16 avril 1981 - Seul le prononcé fait foi

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Interview de M. Valéry Giscard d'Estaing dans "L'Usine nouvelle" sur les grands choix énergétiques, Paris, Palais de l'Élysée, Jeudi 16 avril 1981.

QUESTION.- Pensez-vous que l'effort d'exploration pétrolière en France doive être intensifié ?
- LE PRESIDENT.- Le programme hydrocarbure français adopté par le conseil restreint `conseil des ministres` du 10 janvier 1980 que j'ai présidé, conduit, de fait, à une intensification de notre effort d'exploration pétrolière. Je vous remercie de me donner l'occasion d'en souligner l'importance. Ce programme est en effet à la mesure des défis énergétiques que la France doit relever. Les moyens mis en oeuvre pour son exécution permettront de le mener à bien. D'ores et déjà, on peut observer un accroissement notable de l'exploitation pétrolière du territoire national. Il faudra bien sûr maintenir cette orientation. Dans les zones traditionnelles, terrestres ou maritimes, l'effort de prospection était de 200 millions de francs en 1974 : il dépassera en 1981 un milliard de francs.
- Examinons maintenant, si vous le voulez bien, quelques résultats obtenus qui me paraissent significatifs. De 1974 à 1980, les réserves nationales de pétrole et de gaz se sont accrues de 15 millions de tonnes équivalent pétrole, et le plus important gisement français depuis Parentis à été découvert au Vic Bilh. Il représente 6,5 millions de tonnes équivalent pétrole.
- La prospection minière a également été relancée dans le Bassin du Nord et du Pas-de-Calais, qui sera le siège de travaux importants - plus de 50 millions de francs en quatre ans - ainsi que dans le Bassin parisien et en Alsace.
- En mer d'Iroise, huit forages ont été réalisés, pour lesquels 500 millions de francs de recherche ont été dépensés. Dans le Golfe de Gascogne et le Golfe du Lion, les forages ont repris.
- Par ailleurs, une prospection systématique des zones difficiles qui n'avaient pas encore fait l'objet de recherches a été -entreprise. Une procédure originale d'incitation a été mise en place par le fonds de soutien aux hydrocarbures, afin d'apporter un soutien financier public à cette grande reconnaissance qui intésse deux types de zones : certains bassins sédimendaires terrestres, et l'offshore profond, tant dans les départements et territoires d'Outre-mer, Polynésie et Nouvelle-Calédonie notamment, qu'au large de la métropole.
- Ainsi, dans le domaine pétrolier, comme dans le domaine charbonnier et dans celui des autres ressources minières, notre pays a désormais engagé une série complète d'inventaires systématiques de ses ressources ultimes.\
QUESTION.- Etes-vous favorable à une libération des prix de l'essence, du gazoil et du fuel domestique ?
- LE PRESIDENT.- Je pense profondément que la réglementation des prix n'est pas en soi et dans son -essence même une méthode économique satisfaisante. On ne peut, par conséquent, que souhaiter que la libération des prix des produits industriels s'étende à ceux des produits pétroliers.
- Ce phénomène est d'ailleurs d'ores et déjà amorcé. Les prix du fuel lourd et du naphta ont été libérés depuis 1974, et seuls quatre produits pétroliers voient encore leur prix plafond fixé par l'administration.\
QUESTION.- Etes-vous partisan de la -constitution d'une seule compagnie pétrolière nationale ?
- LE PRESIDENT.- Répondre à cette question exige que l'on parte d'un constat. Les deux compagnies nationales puissantes dont la France a su se doter, disposent d'un éventail complet d'activités pétrolières. Ces activités vont de l'exploration au raffinage, et de la distribution à la chimie qui concourrent notablement à la sécurité d'approvisionnement du pays.
- On peut, dès lors, considérer qu'une fusion présenterait moins d'avantages que d'inconvénients, tels que la suppression d'une saine concurrence, ou la -constitution d'un ensemble de dimension excessive, difficilement gérable.\
QUESTION.- Etes-vous favorable à une politique communautaire de l'énergie ?
