15 avril 1981 - Seul le prononcé fait foi

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Discours de M. Valéry Giscard d'Estaing, Président de la République, notamment sur les rapatriés, à Aix-en-Provence mercredi 15 avril 1981.

Mes chers amis les Aixoises et les Aixois, après l'éloquence de votre maire, je me suis dit, au fond, pourquoi un discours ? Il a dit tout ce qu'il y avait à dire. Etant donné qu'il a fait mon éloge, je ne peux pas le refaire après lui, et il a tracé les perspectives de la campagne nationale que je m'efforce de conduire. Et au fond, puisque nous sommes à table, je serais presque tenté de m'effacer et de donner à ce repas un caractère simplement amical et républicain.
Mais, puisque vous êtes venus dans cette grande ville, cette capitale intellectuelle de la Provence qu'est Aix en Provence, vous seriez sans doute déçus si je ne m'adressais pas à vous pour vous parler de 3 sujets :
. d'abord, la ville d'Aix £
. ensuite, le sort de nos frères rapatriés d'Afrique du Nord £
enfin, l'enjeu national pour la France.
M. Joissains, quand il est venu au terrain de sports m'attendre, m'a donné quelques conseils sur l'éloquence aixoise. Il m'a dit : " vous savez, c'est une population latine, qui a une grande tradition d'éloquence. Alors, il faut faire vibrer à la fois les fibres de l'esprit et celles du c¿ur. " Je pense qu'il avait quelque inquiétude, il s'est dit : " peut-être n'en sera-t-il pas - il m'en faisait un peu la confidence - tout à fait capable¿ "
Eh bien, nous allons voir.
Je vais vous faire une confidence : quand je reçois des chefs d'Etat à l'Elysée - d'ailleurs, j'ai fait le compte récemment et je le dis à la télévision, ce soir, vous le verrez vous qui aurez encore la patience de m'écouter deux fois dans la même journée, j'en ai reçu 238, comme il y a 150 états dans le monde, j'en ai reçu quelques-uns plusieurs fois - ils me disent souvent, pour me faire plaisir : " vous savez, Monsieur le Président, nous parlons en confidence, si nous avions le choix entre vivre dans notre pays et vivre à Paris, bien entendu, nous aimerions vivre à Paris. " Eh bien moi, je vais vous faire une confidence : si j'avais le choix entre vivre à Paris et vivre à Aix, je vivrais à Aix-en-Provence ! (Applaudissements)
Je ne sais pas pourquoi les hasards de la vie historique de notre pays ont fait remonter la capitale vers le nord, mais vous savez que chaque fois que je peux m'en échapper, je reviens près des rivages de la Méditerranée, et je reviens souvent chez vous parce que je suis, comme vous, un latin et que je sais très bien que notre civilisation, notre art de vivre, notre goût de vivre, c'est ici que vous en gardez le secret.
Il y a deux manières de concevoir une campagne électorale. La première consiste à saisir toutes les occasions qui se présentent et, au besoin, d'ailleurs, à provoquer celles qui ne se présentent pas, pour multiplier les promesses démagogiques, devant des auditoires d'ailleurs éberlués et qui, rentrés chez eux, n'en croient, bien entendu, pas un mot !
Ce n'est pas ma manière de faire une campagne électorale et donc, les amateurs de démagogie seront déçus.
Ma manière, c'est de conduire un dialogue. C'est pour moi, à la fois une occasion, bien entendu, de m'adresser aux Françaises et aux Français, et une occasion de les rencontrer, de les regarder, de les écouter. De chacune de mes visites dans chacune de vos villes, j'emporte un souvenir et j'emporte un enseignement. C'est pourquoi j'ai écouté avec beaucoup d'attention, Monsieur le Maire, ce que vous nous disiez sur la ville d'Aix et sur ces problèmes.
Certains de ceux qui se présentent devant vous construisent une politique à partir de théories abstraites, écrites par des philosophes étrangers à nos pays et étrangers à notre siècle. Ce n'est pas là que je vais chercher mon inspiration £ je vais la chercher dans les profondeurs de la pensée et de la sensibilité française.
