15 décembre 1980 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution prononcée par M. Valéry Giscard d'Estaing à l'occasion du XXème anniversaire de l'OCDE, Paris, le lundi 15 décembre 1980

Monsieur le président du conseil des ministres,
- monsieur le secrétaire général,
- messieurs les ambassadeurs et représentants,
- mesdames,
- messieurs,
- Ma présence parmi vous aujourd'hui, à l'occasion du vingtième anniversaire de l'Organisation pour la coopération et le développement économique `OCDE`, témoigne de l'importance que la France attache à cette organisation internationale qu'elle est heureuse d'accueillir sur son sol. Je viens comme mon prédécesseur, le Président POMPIDOU, qui célébrait ici-même le dixième anniversaire de votre organisation. Cela rafraîchit des souvenirs.
- Je me rappelle l'époque où j'étais président du conseil des ministres grâce, sans doute, à une subtile rotation des présidences. J'avais cru y voir cependant un encouragement indirect à la politique économique alors menée par la France. Je suis également heureux de la présence des sages, dont la sagesse n'a pu que grandir depuis.
- La considérationque la France porte à l'OCDE est justifiée par l'importance du bilan des vingt années écoulées. La gravité des circonstances économiques que traversent les pays industrialisés, l'ampleur des tâches que nos pays devront conduire en commun dans les années qui viennent - qu'il s'agisse de leur croissance économique interne, de l'élimination de l'excès d'inflation ou des rapports avec les pays tiers - donnent à l'OCDE un rôle particulièrement important, que la France est décidée à soutenir.\
Le vingtième anniversaire de la Convention qui a établi l'OCDE sur les fondations de l'OECE est l'occasion naturelle d'apprécier le bilan de ces deux décennies.
- La première caractéristique de l'action de l'OCDE est la qualité de ses travaux. Les codes de conduite et les lignes directrices adoptées par l'Organisation - sans doute très changeante puisqu'au départ il fallait s'adapter à une croissance très rapide et qu'aujourd'hui il s'agit surtout de lutter contre l'inflation - ont contribué d'une façon essentielle à l'établissement d'un régime ouvert d'échanges, de la convertibilité monétaire externe et d'un système économique de liberté. Nous sommes tellement habitués à ce système qu'il nous paraît naturel aujourd'hui. On ne se rappelle plus les tumultes qui ont agité la précédente organisation quand il a fallu abaisser les obstacles douaniers, monétaires et contingentaires qui hérissaient les échanges internationaux à l'issue du deuxième conflit mondial. Le système actuel paraît naturel. Le mérite en revient à votre organisation. Les analyses et les prévisions économiques à court et à long terme servent de référence et de base de réflexion à tous les travaux effectués dans ce domaine.
- Les études et les recherches de l'OCDE, en-particulier celles qui portent sur l'aide au développement, éclairent les politiques des Etats. Elles rencontreront d'ailleurs un écho particulier en 1981 à l'occasion d'une-part des négociations globales aux Nations unies `ONU` et d'autre-part du prochain sommet des pays industrialisés qui sera consacré, comme vous le savez, à l'aide au développement.\
L'autorité de l'Organisation et sa réputation internationale ont été acquises grâce à l'action de l'équipe que vous dirigez, monsieur le secrétaire général. Elle se manifestent par l'élaboration des règles auxquelles les Etats membresadhérent pour la conduite de leur politique dans des domaines aussi essentiels que la liberté des échanges, le régime des investissements, l'innovation scientifique et technique et les mouvements de capitaux.
- La seconde donnée qui caractérise l'OCDE est qu'elle est le seul forum de concertation organisé offert aux pays démocratiques industrialisés. La multiplication des organisations internationales à laquelle nous assistons depuis plus de trente ans traduit l'insuffisance ou l'étroitesse du -cadre national pour la solution de nombreux problèmes qui se posent à nos pays. Mais entre le système universel des Nations unies ou la solidarité nécessairement plus restreinte des organisations régionales etnotamment celles auxquelles nous appartenons, l'OCDE est et reste à nos yeux le lieu naturel de concertation des pays industrialisés quand ils cherchent à mener en commun une réflexion ou une action.
