6 mai 1981 - Seul le prononcé fait foi

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Interview de M. Valéry Giscard d'Estaing par Marc Ullmann pour "Paris-Match", Paris, mercredi 6 mai 1981.

QUESTION.- Vous dites, monsieur le Président, que votre concurrent est prisonnier des communistes. Pourtant, sa stratégie d'union de la gauche a renforcé les socialistes et affaibli le PC. Alors, je vous pose la question : pourquoi des électeurs du centre, des électeurs réformistes, ne feraient-ils pas confiance à M. Mitterrand ?
- LE PRESIDENT.- Vous simplifiez la situation. Le recul communiste est infiniment moins grand qu'il n'y paraît. Beaucoup d'électeurs traditionnels du PC ont voté pour Mitterrand le 26 avril parce qu'ils voulaient être sûrs qu'un candidat de l'opposition serait présent au second tour. Mais s'il y avait demain d'autres élections, il est probable que le PC retrouverait la plus grande partie de ses effectifs. De toute façon, l'essentiel n'est pas d'analyser les -rapports entre le parti socialiste et le parti communiste. Il faut savoir si la France - seule parmi tous les pays européens - veut être gouvernée par un président élu par des voix communistes. Il faut savoir si la France veut avoir au mois de juillet une Assemblée parlementaire où les lois fiscales, sociales et autres dispositions essentielles seraient votées par une majorité composée de socialistes et de communistes.\
QUESTION.- Permettez-moi d'insister. Que ce soit le 10 mai, dans deux ans, dans sept ans ou plus tard, il arrivera bien un moment où les Français auront envie de changer de majorité. Il est donc normal que certains électeurs se posent la question : pourquoi pas maintenant puisque le parti communiste est, malgré tout, quelque peu affaibli ? Le moment n'est-il pas venu de sauter le pas à moindre risque .
- LE PRESIDENT.- Non. Il faudra changer lorsque le représentant du parti socialiste `François Mitterrand` aura pris une option social-démocrate c'est-à-dire réformiste comme en Allemagne `RFA` et non pas révolutionnaire. Or l'actuel candidat est le signature du Programme commun. C'est lui qui a entraîné la parti socialiste dans une alliance écrite avec les communistes. Si l'on veut ouvrir une option social-démocrate, il faut éliminer le signataire du Programme commun. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle beaucoup d'électeurs auraient préféré que le parti socialiste leur propose Rocard, plutôt que Mitterrand.
- QUESTION.- C'est une question de personne ?
- LE PRESIDENT.- C'est une question de politique. Je suis convaincu que l'erreur de mon concurrent est de ne pas avoir tiré les conclusions de la rupture du Programme commun. Il fallait, dès 1978, choisir l'option social-démocrate. C'est ce que souhaitait une grande partie de l'électorat socialiste. M. Mitterrand ne l'a pas fait. Ce sera donc à son successeur de le faire.
- QUESTION.- Mitterrand estime que s'il avait pris l'option social-démocrate, les communistes auraient occupé seuls le terrain de l'opposition. Ils se seraient renforcés au lieu de s'affaiblir.
- LE PRESIDENT.- Je crois que c'est inexact car l'option social-démocrate est, dans les circonstances présentes, en France, une option d'opposition. Regardez ce qui s'est passé pendant la campagne du premier tour. Certains candidats de la majorité ont défendu les thèses du libéralisme économique. Il y a donc nécessairrement opposition entre eux et la social-démocratie.\
QUESTION.- Croyez-vous que, si vous êtes élu, la stratégie du parti socialiste changera ? Pensez-vous que l'option social-démocrate finira par être choisie ?
- LE PRESIDENT.- J'en suir sûr.
-QUESTION.- Avant ou après les législatives de 1983 ?
- LE PRESIDENT.- A l'occasion des législatives de 1983.
- QUESTION.- D'ici là, pourrez-vous faire des réformes et si oui, lesquelles ?
- LE PRESIDENT.- Trois directions de réformes me paraissent prioritaires. D'abord un effort particulier en faveur de la jeunesse. Le premier texte qui sera proposé à l'Assemblée sera un texte sur l'emploi des jeunes. J'en ai pris l'engagement, je le ferai.