De même, d'autres vont chercher à l'heure actuelle des recettes politiques Outre-Manche ou Outre-Atlantique. Je crois que c'est en France que nous devons inventer les formules politiques qui correspondent à nos problèmes, et c'est donc à partir de la situation concrète de la France d'aujourd'hui que je dessine l'image de ce septennat nouveau dont je vous parlerai tout à l'heure. Quand on vient à Aix en Provence, on retire deux enseignements : un enseignement d'ordre historique et un enseignement d'ordre politique.
Un enseignement d'ordre historique : en effet, ceux qui ont l'ambition de conduire les affaires de la France peuvent méditer sur le destin d'Aix en Provence. Voilà une ville de taille moyenne, qui n'avait pas d'autre richesse naturelle que l'eau et le chant de ses fontaines. Une ville que tout destinait à être absorbée par la grande métropole marchande qui se trouvait située à moins d'une heure de cheval. Une ville qui, pourtant, tout au long de son histoire, a conservé son indépendance et sa personnalité vis-à-vis de Marseille et qui a su acquérir un rayonnement intellectuel dans le domaine universitaire et culturel.
En tous temps, la qualité équilibre le nombre et, dans le monde de demain, la qualité de la France équilibrera le nombre des autres. C'est la leçon historique d'Aix ! L'ambition que je propose à la France est une ambition qui tient au fait que la supériorité ne peut plus venir que de l'excellence.
2.000 ans après sa fondation, Aix en Provence reste la plus réussie de nos villes nouvelles. Elle est le modèle de la politique urbaine qui porte une attention égale à la construction de nouveaux quartiers et à la réutilisation des bâtiments du 17ème et du 18ème siècles.
Vous avez engagé, Monsieur le Maire, avec votre municipalité, dans le Quartier Sextius-Mirabeau - d'ailleurs, l'alliance de ces deux noms en dit long, sur l'histoire d'Aix - une opération d'aménagement urbain qui sera l'¿uvre d'une génération. Je veillerai que l'Etat apporte à votre ville tous les concours dont elle aura besoin... (applaudissements)... pour mener à bien ce grand projet.
Aix est aussi un modèle de politique culturelle. Je pense évidemment, à son université, dont le rayonnement, vous le savez, est très large dans la France entière, mais aussi au-delà de nos frontières.
Quand j'étais en Chine, au mois d'octobre, j'avais un remarquable interprète qui m'accompagnait, avec les hauts dirigeants chinois et qui m'accompagnait aussi à Lassa, la capitale mystérieuse du Tibet. Les Chinois étaient impressionnés par la qualité de sa langue. C'était un professeur de l'université d'Aix en Provence. (Applaudissements)
Je ne suis pas sûr, naturellement, que toutes les Aixoises et tous les Aixois, à cet égard, disposent de la même connaissance linguistique.
A travers le Festival, vous tenez également dans le monde culturel, dans le monde de la vie de la Musique et du Théâtre, un exemple unique de spectacles culturels de qualité, s'adressant au public le plus vaste, et vous avez vu que nous avons nommé Directeur de l'Opéra de Paris le Directeur et l'animateur du Festival d'Aix en Provence.
Le deuxième enseignement à retirer de cette visite, et vous me l'avez proposé tout à l'heure, Monsieur Joissains, est un enseignement d'ordre politique, parce que cette ville moderne, cette agglomération de 100.000 habitants, qui est toujours la ville du Bon Roi René - d'ailleurs, si vous étudiez attentivement l'histoire de France, vous verrez que c'est curieux parce que les adjectifs que l'on donne aux souverains ou aux chefs d'Etat ne traduisent pas toujours la qualité de leur politique parce que le Roi René était un homme bon mais un mauvais roi, et, au total, la qualité de l'homme l'a emporté sur l'insuffisance de sa gestion - de Mirabeau, de Cézanne doit sa vie actuelle à l'¿uvre de plusieurs municipalités du Centre et du Centre gauche.
