7 février 1981 - Seul le prononcé fait foi

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Interview de M. Valéry Giscard d'Estaing accordée à "Jours de France" du 7 février 1981, sur la situation de la France et l'exercice de la fonction présidentielle

JOURNALISTE.- La pendulette de l'oncle BARDOUX (...) a ponctué la longue conversation que j'ai eue avec Valéry GISCARD D'ESTAING. Le thème convenu en était "La France dans le monde" mais un thème demande à être enrichi et soutenu par des variations. Ce qui fut accepté de très bonne grâce par le Président. (...) Comme je lui rappelle l'une de ses premières déclarations : "Nous sommes ici pour changer la France", il commente. Et je crois pouvoir dire que nous l'avons changée". Il a été le premier grand chef d'Etat à féliciter par téléphone Ronald REAGAN et je lui cite la belle formule du nouveau président des USA "It's a new beginning", "C'est un nouveau commencement". Pour susciter chez nous unnouveau commencement, un nouveau départ pourrait-il obtenir des Français un sursaut comparable à celui des Américains ?
- LE PRESIDENT.- Naturellement. On obtient de tels sursauts dans les crises, dans les guerres, au lendemain d'une victoire ou d'une défaite et l'affaire des otages a été ressentie aux USA comme une défaite. Dans la vie courante et quotidienne, c'est plus difficile.\
QUESTION.- Il a été fait appel au courage des Français durant le temps de la guerre, est-il justifiable aujourd'hui ?
- LE PRESIDENT.- D'abord, je dois rendre un témoignage, puisque l'on critique beaucoup les Français. Ce sont des gens courageux. Ils l'ont montré chaque fois qu'il l'a fallu. J'ai eu personnellement l'occasion de tester nos jeunes soldats. Je leur ai demandé des interventions : Kolwezi, la Mauritanie, le Liban, le Centrafrique. Il n'y a jamais eu une seule défaillance. Le courage collectif exige le sentiment du coude à coude. Les grands actes de courage, les grands assauts ont été conduits par des hommes qui se sentaient profondément unis. Dans la vie courante, les Français restent divisés, bien que j'espère qu'ils le soient un peu moins.
- Il y a beaucoup de types de courage. Il y a des courages résignés, il y a des courages fanfarons. Le courage français, ce n'est pas cela. C'est un peuple raisonnable. Or,souvent les peuples raisonnables sont des peuples craintifs, parce que la raison vous fait voir toutes les difficultés des choses. Ce qui est remarquable chez les Français, c'est qu'ils sont à la fois raisonnables et courageux. Ils analysent les situations, ils voient ce qu'il faut faire, et ils le font.
- Il faut aussi distinguer les situations d'affolement des situations de vrai courage. J'ai vécu sous l'Occupation `allemande` comme enfant et comme adolescent. Il y avait des pénuries très grandes, des régions comme le Midi qui étaient à la limite de la famine. La population faisait preuve d'un vrai courage. Les périodes de grande abondance et de grandes facilités ne sont pas les meilleures pourle caractère français. La société de consommation n'était pas bonne pour le caractère français. Je suis persuadé que dans les vraies pénuries, dont nous sommes très loin, nous retrouverions le vrai courage. Prenez l'exemple du programme nucléaire, c'est un programme qui étonne le monde entier. Vous devriez interroger les chefs d'Etat étrangers. Vous seriez stupéfaits. Il vous disent : "C'est admirable". Voilà du courage raisonnable. Ce n'est pas qu'il y ait un v\
QUESTION.- A propos de courage, un sondage d'un de nos confrères révélait que 57 % des Français interrogés avouaient qu'ils ne sont plus prêts à mourir pour la Patrie.
- LE PRESIDENT.- Oui, j'ai vu cela. Je ne peux pas savoir la valeurque l'on peut y accorder. Nous avons envoyé des jeunes Français en Afrique, au Liban et le problème, c'est que npous avons eu trop de volontaires. La difficulté, c'est que nous avons des unités qui se plaignent de ne pas être en opérations et qui disent : "Pourquoi pas nous ?". Or, ce sont des Français absolument comme les autres. Je suis convaincu que la France ferait face à toute situation réelle de crise.
- QUESTION.- Cette France capable de tous les exploits, de tous les sursauts, cette France va voter dans trois mois `élection présidentielle`. Est-ce que l'approche de cette échéance qui est dans le fond une mise en question, modifie la réflexion et le comportement du Président. En d'autres termes ne se conduit-il pas, comme malgré lui, en candidat ?
- LE PRESIDENT.- Je ne le pense pas. Ma préoccupation actuelle n'est pas du tout celle-la. Elle est au contraire de veiller à ce que tout ce qui est en-cours soit achevé. Je trouve que l'on doit toujours faire en sorte à la fin d'une période, quelle qu'elle soit que la maison soit en ordre. Ma préoccupation, c'est que tout ce qui a été entrepris soit effectivement réalisé.