- Il me paraît en effet indispensable d'harmoniser les politiques énergétiques des pays de la Communauté économique européenne `CEE`, et d'organiser entre eux, de ce point de vue, une solidarité réelle. Ainsi pourront-ils faire face, dans de meilleures conditions, aux crises énergétiques qui pouvent les affecter.
- Ces deux buts, il faut l'observer, ont été poursuivis dans toutes les réunions des Conseils européens. C'est ce qui a permis d'atteindre une meilleure cohérence des politiques, en ce qui concerne par exemple les objectifs d'importation pétrolière des Etats-membres de la Communauté, ou les dispositions à prendre en cas de difficultés d'approvisionnement de tel ou tel partenaire.
- Il faut aussi souligner que cet effort conjoint des pays européens en-matière énergétique a permis à la CEE de jouer un rôle prééminent dans les concertations internationales. C'est ainsi qu'elle a pu amener les grands pays consommateurs à adopter, notamment lors des conférences de Tokyo et de Venise, des attitudes coordonnées sur des questions aussi essentielles que la limitation et la demande pétrolières, ou le développement des programmes énergétiques de substitution.
- Désormais, l'Europe est perçue, par les pays producteurs aussi bien que par le tiers monde ou les partenaires industrialisés, comme un ensemble susceptible d'apporter une contribution positive à la solution des problèmes énergétiques mondiaux. Et si les buts poursuivis par la politique énergétique française coincident parfaitement avec les orientations préconisées par les Dix, il n'y a là rien d'étonnant. C'est en effet la France qui a largement inspiré les orientations définies à Tokyo et à Venise.\
QUESTION.- Le niveau actuel des stocks obligatoires (90 jours) vous semble-t-il suffisant ?
- LE PRESIDENT.- Le niveau des stocks de réserve réglementaires imposés aux opérateurs pétroliers en vertu de la loi de 1928 est de 90 jours. Cela signifie, compte-tenu de la saisonnalisation de la demande de produits pétroliers, qu'il varie au-cours de l'année entre 120 et 90 jours.
- Arithmétiquement, de tels stocks représentent une sécurité théorique de six mois si la moitié de l'approvisionnement était brutalement interrompue. Or, cette hypothèse est particulièremennt pessimiste.
- On peut donc considérer ce niveau comme satisfaisant.
- Et cela, d'autant plus que la France, anticipant sur les initiatives prises au-niveau communautaire, a institué à l'automne dernier une réserve supplémentaire conjoncturelle de plusieurs millions de tonnes de pétrole brut dont le déstockage progressif est contrôlé.\
QUESTION.- Si une guerre ou une révolution au Moyen-Orient, (Arabie Saoudite par exemple) privait de façon durable la France d'une part importante de son approvisionnement pétrolier, auriez-vous recours à la force armée pour rétablir la situation ?
- LE PRESIDENT.- Le gouvernement a fait savoir à plusieurs reprises que l'approvisionnement pétrolier en provenance du Moyen-Orient et des Etats du Golfe `Golfe persique` en-particulier était vital pour la France.
- Ceci signifie que nous ne pourrions pas rester indifférents, pas plus d'ailleurs que nos principaux partenaires industrialisés, à des événements qui mettraient gravement en péril le fonctionnement normal de notre économie et de notre société.
- Il convient toutefois de remarquer que notre politique d'approvisionnement pétrolier est conçue et gérée de telle manière qu'elle nous a permis de surmonter sans dommage pour le consommateur les effets cumulés de l'arrêt de la production de l'Iran puis de l'Irak, notre second fournisseur.
- Il est donc impossible d'évaluer à l'avance les conséquences réelles de tel ou tel événement affectant cette région du monde. Mais il faut souligner que les relations entretenues par la France avec l'ensemble des pays producteurs lui permettent de faire face, comme l'expérience l'a prouvé, à des situations de crise sérieuses.\
QUESTION.- Etes-vous favorable à la conclusion d'un grand contrat gazier avec l'URSS ?