- Ensuite, il faut libérer les forces productives de l'économie. Il existe, en France comme dans le reste du monde, une aspiration à voir régresser le socialisme rampant qui, à la suite du développement des administrations depuis la guerre, a multiplié les contrôles, les interventions et les formalités. C'est une considération juste. Nous devons refouler le socialisme rampant et accroître la liberté et l'initiative des personnes et des entreprises. Bien sûr, ce n'est pas en assurant le succès du marxisme triomphant qu'on fera reculer le socialisme rampant.
- QUESTION.- Et votre troisième réforme ?
- LE PRESIDENT.- La troisième tâche consiste à poursuivre l'effort de solidarité envers les catégories défavorisées. N'oubliez pas que, si l'on a évité les affrontements et diminué la tension sociale en France, c'est grâce à l'effort patient que j'ai fourni pendant sept ans pour resserrer la solidarité entre les Français.\
QUESTION.- Votre concurrent dit qu'il y a un gros effort à entreprendre au niveau de la justice fiscale.
- LE PRESIDENT.- Quand on parle de justice fiscale, cela signifie qu'on a l'intention de surcharger les uns pour alléger les autres. Qui sera surchargé ? Les catégories moyennes et supérieures. Il faut que les personnes appartenant à ces catégories et qui se préparent à voter pou M. Mitterrand sachent qu'elles recevront ensuite la facture de leur bulletin de vote.
- QUESTION.- Mais est-il possible de mener une véritable politique de réformes sans une répartition différente de la pression fiscale ?
- LE PRESIDENT.- Il faut faire évoluer notre législation fiscale et non la bouleverser. Or les propositions de mon concurrent équivalent à un bouleversement. Au cas où vous les auriez oubliées, je vous les rappelle : majoration de nombreux droits de succession, levée d'un impôt annuel sur la fortune, alourdissement du barême de l'impôt sur le revenu sur ce qu'on appelle les tranches supérieures et qui sont en fait les tranches moyennes et supérieures. Ceux de vos lecteurs qui s'apprètent à voter Mitterrand doivent être informés. Il ne faut pas qu'ils découvrent, à l'automne prochain, les conséquences de leur acte.\
QUESTION.- Vous dites qu'il faut faire évoluer la législation fiscale. Comment le ferez-vous ?
- LE PRESIDENT.- Je suis contre la majoration du barême de l'impôt sur le revenu et pour l'élargissement des tranches avec un effort particulier en faveur des tranches moyennes. Nous avons, à l'heure actuelle, un barême trop progressif pour les tranches moyennes et nous devons, année après année, non seulement élargir l'ensemble des tranches pour compenser les effets de l'inflation, mais élargir particulièrement des tranches moyennes afin d'alléger la fiscalisation qui pèse sur les cadres moyens et sur les employés.
- QUESTION.- Il est normal que vous ne soyez pas de l'avis de votre concurrent mais trouvez-vous quand même qu'il y a quelque chose de bon dans son programme ?
- LE PRESIDENT.- Franchement non. Il aurait un programme authentiquement social-démocrate, ma réponse serait sans doute différente. Mais que propose M. Mitterrand ? L'arrêt du programme électro-nucléaire, c'est-à-dire l'arrêt de l'effort d'indépendance énergétique de la France : ce serait une faute grave. Quant aux dépenses de toutes -natures, elles se traduiraient par une augmentation des charges qui écraserait l'économie française. Je ne vois pas une entreprise qui serait capable d'investir ou d'embaucher dans ces conditions.\
QUESTION.- Revenons à votre propre programme et à vos propres réformes. Sur qui allez-vous vous appuyer pour les mettre en oeuvre ?
- LE PRESIDENT.- D'abord sur la majorité elle-même. Et, dans cette majorité, tout le monde est, à mes yeux, sur un pied d'égalité. Il n'y a pas de bien-aimés et de mal-aimés. Les bien-aimés seront tous ceux qui auront assuré le succès de la majorité. Il n'y aura aucune discrimination entre eux et il leur appartiendra de définir, tous ensemble, les actions essentielles qui devront être conduites. En ce qui concerne les réformes, il va de soi qu'une partie de l'opposition - la partie social-démocrate - pourra s'associer au vote de telle ou telle disposition sans, pour autant, entrer dans la majorité.
