18 décembre 1980 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution prononcée par M. Valéry Giscard d'Estaing à l'occasion de l'inauguration des bâtiments rénovés de l'Institution nationale des Invalides, Paris, jeudi 18 décembre 1980

Messieurs les ministres,
- messieurs les parlementaires,
- mesdames les maréchales,
- monsieur le cardinal,
- monsieur le chancelier de l'ordre de la Libération,
- monsieur le grand chancelier de l'ordre de la Légion d'Honneur,
- monsieur le gouverneur,
- messieurs les officiers,
- mesdames, mesdemoiselles, messieurs,
- Nous voici réunis, dans ce vieil Hôtel des Invalides, chargé de trois siècles d'humanité, de souffrance et d'histoire, pour inaugurer les installations rénovées de l'Institution nationale des Invalides.
- Trois cents ans d'histoire qui ont connu un grand projet, un long oubli et une patiente résurrection.
- L'Hôtel des Invalides est sans doute l'expression d'une civilisation française qui avaitatteint, au siècle de LOUIS XIV, un haut degré de perfection.
- Perfection du dessin et de l'architecture, due à Libéral BRUAND et à Jules Hardouin MANSART : la perspective de l'esplanade et du dôme, l'ordonnance des bâtiments et des jardins, la décoration où s'étaient illustrés successivement les plus grands peintres et sculpteurs et ensuite les invalides eux-mêmes. Perfection dans la volonté, exprimée par LOUVOIS, de conduire jusqu'à son terme en quelques années seulement, un projet de cette dimension : l'Hôtel des Invalides était une véritable ville dans la ville, avec son port sur la Seine, ses ateliers, ses réfectoires, ses appartements, son hôpital, son infirmerie et sa chapelle.
- Perfection aussi dans la pensée qui inspirait ce projet £ au moment où les grands services publics commençaient à se développer en France, où nous voyons apparaître, pour donner à l'administration, l'armée, le Roi se souciait du sort des malheureux soldats et vétérans, poursuivis par la misère et condamnés à l'infortune.\
Le testament de LOUIS XIV en témoigne puisqu'il écrit "Entre les différents établissements que nous avons faits, il n'en est point qui soit plus utile à l'Etat que l'Hôtel des Invalides. Tous les motifs doivent engager nos successeursà soutenir cet établissement et à lui accorder une protection particulière."
- Comment comprendre alors l'oubli qui suivit ? Sur la lancée de sa fondation, l'Hôtel de Invalides avait acquis rapidement une réputation mondiale. Il recevait à l'époque les visites des grands personnages, les souverains, les tsars, pour servir de modèle à leurs propres institutions hospitalières.
- Une école de médecins était née ici sous l'impulsion de MORAND, médecin chef de l'Institution, donnant naissance à une académie de chirurgie, pépinière de jeunes officiers de santé et chirurgiens de grande valeur.
- Puis les temps ont changé. Peu à peu, le nombre des pensionnaires a diminué. Pendant la Révolution de 1789, en-raison des difficultés budgétaires, on réduisit la fonction hospitalière de l'Hôtel national des Invalides. Ensuite ce qui était hôpital devint musée pour nos trophées et nos drapeaux, temple pour la chapelle et refuge pour quelques anciens soldats qui étaient alors oubliés.
- NAPOLEON et ses campagnes rendirent vie à l'institution. Les soldats de la Révolution et des campagnes de l'Empire étaient encore nombreux ici le 15 décembre 1840 à saluer le retour des cendres de l'Empereur dont ils se racontaient entre eux les souvenirs de victoires.
- Puis à nouveau, l'âge, la longue période de prospérité que connut la France à la fin du XIXème siècle jusqu'au début de notre siècle, réduisirent les effectifs des pensionnés.
- Paradoxalement et malheureusement, ce fut au lendemain de la grande guerre, qui fit pourtant dans notre pays des millions de blessés, que la fonction hospitalière de l'Institution faillit disparaître £ les bâtiments à l'abandon se délabraient. L'Institution des Invalides se transforma peu à peu en hospice, tantôt menacé de suppression, tantôt sauvé de l'oubli par la volonté des ses généraux gouverneurs.\
C'est à la Vème République que revient l'honneur d'avoir repris le chemin d'une patiente résurrection. Résurrection en 2 étapes : architecturale d'abord, médicale ensuite. La rénovation des bâtiments doit beaucoup à André MALRAUX. Deux lois programmes redonnent progressivement aux Invalides leur ordonnance, leurs toitures, leurs fossés et leurs jardins. Cet effort de longue haleine se poursuit encore aujourd'hui. Les Invalides sont, vous le savez, le bâtiment del'Etat auquel les crédits les plus importants de rénovation auront été consacrés.
