29 avril 1981 - Seul le prononcé fait foi

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Discours de M. Valéry Giscard d'Estaing à Bourges, sur l'enjeu du deuxième tour de l'élection présidentielle et le bilan de son action en faveur de la région du Centre, mercredi 29 avril 1981.

Mes chers amis, mes chers amis les Berruyères et les Berruyers, mes chers amis du Cher, de l'Indre, de l'Allier, de la Nièvre, du Loir-et-Cher, de l'Indre-et-Loire, du Loiret, j'y viens, et de la Vienne. Je vous remercie d'être venus si nombreux et je vous félicite d'avoir débordé l'organisation. Cela m'oblige d'ailleurs à exprimer mes regrets à celles et ceux qui sont restés dehors, qui n'ont pas pu participer à ce banquet et qui, cependant, ont eu la patience d'attendre les discours, et je souhaite que notre voix leur parvienne sur la place autour de nous. Je remercie ceux qui m'ont précédé à cette tribune, c'est-à-dire le ministre Jean-François Deniau, le sénateur Genton, le député Boinvilliers, le ministre Papon qui illustrent chacun à leur manière la grande influence des personnalités politiques du Cher dans notre vie nationale, et j'aurai l'occasion d'ailleurs de développer les propos de chacun d'eux dans ce que je vais vous dire maintenant.
- Vous m'avez placé en tête de tous les candidats, à Bourges et dans le Cher, vous m'avez placé en tête de tous les candidats, malgré l'usure du pouvoir et malgré l'ouragan des critiques. Je vous en remercie. Vous avez maintenant une décision grave à prendre, grave parce qu'elle engage pour sept ans l'avenir de la France. Cette décision grave doit être prise dans la clarté. Les électrices et les électeurs ont droit au débat démocratique entre les deux candidats. C'est pourquoi j'accepte tout face à face à la date proposée, j'accepte tout face à face comportant une discussion directe entre les deux candidats, avec comme unique condition l'égalité du temps de parole. C'est le face à face à la française, dont chaque téléspectatrice, et chaque téléspectateur connaît depuis longtemps la pratique et la règle. Alors, pas de ruse, pas d'artifice, un face à face à la française, je l'accepte devant vous.\
Vous avez une décision grave à prendre et il ne faut pas vous tromper : ce qui est en question dans cette élection, ce n'est pas seulement, et moi qui suis candidat je vous dirai presque ce n'est pas principalement la désignation du Président de la République, ce qui est en question, c'est le sort de la France et ce que vous devez avoir dans l'esprit au moment de choisir, n'est pas le jugement ou le -rapport que vous avez avec tel ou tel homme d'Etat, y compris moi-même, ce que vous devez avoir dans l'esprit, comme d'ailleurs ceux qui m'ont précédé à cette tribune vous l'ont dit, ce sont les conséquences pour le sort de la France. Nous vivons dans un monde difficile et dangereux et je vous demande de ne pas l'oublier.
- L'élection du candidat de l'opposition `François Mitterrand` entraînerait trois conséquences pour la France et pour vous :
- La première, c'est la dissolution de l'Assemblée nationale, entraînant au mois de juillet de nouvelles élections, c'est-à-dire le désordre politique et le festival électoral permanent, à un moment où la France doit se consacrer à résoudre ses problèmes. Pendant sept ans, j'ai évité toute dissolution et toute crise politique, vous auriez une dissolution et une crise politique dans le premier mois du septennat. Or, la France ne peut pas attendre d'être gouvernée.