Dans votre équipe municipale, Monsieur le Maire, figurent d'anciens adjoints d'une municipalité précédente que conduisait un maire social-démocrate. Etant vous-même un libéral, et fier de l'être, vous avez poursuivi une politique de générosité sociale, exempte de démagogie, avec le concours de toutes les femmes et de tous les hommes de dialogue à Aix.
Dans cette campagne nationale, regardez où il y a le moins de divisions, regardez où il y a le moins de querelles de personnes, regardez où il y a le moins d'ambition et de rivalités, c'est au centre de la vie politique nationale. C'est ainsi que je suis heureux de voir que là où les Français doivent se rencontrer, il n'y a pas à l'heure actuelle de divisions ou d'affrontements, il y a au contraire l'entente, une entente qui préfigure celle de toutes les Françaises et de tous les Français.
C'est la chance d'Aix, c'est la chance que je souhaite à la France.
Par contre, dans d'autres villes de cette région et dans certaines villes que j'ai visitées ailleurs le long de la Méditerranée, on rencontre le sectarisme et l'esprit partisan. Dans ces villes, les vrais dirigeants ne sont pas les mêmes £ ce sont des technocrates de partis, que la population ne choisit pas, que la population ne contrôle pas et qui dictent leur conduite aux élus du suffrage populaire. Ce sont eux qui distribuent les subventions, ce sont eux qui attribuent les logements sociaux ou les postes d'employés municipaux, ce sont eux qui introduisent l'esprit partisan dans le domaine de la vie municipale.
Or, la France souhaite le progrès social mais elle ne veut pas de l'esprit partisan ou de l'esprit de clientèle. (Applaudissements)
Vous l'avez rappelé, Monsieur le Maire d'Aix en Provence, votre ville a accueilli beaucoup de pieds-noirs et beaucoup de Français musulmans, Je suis heureux d'en saluer certains autour de ces tableaux ce soir £ je sais d'ailleurs que j'en retrouverai tout à l'heure à Marseille.
Vous avez fait d'eux qui représentent un quart de la population de votre ville, des Aixois à part entière. On m'a dit d'ailleurs qu'ils avaient contribué à votre élection à l'hôtel de ville. (applaudissements). C'est la meilleure preuve de leur insertion dans la communauté municipale et dans la communauté nationale.
Je regrette que certains hommes politiques ne s'intéressent aux rapatriés qu'à l'occasion des campagnes électorales. Je le regrette pour eux. Ils commettent là non seulement une indécence mais une erreur car les rapatriés et les Français musulmans, comme tous ceux qui ont souffert, ont du c¿ur et de la mémoire. Ils se souviennent de ceux qui les ont soutenus au temps de l'épreuve, ils se souviennent aussi des autres qui les ont abandonnés.
Lorsque je suis arrivé à la Présidence de la République, une grande partie des rapatriés étaient encore dans l'amertume et dans le désarroi. L'indemnisation des biens qu'ils avaient perdus restait subordonnée à la décision des états spoliateurs. La situation des rapatriés âgés était particulièrement précaire, faute d'une solution attentive du problème des retraites. Les Français musulmans étaient regroupés dans des hameaux ou dans des cités souvent misérables, sans avoir la possibilité de s'intégrer à la communauté nationale ni de permettre à leurs enfants, qui sont des citoyens français, de recevoir une bonne formation. Enfin, les condamnations pénales prononcées à l'occasion des événements d'Afrique du Nord pesaient sur la communauté des rapatriés qui les ressentait comme une condamnation morale de son propre passé.
Cette situation que j'ai trouvée était indigne de la France. C'est pourquoi je m'étais engagé à y apporter des remèdes précis.
Chacun peut constater aujourd'hui que les engagements pris ont été scrupuleusement tenus.
