23 août 2017 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration d'Emmanuel Macron au sommet de Salzbourg, Autriche.

SEUL LE PRONONCE FAIT FOI

Monsieur le Chancelier.

Mesdames, Messieurs,

Je veux d’abord remercier le Chancelier Christian KERN pour son invitation ici, aujourd’hui, à Salzbourg. Invitation qui m’a été faite il y a maintenant plusieurs semaines et qui, je dois le dire, procure une double joie.

La première, celle de pouvoir être ici ensemble, d’avoir pu commencer à échanger sur les sujets d’intérêt commun et nos perspectives communes que le chancelier vient ici de réexprimer. La deuxième, c’est d’être parmi vous à Salzbourg au moment du festival qui, pour qui aime la musique, est un prétexte unique. Et donc, merci pour cet accueil extrêmement amical et pour cette joie partagée d’être avec vous aujourd’hui ici durant le festival.

Nous aurons l’occasion de retrouver tout à l’heure nos homologues tchèque et slovaque, le chancelier vient de le rappeler, pour poursuivre cette discussion. Ce qui est important pour nous, c’est d’avoir un format de discussion qui permet, avec plusieurs de nos partenaires, d’échanger sur des situations communes et je poursuivrai pour ma part cette tournée européenne en me rendant ensuite en Roumanie et en Bulgarie. Et je souhaite ainsi aller à la rencontre de tous nos partenaires parce que je crois très profondément – et le chancelier KERN vient ici d’en tracer quelques-unes des lignes de force que nous partageons – que le moment de la refondation européenne est venu.

Notre discussion a permis d’échanger sur plusieurs points, des sujets d’intérêt commun dans la relation bilatérale. Le chancelier a rappelé l’importance de nos relations économiques. Je souhaite ici redire combien nos relations économiques, culturelles, linguistiques sont importantes et je souhaite que nous puissions encore davantage approfondir cette relation à la fois sur le plan industriel et économique en encourageant nos deux pays à aller plus loin. Notre souhait est qu’un Forum économique franco-autrichien puisse être mis en place afin de créer de nouvelles opportunités d’investissement et d’emploi dans nos deux pays et c’est à mes yeux l’un des points sur lesquels nous pourrons encore davantage encourager les investissements croisés et partager les compétences.

Je souhaite aussi que nous puissions développer les échanges scolaires et universitaires, en matière de formation professionnelle et encourager nos deux pays dans l’apprentissage de la langue de l’autre. A ce titre, dès cette rentrée scolaire en France, nous rouvrirons 1 200 classes bilangues. Nous atteindrons un record d’élèves français en collège qui apprendront la langue allemande et je crois que c’est un élément très important parce qu’il n’est d’Europe sans la capacité à mieux comprendre les cultures et les langues des uns et des autres.

La relation qui nous unit, je souhaite que nous puissions – et c’est notre objectif commun – la poursuivre sur le plan économique, sur le plan universitaire, sur le plan des échanges de savoir durant les prochains mois et les prochaines années.

Au-delà de ça, c’est de l’agenda européen commun dont nous avons parlé parce que je crois que sur beaucoup de sujets, nous partageons des vues communes et parce que l’Autriche prendra la présidence du Conseil de l’Union européenne dans moins d’un an, au 2nd semestre 2018, ce qui rend encore plus importantes ces discussions que nous avons sur une feuille de route commune.

Nous avons d’abord, je crois, un profond alignement de vues sur l’agenda présent de l’Europe, c’est-à-dire aller plus loin dans une Europe qui protège. J’ai, depuis le mois de mai dernier, beaucoup poussé cet agenda d’une Europe à la fois de la protection et de l’ambition. L’Europe qui protège, c’est celle qui permet de redonner du sens à une partie du projet européen parce que nos concitoyens ont accepté, ont voulu faire l’Europe pour se protéger des dérèglements de la mondialisation sous toutes ses formes et pour rendre l’Europe plus forte dans la mondialisation.

L'Europe qui protège, c’est une Europe qui sait régler le problème des travailleurs détachés. Le chancelier l’a rappelé, nous avons un alignement de vues absolument parfait sur ce sujet, nous partageons la même vision des choses : la directive travailleurs détachés telle qu’elle fonctionne est une trahison de l’esprit européen dans ses fondamentaux. Le marché unique européen et la libre circulation des travailleurs n’ont pas pour but de favoriser les pays qui font la promotion du moindre droit social et on le voit bien, c’est ce qui dans nos pays nourrit le populisme et érode la confiance dans le projet européen.