- QUESTION.- N'est-il pas intolérable de savoir que l'on va être obligé de se remettre en question alors qu'il y a de grands desseins en-cours ?
- LE PRESIDENT.- Je crois qu'il faut dans cette fonction comme dans toutes les autres une certaine humilité : il faut accepter la règle de la fonction. Nous sommes en démocratie. Un régime démocratique comporte des échéances régulières. On peut en effet observer une contradiction entre la venue de ces échéances et le fait que beaucoup des actions à conduire dans le monde moderne sont des actions à long terme. Mais c'est une contradiction objective qu'il n'appartient à personne de modifier.
- QUESTION.- Vous n'êtes pas à la même altitude que les autres candidats...
- LE PRESIDENT.- Je n'en sais rien. Les candidats se comportent en candidats. Ce qui est vrai, c'est que, dans la fonction de Président de la République française, les préoccupations extérieures représentent en cette période troublée certainement la moitié des p\
QUESTION.- Le mot "avenir" n'a pas le même sens pour vous et pour les Français. Pour eux, il signifie le plus souvent les mois à venir.
- LE PRESIDENT.- La vue de l'avenir est directement liée à la fonction. L'expérience m'a appris que l'on ne connaît une situation, quelle qu'elle soit que par l'expérience directe qui vous la fait vivre. Je me souviens par exemple de la naissance du premier enfant et des sentiments de bonheur qu'elle procure. Mais, il faut plusieurs mois pour que l'on découvre toutes les conséqences et toutes les responsabilités. La fonction présidentielle est différente de ce que tous ceux qui ne l'ont pas exercée s'imaginent ou ce que j'avais moi-même imaginé. Et l'une de ses caractéristiques c'est que par la nécessité des choses l'esprit ne raisonne pas dans la même durée.
- Je comprends tout à fait que les Français soient très préoccupés de leur vie quotidienne. Ils se préoccupent de leur métier, de l'examen de leurs enfants, de leurs prochaines vacances de l'été 1981. Ce qui viendra dans deux ans, dans cinq ans leur apparaît incertain, éloigné et ils pensent qu'ils ont peu de prise sur cet avenir. Mais dans la fonction que j'exerce la plupart des décisions portent sur des échéances lointaines.
- Un exemple simple : le calendrier de travail est préparé plus d'un an à l'avance parce que les rencontres internationales, les grandes visites de chefs d'Etat sont programmées plus d'un an à l'avance. Les décisions les plus difficiles à prendre, les décisions de développement de nos moyens de défense sont à échéance de dix ou quinze ans. Mon travail m'entraîne à une réflexion qui se situe dans un autre délai que la réflexion des autres.\
QUESTION.- La France aura son indépendance énergétique dans dix ans ou dans quinze ans, il n'empêche que ce sera difficile pour les gens qui vont vivre ces quinze ans.
- LE PRESIDENT.- Bien sûr. Mais en même temps il est indispensable de commencer immédiatement.
- QUESTION.- Comment le Président de la République peut-il faire comprendre cela et en a-t-il le pouvoir ? LE PRESIDENT.- C'est une des contradictions de l'époque moderne. Les données évoluent rapidement. Les conditions dans lesquelles j'ai exercé ma fonction sont déjà différentes des conditions dans lesquelles, par exemple, le général de GAULLE avait exercé les siennes. Je suis sans doute le premier Président de la République, après le président POMPIDOU - son septennat, malheureusement, n'a pu aller jusqu'à son terme - à vivre dans un monde où les moyens audiovisuels ont atteint leur plein développement et leur pleine puissance. Nous vivons à plein régime de l'image et donc de l'instantané. Alors qu'autrefois, c'était le règne de l'écriture et donc de la durée. Il y avait une certaine coincidence entre ceux qui s'exprimaient par écrit et la réflexion des hommes d'Etat. A l'heure actuelle, il y a une contradiction objective entre l'image, donc l'instant, et la réflexion, c'est-à-dire la durée. Est-ce que l'on peut la faire apercevoir par l'opinion publique ? Je ne le crois pas.
- On dit toujours qu'il faut expliquer davantage. C'est ce que je m'efforce de faire. On me le reproche parfois. Mais je suis en même temps respectueux de ce que j'appellerai le droit à la tranquilité des esprits. Les êtres humains ont droit à la tranquilité, au fait que l'on ne peutpas à tout instant les instruire de ce qui se passe, ou les persuader de ce qui se passe, ou les persuader de ce qu'ils doivent faire.
- Une des tentations du monde moderne, c'est d'écraser l'individu sous l'accumulation de toutes les préoccupations et de tous les problèmes dans le monde. Ce n'est pas possible. Il faut donner des explications quand elles sont nécessaires. Il ne faut pas obséder l'opinion publique par la répétition des explications. Les échéances électorales sont les occasions privilégiées données aux démocraties pour expliquer, pour débattre, et pour convaincre.\
QUESTION.- Il y a des événements qui vous échappent et qui ont une répercussion sur la vie quotidienne des Français. Vous ne pouvez rien, par exemple, contre l'augmentation folle du prix du pétrole, mais on vous la reproche.