Dès 1974, une loi d'amnistie a traduit la grande réconciliation nationale qui était déjà dans les coeurs. J'ai reçu à l'Elysée, pour la première fois, sans aucune exclusive, tous ceux qui ont été associés au drame douloureux de l'Afrique du Nord et ils peuvent en témoigner librement. Un régime de subventions a permis aux rapatriés de racheter les cotisations d'assurance vieillesse afin de s'assurer une vieillesse et une retraite décentes.
La loi du 2 janvier 1978 - regardez la date : le 2 janvier 1978 - a posé le principe de l'indemnisation à la charge de l'Etat des biens perdus outre-mer.
Au 31 mars 1981, 11 milliards de Francs d'indemnités ont été effectivement versés.
Comme je m'y étais engagé, l'ensemble des dossiers sera traité par l'Agence d'Indemnisation avant la fin de la présente année.
Il est vrai qu'il y a encore des problèmes, et vous avez évoqué ces problèmes. Je vais répondre.
Les rapatriés en situation financière difficile peuvent obtenir un aménagement de leur prêt de réinstallation.
Nos compatriotes musulmans avaient un droit éminent à la reconnaissance nationale. C'est pourquoi on a pris en compte, avec générosité et réalisme, leur situation particulière au regard du logement et de l'emploi.
Je vous rappelle que nous avons pris des dispositions permettant de construire des mosquées et leur permettant d'exercer leur religion, à laquelle ils ont droit, comme chacun de nous à la nôtre.
J'ai fait organiser pour la première fois le pèlerinage des Français musulmans à La Mecque, cette année, et j'ai veillé à ce que les hautes autorités religieuses de l'Arabie Saoudite accueillent avec des égards particuliers les Français musulmans qui se sont rendus en pèlerinage.
Enfin, en septembre 1978, en dehors de toute période électorale, j'ai eu l'honneur d'être le premier Président de la République à rendre hommage, devant l'histoire, à l'action accomplie pendant plus d'un siècle par les Français d'outre-mer. Je ne me souviens pas avoir entendu alors ceux qui découvrent les problèmes des rapatriés s'associer à cet hommage ! Au contraire, nous les avons vu protester dans votre région de Provence, protester honteusement, contre l'inauguration d'un monument du Souvenir ! (vifs applaudissements) Nous les avons vus dans leurs villes, choisir comme nom de rue la date des Accords d'Evian, ce que je juge indigne !
Aux rapatriés ainsi qu'aux Français musulmans, je veux parler d'avenir, de leur avenir personnel, de l'avenir de leurs enfants et de leurs petits-enfants.
Là aussi, je ne prendrai que les engagements que je suis sûr de pouvoir tenir.
Je pense d'abord aux anciens. J'ai tenu à ce que l'indemnisation leur soit versée en priorité, ce qui, vous le savez, a été fait. Je sais qu'il existe encore des inégalités dans les nombreux régimes de retraite. Je demanderai que les experts des Associations de rapatriés soient associés à la mise en ordre de ces régimes, mon objectif étant d'assurer, d'ici la fin de la présente année, une pleine égalité au point de vue des retraites entre tous les Français rapatriés comme entre tous les Français.
En ce qui concerne la loi d'amnistie de 1974, il reste encore, en dépit de ses termes très larges, des situations concrètes à étudier. Chacune d'entre elles sera examinée dans un esprit de générosité et de justice. Beaucoup d'agriculteurs réinstallés se trouvent dans une situation financière difficile. Nous les aiderons à y faire face en réexaminant le régime de leurs prêts. Les rapatriés ont des inquiétudes sur le maintien du pouvoir d'achat des titres, d'indemnisation, compte tenu de la hausse des prix. J'ai dit à Montpellier que je proposerai, dans le prochain budget, une amélioration du dispositif de la loi, de façon à tenir compte de cette évolution des prix et à éviter la perte du pouvoir d'achat des titres d'indemnisation.
Il me parait également nécessaire de permettre à ceux qui ont besoin de liquidités de mobiliser les titres d'indemnisation dans des conditions satisfaisantes. Là aussi, le mécanisme sera mis en place d'ici la fin de 1981.
