2 janvier 1981 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution prononcée par M. Valéry Giscard d'Estaing à l'occasion des voeux du corps diplomatique, Paris, Palais de l'Élysée, vendredi 2 janvier 1981

`Politique étrangère` Monsieur le nonce,
- mesdames et messieurs les ambassadeurs,
- Je vous remercie des voeux qu'a exprimés, en votre nom, M. le doyen du corps diplomatique.
- Il l'a fait avec la sympathie et la confiance qui caractérisent les relations entre vos Etats et la France, ainsi que vos sentiments à l'égard de mon pays.
- Soyez assurés que c'est dans le même esprit que j'accueille ces voeux et qu'à mon tour je vous adresse les miens. Des voeux que je forme pour chacun d'entre vous et pour le succès de sa mission. Vous êtes associés à notre vie quotidienne £ je souhaite que vous puissiez nouer ici des liens qui, au-delà de la durée de cette mission, entretiennent l'amitié et la compréhension.
- Ces voeux personnels vont aussi à vos familles qui, dans leurs activités sociales ou éducatives, se trouvent souvent plus directement que vous-mêmes au contact des réalités françaises, ainsi qu'aux ressortissants de vos pays résidant en France et qui, pour certains, constituent des communautés importantes étroitement liées à notre vie nationale, et dont je souhaite que le séjour parmi nous continue de témoigner de l'amitié fraternelle que, dans sa profondeur, leur porte le peuple français.
- A travers vous, mes voeux s'adressent aux Etats, aux gouvernements et aux peuples que vous représentez. Je vous demande d'être mon interprète auprès de vos Chefs d'Etat pour leur transmettre l'expression de ma très haute considération et d'être, auprès de vos peuples, celui du peuple français qui leur adresse son salut amical.\
`Politique étrangère`
- Alors que s'engage cette nouvelle année 1981, quelle est la signification de ces voeux ? Il s'agit, en partant du monde tel que nous l'observons, de mesurer ce qui doit être fait et de nous engager à y appliquer notre volonté.
- Le constat nous invite à la gravité. Au-cours de la dernière année, il n'est guère de régions du monde où les conflits aient été réglés, les menaces dissipées, les rivalités atténuées, où les aspirations vers davantage de justice et de bien-être aient trouvé une réponse, où les peuples ne s'inquiètent de leur avenir. Il s'y est ajouté de nouvelles causes d'inquiétude.
- Ces situations et ces inquiétudes compromettent les progrès qui avaient pu être réalisés, dans les années antérieures, sur la voie de la compréhension mutuelle et de la confiance £ on constate que par un enchaînement que nous avions prévu, elles portent au premier rang les préoccupations de sécurité, avec la crainte d'une extension des conflits et la menace de la reprise de la course aux armements.\
En ce début d'année, la question qui se pose à nos gouvernements est ainsi la suivante :
- Après une période des relations internationales marquée par la -recherche du dialogue et de la coopération, et qu'a illustré la politique de détente, allons-nous entrer dans une nouvelle phase où les rapports entre Etats se feront plus âpres, où les ambitions, les intérêts égoistes, la méfiance ou la peur finiront par l'emporter ?
- Pour l'année à venir et les suivantes est-ce lesort auquel nous nous abandonnerons, moroses et résignés, comme à une fatalité de l'histoire, en trouvant, comme chaque fois de bonnes raisons pour décrire comme inévitable ce qui dépend, après tout, de la capacité et de la volonté des dirigeants du monde ?
- Non, ce ne sera pas notre attitude ! Nous ne nous laisserons pas entraîner sur cette mauvaise pente. La France continuera inlassablement son action en faveur de la paix et de la sécurité.\
`Politique étrangère`
- Nous appliquerons notre volonté à refuser ce qui est contraire à notre objectif d'un monde plus sûr, plus juste, plus respecteux des personnalités nationales et de la liberté des hommes. Nous l'appliquerons à encourager tout ce qui le favorise.
- Ceci suppose, d'abord, que soit enrayée ici, évitée là, par des gestes et des initiatives appropriées, la dégradation du climat international. En-particulier le droit des peuples à régler eux-mêmes leurs problèmes et à décider de leur avenir en dehors de toute ingérence extérieure, doit être scrupuleusement respecté.