- LE PRESIDENT.- Oui. Mais il est naturel que l'on fasse porter la responsabilité des situations à quelqu'un. Cela n'est pas nécessairement juste, mais c'est la conséquence de la fonction. L'exercice du pouvoir entraîne que l'on soit tenu pour responsable de ce qui arrive y compris des cataclysmes naturels, des mauvaises récoltes et de la hausse du prix du pétrole.\
QUESTION.- La couverture de notre journal vous représente devant un planisphère. Il fut un temps où on n'aurait certainement pas photographié le Président de la République autrement que devant une carte de France. Aujourd'hui, il fautsituer la France au sein du monde.
- LE PRESIDENT.- Cela a été un de mes grands efforts d'essayer de faire apercevoir aux Françaises et aux Français que beaucoup des problèmes qui déterminent notre vie nationale, et même notre vie quotidienne sont des problèmes mondiaux. Cela n'était pas dans notre tradition pour deux raisons : la première est une constatation : nous avons été longtemps une puissance dominante en Europe, et dans le monde, et nous avons longtemps considéré l'extérieur plutôt comme dépendant de nous que le contraire. La deuxième raison est que nous nous sommes par la suite repliés sur nous mêmes - évolution historique grave de conséquenses - entre la guerre de 1870 et l'après-guerrede 1945. La France s'est retirée de la compétition internationale dans beaucoup de domaines. Elle a oublié le monde ou bien elle a considéré le monde comme étant simplement une menace ou une cause de complications. A l'heure actuelle, la France fait partie du monde. Elle y joue son rôle qui est important, en même temps elle subit les contrecoups des événements mondiaux. Pierre SUDREAU dans un livre qui vient de paraître, a écrit une phrase qui me semble très juste : "La responsabilité des hommes d'Etat ne s'arrête plus à leurs frontières nationales". Je crois que c'est en effet une des réalités du moment.\
QUESTION.- Peut-on dire que la France n'est pas naturellement une grande puissance, qu'elle est ce que la fait son Président ?
- LE PRESIDENT.- Cette formule contient deux évidences. La première, c'est que parmi les trois éléments de lagrande puissance qui sont la population, l'étendue du territoire, l'importance des ressources naturelles, la France ne dispose d'aucune de ces trois données. Mais on oublie une autre dimension qui est la tradition historique et le niveau culturel et technique. La tradition historique et le niveau culturel et technique de la France en font une grande puissance. C'est une grande puissance qui ne dispose pas de grandes ressources naturelles, mais qui peut y suppléer.
- QUESTION.- Vous connaissez le sarcasme de STALINE envers le Pape : "Le Pape, combien a-t-il de divisions ?" La même question ne peut-elle pas se poser à propos de la France : "Combien a-t-elle de chars ? Combien a-t-elle d'ordinateurs ?"
- LE PRESIDENT.- Je ne sais pas si ce mot est exact, comme beaucoup d'autres. Je suis frappé que dans le monde moderne - par exemple le monde musulman - la foi religieuse représente un très grand ciment, plus fort sans doute que la force militaire. Il y a des composantes de la vie politique internationale qui ne sont pas purement matérielles. La France, à mon avis, a pour elle un atout considérable : elle est le pays qui a inventé la liberté politique et dont l'image dans le monde est associée à l'idée de liberté politique. Or, c'est un des grands thèmes du monde moderne. L'aspiration à la liberté politique est partout présente en Asie, en Europe de l'Est, en Amérique latine. La France est porteuse d'une des idées essentielles de l'époque.\
QUESTION.- Le général de GAULLE a dit : "La France n'est ni une grande puissance économique, ni une grande puissance militaire et c'est pour cette raison qu'il lui faut une grande politique.
-" LE PRESIDENT.- C'est vrai aussi. Cela rejoint ce que je disais tout à l'heure. Il faut savoir pourtant qu'elle est une grande puissance militaire, due d'ailleurs largement à des décisions prises du temps du général de GAULLE et auxquelles j'ai attaché une très grande attention. Nous sommes la troisième puissance militaire du monde.
- QUESTION.- Les Français semblent ne pas en être convaincus. Même s'ils ne plaisantent plus "la bombinette".
- LE PRESIDENT.- A l'heure actuelle, nous avons globalement les moyens militaires de la troisième puissance du monde. Cette force est appelée à se développer sensiblement dans les prochaines années par suite de l'apparition dans nos forces stratégiques des fusées à têtes multiples qui vont entrer en service progressivement dans quatre ans. Nous avons non seulement de quoi nous faire respecter mais de quoi peser sur les décisions internationales essentielles.
- QUESTION.- où en est notre bombe à neutrons ?
