1 avril 1981 - Seul le prononcé fait foi

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Article de M. Valéry Giscard d'Estaing, pour le journal "La vie des métiers", sur l'artisanat, avril 1981.

Avec 800000 entreprises, deux millions de personnes actives, 350 milliards de chiffre d'affaires, l'artisanat est un secteur vital de notre économie et de notre société, ses entreprises font preuve d'un dynamisme et d'une capacité d'adaptation parfaitement exemplaires. Elles offrent un cadre de vie et de travail qui est à l'échelle humaine.
Il convient donc, conformément aux perspectives ouvertes par la Charte de l'Artisanat, de prolonger et d'amplifier, en liaison avec les responsables professionnels de ce secteur, une action d'ensemble susceptible de favoriser le développement des entreprises, et l'épanouissement des hommes et des femmes qui font vivre l'artisanat français.
Cette action a pour but de défendre et de faire reconnaître les droits des artisans, et d'accroître la sécurité de leurs entreprises et la qualité de leur vie quotidienne. Elle s'organise autour de trois thèmes principaux : la formation des hommes, le développement des entreprises, l'égalité des chances.
1°) Former les hommes :
D'abord l'apprentissage. Il donne une formation de qualité qui conduit à l'emploi. Il est essentiel d'en assurer le développement, notamment par les mesures suivantes : une meilleure orientation des jeunes vers cette filière £ la généralisation du préapprentissage dans les centres de formation à l'artisanat des chambres des métiers £ un meilleur financement de ces centres £ la prolongation de la durée de certains apprentissages.
De manière plus générale, il faut améliorer la qualification des artisans. Cela constitue un objectif majeur. Il faut le faire dès les premières formations, mais aussi, par la formation continue qui sera généralisée et ouverte à tous (chefs d'entreprise, conjoints, aides familiaux, compagnons). Il faut enfin faire mieux connaître et apprécier l'image de marque de l'artisan qualifié, dont la qualification doit être non seulement reconnue, mais protégée.
Enfin, la formation à la gestion sera également étendue à tous les artisans et bénéficiera à ceux qui s'installent, comme aux entreprises existantes. Elle s'ajoutera à une information plus complète touchant au secteur des métiers, et s'accompagnera d'un vigoureux effort d'assistance technique mené en liaison avec les chambres de métiers et les organisations professionnelles. Le Chef d'entreprise artisanale sera ainsi mieux à même d'exercer pleinement ses responsabilités, et de prendre ses décisions.
2°) Développer les entreprises :
Le développement des entreprises artisanales est une nécessité pour les artisans eux-mêmes, et pour notre économie. Ces entreprises sont en effet créatrices d'emplois. Elles répondent, d'autre part, aux besoins de l'industrie et des consommateurs.
Comment réaliser ce développement ? Tout d'abord, les moyens de financement seront accrus et adaptés, notamment pour les jeunes créateurs d'entreprise, pour les entreprises en milieu rural, pour celles qui innovent, exportent et investissent, enfin pour les groupements. Le coût et l'importance des garanties devront être réduits, et les conditions de cautionnement mutuel améliorées. En dernier lieu, avec les adaptations nécessaires à ses besoins, l'artisanat aura normalement accès aux procédures de financement applicables aux P.M.E, et à l'industrie.
Par ailleurs, les entreprises artisanales verront augmenter leurs capacités de se développer sur tous les marchés, et d'y assurer la permanence du service qu'attend leur clientèle, Cette action concerne en particulier les marchés publics, auxquels l'accès leur sera facilité £ la sous-traitance, où le travail de l'artisan doit être protégé, notamment sur le plan financier £ l'exportation qui doit s'ouvrir davantage aux entreprises artisanales £ les filières interprofessionnelles entre producteurs et distributeurs, où une place à part entière doit revenir à l'artisanat £ les métiers d'art, où l'artisanat a un rôle à la fois de conservation du patrimoine et de création contemporaine £ les opérations de rénovation et de réhabilitation.
L'artisanat remplit une fonction d'une importance incontestable dans l'aménagement du territoire. Aussi son maintien est-il essentiel pour les zones rurales, de montagne en particulier et, en zone urbaine, dans le centre des villes et les nouveaux quartiers. Les moyens correspondants seront donc renforcés, notamment pour aider l'artisanat en milieu rural, et pour réduire la charge foncière dans certaines zones urbaines, Enfin, l'artisanat jouera un rôle actif dans les programmes régionaux.
Les entreprises artisanales devront également pouvoir se développer dans un régime de liberté. Ce qui implique la liberté de leurs décisions économiques et une concurrence loyale et équilibrée. La lutte contre les pratiques anormales sera intensifiée, Le travail clandestin sera réprimé plus efficacement. Le dialogue entre les artisans, les autres producteurs et les consommateurs, sera encouragé par l'intermédiaire des chambres des métiers.
Les charges des entreprises devront être d'abord stabilisées, puis réduites, afin de favoriser la création d'emplois et le développement de l'artisanat.
Enfin, dans la mesure où l'entreprise artisanale est le fruit du travail du chef d'entreprise, de sa famille et de ses collaborateurs, il convient que ce patrimoine familial puisse être conservé. Sa transmission devra donc être facilitée.
3°) Egaliser les chances :
Des étapes importantes ont déjà été franchies. Une complète égalité des chances entre les artisans et les autres catégories de français sera maintenant obtenue et préservée.
En matière de protection sociale, l'achèvement de l'harmonisation concernera en priorité les interruptions d'activité et le gros risque, En outre, l'alignement de la cotisation maladie des retraités sera terminé.
Le régime de l'aide spéciale compensatrice sera prolongé et aménagé on concertation étroite avec les responsables professionnels.
Le statut des conjoints sera amélioré, de façon à leur offrir un libre choix entre les statuts de salarié, de conjoint collaborateur et d'associé, Ainsi tour seront reconnus des droits propres, professionnels et sociaux.
Dans le domaine fiscal l'harmonisation sera achevée par la suppression des plafonds de chiffre d'affaires pour les centres de gestion agréés, par l'amélioration du fonctionnement de ces centres, et par la réduction des droits de mutation. Le nouveau régime de la taxe professionnelle tiendra compte de la situation des entreprises artisanales. Le régime des plus-values professionnelles sera aménagé.
Le statut de l'entreprise artisanale sera adapté à ses besoins et la réalité économique, notamment en ce qui concerne l'entreprise familiale et les coopératives artisanales. Le seuil de dix salariés sera aménagé de façon à ne plus être un frein au développement des entreprises.
Enfin, la simplification des formalités administratives répondra aux besoins exprimés par les artisans eux-mêmes. La généralisation du centre de formalités permettra aux chefs d'entreprises artisanales d'effectuer en un lieu unique -les chambres de métiers- et sur un document unique, toutes les formalités administratives nécessaires à leur création et à leur développement. Cependant, toutes les mesures utiles seront prises pour que les artisans puissent consacrer leur temps, non pas à des formalités, mais à la vie de leur entreprise.
La promotion de l'image de marque de l'artisanat de notre pays, et l'association de ses représentants aux décisions qui le concernent, complèteront ces orientations.
Cette action est destinée à donner aux artisans la place qui leur revient dans notre économie et dans notre société. Elle est destinée à répondre à leurs besoins, à leur fournir les moyens de défendre leurs droits et de résoudre les problèmes concrets et quotidiens qui se posent à eux. Elle leur permettra d'utiliser pleinement tous leurs atouts, La France, en effet, ne serait pas un pays à la fois de tradition et de progrès sans ses artisans.