Enfin, les Associations ont présenté un certain nombre d'améliorations à la loi de 1978. Ces améliorations peuvent être étudiées, comme celles d'ailleurs qui ont été proposées par les parlementaires, mais je demande que rien ne soit fait pour retarder le versement de l'indemnisation en cours, car c'est lorsque cette indemnisation aura été complètement versée que nous pourrons apporter de nouvelles modifications. Je souhaite enfin que soit revue la situation particulière des dépossédés de Tunisie, du Maroc et du Sahara. (applaudissements)
Je souhaite que les rapatriés échappent aux incertitudes des campagnes électorales ou aux vicissitudes de notre vie politique et, pour cela, j'ai proposé la création d'un Conseil Supérieur des Rapatriés qui soit indépendant des fluctuations politiques, siégeant au niveau du Premier Ministre, et donc examinant périodiquement la solution des problèmes des rapatriés d'outre-mer.
J'en viens aux Français musulmans.
En ce qui concerne ces Français musulmans, beaucoup parmi les jeunes et les moins jeunes souhaitent avoir la possibilité de retourner librement vers la terre où ils sont nés, y retourner simplement pour retrouver leurs souvenirs et revenir ensuite parmi nous, puisque ce sont des citoyens français.
Je peux vous dire que dans le premier entretien que j'ai eu avec les hauts responsables algériens - c'est-à-dire en 1975, lorsque je me suis rendu en Algérie - dans mon tête-à-tête avec le Président Boumédienne, je lui ai dit : " La première chose que vous devez savoir, c'est que les musulmans français sont des Français, ils ont donc le droit de libre circulation comme les autres, et c'est un droit dont j'exigerai, en ce qui me concerne, l'application et le respect ! "
D'autre part, le plan pour l'emploi des jeunes doit comporter des dispositions particulières pour que les jeunes Français musulmans aient la pleine égalité des chances.
Il serait injuste, il serait indigne d'un pays comme le nôtre, que les descendants de ceux qui ont combattu avec nous et, disons le mot, pour nous, n'aient pas dans la vie qui s'ouvre les mêmes chances que les jeunes Français. C'est pourquoi, sur le plan de l'éducation, sur le plan de la formation professionnelle, une place à part doit être faite aux problèmes des jeunes Français musulmans. (applaudissements)
J'ai combattu, en 1944-1945, au côté des Français d'Afrique du Nord. (applaudissements) On l'a peut-être oublié mais ces Français d'Afrique du Nord, ils représentaient 80 % des effectifs de la 1ère Armée Française ! (vifs applaudissements) C'est d'ailleurs eux qui nous avaient donné notre chant. Notre chant était " Le chant des Africains ", parce que dans ce régiment, 80 % étaient venus d'Afrique du Nord.
J'ai demandé tout à l'heure - mais je ne suis pas sûr qu'on ait trouvé qu'on mette comme bande musicale " Le chant des Africains ", pour retrouver nos souvenirs... (applaudissements)... " Chant des Africains " dont je vous prie de noter £ que je l'ai fait rejouer à l'Arc de Triomphe - vous l'avez entendu à la télévision - alors qu'il avait été banni, je ne sais pourquoi, pendant des années.
Je les ai vu combattre, ces Français d'Afrique du Nord, je les ai vu lutter pour la liberté de notre pays, je les ai vu parcourir avec nous l'Europe libérée ! C'est pourquoi vous me permettrez de parler ici non plus en tant que candidat, mais en tant que simple Français.