- Deuxième conséquence pour la France et pour vous : le gâchis économique et social. Tous les efforts courageux des Françaais seraient ruinés en quelques mois, les promesses électorales qui vous ont été faites et qui ont été encore confirmées les derniers jours, entraîneront automatiquement l'augmentation des charges sociales et des impôts, ne vous y trompez pas, c'est-à-dire le contraire de ce que les Français réclament et devant ces désordres de toutes -natures je vous pose une question simple : quelle est l'entreprise qui investira en France ? Quelle est l'entreprise qui embauchera en France ? La France redeviendra avant la fin de 1981 l'homme malade de l'Europe `CEE`, je vous en fais l'annonce avec certitude, et les agriculteurs recevront leur part de ce désarroi national, avec le rétablissement, avant l'été de 1981, je le dis aux éleveurs du Berry, des montants compensatoires monétaires que nous avons eu tant de peine à faire disparaître. Certains s'imaginent qu'ils pourront profiter de cette pagaille, qu'ils perdent cette illusion, on peut profiter un instant de la pagaille, en période d'abondance, mais il n'y a pas de miettes qu'on puisse arracher en période de crise !
- Troisième conséquence : l'abaissement de l'autorité de la France sur la scène internationale. On me dit souvent : cette considération n'intéresse pas les électrices et les électeurs. Ceux qui le disent se trompent. Cela intéresse et cela concerne les Françaises et les Français. Un Président élu grâce aux voix communistes `PCF` ne peut avoir aucune autorité, ni en Europe, où il serait le seul dans son cas, ni vis-à-vis des Etats-Unis d'Amérique, dont vous connaissez désormais la politique, ni vis-à-vis de l'Union soviétique. La France rentrera dans le rang des pays en déclin, elle aura été sortie de sa décadence par la période de la Vème République qui aura duré de 1958 jusqu'en 1981, et cette période, vous en fermerez le chapitre, celles et ceux d'entre vous qui voterez pour l'abaissement de l'autorité de la France sur la scène internationale.\
Je veux enfin vous rappeler deux choses : dans ces débats électoraux que nous connaissons bien, les Français croient toujours qu'ils sont protégés et qu'ils peuvent prendre certains risques sans en subir les conséquences. Dans les conversations que vous avez eues entre vous avant le premier tour, que vous avez peut-être encore cette semaine, vous rencontrez des hommes et des femmes qui vous tiennent ce langage. Or, dans le monde actuel, vous n'êtes plus protégés, ni vis-à-vis des périls politiques, en Afrique, en Europe ou ailleurs dans le monde, ni devant la concurrence internationale qui peut venir dévaster des secteurs entiers de notre économie nationale. Ne vous croyez pas protégés contre les périls, vous n'êtes protégés que par l'action de ceux qui vous représentent et qui vous gouvernent.
- Deuxième chose que je veux vous rappeler : l'héritage institutionnel du Général de Gaulle, qui a donné à la France stabilité et autorité ne peut, dans ce débat, être assuré que par moi, et non par son adversaire du premier jour qui dissoudra le lendemain la majorité que vous avez pourtant librement élue en 1978, et je voudrais, là, répondre à ce que disait tout à l'heure un des orateurs, M. Boinvilliers : je suis un libéral, je suis même une variété unique, rare, une espèce en voie de disparition, un libéral qui respecte la liberté des autres. Nous avons eu un premier tour, il était normal qu'il y eût des candidats, il était normal qu'il y eût des hommes et des femmes qui soutiennent tel ou tel candidat, je ne reprocherai jamais à quiconque sa fidélité et même au fond de moi-même je l'en féliciterai, mais le premier tour une fois passé il faut oublier nos défauts nationaux, les défauts qui ont souvent fait le malheur de notre peuple, c'est-à-dire la préférence donnée à la division, la préférence donnée à la rancune. Le premier tour est derrière nous, ne nous occupons plus du premier tour. Il y a maintenant un grand enjeu national. Je ne demande rien pour moi, mais je vous demande de choisir en-fonction de l'intérêt de la France. La famille gaulliste est l'un des grands courants permanents de la politique de la France, elle a toujours servi notre pays, dans la guerre, comme dans la paix. C'est pourquoi nous devons gagner tous ensemble et nous devrons ensuite conduire la politique que la France appelle.\