Donc, le projet de réforme de directive que nous portons, sur lequel nous allons continuer à discuter avec nos collègues tout à l’heure et que je continuerai à discuter demain et après-demain, c’est un projet qui vise à limiter le temps d’utilisation du travailleur détaché à un an, à renforcer les contrôles, à développer les coopérations en matière de contrôle sur le plan bilatéral, à avoir un principe simple qui est : à travail égal, rémunération égale, ce qui évite toutes ces distorsions et donc de permettre d’avoir une refonte en profondeur du système actuel. Sur ce sujet, la France et l’Autriche sont pleinement en ligne et j’ai bon espoir que nous puissions continuer à avancer sur ce point.

L’Europe qui protège, c’est celle aussi qui avance sur le sujet de la lutte contre le terrorisme, nous l’avons évoqué. Je crois que l’un et l’autre, nous nous sommes entretenus durant les derniers jours à plusieurs reprises avec le Premier ministre espagnol, Mariano RAJOY et je veux ici avoir un mot de solidarité à l’égard de nos compatriotes espagnols mais également de tous nos compatriotes européens qui ont été touchés et qui ont perdu des ressortissants. La France a eu, on le sait, plusieurs victimes grièvement blessées dans cet attentat. Plusieurs autres pays ont eu évidemment aussi des morts dans cet attentat qui est un attentat qui a touché l’Europe et qui montre la nécessité d’encore approfondir nos coopérations en matière de lutte contre le terrorisme.

Nous avons beaucoup progressé sur le plan des évolutions de réglementation en la matière. C’est maintenant un travail au quotidien opérationnel qu’il nous faut faire au plan européen de coopération entre les services, de travail conjoint et que nous allons poursuivre durant les prochaines semaines et les prochains mois et qui est aujourd’hui d’ailleurs à l’œuvre de manière très concrète entre la France et l’Espagne sur les suites des différentes attaques de Cambrils et Barcelone.

L’Europe qui protège, c’est aussi une Europe qui se protège mieux des migrations. L’Autriche a eu à connaître une vague migratoire extrêmement importante il y a maintenant deux ans, qu’elle a su justement affronter avec beaucoup de courage et je veux ici en particulier saluer le rôle du chancelier qui n’a jamais cédé à la démagogie face à ce défi parce que je sais combien il est facile, lorsque les défis migratoires se font jour, de céder à la démagogie, d’utiliser la peur de l’autre et de renvoyer en quelque sorte nos peuples à ce qui est le plus simple, c’est-à-dire la haine et la peur de l’autre. Vous n’avez pas cédé à cela et je veux ici vous en féliciter.

Mais nous avons trop peu progressé en termes d’évolution de l’organisation européenne pour faire face aux crises migratoires, à des règles de protection de nos frontières communes, à un droit d’asile commun et à une meilleure coopération des pays européens. En la matière, nous pouvons nous féliciter de nos coopérations bilatérales. Nous nous sommes d’ailleurs l’un et l’autre félicités de la qualité de la coopération que nous avons avec l’Italie en la matière, mais nous devons aujourd’hui aller plus loin et, je crois, redonner plus de force et de clarté aux textes européens en matière de droit d’asile, de politique migratoire qui sont aujourd’hui sur la table en ayant une position très forte, en réduisant l’agenda et peut-être en réorganisant un peu les choses pour aller plus clairement et plus fortement en la matière.

Nous avons également parlé de nos ambitions communes en matière de numérique et d’agenda du numérique que nous aurons à discuter à Talin à la fin du mois de septembre et enfin nous avons parlé des vues que nous avons en commun pour les initiatives européennes à venir, au-delà de cet agenda de protection et d’ambition que je viens d’évoquer, je suis convaincu pour ma part – et c’est l’engagement que j’ai pris dans la campagne française – que l’Europe a besoin d’un moment de refondation importante. C’est aussi ce que, dans cette tournée européenne, je veux préparer. J’étais frappé de voir combien, sur les sujets sociaux, sur l’harmonisation fiscale au sein de l’Europe, sur la nécessité d’une meilleure coordination, d’une plus grande capacité d’investir en commun, d’un budget commun de la zone euro avec un contrôle démocratique et un Parlement de la zone euro, sur le sujet de la vitalité démocratique de cette prochaine étape de la refondation européenne, il y avait entre nous une communauté de vue extrêmement forte.

Tout cela me conforte dans la nécessité d’aller vers une nouvelle initiative avant la fin de l’année pour refonder plus en profondeur l’Europe parce que c’est ce dont nous avons besoin. Je suis pour ma part, au-delà de la joie d’être avec mon ami Christian aujourd’hui, présent à Salzbourg, très satisfait de la discussion que nous venons d’avoir à la fois sur l’agenda bilatéral et l’agenda européen, sur les sujets de court terme, comme la révision de la directive détachés, comme sur les sujets de plus long terme qui sont au cœur de la refondation européenne dont nous avons besoin. Merci pour votre attention.

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