- LE PRESIDENT.- Il faut d'abord se souvenir que l'Union soviétique contribue depuis longtemps à l'approvisionnement pétrolier et gazier de la France et de la plupart de ses partenaires européens. Ce n'est donc pas un sujet nouveau. Nous devons d'ailleurs souhaiter que l'URSS poursuive ses exportations d'énergie vers le monde occidental. C'est une des conditions de l'équilibre du marché international de l'énergie.
- D'autre-part, la conclusion d'un contrat gazier avec l'Union soviétique ne concerne pas uniquuement la France, mais l'ensemble de l'Europe de lOuest.
- La question peut donc, à mon avis, être formulée de cette manière : comment l'Europe peut-elle assurer et diversifier son approvisionnement en gaz au-cours de la prochaine décennie, compte-tenu du niveau de ses besoins et des ressources extérieures disponibles et accessibles ?
- L'analyse du problème ainsi posé conduit aujourd'hui à retenir l'hypothèse d'un apport supplémentaire de gaz soviétique à l'Europe occidentale. Pour ce qui nous concerne, cet apport supplémentaire ne devra évidemment pas dépasser le niveau que nous jugerons compatible avec la répartition équilibrée des sources d'aprovisionnements, indispensable à notre sécurité, et avec notre indépendance énergétique.\
QUESTION.- La volonté des Algériens d'aligner le prix de leur gaz sur celui de leur pétrole vous semble-t-il raisonnable ?
- LE PRESIDENT.- Il est compréhensible que les pays producteurs d'énergie et matières premières cherchent à valoriser au maximum leurs ressources naturelles. Elles constituent souvent l'élément essentiel de leurs recettes d'exportation.
- Il n'est pas non plus déraisonnable de considérer qu'il doit exister certaines relations entre le prix des produits pétroliers et celui du gaz. Les hydrocarbures gazeux peuvent en effet remplacer dans de nombreux usages énergétiques ou industriels le pétrole lui-même. La France l'a parfaitement admis dans ses -rapports commerciaux avec ses fournisseurs.
- Mais la raison veut aussi qu'il soit tenu -compte, dans la formation des prix du gaz, de la spécificité de cette ressource naturelle. Elle ne peut, à l'évidence, se substituer dans tous les cas au pétrole. Elle n'est pas non plus mise à la disposition du consommateur par les mêmes moyens. Ainsi, il faut construire et entretenir des réseaux de distribution du gaz qui sont de plus en plus coûteux au fur et à mesure que le pays s'équipe.
- Un prix "raisonnable" doit donc refléter tous les facteurs objectifs qui s'imposent tant aux consommateurs qu'aux producteurs.\
QUESTION.- Le programme `nucléaire` français est-il ambitieux, mais réaliste ?
- LE PRESIDENT.- La France a engagé un programme nucléaire représentant en moyenne 5000 mégawatts par an depuis 1974. Elle prouve ainsi sa détermination. Mais elle agit avec mesure. Ce niveau constitue un optimum au-plan économique, de même qu'au regard des contraintes de divers ordres dont il nous faut tenir -compte : contraintes techniques, contraintes financières, contraintes de l'aménagement des sites. Si le programme nucléaire français est ambitieux, et il l'est incontestablement, il n'est sûrement pas irréaliste.\
QUESTION.- Etes-vous favorable au développement industriel des surgénérateurs ?
- LE PRESIDENT.- J'observerai d'abord que la filière surgénératrice est le moyen essentiel dont dispose notre pays pour atteindre l'indépendance énergétique complète.