Quelle politique ? Je propose à toutes celles et à tous ceux qui refusent la voie marxiste... et alors toutes celles et tous ceux qui est-ce ? Ce sont d'abord toutes celles et tous ceux qui ont voté pour la majorité en 1978 et qui ayant, à l'époque, écarté le mauvais choix pour la France, ne doivent pas permettre, en 1981, que le mauvais choix s'empare de la France... je propose aussi à tous ceux qui refusent les conséquences de la dissolution et du gâchis économique la ligne suivante :
- Examiner, après l'élection les enseignements à tirer de la campagne, les examiner comme nous le faisons ce soir, dans la liberté, dans la spontanéité, dans la cordialité et les traduire dans l'action en ce qui concerne notamment l'emploi des jeunes, la libération de l'initiative et des forces productives du pays et le réexamen de certaines charges qui pèsent trop lourd sur ceux qui travaillent et qui produisent en France. A ceux qui viennent vous dire : plus d'Etat, je réponds moins d'Etat, et c'est d'ailleurs la tendance universelle. Ce sera sans doute la question centrale au-cours de cette campagne. Mon concurrent `François Mitterrand` viendra vous dire : plus d'Etat, il vous dira : plus de fonctionnaires, plus d'interventions, plus d'impôts, plus de dépenses, plus de charges... et moi, je viens vous dire : moins d'Etat, laissons les Français travailler, laissons les s'organiser, laissons-les produire et que l'Etat se concentre sur ses grandes missions traditionnelles qui sont d'assurer la sécurité de la France, qui sont d'assurer la justice de la France et qui sont d'assurer la solidarité entre les Français. Nous devons lutter contre une sorte de socialisme rampant qui se traduit pour les personnes comme pour les entreprises, par un excès de règlementation et de charges, mais on ne peut pas lutter en France contre le socialisme rampant en votant pour le socialisme ouvert. Je proposerai une série d'allègements des charges héritées du passé pour que nous entrions dans le septennat nouveau avec le sentiment d'un certain allègement de tout ce qui a pesé sur notre vie et sur notre travail au-cours de la période précédente et je proposerai qu'on remette les compteurs à zéro dans un certain nombre de domaines.\
Je proposerai ensuite que nous poursuivions notre effort d'indépendance énergétique. Là aussi, différence et contradiction avec le programme de mon concurrent `François Mitterrand` qui veut arrêter notre effort national, effort qui est nécessaire pour nous libérer de l'effet des chocs pétroliers successifs et pour accentuer notre croissance à-partir des seules ressources françaises, et d'ailleurs si j'ai avec lui le débat que je souhaite, c'est-à-dire le débat où chacun s'adresse à l'autre, dans la tradition républicaine, et non pas des personnages venus de je ne sais où qui interprètent ou qui expriment la pensée des autres, c'est une des questions que je lui poserai : pourquoi voulez-vous que la France interrompe son effort d'indépendance énergétique ? Pourquoi voulez-vous que la France accepte de se plier aux exigences de ceux qui tiennent à la fois le robinet et la facture du pétrole ?\
Il faut ensuite maintenir notre effort de solidarité. S'il y a eu dans certaines villes ou dans certains milieux des résultats électoraux significatifs, et je pense en-particulier à Bourges, c'est parce que le dernier septennat n'a pas été un septennat d'égoisme, mais que nous avons ensemble les uns et les autres, accompli un grand effort de solidarité que nous devons poursuivre et que nous ne devons pas interrompre en faveur des personnes âgées, en faveur des familles, et je ne parle pas seulement de la situation matérielle des familles, mais des droits moraux des familles en France, dont nous ne devrions pas accepter qu'ils soient bafoués comme nous l'entendons parfois suggérer, en faveur des handicapés, des femmes seules qui gardent le souci de l'éducation de leurs jeunes enfants et en faveur de ces travailleurs manuels qui participent de plus en plus largement à la production nationale et qui s'intègrent dans notre société française.\