- QUESTION.- Que retenez-vous de positif dans le programme Chirac ?
- LE PRESIDENT.- Jacques Chirac a eu raison de mettre l'accent sur l'étreinte bureaucratique et administrative dans la vie économique. Il s'agit de la desserrer. Nous avons commencé à le faire par la suppression du contrôle des prix. C'est essentiel mais il faut aller plus loin. Il ya aussi la réforme de la taxe professionnelle. Comme vous le savez, je n'ai jamais été favorable à la conception de ce impôt. Je suis donc favorable à sa réforme et aussitôt que la commission qui y travaille aura élaboré un projet, nous le soumettrons au Parlement en souhaitant qu'il puisse être rapidement adopté.\
QUESTION.- Beaucoup de patrons de PME ont le sentiment que vous ne vous intéressez pas à eux et que le système actuel est favorable à la grande entreprise.
- LE PRESIDENT.- C'est tout à fait faux. Je vous rappelle que je suis l'inventeur du crédit d'équipement des PME. Et qui a-t-on placé à la tête du Conseil de surveillance de cet établissement ? Le président de la Confédération des PME et non un financier d'Etat, comme on l'aurait fait autrefois. D'autre-part, nous avons prévu, dans toute une série de domaines (économies d'énergie, recherche technologique, exportations, etc) des mécanismes particulièrement favorables aux petites et moyennes entreprises. Et, toutes questions techniques mises à part, je vous dirai, si vous me demandez mon sentiment personnel, que nous avons besoin non seulement de garder mais de développer et de rendre encore plus vivant le tissu des petites et moyennes entreprises.
- QUESTION.- C'est quand même difficile en France de créer sa propre entreprise.
- LE PRESIDENT.- Vous avez à la fois raison et tort. Vous avez tort, parce qu'il y a eu davantage de créations que de fermetures d'entreprises au-cours de ces dernières années, y compris en 1980. Vous avez tort parce que vous sous-estimez certaines initiatives que nous avons déjà prises. Savez-vous que nous avons créé une agence d'aide à la création d'entreprises, que nous faisons tous les ans un salon sur la création d'entreprises et que ce salon se déplace dans différentes régions ? Mais vous avez raison si vous dites que le poids de l'administration est encore trop lourd. Mon objectif est d'aboutir à un rapport administratif unique entre la petite entreprise et l'administration : il n'y aura plus qu'un seul document par an, une seule formalité dans les différents domaines fiscaux et sociaux.\
QUESTION.- Et les salariés ? Une façon d'assouplir leur vie serait de favoriser le travail à temps partiel. Je sais que vous y êtes favorable mais vos objectifs semblent modestes si l'on songe que, selon des études d'opinion, 20 % des gens souhaiteraient travailler de 20 à 30 heures par semaine et accepteraient une diminution correspondante de leur salaire.
- LE PRESIDENT.- Tant mieux si nous pouvons aller plus loin. Nous avons déjà assoupli la législation de façon à ce que le travail à temps partiel soit possible sans que les employeurs soient pénalisés au niveau des charges sociales et des charges fiscales. Une des erreurs de conception des cinquante dernières années est d'avoir voulu traiter tous les problèmes par la loi. La loi ne peut s'appliquer de la même manière aux petites et aux grosses entreprises. D'autre-part, elle introduit des rigidités. C'est beaucoup plus par l'action des partenaires sociaux, chefs d'entreprise et salariés, que nous pourrons progresser. Il est absolument vital d'introduire de la souplesse partout où c'est possible.\
QUESTION.- C'est vrai que, sur ce -plan, l'efficacité économique rejoint la qualité de la vie. Alors, si vous le voulez bien, parlons maintenant de la qualité de la vie. Que comptez-vous faire dans ce domaine ? LE PRESIDENT.- D'abord poursuivre l'effort actuel. Nous avons planté en France depuis sept ans plus d'arbres qu'il n'y en a dans la forêt des Landes. La superficie des espaces naturels protégés est supérieure en France à la superficie des espaces construits. Nous avons commencé les acquisitions pour protéger le littoral et ce que nous avons acheté représente la distance de Nice à Marseille. C'est un effort considérable. Notre souci est de permettre au Françaises et aux Français d'être associés plus directement à ces efforts de protection de la nature et d'amélioration de l'environnement. Pour cela, il convient d'introduire des formes nouvelles d'expression. C'est pourquoi je suis favorable à l'utilisation du référendum à la Suisse sur un certain nombre de sujets qui intéressent la vie quotidienne des Français.
