion pour que nous puissions régler deux situations : la transformation indispensable de Schengen et, je dois dire, d’une bonne partie des règles qui, aujourd’hui, régissent notre fonctionnement en matière de protection des frontières, de gestion de l’asile et des migrations et que nous puissions pleinement associer la Roumanie comme il se doit à ces discussions.
Donc, à ce sujet, je veux vous dire toute l’ouverture qui est la mienne et la volonté d’avoir un partenariat digne des efforts que vous avez faits. Plus largement, nous sommes convenus que nous travaillerons ensemble sur la feuille de route à venir de l’Union européenne, de la zone euro et des renforcements à venir parce qu’aujourd’hui, vous êtes dans la situation que nous connaissons mais je sais votre volonté d’engager plus avant la Roumanie dans l’Europe, une Europe plus intégrée et donc, à terme aussi, la zone euro et les éléments d’une convergence.
Je souhaite pouvoir proposer dans les prochaines semaines une feuille de route qui marquera une nouvelle étape de l’Union européenne et dans ce cadre, je souhaite que nous puissions avoir un échange loyal, ambitieux et que vous soyez pleinement un partenaire de cette définition de l’Europe à venir, avant que l’année prochaine nous puissions enclencher une phase plus active dans nos pays, avec nos opinions publiques, de consultation. Et donc nous avons décidé que nous travaillerons dans les prochaines semaines ensemble sur ces projets d’avenir.
Voilà, Monsieur le Président de la République, cher Klaus, ce qu’à l’issue de ces échanges, que je considère comme extrêmement fructueux, je voulais ici rappeler en vous remerciant à nouveau pour votre invitation et votre accueil et en vous redisant combien, à mes yeux, la Roumanie est un partenaire non seulement historique, mais d’avenir pour mon pays.
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