- Il s'agit, d'autre-part, d'une technologie dans laquelle la France a acquis une maîtrise qui la place en tête dans le monde. Aussi toutes les conditions seront-elles rassemblées, notamment par des études -entreprises dès maintenant, pour que la décision puisse être prise, le cas échéant, de lancer en 1981, c'est-à-dire en continuité avec le démarrage de Superphénix prévu pour la fin de 1983, une première présérie industrielle de tranches surgénératrices de 1500 MWE `mégawatt électrique`.\
QUESTION.- Etes-vous disposé à avaliser la signature de contrats de vente de centrales nucléaires à tous les pays ?
- LE PRESIDENT.- Oui, dès lors que les pays concernés ont pris et respecté l'engagement d'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire, et qu'ils se soumettent au contrôle de l'Agence internationale de l'énergie atomique `AIEA`. L' -état des relations politiques est également un facteur important dans ce type de coopération.\
QUESTION.- Compte-tenu de l'effort électro-nucléaire français et de l'arrivée sur le marché de KWH d'origine nucléaire dont le côut de production est inférieur à celui des KWH thermique fuel et charbon, le prix de l'électricité doit-il diminuer ?
- LE PRESIDENT.- Le coût de développement de l'électricité d'origine nucléaire est environ trois fois inférieur à celui de l'électricité produite par du fuel, et encore très inférieur à celle produite à-partir de charbon.
- Il est donc clair que la part croissante de l'électricité d'origine nucléaire dans la production totale d'électricité, qui sera de 70 % en 1990, pèsera à la baisse sur les tarifs de l'électricité.
- Notre économie en sera sans aucun doute rendue plus compétitive.\
QUESTION.- Etes-vous favorable à un accroissement de la production `charbon` nationale ?
- LE PRESIDENT.- On ne peut qu'être favorable à un accroissement de la production nationale, partout où cela est techniquement, humainement, et économiquement possible.
- C'est pourquoi, dès 1974, un plan charbonnier a été adopté afin de dégager en dix ans une production supplémentaire de 50 millions de tonnes. Il a un important programme d'investissements a été mis en oeuvre à-ce-titre par les Charbonnages de France. Il a représenté 6,5 milliards de francs en sept ans, les budgets d'investissements des Charbonnages ayant quadruplé entre 1974 et 1980.
- Ainsi un fléchissement majeur a-t-il pu être apporté à l'évolution de la production nationale. Alors que celle-ci avait diminué de 25 millions de tonnes entrre 1966 et 1973, la régression n'a été que de 6,1 millions de tonnes de 1973 à 1980, soit quatre fois moins. La production nationale de charbon a donc été quasiment stabilisée.
- Je rappellerai en-particulier, à cet égard, que j'ai décidé de prolonger au-delà de 1985 la production du Nord-Pas-de-Calais, qu'il était prévu auparavant d'arrêter entre 1983 et 1985.
- Les 175 millions de tonnes de charbon extraits du territoire national, il faut le savoir, représentent, et de loin, notre première production énergétique des sept dernières années.
- Grâce-à l'invention et à l'expertise de tous les gisements français que j'ai décidés en 1980, il n'existera aucune réserve charbonnière qui n'ait été explorée et dont les possibilités d'exploitation n'aient été évaluées avec précision.\
QUESTION.- Etes-vous partisan de l'achat de mines `charbon` à l'étranger ?
- LE PRESIDENT.- Aucun parti politique, aucune organisation syndicale n'a jamais prétendu jusqu'ici que la production nationale de charbon suffirait à satisfaire la totalité de nos besoins, quelles que soient les ambitions affichées quant à la production nationale.
- Par conséquent, nous devons avoir une politique d'approvisionnement extérieur adaptée à notre situation. Or, l'investissement minier est un facteur de sécurité d'approvisionnement, en même temps qu'un moyen de valoriser à l'exportation le savoir-faire, les techniques et les matériels miniers français.\
QUESTION.- Pour atteindre les objectifs de consommation de charbon fixés pour 1990, le gouvernement a estimé qu'il fallait que la consommation charbonnière de l'industrie soit multipliée par 5. Quels moyens préconisez-vous pour accroître la percée du charbon dans l'industrie ?