Je vous propose que tous ensemble, le moment venu, nous dressions un Monument, quelque part, sur la côte méditerranéenne, à la mémoire de l'action de tous les Français d'outre-mer. Ce Monument, nous irons l'inaugurer ensemble, et en dehors de toute campagne politique. (vifs applaudissements)
Mais je ne veux pas vous laisser, concernant ce sujet, sur la seule image du souvenir. Le pays que vous avez perdu est toujours vivant dans vos mémoires, mais il est aussi vivant ici. Il vit désormais dans le c¿ur de vos enfants et, déjà, de vos petits-enfants. Ces enfants et ces petits-enfants, je les rencontre à travers tout le Midi, je les regarde, et je peux vous dire : vous pouvez en être fiers ! Ils ont gardé votre vitalité, ils ont même gardé jusqu'à votre accent ! Ils ont d'ailleurs le courage et l'audace que vous aviez quand vous portiez, en Afrique ou en Asie, les trois couleurs de la liberté, de l'égalité et de la fraternité que la France s'efforçait d'instaurer entre les hommes.
C'est donc avec vos enfants et vos petits-enfants, qui apportent dans la France métropolitaine le sang des générations de l'Afrique du Nord, que nous construirons l'avenir de la France... (applaudissements)... cet avenir que je place au centre de ma campagne.
Ma campagne s'est déroulée en trois temps :
- le problème de l'emploi. Propositions pour l'emploi des jeunes.
- le problème de l'activité économique, important pour créer précisément le progrès de la France : lancement du grand emprunt franco-allemand, qui va permettre à nos entreprises de s'équiper et de se développer pour surmonter la compétition internationale.
- et maintenant : l'avenir de la France.
Une campagne présidentielle, ce n'est pas l'occasion d'exhaler des rancunes, ce n'est pas l'occasion de renier les actions du passé, c'est au contraire l'occasion d'ouvrir les portes de l'avenir.
Je n'imagine pas que le peuple français va choisir son Président, le 26 avril et le 10 mai, le dos tourné à l'avenir, en regardant dans l'amertume et dans la petite querelle les histoires qu'on nous raconte sur les sept dernières années. (applaudissements)
Cet avenir, je vous le décris en quelques mots, puisque toute la semaine vous allez m'entendre en parler £ d'ailleurs, mardi prochain, à la télévision, je parlerai le soir de ce que j'appelle les chances d'avenir de la France.
Quelles chances d'avenir ?
D'abord, rester un pays de liberté.
Vous avez vu le drame des autres peuples. Vous avez vu la manière dont, par exemple, nos amis polonais essayent de conquérir sur le plan politique ce qui vous parait, à vous, tellement facile, tellement donné et tellement certain. Eh bien ! Quand on a la liberté, comme vous l'avez, il faut avoir la force de la conserver, il faut aussi avoir la fierté de l'avoir ! (applaudissements)
C'est pourquoi la France restera, dans mon second septennat, un pays de liberté.
J'ai entendu des voix me reprocher, tantôt, il faut bien le dire, mon excès de libéralisme - mais je resterai un libéral inguérissable ! (applaudissements) - tantôt, parait-il, l'insuffisance de la liberté en France... Ont-ils vraiment réfléchi, ceux qui ont suivi cette campagne depuis plusieurs mois, ceux qui ont écouté les attaques incessantes harcelantes et, à certains moments, insupportables, contre le Président de la République Française ? Osent-ils, en plus, se plaindre de l'absence de la liberté ? (vifs applaudissements)
Nous garderons la paix. Nous garderons la paix, mais non pas dans une situation de faiblesse, parce que je suis de ceux qui ont combattu pour la libération de leur pays, qui étaient sous les armes, le 8 mai 1945. Nous ne sommes pas, parmi les 10 candidats, tellement nombreux à avoir été sur le sol de l'Allemagne délivrer ce pays, au printemps de 1945 ! (vifs applaudissements)
J'ai toujours souhaité une France forte. Vous savez que nous sommes devenus, nous, les Françaises et les Français, la 3ème puissance militaire du monde. Lorsque je vais dans une réunion internationale, je sais qu'après les deux super puissances, la puissance qui vient tout de suite après, c'est la nôtre, c'est la puissance de la France. (applaudissements)
Cette puissance, je la maintiendrai, contre l'action de tous ceux qui, en vingt ans, n'ont pas voté un centime de crédits militaires, et qui viennent aujourd'hui parler de la sécurité de la France ! (vifs applaudissements)
Et qu'ils ne vous disent pas - car on entend de tout, dans ce genre de période - qu'ils ne votaient aucun budget ! Ce n'est pas vrai ! Ils ont voté des budgets démagogiques, chaque année, lorsqu'il y avait certaines distributions à effectuer. Ils auraient donc pu dire : il y a un cas particulier qui est la défense nationale, nous le mettons à part... Ils ne l'ont jamais fait ! En vingt ans, pas un centime, dans le monde dangereux où nous vivons, pour assurer la sécurité, l'importance, l'influence de la France !