- Cette année a vu reconstituer les pelouses de l'esplanade et le jardin de l'intendant et rénover dans l'ancien réfectoire, la salle des drapeaux du Muséede l'Armée que je visitais il y a quelques mois. Je veux rendre hommage, en cette occasion, non seulement aux administrations, aux architectes ici présents, aux entreprises qui ont conduit cette rénovation, mais également aux ouvriers et aux artisans qui ont su trouver, dans l'exercice de leur métier, les mêmes qualités que ceux qui les avaient jadis précédés.
- Je peux vous dire que l'Etat poursuivra cette tâche d'année en année et conduira à son terme l'oeuvre -entreprise depuis bientôt 20 ans. Au budget de 1981 figure en effet le financement d'un certain nombre d'opérations £ je souhaite que lorsque le Gouvernement commencera la préparation du budget de 1982, qui sera ensuite naturellement soumis aux assemblées, il fasse figurer dans celui-ci la tranche suivante des travaux de rénovation permettant l'achèvement du programme.\
Deuxième rénovation : la rénovation médicale et hospitalière.
- Celle-ci a été décidée, vous le savez, au deuxième semestre de 1975, devant les demandes pressantes des responsables de l'Institution qui avaient attiré l'attention sur l'-état d'insuffissant équipement et sur l'humanisation nécessaire de l'Institution nationale des Invalides.
- Car la vocation première de l'institution est hospitalière. Elle doit assurer à la fois : - l'accueil des pensionnaires dans des conditions de confort et de dignité adaptées à notre temps £
- - les soins apportés aux handicaps dont souffrent nos blessés de guerre ou tous ceux qui ont contracté une blessure au service de nos Forces £
- - et une animation de -nature à rendre la vie de nos invalides plus agréable et mieux intégrée à la société française d'aujourd'hui.
- C'est pourquoi j'ai visité avec vous cette rénovation décidée en 1975, commencée en 1976, conduite avec vigueur et sans que le service ait jamais été interrompu, sous l'impulsion du Gouvernement et grâce au vote du Parlement qui en a décidé les crédits.
- En visitant ce bâtiment, j'ai eu le sentiment que cette modernisation est véritablement exemplaire par le respect qu'elle porte à l'architecture d'un des monuments les plus intimement liés à notre histoire, par le témoignage d'affectueuse estime qu'elle exprime au monde combattant et à tous ceux qui ont souffert des conflits que la France a traversés, et aussi par la qualité médicale et hospitalière des installations que nous avons visitées.
- Aujourd'hui l'Institution des Invalides est à nouveau digne de nos pensionnaires. Ils seront mieux logés, mieux soignés, mieux entourés.
- Elle est digne du niveau scientifique et médical atteint par nos équipes de médecins, de chirurgiens et leurs collaborateurs.
- Elle est digne enfin de nos anciens combattants, qui viennent nombreux solliciter aide et soins dans cette maison qui est la leur, depuis trois siècles.\
Ainsi en quelques années, nous serons parvenus à rénover les vieilles institutions hospitalières que sont, pour les militaires en activité l'Hôpital du Val-de-Grâce, et pour le monde combattant l'Institution nationale des Invalides qui retrouve, aujourd'hui, son rayonnement.
- Au terme de cette visite, je voudrais m'adresser à deux catégories de personnes. D'abord à celles et ceux qui donnent des soins dans l'établissement national des Invalides. J'ai vu avec quelleconscience, avec quelle compétence, ils et elles exercent leurs activités au service de ceux qui viennent vivre ou qui viennent se soigner aux Invalides. Et j'ai le sentiment qu'ils forment une équipe dont la qualité rejoint et illustre celle du prestigieux bâtiment.
- M'adresser surtout à tous ceux qui sont soignés aux Invalides. Lorsque LOUIS XIV disait de cette réalisation qu'elle était la plus utile de son règne, il ne pensait pas à la réalisation architecturale car il avait construit des bâtiments sans doute plus célèbres dans le monde, ne serait-ce que Versailles ! Il pensait à l'utilité des Invalides pour ceux qui viennent y trouver accueil et soins : par la -nature de leurs blessures ou de leurs souffrance, par la qualité des services qu'ils ont rendus à la nation et qui sont à l'origine de leurs épreuves, ils figurent au premier rang des Français. La collectivité nationale doit être capable de leur exprimer et de leur ma\