- LE PRESIDENT.- Il n'y a rien de nouveau à en dire. J'ai indiqué dans une conférence de presse que nous voulions avoir les moyens de produire la bombe à neutrons, si nous estimions un jour qu'elle est nécessaire à nos moyens de défense. Nous avons poursuivi nos recherches, qui nous permettent de maîtriser le sujet.
- QUESTION.- Cette puissance militaire nous protège et nous fait respecter mais nous ne menaçons personne ?
- LE PRESIDENT.- Non. La France est une puissance pacifique. C'est un grand changement dans notre Histoire puisque la France a été longtemps une puissance agressive. Elle a été une puissance guerrière. A l'heure actuelle, la France est une puissance pacifique. C'est-à-dire qu'elle ne menace personne, qu'elle n'a aucune revendication territoriale et qu'elle est donc uniquement concernée par les problèmes de sa sécurité et l'équilibre des forces dans le monde.\
QUESTION.- Le parachutage de Kolwesi a été un haut fait d'armes où s'est exprimé le panache français. Comment avez-vous pris cette décision lourde de conséquences ?
- LE PRESIDENT.- Il y faudrait un long développement. D'abord, j'ai constaté en 1974 que nous n'étions pas capables d'entreprendre des opérations de ce type, que nous n'en avions pas les moyens. Ma première préoccupation a été de les rétablir. A-partir du moment où nous avons des engagements de sécurité avec un certain nombre d'Etats et des compatriotes présents en grand nombre dans telle ou telle région du monde, il faut en avoir les moyens. Dans l'appréciation des événements de Kolwezi, il y avait à la fois la déstabilisation du Zaire, Etat dont l'avenir était déterminant pour toute l'Afrique centrale, et aussi une situation humanitaire, c'est-à-dire des massacres de population, de femmes et d'enfants. L'intervention était demandée par le gouvernement zairois. Toutes les conditions étaient réunies. Je vous demande de mesurer en un instant la responsabilité et le risque. La responsabilité consistant à lancer dans les airs sept cents jeunes militaires qui seraient lâchés d'avion sur un territoire ou ils n'étaient jamais allés, où aucune de nos forces n'était jamais allée, où on ne pourrait aller les rechercher, car les avions ne pouvaient pas s'y poser. Le risque était considérable. C'est là naturellement que l'on voit la solitude du pouvoir. Je vous renvoie aux déclarations qui ont été faites les jours suivants. Aucune approbation. Au contraire, pourquoi l'avoir fait ? Pourquoi ne pas avoir consulté ? Il fallait, paraît-il, organiser (bonne manière de prévenir et de faire attendre nos parachutistes à leur arrivée au sol) un débat public. Imaginez un débat retransmis par la radio et disant : "On discute sur la question de savoir si les parachutistes français vont sauter demain ou après-demain". C'était une folie irresponsable. Après coup, l'opération ayant réussi, personne ne nous a critiqués, mais l'approbation a été bien discrète.\
QUESTION.- Je vous cite (vous me corrigerez si la citation n'est pas exacte) : "Ne comptez pas sur moi pour laisser la France glisser hors de l'Histoire".
- LE PRESIDENT.- La citation n'est pas exacte au mot près, mais l'idée est tout à fait juste. On revient à ce que disait le général de GAULLE sur la politique ou sur le rôle du Président de la République. Vous observez que les Etats, quelle que soit leur importance, ont une influence qui à un moment ou à un autre dépend de l'action de ceux qui les dirigent. NEHRU avait donné un grand éclat à la politique indienne. Le maréchal TITO avait donné un grand éclat à son pays, bien que la Yougoslavie ait des moyens limités. Il est important de maintenir, par la présence, par l'action spécifique, par des prises de positions, la France au-niveau des grandes affaires du monde.
- Une des critiques que je considère comme la plus fondamentalement inexate parmi celles qui m'ont été adressées est le reproche d'être allé à Varsovie parler à M. BREJNEV. Je comprends très bien que l'on aurait pu me reprocher d'avoir donné mon accord à M. BREJNEV sur telle ou telle décision qui eût été mauvaise pour la France. Le reproche eût été justifié. Mais que le chef de l'Etat français soit un des interlocuteurs en cas de tension dans le monde, qu'il dise des choses qui se sont révélées, à mon avis, par la suite, utiles, c'est précisément maintenir la France dans l'Histoire. Ceux qui m'ont reproché d'aller à Varsovie pensent au fond d'eux-mêmes que la France n'a plus la capacité de débattre directement avec les grands responsables, et qu'elle doit laisser le soin à d'autres qui ne s'en priveront pas.
- QUESTION.- Vous y êtes allé au nom de la France, au nom de l'Europe ?
- LE PRESIDENT.- Au nom de la France.
- QUESTION.- Une décision de ce genre comporte-t-elle un risque comme celle prise à propos de Kolwezi ?