Autre objectif : offrir un emploi ou un poste de formation à tous les jeunes qui se présentent sur le marché du travail... C'est pour moi un engagement national, je ne me réfugie pas dans le flou ou dans l'équivoque, je prends devant vous des engagements précis et simples : ces jeunes Françaises et ces jeunes Français qui apportent à notre pays sa vitalité, sa capacité, son modernisme, ils ne doivent pas entrer dans la vie par la porte amère du chômage, ils doivent entrer dans la vie par la porte grande ouverte de l'emploi ou de la formation. C'est pourquoi la majorité, notre majorité, la même, sera saisie au-cours de la prochaine session du Parlement, c'est-à-dire, je le souhaite à la fin du mois de mai et pendant le mois de juin, de propositions précises en faveur de l'emploi des jeunes.\
Autre objetif : protéger la qualité de la vie et accroître les responsabilités des citoyens. Les Français retrouvent, pour certains d'entre eux, conservent, pour certains autres, l'attachement à des valeurs qui sont depuis très longtemps les vôtres et les miennes, car la qualité de la vie en France a toujours été une des préoccupations fondamentales de mon action politique. J'ai arrêté la construction des grands ensembles qui déshumanisaient la France, j'ai arrêté le saccage des grandes villes, nous avons planté plus d'arbres en sept ans qu'il n'y a d'arbres dans la forêt landaise, la plus importante d'Europe, nous avons, à l'heure actuelle, plus d'espaces naturels protégés en France qu'il y a d'espaces construits dans notre pays, mais nous ne devons pas nous arrêter et nous devons poursuivre notre effort en faveur de la qualité de la vie et associer plus largement les hommes et les femmes qui le souhaitent à cette grande cause de la protection de l'environnement en France.\
Enfin, nous devons avoir l'ambition, parce qu'il ne faut pas conduire une campagne nationale dans la petitesse ou dans l'égoisme, de passer la France dans le peloton de tête des pays les plus avancés.
- Il y a une espèce d'idée qu'on vous propose, celle de faire croire que la France serait condamnée, par je ne sais quelle tare, à la médiocrité. Je suis convaincu, pour ma part, que la France est un pays qui est aussi capable que les autres, et aussi capable dans toutes les régions y compris dans le Berry, où je vais revenir dans un instant. Pourquoi croire que les Françaises et les Français, avec leur système éducatif à améliorer, avec leur formation professionnelle à développer, avec leur recherche scientifique à accroître, ne sont pas capables de faire individuellement aussi bien que les Américains ou aussi bien que les Japonais ? Nous l'avons fait dans certains domaines... Nous l'avons fait, il est vrai, sans l'aide à aucun moment du candidat de l'opposition, nous l'avons fait en-matière électro-nucléaire où nous sommes à l'égal des meilleurs du monde, nous l'avons fait en-matière militaire, et il y a dans le Berry d'importantes installations à cet égard où nous sommes les égaux des meilleurs du monde. Donc, nous sommes capables de le faire dans d'autres domaines. N'ayons pas l'ambition du médiocre et du petit, ayons celle de porter la France dans le peloton de tête des pays les plus avancés. Et d'ailleurs, ceci concerne également le Berry.\
Concernant le Berry, je voudrais traiter devant vous deux sujets... il y aurait beaucoup d'autres sujets qu'on pourrait traiter dans le Berry... d'ailleurs, je voudrais vous dire que, comme d'ailleurs une bonne moitié des Français, j'ai des ascendants dans votre région, il y a une place de Bourges qui porte le nom de mon arrière-grand-père maternel, et j'ai dans mes ascendants directs deux hommes d'Etat qui ont servi, l'un comme ministre de Napoléon Ier, l'autre comme ministre de la Monarchie de Juillet et qui se sont retirés dans le Cher, où ils ont d'ailleurs écrit leurs souvenirs, que je relisais récemment.