- Cela exige ensuite une appréciation exacte, de part et d'autre, des problèmes de sécurité, appréciation qui va, bienentendu retenir l'attention de la nouvelle administration des Etats-Unis d'Amérique, à laquelle nous souhaitons d'apporter une contribution digne de ce grand peuple, notre allié, aux exigences de paix, de sécurité, et de progrès économique dans le monde.
- Il est clair à mes yeux qu'il serait illusoire de penser qu'une grande nation puisse s'accomoder longtemps d'une situation de faiblesse, comme il serait irréaliste pour une des deux superpuissances de chercher à s'assurer la supériorité militaire. Aucune de ces deux situations ne peut être durablement acceptée, et ce n'est donc pas sur elles que peut se fonder un équilibre de paix. Il n'y a pas d'autre solution que d'accepter de part et d'autre, la -recherche d'un équilibre exact et vérifiable entre les grandes composantes des moyens de sécurité.
- La France, qui a approuvé à l'époque les accords conclus entre l'Union soviétique `URSS` et les Etats-Unis d'Amérique, soutiendra touteffort de limitation, puis de réduction des armements, qui respecterait ce principe de complète parité.
- Elle poursuivra son dialogue avec les puissances dont la contribution est indispensable à la réduction des tensions internationaleset à la paix et notamment avec l'Union Soviétique.\
`Politique étrangère`
- Il faut enfin qu'une concertation s'engage rapidement pour mettre fin aux causes du désordre économique qui engendre le chômage dans les pays industrialisés, et enfonce dans la misère la plupart des pays en développement :
- Les hausses répétées des prix du pétrole quel que soit l'effort de réduction de la consommation effectivement réalisée par les pays consommateurs, les mouvements aberrants des taux d'intérêt qui conduisent à des changements brusques et non justifiés des valeurs des monnaies, et détournent la concurrence de sa -recherche normale d'efficacité économique.
- De même nous poursuivrons nos efforts pour un aménagement juste et rationnel des relations économiques entre les Etats, atténuant les disparités et les tensions entre les riches et les pauvres. Les difficultés de l'année 1980, en soulignant la fragilité de notre environnement international, notre vulnérabilité à des événements lointains, l'impossibilité où chacun de nous se trouve de garantir son acquis en s'enfermant dans une fragile tour d'ivoire, nous ont permis au moins de mieux mesurer les liens qui nous unissent les uns aux autres.\
`Politique étrangère` Devant l'insécurité, les tensions, le dérèglement des relations économiques internationales, nous sommes solidaires dans les maux ! Soyons-le aussi dans la mise en oeuvre des remèdes !
- Tels sont les objectifs que doit poursuivre la communauté internationale en 1981 :
- mettre fin aux conflits et restaurer l'équilibre et la paix auxquels aspirent les peuples du Proche-Orient, de l'Asie du Sud-Ouest et du Sud-Est, de l'Afrique australe £
- promouvoirune limitation des armements ouvrant la voie à un plus juste équilibre, une plus grande sécurité £
- assurer le respect de la liberté de l'homme trop souvent bafouée. Telle est l'action que la France entend poursuivre. Elle le fera avec ses partenaires de la Communauté européenne qu'a rejoint aujourd'hui la Grèce, comme il était naturel, puisqu'elle a façonné l'idéal démocratique qui est le nôtre et particulièrement avec l'Allemagne fédérale `RFA` avec laquelle nous continuerons de donner une impulsion à la réconciliation de l'Europe, et à sa nécessaire réapparition comme facteur propre de raison, d'équilibre et de paix dans le monde.\
`Politique étrangère` Monsieur le nonce, mesdames et messieurs les ambassadeurs, voici les voeux que je forme pour vous, et ceux que la France adresse à la communauté internationale. S'ils appellent l'initiative et l'effort, ils témoignent aussi de ma confiance dans notre capacité de surmonter les épreuves et de faire progresser le monde sur la voie de la paix afin que se réalise l'objectif que propose Sa Sainteté JEAN PAUL II dans son émouvant message pour la célébration de la Journée de la Paix : promouvoir des hommes libres dans une société de liberté, et des peuples libres dans un monde de liberté, et aussi de justice.
- Bonne année 1981 à vous tous et pour la paix du monde.\