- QUESTION.- C'est ce que propose Brice Lalonde.
- LE PRESIDENT.- C'est assez voisin. J'ai indiqué dès le début de ma campagne que j'étais favorable à l'organisation de référendums dans lesquels les pouvoirs publics ne s'engageraient pas en tant que tels.
- QUESTION.- Au-niveau local ?
- LE PRESIDENT.- Au-niveau local et, le cas échéant, au-niveau national. A condition de ne pas désaisir le Parlement des sujets qui sont de sa compétence.\
QUESTION.- Puisque nous parlons d'écologie, j'aimerais vous poser une question qui me préoccupe. N'est-il pas dangereux d'avoir un seul type de centrales nucléaires ? Ne risquons-nous pas d'avoir à les arrêter toutes si un accident survient dans l'une d'entre elles ?
- LE PRESIDENT.- Ce fut un choix très longuement réfléchi. Nous avons choisi un type de centrale parce que l'expérience dans le monde indique qu'il est le meilleur. Cela présente le double avantage de réduire le coût de fabrication et d'avoir un système unique de sécurité. Je me suis personnellement occupé de la formation de ceux qui assurent la sécurité dans les usines nucléaires. S'il y avait eu plusieurs systèmes, il aurait fallu avoir plusieurs équipes. Je crois sincèrement que la sécurité est plus grance si on a un seul type d'installations.\
QUESTION.- Encore une question touchant à l'écologie. Ne faudrait-il pas infléchir la politique agricole afin qu'elle serve à l'entretien du jardin France. Et ne faudrait-il pas, pour cela, favoriser la petite exploitation en renonçant au système des prix agricoles uniques ?
- LE PRESIDENT.- Il y a en effet un lien entre la politique agricole et la politique écologique, mais ce lien ne doit pas être assuré par le biais des prix. Il doit d'autant moins y avoir plusieurs prix en France pour un même produit que nous souhaitons l'unité des prix en Europe. C'est par des systèmes spécifiques que l'on peut aider au maintien de l'agriculture, par exemple dans les zones de montagne. D'ailleurs la France est de tous les pays d'Europe, celui qui aide le plus son agriculture de montagne. Nous faisons, à superficie comparable, davantage que les Suisses et davantage que les Autrichiens.\
`Réponse`.
- Mais je voudrais élever le débat ! Il ne faut surtout pas que les Français croient que le problème consiste à élire le Président des mécontents. Le problème est d'élire le Président de la France. Nous vivons dans un monde dangereux, violent et cruel, qui peut menacer notre sécurité et notre stabilité. Si vous prenez le point de vue de l'historien, la question est de savoir si nous allons continuer la Vème République ou y mettre fin. Si je suis élu, la Vème République continue. Je l'ai gardée intacte et je la garderai intacte. Si mon adversaire `François Mitterrand` est élu, il dissout l'Assemblée nationale. Et s'il y a une majorité composée de socialistes et de communistes, c'en sera fini de la Vème République. Pourquoi ? Pour la bonne raison que le Président de la République et la majorité de l'Assemblée nationale seront l'un et l'autre ses adversaires.
- QUESTION.- Et s'il y a une autre majorité ?
- LE PRESIDENT.- Je sais bien qu'un certain nombre de personnes - qui à mon avis se trompent - pensent qu'après avoir élu Mitterrand, les Français enverraient à l'Assemblée nationale une majorité proche de la majorité actuelle. Dans ce cas, il y aurait conflit entre un Président élu et une Assemblée de sens contraire. Cela durerait cahin-caha pendant quelques temps et on serait amené à inventer des combinaisons qui équivaudraient, elles aussi, à la fin de la Vème République. Au total, l'enjeu est clair : ou bien les Français veulent garder la sécurité, la stabilité et l'autorité internationale que leur a apportées la Vème République £ ou bien pour des raisons complexes et confuses, ils préfèrent y renoncer. Mais ils doivent savoir que, s'ils y renoncent, ils ne la retrouveront pas.\
QUESTION.- Vous excluez que M. Mitterrand puisse valablement élargir sa majorité ?