- Mais je voudrais traiter deux sujet : premier sujet : l'agriculture. Nous avons obtenu, il y a un mois, - quand je dis nous, c'est le gouvernement, bien entendu - à la date prévue une augmentation des prix agricoles qu'aucun dirigeant qualifié de l'agriculture n'osait en réalité espérer, une augmentation de plus de 12 %, intervenant pour la première fois le 1er avril, ce qui ne s'était pas produit depuis plus de dix ans et je vous rappelle que tout retard dans la fixation des prix, notamment pour les produits animaux... animaux, produits laitiers... se traduit... on me passe un petit papier, parce que j'ai demandé à être tenu au courant de tous les événements de la vie nationale étant Président de la République en exercice, je peux donc vous indiquer que la France a gagné contre la Belgique... (vifs applaudissements)... par 3 à 2 ou si vous préférez des pourcentages par 60 % contre 40 %. Vous apercevez qu'une année où la hausse des prix agricoles sera supérieure à 12 %, tout retard d'un mois voulait dire 1 % de moins. Si nous avions échoué dans la négociation et si on avait reporté cette négociation au mois de juin, cela voulait dire pour les éleveurs ou pour les producteurs de produits laitiers, que même si nous avions obtenu 12, nous aurions eu 12 sur neuf mois de la campagne, alors que nous avons eu 12 pour la totalité de la campagne.
- Je sais que cette augmentation ne règle pas tous les problèmes de revenus, mais je sais aussi qu'elle apporte une garantie importante à nos producteurs et à nos éleveurs et d'ailleurs toute la presse spécialisée, y compris la presse internationale, a reconnu qu'un tel résultat, qu'un tel succès, n'aurait pas été possible sans l'intervention personnelle du Président de la République. Et imaginez dans la Communauté européenne `CEE`, actuellement démocratique et libérale, une France représentée par un Président élu par les voix socialistes et communistes, je vous demande quelle autorité il aurait pour conduire dès le mois de juin la négociation difficile dont dépend l'avenir du marché commun agricole ? Quelle solidarité manifesteront envers lui des gouvernements ou des pays qui ont tous rejeté l'option que l'on propose à l'heure actuelle à la France d'adopter ?\
Mon premier effort a porté sur les garanties, mais il va falloir maintenant aborder un autre problème qui est celui des coûts en agriculture. Les coûts de production ont augmenté beaucoup trop vite en 1979 et 1980 notamment du fait du choc pétrolier et ils ont pesé lourdement sur l'élevage, cet élevage qui est si actif dans le sud de votre département et d'ailleurs dans le reste de la région.
- C'est pourquoi, après avoir réglé le problème des prix `prix agricoles`, le deuxième effort, dont d'ailleurs le conseil des ministres a délibéré ce matin, c'est la réduction des coûts de production. Nous avons gagné la première bataille, aidez-nous à gagner la deuxième !\
Le premier septennat a vu se confirmer la vocation industrielle de la région Centre, et notamment du Berry. Le fleuron de notre industrie aéronautique, l'Airbus `avion`, désormais commandé à 460 exemplaires, fabriqué pour partie à Bourges, et ceci est dû largement à l'action personnelle de Jean-François Deniau.
- La centrale nucléaire de Belleville, qui représente pour le Berry l'équivalent de la découverte d'un gisement de pétrole de plusieurs dizaines de millions de tonnes est l'équivalent pour vous, au point de vue de votre indépendance, au point de vue de l'alimentation en énergie, d'un forage pétrolier qui aurait fait découvrir un des grands gisements algériens.
- Voilà ce que cela représente pour le Berry. Cette centrale, dont les travaux ont commencé il y a deux ans emploie, je crois, à l'heure actuelle, environ 600 personnes, dans quatre ans, elle en emploiera plus de 2000 qui seront des techniciens qualifiés, représentant donc une promotion de l'emploi et de la rémunération dans le Berry... C'est déjà le plus grand chantier du département, ce sera bientôt le meilleur atout pour l'industrie berrichonne et je vous indique que les tarifs de l'électricité pour les consommateurs sont déjà et seront réduits autour de la centrale et nous avons décidé que les tarifs industriels seraient abaissés dans un rayon de 30 kilomètres pour les entreprises qui s'installeront ou qui travailleront autour de la centrale et qui auront ainsi une énergie électrique qui sera d'un coùt inférieur de 50 % au tarif pratiqué en Allemagne fédérale.