Je maintiendrai la puissance de la France. Mais je mettrai cette puissance au service de la paix. La France n'est pas un pays belliciste, ce n'est pas un pays impérialiste, c'est un pays qui veut, au contraire, contribuer à la paix du monde, face aux graves tensions qui nous menacent.
C'est pourquoi je maintiendrai le dialogue pour la paix, car j'ai trop vu, dans notre histoire, la France souffrir des invasions et des destructions parce que nous n'avions pas su à temps conduire une politique qui permettait de régler les grands problèmes du monde.
J'ai été l'interlocuteur des plus grands. Croyez-vous que c'était l'intérêt de la France que la France soit absente du dialogue des grands ? Quelle est donc l'ambition de ceux qui me reprochent d'avoir précisément aux moments critiques, sur les grands sujets, fait entendre - quand c'était utile - la voix de la France ? Je l'ai fait entendre, permettez-moi de vous le dire, avec fermeté, avec courage, et avec la dignité qui s'attache à notre pays. Je continuerai de le faire. (applaudissements)
Enfin, l'avenir, c'est de placer la France, c'est-à-dire les Françaises et les Français, les Aixoises et les Aixois, dans le peloton de tête des pays qui conduisent le monde et qui sont les plus avancés. Naturellement, ce n'est pas à partir de la démagogie, de la paresse, que nous ferons cela, et j'ai - je dois le dire - honte de voir que tout ce qu'on vous propose, ce sont des promesses qui vous ruineront ! Pensez à ce feu d'artifice électoral que l'on tirera pour vous tromper, et dont la facture sera de 160 milliards de Francs, que vous aurez à payer le lendemain ! Ce n'est pas cela que je propose.
Ce que je propose, c'est de placer la France dans le peloton de tête des pays les plus avancés.
Ces pays, qui sont-ils ?
Eh bien, pour l'année 1988, ce sont les Etats-Unis, le Japon, la France. Pourquoi les Françaises et les Français n'auraient-ils pas, à la fin du prochain septennat, le même niveau de savoir, la même capacité de travail que les Japonais ou que les Américains ? Pourquoi en seriez-vous incapables ?
Donc, je souhaite que, lorsque j'aurai terminé l'¿uvre à laquelle je me consacre, partout dans le monde, quand on cite ces grands pays, on dise naturellement : il y a trois grands pays, qui sont à la tête du monde, ce sont les Etats-Unis, c'est le Japon, et c'est la France. Nous avons la capacité de le faire ! N'écoutez pas ceux qui veulent vous décourager en tenant le langage de la médiocrité ou de l'abattement ou pire encore, en vous proposant tout simplement, dans une période de difficultés et de tension, de vous livrer aux forces de la paresse ou de l'insouciance.
Nous avons été capables d'être la 3ème puissance militaire du monde. Nous en avons été capables ! Nous sommes capables, à l'heure actuelle, de conduire le programme électronucléaire le plus important du monde, que j'ai conduit de 1975 à 1981. C'est le plus important du monde !
Il n'y a pas un Chef d'Etat qui ne le reconnaisse, aux Etats-Unis, en Chine, en Allemagne Fédérale, en Union Soviétique. Tous le savent. Et pourquoi ne serions-nous pas capables, dans le domaine du progrès économique et social de nous placer également dans le peloton de tête ? Pourquoi n'en serions-nous pas capables ?