- LE PRESIDENT.- Le maintien de la consommation de charbon au-dessus de 50 millions de tonnes par an au-cours de l'actuelle décennie implique le quintuplement de la consommation de charbon dans le secteur industriel.
- Par ailleurs, l'objectif fixé à l'horizon 1990 en-matière de consommation de charbon dans le secteur industriel et celui du chauffage collectif est de 20 millions de tonnes. Pour atteindre cet objectif, les pouvoirs publics ont pris toute une série de mesures. Je rappellerai ici les principales d'entre elles. Tout d'abord, une importante campagne d'informations a été lancée depuis un an, dont l'élément le plus significatif a été le symposium consacré au retour du charbon qui s'est tenu les 23 et 24 juin 1980.
- D'autre-part, un système d'incitations financières a été mis en place. Il comporte notamment une subvention allant jusqu'à 25 % du surcoût des investissements spécifiques de l'utilisation du charbon, des prêts à intérêts bonifiés, et des facilités de financement sous forme de crédit-bail.
- Un programme de recherches technologiques en-matière d'utilisation du charbon a également été mis en oeuvre. La contribution budgétaire à ce programme sera de 250 millions de francs en cinq ans. Un comité spécialisé, le CODETEC `comité de développement des technologies du charbon`, a été constitué pour examiner les différents projets susceptibles de bénéficier de l'aide de l'Etat.
- Ensuite, un réseau de distribution intérieure a été reconstitué. Il offre aux futurs utilisateurs une gamme de services complets. Des intitiatives prises à l'échelon régional ont déjà vu le jour.
- Enfin, les facilités portuaires ont été améliorées. Le gouvernement a déjà autorisé la construction d'un nouveau quai à pondéreux à Dunkerque, ainsi qu'à Montoir. Des études actives sont en-cours au Havre et à Fos.
- Les premiers résultats obtenus sont encourageants. C'est ainsi que le secteur industriel a été le seul secteur dont la consommation de charbon a augmenté l'an dernier, passant de 2,9 millions de tonnes en 1979 à 3,4 millions de tonnes en 1980. Cela est dû au retour massif des cimentiers au charbon. Dès cette année, la consommationde charbon des cimenteries devrait dépasser les 2 millions de tonnes.
- Par ailleurs, un certain nombre d'industriels ont déposé des demandes d'obtention de primes pour le retour au charbon, notamment dans le secteur agro-alimentaire. Ces premiers résultats paraissent de bon augure pour la réalisation de l'objectif fixé.\
QUESTION.- Parmi les énergies renouvelables, estimez-vous que le solaire occupera une place significative d'ici l'an 2000, dans le bilan énergétique ? LE PRESIDENT.- Les différentes formes de l'énergie solaire n'auront pas toutes le même impact sur nos besoins énergétiques. Ainsi pour l'électricité solaire. Elle constitue un des espoirs les plus importants de décentralisation de la production dans les pays démunis de réseaux électriques. Mais elle aura sans doute un impact énergétique plus faible dans un pays comme le nôtre. C'est un domaine où la France se doit, cependant, de rester dans le peloton de tête, et de maintenir une industrie puissante à l'exportation.
- L'énergie solaire apportera une contribution significative à notre bilan dans deux domaines principaux, qui sont le chauffage solaire et l'utilisation énergétique de la biomasse.
- A cet égard, les perspectives pour l'an 2000 peuvent être chiffrées, en millions de tonnes d'équivalent pétrole, de la manière suivante. Pour l'eau chaude et le chauffage des locaux, de 4 à 5 millions de tonnes équivalent pétrole. Pour la chaleur industrielle, 0,25 millions de tonnes équivalent pétrole. Pour l'utilisation des déchets agricoles et certaines cultures spécifiques, de 13 à 15 millions de tonnes équivalent pétrole, dont 10 par la production de carburol. Pour la valorisation énergétique du bois, de 6 à 8 millions de tonnes équivalent pétrole. Pour l'électricité solaire, enfin, 0,25 millions de tonnes équivalent pétrole. Soit, au total, de 23 à 26 millions de tonnes équivalent pétrole, qui représenteront 8 % de nos besoins en l'an 2000, évalués à 300 millions de tonnes équivalent pétrole. Ce chiffre, il faut le souligner, est supérieur à celui que beaucoup de pays étrangers et par exemple les USA ont pu annoncer.