- LE PRESIDENT.- Non. C'est tout à fait différent. Je considère comme normal que la France ait un dialogue avec les grands responsables du monde. Le risque, je le répète, serait dans la décision erronée £ c'est-à-dire par exemple dans l'accord qui n'aurait pas dû être donné, ou dans un jugement inexact.\
QUESTION.- `Sur les relations franco - allemandes`
- LE PRESIDENT.- D'abord je suis dans la tradition de ceux qui pensent que les guerres en Europe ont été des guerres fratricides. Je suis né en Allemagne en 1926 où mon père était en occupation. Il avait fait la guerre de 1914 ! J'ai participé à la dernière partie de la guerre de 1939 - 1945. C'étaient des guerres fratricides. Nous nous jetions les uns contre les autres avec une énergie et un courage incroyables. Il y a eu des millions de morts. Nos deux peuples sont différents, naturellement, mais extrêmement voisins. Quand je suis allé en Allemagne l'année dernière, je suis allé en Franconie. C'est le pays des Francs. La ville de Francfort,la plus importante d'Allemagne, cela veut dire la ville des Francs, de nos Francs `peuple`. L'idée qu'il existait une espèce d'antagonisme irréductible était une anomalie de l'Histoire. A-partir du moment ou il y a possibilité de conciliation, il faut que cette conciliation soit complète et définitive. Elle a été amorcée par le général de GAULLE et ADENAUER. Je peux dire sans forcer les choses que l'étroite amitié que j'ai nouée avec Helmut SCHMIDT aura, dans une période qui reste encore difficile, consolidé, et j'espère pour toujours, cette entente. A-partir du moment où deux grands pays voisins et de traditions historiques voisines, même s'il existe des différences de tempérament, mettent en commun le maximum de leurs moyens, ils peuvent imprimer une autre direction à l'histoire de l'Europe.\
`Réponse`
- Cela m'amène à dire un mot de l'importance de la culture de l'Europe. Finalement, je pense que la construction européenne a été abordée par un mauvais angle, je veux dire par des concepts purement politiques £ comment faire fonctionner un conseil des ministres, une commission, une assemblée ? On ne voit pas très bien pourquoi, au fond, cela répondrait à un appel de l'opinion publique européenne. Regardons au contraire comment font les musulmans. Les musulmans se battent souvent entre eux. C'est le cas en ce moment de l'Iran et de l'Irak. Mais leur foi est suffisante pour qu'ils aient malgré tout le sentiment d'une communauté réelle, et qu'ils le manifestent, comme ils viennent de le faire.
- Prenez les Chinois. Ils continuent à perfectionner leur langue, leur écriture, de telle sorte qu'elle constitue une espèce de ciment entre leur milliard d'habitants.
- Or en Europe, nous avons la même culture au sens complet du terme. C'est-à-dire le même mode de vie, le foyer, la famille, les vacances, la manière dont on aborde l'éducation des enfants, ce que nous lisons, tout cela c'est la même chose. Il y a là une source très forte d'identité européenne dont il faudrait tirer les conséquences. On ne l'a pas bien fait jusqu'ici.
- QUESTION.- Une question de rivalité ne risque-t-elle pas de surgir ?
- LE PRESIDENT.- Oui.\
QUESTION.- Qui dirige : vous ou SCHMIDT ?
- LE PRESIDENT.- Pour l'instant ce problème ne se pose pas. Il est vrai qu'il pourrait se poser. Néanmoins les situations ne sont pas comparables. L'Allemagne, jusqu'à présent, est une puissance économique supérieure à la nôtre, même si, contrairement à ce que l'on croit, l'écart diminue régulièrement. Nous avons, en revanche un champ d'action politique plus large que celui de l'Allemagne fédérale `RFA`. D'abord, nous ne sommes pas un pays coupé en deux. Nous n'avons pas de problème de Berlin, même si celui-ci nous concerne. Nous avons une tradition de relations mondiales : l'Afrique, l'Asie du Sud-Est. Tout cela fait qu'il n'y a pas compétition sur le même terrain mais au contraire possibilité d'ajustement.
- QUESTION.- Il faudra bien que se dégage un leader de l'Europe ?
- LE PRESIDENT.- Pas nécessairement. Je crois que dans la phase actuelle, il faut avoir très fortement dans l'esprit le concept confédéral. L'Europe c'est une réunion d'efforts.\
QUESTION.- On parle souvent (trop souvent) du "modèle japonais" ou du "modèle américain). Ne pourrait-on pas proposer un "modèle français" ?
- LE PRESIDENT.- Je ne sais pas s'il y a beaucoup de Français qui accepteraient des modèles étrangers. Il y a une réussite japonaise. Nous pouvons en tirer des enseignements. Je ne crois pas que nous puissions copier le modèle. Parmi les pays du monde, la France est un de ceux qui est considéré comme ayant une vie exemplaire. C'est vrai, par exemple, du fonctionnement de notre démocratie, avec les institutions de la cinquième République. Il y a beaucoup d'autres domaines dans lesquels nous pourrions être exemplaires : la qualité de la créativité, le niveaude notre culture, scientifique et artistique, l'homogénéité de la société française. Mais nous n'avons pas l'idée de fabriquer un modèle, encore moins de l'imposer. Un exemple, mais pas un modèle !\
QUESTION.- Les Japonais mettent leur orgueil national dans les transistors et les motos qu'ils exportent. Leur commerce porte spectaculairement leur drapeau. Ce sentiment national n'apparaît pas chez nous.
