31 octobre 1980 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution prononcée par M. Valéry Giscard d'Estaing, Président de la République, sur la situation économique et sociale à l'occasion de la visite officielle à Autun, Hall d'Agriculture, 31 octobre 1980.

Monsieur le maire,
- messieurs les parlementaires,
- monsieur le ministre de la Culture et de la Communication,
- messieurs les conseillers généraux,
- mesdames et messieurs les conseillers municipaux d'Autun,
- mes chers amis,
- C'est avec beaucoup de joie que j'ai accepté, monsieur le maire, votre invitation et celle de la municipalité d'Autun.
- Je sais que l'accueil que j'ai reçu ce matin de la part des Autunoises et des Autunois, l'accueil d'amis venus de la Sâone-et-Loire, s'adresse davantage à la fonction du Président de la République qu'à celui qui l'exerce. Je veux dire pourtant que celui qui l'exerce y est sensible.
- Il souhaite cette rencontre directe avec les Françaises et les Français. Il en a besoin, pour sa fonction, et pour lui-même. Rencontre avec des femmes et des hommes de toutes conditions, de toutes origines, de diverses opinions. Rencontre avec les Françaises et les Français, comme ils sont, avec leurs visages qui cessent d'être anonymes aussitôt qu'on y lit le sourire de l'amitié et celui de l'espérance.\
Venir dans votre ville, monsieur le maire, c'est un peu ouvrir le livre d'histoire de la France. La France d'autrefois et la France d'aujourd'hui.
- Près de Mâcon, Solutré a donné son nom à l'une des premières étapes de la civilisation humaine, à une époque où les glaciers recouvraient les plaines de l'Europe.
- Face à Autun, Bibracte était, de l'aveu même de CESAR, "la ville fortifiée de beaucoup la plus grande et la plus riche de la Gaule". C'est de là qu'est parti le premier mouvement d'unité nationale autour de l'Arverne - je veux dire l'Auvergnat - VERCINGETORIX.
- Autun doit sa fondation et son nom au plus puissant des Empereurs de Rome, AUGUSTE. Autun abrita le plus vaste théâtre de la Gaule romaine - la moitié de la population actuelle du grand Autun aurait pu s'y rassembler - et comme si cela n'était pas suffisant, vous avez découvert un deuxième théâtre romain.
- C'est ici que GISLEBERT donna à l'art roman les figures les plus douces et les plus vivantes de la spiritualité médiévale.
- Autun eut sa part des fastes de l'Etat bourguignon. Elle connut la première manifestation du génie du jeune BONAPARTE : moins de quatre mois passés dans le collège de votre ville lui suffirent pour être admis à l'Ecole royale militaire de Brienne.
- Quelques années plus tard, le 1er avril 1789, un évêque à vrai dire peu ordinaire, qui s'appelait TALLEYRAND, lisait en chaire, dans votre cathédrale St Lazare, ce qui allait devenir l'article VI de la Déclaration des Droits de l'Homme :
- "La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont le droit de concourir, personnellement ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse".
- Autun est ainsi, avant juillet 1789, une des patries des Droits de l'Homme.
- C'est enfin près d'ici qu'est née, au siècle dernier, une grande industrie française, au Creusot et à Montceau-les-Mines où j'ai eu le plaisir, il y a deux ans, d'être accueilli par M. JARROT.\
Par la variété de ses paysages et de ses activités économiques, la Saône-et-Loire est un résumé de la France contemporaine. Toutes les productions agricoles, toutes les formes d'industries s'y sont développées. C'est pourquoi, malgré les difficultés, l'économie départementale peut résister à une compétition qui devient de plus en plus vive.
- En ce point de partage des eaux entre l'Europe du Nord, l'Europe atlantique et l'Europe méditerranéenne £ dans ce département qui fut tour à tour romain, roman, puis romantique - Milly n'est pas très loin - £ dans cette terre où ont germé certaines de nos révolutions politiques, certains de nos progrès économiques et aussi de nos renouveaux spirituels : la communauté oecuménique de Taizé, mille ans après la fondation de Cluny n'est pas loin d'ici non plus.
- Ici, à Autun, c'est naturellement à la communauté nationale, à notre France, que je pense et que je m'adresse.
- Cette France, comment la voyons-nous, dans cet automne 1980 ? Comment la voyons-nous, comment la voyez-vous ?
- Une France présente dans le monde, pour la sécurité et pour la paix. Un Gouvernement qui gouverne. Des Françaises et des Français qui travaillent sérieusement, et parfois durement, pour maintenir le présent et pour préparer l'avenir.\
Quand à lui, le Président de la République s'occupe et se préoccupe des intérêts de la France. Il n'a pas d'autre tâche que d'essayer de garantir le présent et de préparer l'avenir de la France. C'est son rôle, conforme au mandat national que vous lui avez confié, en France, et notamment ici, à Autun.