- Ces objectifs représentent un effort extrêmement important d'équipement des constructions et d'exploitation du gisement végétal de notre pays. Il se traduiront, concrètement, par les réalisations suivantes, toujours pour l'an 2000.
- Les chauffe-eau solaires équiperont 5 millions de logements. Le chauffage des locaux concernera 1,5 million de logements neufs, et 750000 logements anciens ou équivalent logements dans le secteur tertiaire. La collecte et la valorisation de la paille portera sur un chiffre situé entre 3 et 5 millions de tonnes, et la valorisation du bois sur 30 millions de mètres cubes. Les autres déchets organiques représenteront 5 millions de tonnes, et les cultures spécifiques 1 million d'hectares.\
QUESTION.- Quelles formes d'énergies de substitution devraient être privilégiées dans le futur ?
- LE PRESIDENT.- Je crois qu'il faut distinguer, parmi les formes d'énergies de substitution, celles qui peuvent représenter une part significative de notre bilan énergétique, et celles qui offrent un intérêt du point de vue de l'exportation de nos techniques et de nos technologies. La contribution de ces dernières au bilan énergétique peut être modeste, mais elles ne doivent pas pour autant être négligées.
- Je proposerais que l'on inscrive dans la première catégorie le chauffage solaire, toutes les formes de biomasse, y compris le bois de feu qui est la première d'entre elles, l'hydroélectricité qui est déjà la première énergie renouvelable de France et qui a augmenté de 50 % depuis 1973, et la géothermie pour laquelle la France est en tête dans le monde.
- Il conviendrait d'inscrire dans la seconde catégorie l'électricité solaire, thermodynamique ou photovoltaique, l'énergie éolienne, et l'énergie thermique des mers.
- Il n'y a pas de classement à opérer entre ces diverses formes d'énergie. Je suis convaincu, pour ma part, qu'il faut les développer toutes.\
QUESTION.- Pensez-vous que la politique menée actuellement en-matière d'économies d'énergie est satisfaisante ?
- LE PRESIDENT.- Des résultats très importants, vous le savez, ont été obtenus dans ce domaine. En sept ans, les Français ont économisé plus de 100 millions de tonnes équivalent pétrole soit l'équivalent d'une année d'importation pétrolière. D'autre-part, les économies d'énergie ont atteint 24 millions de tonnes équivalent pétrole en 1980, soit l'équivalent des importations de gaz naturel de la France.
- Sur la période 1974 - 1980, le total des économies d'énergie atteint 102 millions de tonnes équivalent pétrole. Avec le charbon, qui représente 117 millions de tonnes équivalent pétrole`, mais avant le nucléaire, qui représente 42 millions de tonnes équivalent pétrole, l'économie d'énergie a donc été notre première ressource énergétique nationale.
- En second lieu, le lien, entre la croissance économique et la consommation d'énergie a été rompu. C'est ainsi qu'en six ans, pour une croissance économique, c'est-à-dire un accroissement de la richesse des Français, de 22 %, la consommation d'énergie n'a augmenté que de 7,5 %. Ce résultat global est confirmé et précisé par une analyse sectorielle. Ce n'est donc pas à l'austérité ou à la pénurie que doivent être imputées les économies d'énergie réalisées.\
`Réponse`.