- LE PRESIDENT.- Le cas de la France est spécial. Quand vous êtes à l'étranger, vous rencontrez des Français. Leur identité française passe avant toute chose. Je me souviens d'avoir rencontré un jour en Roumanie, dans une petite ville de sports d'hiver où j'allais comme ministre avec une délégation roumaine à l'occasion d'une rencontre officielle, un groupe de travailleurs français qui étaient venus passer des vacances. Ils m'ont reconnu et ils m'ont accueilli avec beaucoup de chaleur, de sympathie. Les Roumains qui étaient avec moi étaient stupéfaits : "Mais comment ce sont des communistes et ils vous accueillent avec enthousiasme " C'étaient des Français, ils reconnaissaient l'un des leurs. A l'étranger, nous avons un très fort sentiment national. Nous sommes convaincus au fond de nous-mêmes de la supériorité de la France dans beaucoup de domaines, et d'ailleurs on nous le reproche à l'extérieur. En revanche, ce qui est très malheureux, c'est l'habitude de donner tort à la France. Regardez les commentaires sur une rencontre internationale. On s'étonne toujours de la position de la France, pour la critiquer, jamais de la position des autres. La France est, d'instinct, accusée ! C'est une vieille tradition qu'il faudrait essayer de modifier.\
QUESTION.- Dans ce que vous venez de me dire perce une nouvelle fois votre déception de "l'après Varsovie". L'incompréhension vous a fait mal.
- LE PRESIDENT.- Elle m'a sûrement touché. Cela n'était en rien une incompréhension populaire. La force de notre peuple, c'est qu'il juge les faits et les événements d'une manière différente de ceux qui croient s'exprimer en son nom.
- Rappelez-vous en 1962 le cartel contre de GAULLE sur le principe de l'élection présidentielle. Tous étaient contre sauf le peuple français. A l'heure actuelle, les dirigeants donnent raison, si je puis dire, à-titre posthume, au peuple français puisqu'en 1962 il a décidé tout seul de l'élection du Président de la République au suffrage universel, et qu'aujourd'hui ils sont même candidats !, parmi tous ceux qui ont été contre, personne aujourd'hui n'ose remettre en question la décision. Le peuple avait raison.
- Pour la rencontre de Varsovie `avec BREJNEV`, les sondages ont démontré que l'opinion française l'approuvait. Elle comprenait qu'il s'agissait à la fois du rôle de la France dans les relations internationales, et d'un effort pour la paix.\
QUESTION.- Comment ne pas remarquer que vous faites souvent référence au général de GAULLE ?
- LE PRESIDENT.- Pour plusieurs raisons. D'abord c'est auprès de lui, et j'en ai toujours été conscient, que j'ai appris le métier d'homme d'Etat. C'est un métier qui s'apprend concrètement. C'est autre chose que de réfléchir abstraitement. J'ai observé comment il faisait. Ensuite, il y a la fonction. Les dirigeants politiques croient que l'appartenance la plus forte est celle des partis ou des groupes. Non. La fonction est plus forte que l'appartenance. Enfin, les choix fondamentaux qui ont été les siens m'apparaissent comme des choix justes.
- QUESTION.- C'est indiscutable : vous n'avez rien remis de fondamental en question.
- LE PRESIDENT.- Au contraire. J'ai dit que je laisserai scrupuleusement les institutions de la cinquième République dans l'-état où je les ai trouvées.
- QUESTION.- Vous arrive-t-il, face à certaines situations très difficiles, d'être effleuré par cette pensée : "Qu'aurait fait de GAULLE" ?
- LE PRESIDENT : Je me demande souvent non pas qu'aurait fait de GAULLE, mais comment le général de GAULLE aurait abordé tel ou tel problème. Ce n'est pas la même chose. On ne peut pas dire ce qu'aurait fait quelqu'un. Mais est-ce qu'il aurait attendu, est-ce qu'il aurait pris une décision rapide ? Comment aurait-il abordé le problème ?\
QUESTION.- On reprochait autrefois au Président de n'être préoccupé que de politique étrangère et de négliger "l'intendance". Aujourd'hui la politique étrangère est intimement liée à la politique économique, c'est donc un reproche quine peut plus vous être fait.