- L'OCDE a su affirmer son rôle grâce au pragmatisme et à la souplesse de ses méthodes de travail et à ses capacités d'adaptation permanente aux nouvelles données de l'environnement économique international.
- Avec l'expérience et l'autorité qui sont les siennes, l'OCDE doit, désormais, s'attaquer davantage encore aux difficultés nouvelles que nos pays rencontrent pour s'adapter à la crise internationale.
- Je me réjouis que, comme l'a déclaré votre secrétaire général, l'organisation apprécie son implantation à Paris. Sachez que la France est heureuse de vous accueillir lorsque vous y vivez et de vous recevoir lorsque vous y venez.\
Les nations représentées à l'OCDE connaissent toutes, disons pratiquement toutes, une forte inflation, un chômage étendu, ainsi qu'une dépendance pour la plupart d'entre elles, vis-à-vis de l'énergie importée. Cette situation se fait sentir lourdement dans la vie quotidienne de leur population. On sait que la coincidence des situations conjoncturelles caractérise les crises mondiales £ celle-ci est la plus sérieuse, la plus durable, la plus éprouvante, que le monde ait connue depuis les années 30 `1930`.
- Aucune de nos nations ne peut espérer redresser entièrement son sort par une action isolée, car les causes sont communes. Mais chacune peut contribuer par sa propre action à la solution de notre problème commun. Le retour à l'isolationnisme serait une faute. Cela est clair dans cette enceinte et dans cette organisation vouée avec succès au développement des échanges. Mais l'isolationnisme, en temps de crise, sait habilement se déguiser. Tenter d'exporter son chômage, s'efforcer de le reporter sur ses partenaires est une forme libre-échangiste de l'isolationnisme.
- La -recherche de l'équilibre des échanges au-sein de l'OCDE, qui figure parmi vos objectifs, devient en temps de crise une règle rigoureuse.\
Chacune de nos nations peut, en second lieu, travailler pour tous en oeuvrant pour elle-même. Nous subissons les hausses du prix du pétrole, et il est malheureusement inévitable de les répercuter sur nos économies. Toute autre attitude ne consiste qu'à masquer les réalités, sans pouvoir, hélàs, les changer. Cependant dans ce domaine où la dépendance de l'Europe occidentale est extrême, les politiques ambitieuses en-matière d'énergie sont utiles à tous. Développertoutes les énergies nouvelles, y compris l'électricité d'origine nucléaire, économiser toutes les énergies anciennes conduit à réduire rapidement notre dépendance, et à sauvegarder l'emploi. La France va commencer à enregistrer, à-partir de 1981, les résultats de ces courageux efforts dans ce domaine.
- J'engage l'OCDE à continuer d'encourager par les moyens dont elle dispose les pays membres à intensifier leurs efforts en-matière de développement d'énergies nouvelles et d'économies d'énergies anciennes.
- Des politiques économiques globales d'équilibre sont plus que jamais nécessaires en chacun de nos pays : politiques budgétaires, politiques monétaires, comportements réalistes en-matière de prix et de rémunération.\
La France a pu maintenir le pouvoir d'achat de sa population, ce qui la place dans une situation relativement favorable. Elle a mené à cet effet une politique budgétaire prudente. La politique budgétaire française n'ajoute pas à l'inflation mais ne réduit pas l'emploi. Et lorsque les comptes de l'année 1980 seront définitivement publiés, il apparaîtra que la part de notre déficit budgétaire dans le produit intérieur brut aura non pas augmenté en 1980 comme dans la plupart des pays industriels, mais légèrement diminué. Notre politique monétaire qui limite la création de monnaie est conforme aux nécessités du moment.
- En revanche nos prix et nos rémunérations s'accroissent encore trop vite : c'est pourquoi l'axe central de notre politique économique est désormais l'effort de ralentissement de la hausse des prix.