- Je vous ferai observer ensuite que les investissements d'économie d'énergie ont décuplé en cinq ans. Ils sont passés, en effet, de 0,7 milliards de francs en 1975 à 7,5 milliards de francs en 1980. Ces investissements, je tiens à le souligner, ont assuré de l'activité à 100000 personnes à la fois, directement ou par effet induit.
- Enfin, on peut constater que les performances ainsi réalisées placent la France au premier rang dans le monde. Des sept grands pays industrialisés - Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, Allemagne fédérale `RFA`, Italie, Japon, France - notre pays est, avec le Japon, en tête pour la réduction de la part du pétrole dans son bilan énergétique entre 1973 et 1979. Notre consommation pétrolière a baissé en valeur absolue. Par ailleurs, la France est restée nettement en tête pour ce qui est de la "performance énergétique" de son économie. Alors qu'une tonne d'équivalent pétrole de consommation d'énergie permet 960 dollars de PIB aux USA, 1200 dollars en Grande-Bretagne et 1700 dollars en Allemagne ou au Japon ce chiffre est en France supérieur à 2000 dollars.
- La position relative de la France s'est en outre améliorée de 1973 à 1979, comme l'indique le graphique ci-dessous.
- La France réalise la plus forte production par tonne d'énergie consommée (en équivalent pétrole). Notre aptitude à réaliser une croissance sobre en énergie constitue un atout dans la compétition internationale des prochaines années, puisque l'on peut prédire, sans risque de se tromper, que l'énergie sera de plus en plus chère.\
QUESTION.- Le ministère de l'industrie estime que 70 à 80 milliards de francs d'investissements par an sont nécessaires pour mener à bien la politique énergétique. Estimez-vous que l'enveloppe globale est suffisante ?
- LE PRESIDENT.- Les investissements de redéploiement énergétique ont représenté plus de 220 milliards de francs entre 1974 et 1980. Il y a là, sans aucun doute, un moteur puissant de la nouvelle croissance des années 1980, dans la mesure où ces investissements sont créateurs d'activité et d'emploi. C'est ainsi que le programme nucléaire à lui seul a créé 100000 emplois.\
QUESTION.- La commission du VIIIème Plan a estimé à 4100 millions de francs (constants 1979), les crédits budgétaires à engager sur la période 1981 - 1985 pour la recherche et le développement énergétique... Etes-vous d'accord avec ces propositions ?
- LE PRESIDENT.- La recherche énergétique est une des priorités de notre politique dans ce domaine. Il s'agit de préparer l'avenir, et de regarder vers le XXIème siècle.
- L'accroissement rapide des crédits consacrés à la recherche énergétique est d'ailleurs caractéristique de ses dernières années. De 2,1 milliards de francs en 1977, ils sont passés à 3,2 milliards en 1980, ce qui représente une augmentation de 15 %. Cette accélération a permis de respecter l'objectif souhaitable de 4,1 milliards de francs par an cité par la commission du Plan pour la durée du VIIIème Plan, et qui est, rappelons-le, un chiffre moyen, cohérent avec un chiffre de départ un peu moins élevé et un chiffre plus élevé en fin de période.
- Quant aux priorités, les orientations proposées par la commission se sont d'ores et déjà inscrites dans la réalité d'aujourd'hui. C'est ainsi qu'on observe un rééquilibrage, vers les énergies nouvelles, le charbon et l'utilisation rationnelle de l'énergie, de la répartition des crédits qui étaient consacrés au nucléaire.
- Un programme de développement des technologies d'utilisation du charbon a également été lancé. Il est doté de 250 millions de francs, et géré par le comité de développement des technologies du charbon, le CODETEC. Gazéification, transport, manutention, combustion, etc, sont concernés par ce programme.
- Enfin, il faut noter la croissance extrêmement rapide de la recherche dans le domaine solaire, où la France est globalement en deuxième position dans le monde. La centrale THEMIS, par exemple, qui est intégrée au centre d'essais thermodynamiques solaires de Targassonne Odeilho dont j'ai personnellement décidé la création, est la première installation de ce type au monde.\