- LE PRESIDENT.- Les hommes ont diverses formations. Le général de GAULLE avait une formation militaire et historique, puis il a conduit son action pendant un conflit mondial. Il était naturel que sa première préoccupation soit la sécurité de la nation et la place de la France dans les grands débats internationaux ! J'ai une formation économique. J'ai été ministre des Finances. J'attache la plus grande importance à la solidité de l'économie française. Nous traversons depuis plusieurs années une grande crise mondiale qui affecte tous les pays, industrialisés ou non. L'économie française résiste mieux que la plupart d'entre eux. Les Français connaissent des préoccupations qu'il faut bien entendu, comprendre et partager. J'espère qu'ils notent aussi qu'à l'heure actuelle la France poursuit ses progrès, développe ses exportations, modernise son industrie et son agriculture, se place dans presque tous les secteurs de pointe, que sa législation sociale a progressé et est aujourd'hui l'une des plus avancées du monde, que le franc est une monnaie solide. La monnaie reflète l'appréciation internationale sur les solidités d'un pays. Si le franc est plus solide que le mark, c'est la preuve que nous reconstituons, malgré les difficultés, la vigueur économique de la France.\
QUESTION.- Vous empêchez que la France glisse hors de l'Histoire, pourriez-vous empêcher une majorité de Français de se contenter d'une France nation d'importance secondaire mais ou il serait seulement agréable de vivre ?
- LE PRESIDENT.- Dans tout être humain, il y a toujours des contradictions. D'ailleurs, la psychologie du roman c'est l'analyse des contradictions. A la fois vivre une vie tranquille et vivre une grande passion. Voilà l'une de ces contradictions. Les contradictions ne sont pas faciles à surmonter. Je prends un cas très simple et que je connais bien : la contradiction vis-à-vis de la fonction présidentielle entre le désir de simplicité et le désir de solennité.
- Ceux qui me connaissent bien savent que j'aime la simplicité. Ma vie personnelle n'a pas été modifiée par la fonction présidentielle. Faut-il pour autant renoncer à la solennité de la fonction ? Les uns disent oui, les autres disent non. Les Français souhaitent la simplicité, mais comprennent la valeur des solennités comme la messe à Notre-Dame pour les obsèques du général de GAULLE, ou les manifestation militaires que j'ai voulues exemplaires. Les Français en sont fiers. Il y a contradiction entre simplicité et solennité. De même les Français ont le désir d'une vie paisible, mais en même temps, ils sont fiers de leur pays et ils souffrent - même s'ils en plaisantent - de tout ce qui peut l'abaisser.\
QUESTION.- `Sur les apparitions à la télévision`
- LE PRESIDENT.- Depuis mes débuts dans la vie politique, j'ai toujours considéré que la télévision était un retour à la normale. Parce que je suis de culture française et méditerranéenneet j'ai toujours pensé que la bonne façon de communiquer avec avec autrui, c'était l'agora. On arrivait sur la place publique. Il y avait foule. On discutait de la question de savoir s'il fallait faire la guerre à la Macédoine. On sentait la foule s'agiter ou s'émouvoir. La discussion était publique. Pour moi, la télévision c'est cela. Pour beaucoup d'autres, la télévision c'est du cinéma ou du théâtre. Ils s'imaginent que l'on va jouer un rôle à la télévision, que l'on va lire un texte. Ce n'est pas du tout cela. C'est le retour au contact direct qui a été toujours pour moi la base de la démocratie. Plus on reste soi-même, plus on a de chances d'établir le contact.
- QUESTION.- Il y a pourtant une différence avec l'agora : ce n'est pas une foule qui vous écoute mais des millions de Français individuellement.
- LE PRESIDENT.- En effet, il n'y a pas le même mouvement collectif, et il n'y a pas de réponse. Mais on connaît cette réponse indirectement avec une assez grande approximation. Je pense comme TEILHARD DE CHARDIN que l'acte le plus important de la vie et de l'esprit, c'est la manière dont on dispose son esprit. Ce n'est pas la manière dont l'esprit conclut. TEILHARD DE CHARDIN dit : "c'est la manière dont l'esprit regarde". Si je regarde la caméra comme si mes compatriotes étaient dans la salle, il me semble que j'établis un contact direct. Et à ce moment-là eux aussi vous regardent, à leur tour, tel que vous êtes. Est-ce que je me trompe ?\
QUESTION.- Restons, si vous le voulez bien, au chapitre de l'image. Quelles sont pour vous les photos les plus marquantes vous concernant des sept années écoulées ? Celle que vous colleriez dans un album pour des raisons autres que leur importance politique ? LE PRESIDENT.- Je vais vous en citer quelques-unes, cela fera peut-être plus de trois. La photo la plus émouvante que j'ai vue pendant mon septennat, c'est celle qui montre l'accueil de la ville de Thessalonique, que nous appelons Salonique. A l'époque, vous vous souvenez que la Grèce avait retrouvé sa démocratie, mais en même temps elle avait un sentiment d'insécurité car il y avait une tension dans la région de la Thrace. Nous avons apporté une aide à la démocratie, pour le retour de M. CARAMANLIS dans son pays, et une aide à la sécurité de la Grèce par un certain nombre d'autres dispositions.