- Et donc, pour les petites et les moyennes entreprises berrichonnes - c'est vrai dans d'autres départements, je pense, bien entendu, à l'Indre-et-Loire, je pense au Loiret, partout où il y a des centrales de cette -nature - les tarifs seront réduits sensiblement dans un cercle ayant trente kilomètres de rayon autour de la centrale.
- C'est pourquoi, quand mon concurrent `François Mitterrand` indique qu'il arrêtera le programme nucléaire, il l'arrêtera pourquoi ? Je voudrais le savoir et je voudrais pouvoir lui poser la question avec 53 millions de Français pour témoins. Quand il dit qu'il arrêtera le programme nucléaire, cela veut dire, dans l'immédiat, plusieurs centaines d'emplois de moins dans le Cher, et cela veut dire, à moyen terme, une énergie plus rare et plus aléatoire pour les entreprises berrichonnes. Voilà une singulière conception de la politique de l'emploi.\
Un autre grand projet national est mis en cause par l'opposition. Il s'agit de l'autoroute Paris - Bourges - Clermont-Ferrand. A Bourges ou à Vierzon, paraît-il, les élus de l'opposition tempêtent contre les délais de cette opération, mais je peux vous dire qu'à Paris, les élus nationaux de l'opposition s'opposent à la réalisation de cette autoroute, considérée comme non prioritaire, et ils la désignent du doigt comme l'autoroute du Président. Eh bien ! oui, c'est, en effet, l'autoroute du Président, c'est-à-dire une autoroute que j'impose à ces technocrates dont sur ce point, l'opposition voudrait suivre les directives, ce n'est peut-être pas la plus rentable, mais c'est certainement une des plus utiles, parce qu'elle apportera la vie et le dynamisme économique à cette grande région du Centre et aussi à ce Massif central situé derrière vous et qui est une des grandes régions d'avenir de la France. Elle s'appellera "l'Auvergnate", mais rien ne s'oppose à ce que, dans la traversée du Berry, vous lui donniez une autre appellation.\
Je sais enfin que les entreprises textiles de la région ont durement souffert de la concurrence étrangère. L'industrie textile est une de nos industries de base et, contrairement à ce que l'on croit parfois, c'est une de nos industries les plus dynamiques puisqu'elle exporte le tiers de sa production à l'heure actuelle. Elle a enfin le mérite de fournir des débouchés à une main d'oeuvre féminine importante.
- C'est pourquoi j'ai demandé que le textile et l'habillement figurent parmi les industries stratégiques susceptibles de recevoir des aides particulières pour l'investissement, et d'autre part, j'ai demandé au gouvernement qu'il renforce les contrôles douaniers pour mettre fin aux détournements de trafic et aux fraudes que l'on avait constatés sur l'origine des produits importés. En un mois, une centaine d'infractions ont été relevées et sanctionnées, représentant un chiffre d'affaires de 40 millions de francs pour le seul mois de mars. Je ne laisserai pas la concurrence déloyale menacer l'avenir de notre industrie textile.\
Je ne voudrais pas quitter les problèmes berrichons sans évoquer les problèmes politiques du Berry et de Bourges, car en effet, je voudrais vous demander d'épargner à la France le sort de Bourges. Vous avez vu ce que représentaient pour une grande ville comme la vôtre les conséquences de la division de la majorité, et ce que représentaient le changement d'atmosphère, le changement de vie dans votre ville, et nous devons l'épargner à la France £ il faut, par contre, garder la France pour reconquérir Bourges. Je suis persuadé que vous en êtes capables, et d'ailleurs, j'ai regardé avec soin le résultat du scrutin dans la ville de Bourges, et j'ai vu que la majorité - je ne me prends pas tout seul - avait progressé dans Bourges et qu'elle avait désormais une position très forte qu'il lui reste à transformer lors de l'élection municipale de 1983. Vous avez une espèce de leçon de choses pratique dans votre ville et dans votre département, il est clair que vous n'y parviendrez pas si, par contre, le sort de la France est confié à d'autres mains, vous n'avez à ce moment-là aucune chance d'y parvenir, et sans doute, vous connaitrez d'autres échecs et d'autres pertes. C'est pourquoi, je le répète, il faut garder la France pour reconquérir Bourges.\