Je suis sûr que vous en êtes capables. Je sais qu'il y a en France des forces, des talents, des capacités beaucoup plus grands que ceux qui se manifestent parfois dans les débats électoraux et, donc, je souhaite conduire avec vous ce progrès de la France, je souhaite que nous réalisions cet espoir de la France.
Tout à l'heure, Monsieur le Maire d'Aix-en-Provence vous me parliez de la solidarité entre les Français et dans cette campagne si je parle de l'unité c'est parce que je souhaite que cette campagne au lieu qu'elle serve à faire éclater la France en dizaines de familles de chapelles de sectes se déchirant les unes les autres je souhaite au contraire que cette campagne soit l'occasion de faire parcourir à notre peuple dans notre peuple un grand élan de progrès national.
D'ailleurs pourquoi êtes-vous venus à Aix ce soir ?
On m'avait dit d'abord : il y a une salle pour 400 personnes. J'ai dit : c'est trop petit. On m'a dit : mais on peut s'arranger, on peut passer de 400 à 600. J'ai dit : c'est trop petit, si on fait un repas à Aix. Il faut qu'il y ait beaucoup de monde parce que ce que je veux avoir autour de moi dans cette campagne c'est l'élan de toutes les Françaises et de tous les Français pour conduire le progrès de la France... (applaudissements)
Naturellement l'inconvénient du nombre c'est que je ne peux pas aller saluer individuellement chacune et chacun d'entre vous comme j'en aurais, croyez bien le goût (applaudissements)... Ce n'est malheureusement pas possible.
Néanmoins, en parlant je ne suis pas de ceux qui parlent les yeux fermés, je parle les yeux ouverts. Je vous regarde parce que je veux savoir ce que vous écoutez, ce qui compte pour vous, je veux voir ce qui déclenche votre intérêt votre inquiétude ou vos applaudissements... Je souhaite à partir de ce dîner que je vais aller poursuivre, moi tout à l'heure, par une réunion dans la ville de Marseille, que vous trouviez la conviction d'apporter votre contribution au progrès de la France.
Je ne fais pas campagne parce que je suis à la recherche d'un poste £ quand on a exercé pendant sept ans une fonction comme celle-ci, on n'a plus le souci d'aucun avantage ou d'aucune satisfaction personnelle y compris celle de la vanité ou de l'ambition, croyez-moi.
Par contre, je souhaite que vous m'accordiez votre contribution à cet élan de la France parce que je vois très bien qu'il y a deux routes devant nous :
L'une c'est la mauvaise route : c'est celle qui fait demi-tour celle qui nous ramènera à ce que nous avons connu dans le passé, les Gouvernements en cascade, les élections tous les trois mois, la période où la France était appelée l'homme malade de l'Europe¿ Je la vois cette route et je vois bien ceux qui vous la montrent du doigt.
Et puis, il y a l'autre route qui, elle, est celle de l'espoir pour la France, la France qui deviendrait l'égale des plus grands par son développement, par sa capacité, par son intelligence, par son unité, par son élan.
Je souhaite que vous fassiez avancer la France dans cette direction et donc je souhaite que partant de cette réunion vous ne soyez pas seulement, ce que j'espère, convaincus de voter le 26 avril et le 10 mai pour apporter votre contribution à cet élan je souhaite que vous rayonniez autour de vous de votre conviction et de votre ardeur parce que la France, c'est vous mais c'est aussi toutes celles et tous ceux qui sont autour de vous et qui n'ont pas pu venir.
Je compte sur votre effort, je compte sur votre action dans les huit jours du parcours final pour amener beaucoup de Françaises et de Français à rejoindre ce grand élan qui sera celui de la liberté du progrès et de l'avenir pour la France. (vifs applaudissements)
Je n'oublie pas que c'est un dîner un banquet républicain. Je vous souhaite d'y participer toutes et tous et je souhaite qu'en rentrant chez vous ce soir, il y ait dans votre c¿ur cette lumière, cette flamme qui vous aidera à servir la grande cause qui est la cause de l'espoir que je veux apporter à la France.
(très vifs applaudissements)