- Je suis allé à Thessalonique avec M. CARAMANLIS. Lui-même, qui est un hommeréservé, avait prévu que nous traverserions la ville dans une voiture fermée pour aller au cimetière français qui est de l'autre côté. Il ne s'était pas du tout attendu à un accueil populaire. J'ai souhaité une voiture découverte. Les gens, qui n'étaient pas prévenus, se sont rassemblés. C'est une ville dont les maisons sont très en hauteur. Tous les balcons étaient noirs de monde. Toute la ville était là pour témoigner sa sympathie. C'était l'acclamation spontanée et enthousiaste d'une ville. Il y aurait une autre très belle photo et là, je dirai que c'est la photo qui est belle. Celle du 11 novembre dernier `1980 ` date` à l'Arc de triomphe avec tous les drapeaux qui faisaient un grand effet d'étoffes tricolores claquant dans le vent.\
QUESTION.- Et cette photo de vous à Auschwitz pour le trente-cinquième anniversaire de l'appel du 18 juin ?
- LE PRESIDENT.- Auschwitz, ce n'est pas une image frappante par le décor, mais pour l'air qu'on y respire. Là, j'ai eu le sentiment très précis que des centaines de milliers, des millions d'êtres humains dégageaient une présence biologique perceptible. On ressent les ondes de la présence. Il y a une sorte de densité qui n'est pas seulement l'angoisse que l'onapporte en soi, mais la densité de toutes ces cendres et de toutes ces âmes enfouies.
- La photo sur laquelle j'accueille le Pape à sa descente d'hélicoptère sur les Champs-Elysées est également une magnifique photo.\
QUESTION.- Aviez-vous le sentiment avec JEAN-PAUL II de vous trouver en face de celui qu'on appelle "le Quatrième Grand" ?
- LE PRESIDENT.- Je suis chef d'Etat et je représente la France. Il se trouve que dans la tradition française, lePape est un personnage considérable. Il n'est pas l'un des plus puissants du monde mais il est, en tant que chef religieux, au-dessus de toutes les responsabilités.
- QUESTION.- Vous n'oubliez jamais que vous êtes catholique dans votreréflexion, dans votre approche des choses. Cela intervient toujours ?
- LE PRESIDENT.- Non, je ne l'oublie jamais. Il y a des sujets difficiles où de devoir d'Etat, où la loi civile, peuvent être distincts de la conviction intime. Cefut le cas de l'IVG.
- QUESTION.- Vous dites seulement IVG je pense que c'est une façon d'être pudique ?
- LE PRESIDENT.- Oui. C'est un mot affreux.\
JOURNALISTE.- Ses réflexions sur le filigrane sentimental des photos qu'il retiendrait m'ont incité à me risquer dans le véritable domaine réservé du Président qui n'est pas la politique étrangère mais le fond de son coeur cuirassé par son rôle. Craint-il de ne pas paraître assez humain ?
- LE PRESIDENT.- On ne peut pas. Nous sommes allés aux Antilles pour Noel parce que c'étaient des départements inquiets et que je voulais rassurer, en montrant que mon voyage étaitune chose naturelle. J'ai fait dire aux rédactions des journaux et de la télévision : "Je souhaite que ce soit le plus simple possible". Il est arrivé quarante journalistes ! Je ne leur en fais pas le reproche car c'est la vie moderne. Cela prouve qu'on ne peut être chef d'Etat, et mener la vie des autres hommes. Il faut montrer sa considération pour les hommes par d'autres signes, qui sont la manière dont on traite tel ou tel sujet, ou de se préoccuper des problèmes de telles personnes en difficulté.
- QUESTION.- Mme GISCARD D'ESTAING en dit effectivement plus que vous lorsqu'on l'interroge...
- LE PRESIDENT : C'est normal. La discipline est, à cet égard, oppressante. Revenons au général de GAULLE. Il n'a jamais rien dit sur lui-même. Dans cette fonction, on ne peut pas faire l'autopsie de ses sentiments.\
JOURNALISTE.- Le discours prémonitoire de Bayeux (16 juin 1946) contenait cette phrase : "Toute notre histoire c'est l'alternance des immenses douleurs d'un peuple dispersé et des fécondes grandeurs d'une nation libre groupée sous l'égide d'un Etat fort". Je la lis à Valéry GISCARD D'ESTAING et je lui demande si cette alternance séculaire nous permet aujourd'hui d'avoir la fierté d'être Français.
- LE PRESIDENT.- Une chose est mauvaise dans notre âme nationale, c'estle doute, une sorte d'esprit dépressif qui revient de temps en temps. Nous sommes pris d'une espèce d'inquiétude fondamentale sur notre capacité, sur notre rôle, sur notre action. Pourtant il n'y a pas un dirigeant du monde qui ne sepréoccupe pas de savoir ce que notre pays va faire. La France fait face aux situations difficiles avec une grande capacité £ elle joue un rôle considérable dans le monde. Il n'y a pas lieu de se demander si l'on doit être fier de laFrance. Il faut être fier de la France !\