- LE PRESIDENT.- La majorité actuelle demande moins d'interventions administratives, moins d'impôts et plus de liberté économique. Une majorité composée de socialistes et de communistes voudrait plus d'interventions économiques, une surveillance fiscale accrue et le développement du pouvoir syndical. Je vois mal comment ces deux thèses pourraient se concilier. Et je suis effaré quand je constate que certains Français se disent : "Après tout, un peu de désordre ne fera pas de mal, cela détendra la vie nationale et après on pourra reprendre le -cours des choses". Ceux qui croient cela risquent d'être cruellement détrompés. Nous vivons dans un monde où rien de ce qui est défait ne se refera.
- QUESTION.- Par exemple.
- LE PRESIDENT.- Il n'y a hélas que l'embarras du choix. Si nous avons des syndicats dans l'armée, on ne reviendra pas en arrière. Si, dans les moyens d'expression, nous avons des structures syndicales qui veulent contrôler la parole ou les écrits, on ne reviendra pas en arrière. Songez comme il est difficile de faire reconsidérer les seuils syndicaux qui ont été décidés voici plusieurs années dans l'entreprise. Eh bien ! ceci n'est rien comparé aux nouvelles contraintes et aux nouveaux pouvoirs qui s'installeraient. Je souhaite que vos lecteurs réfléchissent à ce que serait la vie économique si les comités d'entreprise avaient un droit de véto sur l'embauche et les licenciements.
- QUESTION.- C'est dans le programme Mitterrand ?
- LE PRESIDENT.- C'est dans le programme socialiste. Il faut que les Français sachent que s'ils élisent mon concurrent, ils ne retrouveront plus la France d'aujourd'hui.\
QUESTION.- Puis-je vous poser une question de politique internationale ?
- LE PRESIDENT.- Bien sûr.
-QUESTION.- En tant que Français j'observe que ce qui est bon pour mon pays est bon pour le monde puisque nos besoins s'appellent la paix et l'équilibre économique international. Dans ces conditions, un Président de la République n'a pas à avoir honte de parler haut et fort.
- L'avez-vous toujours fait ?
- LE PRESIDENT.- Chaque fois qu'il a fallu agir fort, j'ai été seul. Je vous rappelle qu'au lendemain de la décision d'intervention en Afrique `Kolwezi` (et cette décision était fondamentale car en 1978, le Zaire aurait basculé du côté de l'Angola et la situation de toute l'Afrique aurait été affectée). M. Mitterrand m'a reproché de ne pas avoir organisé un débat à l'Assemblée nationale. Vous imaginez ! C'est comme si nous avions téléphoné aux rebelles pour qu'ils puissent tirer sur nos parachutistes. Croyez-moi : chaque fois qu'il y a des décisions à prendre, j'ai été seul. C'est pourquoi j'éprouve une véritable angoisse sur les conséquences du choix des Français. Tous les électeurs cherchent le bien de la France mais certains ne se rendent pas compte qu'un président élu grâce aux voix communistes affaiblirait gravement notre position internationale.
- QUESTION.- Pourquoi ?
- LE PRESIDENT.- Regardez une carte. Un Président français élu par les communistes serait le seul en Europe de son espèce et ne pourrait exercer ni influence ni autorité chez nos voisins. Il ne pourrait pas non plus en avoir aux Etats-Unis et en Union soviétique `URSS`. Quant à l'Afrique, nos amis se sentiraient découragés et abondonnées. Pensez-y : Georges Pompidou et moi avons, chacun à notre manière, continué l'oeuvre du général de Gaulle. Il ne faut pas faire marche arrière et risquer la décadence.
- QUESTION.- C'est cela, selon vous, l'enjeu des élections ?
- LE PRESIDENT.- Oui, et certains Français ne s'en rendent pas compte. J'estime de mon devoir d'affirmer nettement que si je suis candidat c'est pour servir l'intérêt fondamental de la France. Je le pense profondément. Et c'est parce que j'ai confiance dans mon pays que je suis convaincu que je gagnerai.\