Après avoir évoqué tout à l'heure l'intervention d'un parlementaire, je voudrais rendre hommage aux hommes d'Etat du Cher et d'ailleurs de l'Indre. Je ne sais pas pourquoi ils sont restés debout, ils avaient dû imaginer que je leur rendrai cet hommage et ils préféraient que la salle les aperçoive de loin. Ils avaient vu juste, car vous êtes un des départements les plus représentés de France au conseil des ministres, et par des hommes de grand talent. J'ai eu l'occasion de les voir travailler l'un et l'autre et je peux vous dire qu'il y a longtemps que la France n'a pas eu un ministre du budget de la qualité de M. Papon. A mon avis, il faut au moins - au moins - remonter au temps où j'exerçais moi-même cette charge pour trouver un élément de comparaison, et si nous avons gardé une des meilleures situations budgétaires d'Europe et du monde, c'est dû à la fois à l'autorité, à la fermeté et en même temps au sens du contact parlementaire de M. Papon. Je souhaite d'ailleurs qu'il soit l'artisan de la réforme nécessaire de la taxe professionnelle. Il s'agit, vous le savez, d'un impôt local qui a donné lieu, à-juste-titre, à de nombreuses critiques, impôt local - je le dis en passant - que lorsque j'étais ministre des finances, je n'ai jamais proposé. Cet impôt local a été critiqué à-juste-titre £ il faut donc maintenant le réformer, le plafonner, l'écrêter, et je souhaite que M. Papon, à-partir d'ailleurs des réflexions en-cours, puisse proposer à la majorité - la même - de s'associer pour une réforme en profondeur de cette taxe comme beaucoup d'entre vous le souhaitent.\
Il y a aussi Jean-François Deniau mon ami d'autrefois, mais pratiquant l'un et l'autre la fidélité - il ne faut donc pas la reprocher à autrui - mon ami d'autrefois est resté mon ami d'aujourd'hui, il a assuré deux tâches dans le gouvernement : d'une part, le développement du commerce extérieur, et d'autre part, une tâche qui préfaçait la réponse à une des aspirations profondes qui s'est manifestée au-cours de cette campagne et qui est celle de la simplification de la vie des Français, l'élimination de la paperasse, de la bureaucratie, des contrôles, des contraintes. Il avait commencé à s'en occuper à l'automne £ ce thème est devenu un des thèmes importants et utile d'ailleurs de la campagne qui vient de se dérouler. Ce sera certainement une des actions prioritaires du prochain gouvernement.
- Je vous ai dit que votre région, Cher et Indre, exerçait des responsabilités importantes dans le gouvernement. Je souhaite que les hommes d'Etat de la région Centre continuent d'être associés aux responsabilités du gouvernement à venir, et pour cela pas de dissolution, maintien au contraire de l'unité de la majorité.\
Je voudrais maintenant vous dire en conclusion quelle est mon ambition pour la France : dans l'élection présidentielle, ce qui la complique, ce qui la déforme, c'est cette idée qu'il y a des candidats qui se battraient pour eux £ je n'ai pas l'habitude de faire mon propre éloge, d'ailleurs vous m'avez rarement entendu le faire et comme les autres ne le font pas non plus, vous ne l'avez pas entendu du tout, mais dans cette campagne, ce n'est pas une candidature individuelle £ si c'était une candidature individuelle, je me serais posé beaucoup de questions. Sept ans dans cette fonction en temps de crise, croyez-moi, c'est lourd à beaucoup d'égards, c'est ingrat et vous le voyez bien dans cette campagne £ donc, ce n'est pas une ambition personnelle £ c'est le sentiment d'une angoisse que j'éprouve et qui est de me dire que, peut-être pour des raisons d'ailleurs qui m'échappent, que comme citoyens je n'arrive pas à saisir, des Françaises et des Français vont faire un choix qui sera contraire à leurs intérêts, contraire à l'intérêt de la France, un choix qu'ils regretteront dans les semaines suivantes et qui ferait de moi, ce que je ne souhaite pas, à l'automne 1981, l'homme d'Etat le plus populaire de France. C'est cette angoisse que j'éprouve, qui est d'éviter que les Françaises et les Français, que certains d'entre eux ne soient entraînés dans un choix que personne qui nous observe de l'extérieur ne peut comprendre.
