8 avril 1981 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Article de M. Valéry Giscard d'Estaing dans "Le Nouveau Journal", sur les entreprises et la vie économique, Paris, mercredi 8 avril 1981.

Dans ma campagne `campagne électorale`, j'appelle tous les Français à s'unir pour mener à bien les grandes tâches nationales et d'abord l'emploi. Il faut des propositions positives, sérieuses, pour aujourd'hui et pour l'avenir. J'ai présenté mes dix propositions pour la France.
- En-matière économique, elles recensent quatre priorités : assurer l'emploi, en-particulier pour les jeunes £ améliorer la formation et la recherche scientifique £ achever l'indépendance énergétique de la France £ accroître la compétitivité des entreprises, petites et grandes, en réduisant leurs charges, et développer l'agriculture en assurant son revenu.
- Au-coeur de ce projet se trouvent des entreprises libres et responsables, créatrices d'emplois et de revenus dans tous les secteurs d'activité, allégées de charges et de contraintes excessives, aptes à se rénover, à se moderniser et à exporter.
- Les entreprises font l'emploi.
- C'est en assurant aux entreprises un environnement favorable, en les faisant bénéficier de notre effort d'indépendance énergétique, en préparant avec elles les industries du futur, en les aidant à s'adapter dans les secteurs de base que nous gagnerons ensemble la bataille de l'emploi. Je voudrais revenir sur ces quatre points.\
Pour donner aux entreprises les moyens de leur développement, une simplification de leur environnement administratif, juridique et fiscal doit être résolument mise en oeuvre, avec notamment un réexamen des seuils fiscaux. Après le grand effort de solidarité des dernières années en faveur des personnes âgées et des chômeurs, les prélèvements fiscaux et sociaux à la charge des entreprises doivent être stabilisés. La diffusion des données technologiques nouvelles et des informations sur les marchés extérieurs, au bénéfice des petites et moyennes entreprises, doit être systématiquement organisée par la décentralisation des services publics et privés d'aide aux entreprises. Les actions menées pour favoriser la création d'entreprises et en faciliter la transmission doivent être poursuivies.\
Dans une économie avancée, où le progrès social signifie des coûts salariaux relatifs élevés et où les marchés des capitaux sont en communication sur-le-plan international, les clés essentielles de la compétitivité sont la formation des hommes et l'approvisionnement énergétique à moindre coût.
- La politique énergétique, mise en oeuvre en France avec détermination depuis 1975, permettra dans dix ans la division par deux du prélèvement pétrolier sur le produit national. Ce surplus de richesse, dont disposera demain la collectivité nationale grâce-au grand effort d'investissement des dix dernières années, se retouvera pour une grande part au niveau des entreprises. Elles bénéficieront de la production d'électricité électro-nucléaire, dont les coûts sont trois fois moindres que ceux des centrales au fuel. Elles verront leurs efforts d'économie d'énergie accompagnés par une action résolue de diffusion des connaissances, de promotion des investissements, de développement des technologies nouvelles. L'indépendance énergétique, c'est un grand projet pour l'ensemble des secteurs concourant à la production et à l'économie d'énergie, mais c'est aussi un grand projet pour l'ensemble des entreprises.\
Les mutations rapides du monde moderne ont raccourci de manière décisive les délais entre la recherche fondamentale, l'innovation et l'application industrielle. Les rapports prospectifs établis au-cours des récentes années ont décelé les industries du futur et les actions qu'elles appellent : informatique et télécommunication £ robotique, qui donne à l'industrie française de la machine-outil de nouvelles chances £ industries biologiques et génie génétique. Simultanément, les grands programmes technologiques créateurs d'emplois, porteurs d'exportation, facteurs de compétitivité seront poursuivis : industrie nucléaire, espace, océans. Enfin, un effort collectif de promotion de la recherche-développement dans l'entreprise doit assurer la diffusion la plus large de l'effort national de recherche `recherche scientifique`.\
S'il nous faut recenser et promouvoir les industries du futur, nous avons également à maintenir un tissu industriel diversifié. Il faut savoir quelles sont les industries susceptibles de se développer, qu'elles soient anciennes ou nouvelles, et les aider dans leur effort de réorganisation et d'adaptation, comme nous l'avons fait pour la sidérurgie lorraine ou pour le textile. L'ampleur des mutations est telle que la collectivité ne doit pas réduire son aide globale à l'industrie. Nous devons par contre nous interroger sur les conditions d'une efficacité accrue, sans doute en substituant des allégements de charges à des dispositifs complexes de distribution d'aides spécifiques.\
Insérées dans un environnement stable et compétitif, bénéficiant d'un approvisionnement énergétique à moindre coût, maîtrisant les technologies du futur, adaptant leur structure aux nouvelles données internationales, les entreprises françaises affirmeront leur compétitivité et leur capacité à promouvoir l'activité.
- C'est à ces conditions qu'elles pourront concourir au grand projet collectif que je forme pour la France. La stratégie pour l'emploi que je propose est fondée sur des mesures spécifiques, cohérentes et chiffrées : formation professionnelle, travailleurs immigrés, préretraites volontaires, aide à l'emploi, élimination des obstacles à la création d'emplois, nouvelles organisation du travail, bon fonctionnement du système d'indemnisation. Elle ne connaîtra sa pleine efficacité que si elle est, dans ses modalités, librement négociée par les partenaires sociaux, et notamment par les chefs d'entreprise ou leurs représentants, et dans sa mise en oeuvre accompagnée par un effort d'investissement auquel l'Etat apportera son plein -concours.\
L'action de réconciliation fondamentale pour l'unité des Français implique en outre que les Françaises et les Français soient davantage propriétaires de la France.
- A ce projet d'ensemble, le gouvernement doit concourir par une politique économique assurant la maîtrise des grands équilibres et dynamisant la concertation internationale, par une politique technologique intégrant les données de la vie industrielle, par une politique sociale prenant en-compte à la fois les aspirations et les contraintes. Mais ce projet serait vidé de sa portée si n'y concouraient pas l'ensemble des forces créatrices, travailleurs salariés, travailleurs indépendants et chefs d'entreprise. C'est en rejetant les solutions bureaucratiques, en refusant l'extension des nationalisations qui briseront l'outil, en se détournant des solutions qui par leur coût et leur inspiration signifient en réalité la sortie de la France du Marché commun `CEE`, mais aussi en demeurant sceptiques à l'égard des solutions simplistes reniant les acquis de la solidarité nationale qu'ensemble nous construirons une économie et une société françaises, libres, responsables et tournées vers l'avenir.\