- Ces considérations sur le sort des nations membres de l'OCDE ne nous font pas oublier la situation plus difficile encore de la plupart des pays en voie de développement et le rôle que doit jouer votre organisation dans nos relations avec eux.\
Les vingt dernières années ont été marquées par le renforcement de l'interdépendance entre toutes les zones économiques du monde - cette idée aujourd'hui universellement reconnue n'était, il y a vingt ans, partagée que par quelques-uns - et par un effort accru de solidarité des pays industrialisés envers les pays en développement.
- L'OCDE s'est dotée de moyens de qualité pour faire face à cette tâche, qu'il s'agisse de l'instrument de réflexion et d'analyse que constitue son centre de développement ou des comités au sein desquels sont débattus les différents éléments du dialogue Nord-Sud, auxquels vous comprendrez que j'attache beaucoup d'importance.
- La France, qui a été à l'origine de la conférencepour la coopération économique internationale `CCEI` de Paris, aborde dans un esprit positif la nouvelle étape que devrait constituer l'ouverture prochaine des négociations globales aux Nations unies `ONU`.
- Il importe, cependant, de nepas entretenir d'idées erronées à propos de ce dialogue. Les deux catégories de pays, auxquelles il est fait référence, ne sont pas homogènes et l'augmentation des transferts financiers vers les pays pauvres n'est, sans doute, pas le principal - n'est en tout cas pas le seul - problème de leur développement.\
Les pays représentés à l'OCDE, qui sont déjà eux-mmes dans des situations fort diverses, quoique généralement difficiles, ne sont qu'un des groupes appelés à exercer une solidarité active envers le Tiers-Monde. Actuellement, ils consentent les trois quarts de l'effort d'aide publique au développement, dans le monde, soit 22 milliards de dollars en 1979. Cette répartition ne reflète pas celle des capacités contributives dans le monde. Tous les Etats doivent prendre,dans cette action, la part de responsabilité et de charge qui leur revient, y compris les pays de l'Est et les pays dont les ressources naturelles ont été récemment valorisées.
- Du côté des pays en développement, la diversification ne cesse de s'accentuer. La communauté internationale considère, aujourd'hui, comme prioritaire, et nous partageons ce sentiment, d'aider les pays les moins avancés et la France accueillera volontiers l'année prochaine, une conférence internationale consacrée à l'examen de leurs problèmes.
- Les problèmes des pays nouvellement industrialisés ou même des pays en voie d'industrialisation sont de -nature différente et il convient de rechercher leur insertion dans les courants d'échanges internationaux, dans des conditions équitables et au-prix des modifications nécessaires du -cadre actuel.
- Le dialogue Nord-Sud, enfin, ne peut pas être exclusif de la mise en oeuvre d'autres solidarités économiques, géographiques ou culturelles.
- C'est pour cette raison, que j'ai proposé d'organiser les liens entre l'Europe, les pays arabes et l'Afrique sur un triple plan politique, économique et culturel, et j'observe que cette idée progresse.\
Monsieur le secrétaire général,
- monsieur le président du conseil des ministres, de la clairvoyance et de la détermination de nos Gouvernements dépend la capacité des 24 Etats membres de l'OCDE de surmonter la crise que le monde connaît, et d'alléger ainsi le poids, matériel et psychologique qu'elle fait peser sur nos contemporains.
- Notre responsabilité est d'y parvenir en préservant le capital de progrès et de liberté qui est notre bien commun et qui constitue le fondement de cette organisation. Je suis persuadé qu'un effort lucide, cohérent et continu permettrait d'y parvenir.
- Je vous félicite, monsieur le secrétaire général et tous vos collaborateurs de l'action accomplie et vous encourage à persévérer, dans l'intérêt des nations qui sont ici représentées, dans l'intérêtaussi de toutes les nations, riches ou pauvres, qui sont désireuses de développer leurs échanges, d'améliorer leurs connaissances et de maîtriser la conduite de leurs économies.
- Que le vaisseau de l'OCDE continue, quelle que soit la rudesse de la mer, sa longue et utile navigation.\