- Je ne veux pas vous faire la confidence des conversations que j'ai eues récemment avec tel ou tel de mes collègues chefs d'Etats européens, mais ils m'ont dit : "Mais enfin, que veulent les Français ? Ils ne voient pas la situation chez nous, ils ne la voient pas chez eux ? Ils ont l'idée d'interrompre l'effort qui est en-cours ? Ils ont l'idée de perdre ce qu'ils ont obtenu au-cours des dernières années. Mais qu'est-ce qui peut les conduire à une attitude de ce genre ?" Je vous pose la question : qu'est-ce qui peut y conduire ?\
C'est pourquoi d'ailleurs ils ne feront pas ce choix. Ils ont le droit - qu'ils ont utilisé, un vieux droit traditionnel en France - d'exprimer leur mécontentement, d'indiquer telle ou telle préférence, telle ou telle critique, ils l'ont fait au premier tour parce qu'ils savaient que le premier tour n'engageait pas le destin de la France, mais le deuxième tour engage le destin de la France, et d'ailleurs, à côté du destin de la France, que pèse le destin individuel du Président de la République ? Je vous donne ma réponse : il ne pèse pas lourd du tout. Donc, la décision doit être prise en-fonction du destin de la France et je souhaite que nous puissions faire de notre pays une nation forte et paisible, forte pour se protéger des périls du monde, paisible pour retrouver ou pour développer entre nous un mode de vie qui soit plus fraternel, qui soit plus tolérant, qui soit plus chaleureux. Un pays qui incarne les idées de générosité et d'ouverture sur le monde, un pays qui donne à sa jeunesse des thèmes qui soient à la fois de grandes ambitions et des idées de générosité et de solidarité en même temps, c'est ce que je voudrais faire de la France avec vous, et c'est d'ailleurs le seul choix possible pour la France, car mon slogan dans ce deuxième tour sera le suivant, un slogan emprunté d'ailleurs à des images traditionnelles de notre pays, à une France rassemblée : rien d'impossible. Encore faut-il que vous la rassembliez. A la fin des réunions du premier tour, la musique jouait l'air qui m'avait accompagné pendant la première campagne présidentielle 1974, le Chant du Départ, air d'ailleurs que j'avais appris lorsqu'on avait l'idée audacieuse et originale de faire chanter l'armée française, c'est-à-dire en 1944 - 45 `1945`, et on nous avait appris le Chant du Départ, je m'en suis souvenu en 1974. Mais au deuxième tour où il s'agit d'un enjeu national l'air de la campagne devient l'hymne national. C'est donc celui que nous allons, dans un instant, chanter ensemble, mais avant de le faire, je veux vous dire, à vous qui êtes sous ce chapiteau, à vous qui êtes au dehors, que je ne suis pas venu pour vous demander vos voix, que je suis venu pour vous confier le sort de la France, parce que le sort de la France dépend de vous le 10 mai, et que vous avez encore un peu plus d'une semaine pour expliquer et pour convaincre autour de vous celles ou ceux qui hésitent encore et qui ne doivent pas se tromper, ni pour eux-mêmes, ni pour notre pays. Vive Bourges ! Vive le Berry ! Vive la France ! On va chanter la Marseillaise...\