- J'étais en Chine, il y a quelques jours. Vous penserez peut-être : pourquoi nous parler de la Chine ? Je vous en parlerai parce que, lorsque j'étais en Chine, je pensais à vous, et aux leçons que nous devons tirer de ce que j'y voyais.
- Comme dans les autres pays du monde, je voyais le monde en mouvement, le monde tel qu'il va devenir, et tel que nous devons y trouver notre place. Une multitude d'hommes et de femmes, chacun le sait, mais une multitude active et intelligente. Une multitude : un milliard d'hommes, qui s'accroit chaque année d'une population équivalente à la moitié de la population française. Et une multitude intelligente, ne vous y trompez pas : les enfants, les jeunes dans les écoles, les étudiants, les ingénieurs, les savants.
- Face à cette multitude intelligente, qui va travailler beaucoup et qui pendant longtemps va gagner peu, sans système de protection sociale, sans grand besoin de consommation, qu'allons-nous faire, qu'allons-nous devenir ? Allons-nous construire une nouvelle ligne Maginot, derrière laquelle nous nous enfoncerons la tête dans le sable, pour ne pas voir, comme les autruches ?
- Ce n'est pas l'attitude de la France. Il lui faut regarder le monde tel qu'il est, et l'accepter tel qu'il deviendra. Mais il faut aussi y tracer fermement la place de la France, la place de ses travailleurs, de ses ingénieurs, de ses savants. Et pour cela, il ne faut pas regarder en arrière, comme on vous le propose sans cesse, il faut regarder devant nous, cinq ans, dix ans, vingt ans devant nous.\
Le monde traverse une crise économique grave, la plus grave depuis celle des années 30 `1930`. Le bon sens indique qu'elle va durer longtemps, et qu'on ne la surmontera pas par des discours. Elle durera longtemps avant que le marché de l'énergie retrouve son équilibre.
- Les consommateurs de pétrole, c'est-à-dire les pays comme les nôtres, ont eu le pouvoir, et ils en ont sans doute abusé, en gaspillant cette ressource rare. Les producteurs de pétrole ont maintenant le pouvoir et sont ou seront tentés d'en abuser en augmentant exagérément leurs prix. Naturellement, le marché de l'énergie finira bien par s'équilibrer. Des énergies de remplacement sont en-cours de développement. Mais il faudra plusieurs années pour que leur influence se fasse sentir de manière décisive. Dans l'intervalle, chaque pays doit surmonter de vraies difficultés.
- La France s'est attaquée à spn problème avec plus de vigueur qu'aucun autre Etat du monde. Lorsque vous entendez bavarder de je ne sais quel renoncement français, dites-vous que la France est le pays du monde dont la politique de l'énergie est la plus complète et la plus efficace.
- Je n'ai pas besoin de le rappeler aux dirigeants étrangers que je rencontre : c'est eux qui me le disent ! A-partir de 1982 `date`, la France commencera à disposer en quantités significatives de l'énergie électrique la moins chère d'Europe.
- J'étais, il y a quelques semaines, dans le Nord - Pas-de-Calais, et j'ai visité, à côté de Dunkerque, la centrale `nucléaire` de Gravelines. La production électrique de cette centrale représentera, dans deux ans, lorsqu'elle sera complète, la même chose que si nous avions trouvé dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, un gisement de pétrole produisant 7 millions de tonnes par an et un gisement de pétrole qui, lui, ne s'épuisera pas.
- Chaque fois que nous progressons dans la production des énergies nouvelles, chaque fois que nous économisons les formes anciennes d'énergies, non seulement nous réduisons la facture à payer, mais nous défendons la production française, l'activité des entreprises, le maintien de l'emploi. Cette politique de l'énergie exemplaire, qui n'a été possible que grâce au bon sens et à la sagesse de la population française, a six ans. Elle commence seulement à donner ses fruits.
- Car il faut du temps pour préparer l'avenir !\
C'est la première leçon que je tire de mes fonctions : il n'est jamais trop tôt pour préparer l'avenir ! Et c'est au Président de la République que la Nation demande de se tenir à l'écart de l'agitation du moment, pour préparer les jours à venir.
- Pour cela, trois axes de marche :
- placer l'économie française dans tous les secteurs d'avenir,
- préparer par sa formation la jeunesse à l'emploi,
- faire de la recherche scientifique une priorité nationale.
- J'ai voulu avec le Gouvernement que la France se place dans tous les secteurs d'avenir. Et elle le fait. Voici quelques exemples. Dans le domaine de l'aéronautique civile, les Etats-Unis d'Amérique disposaient d'un monopole.
- Nous avons décidé de construire avec nos partenaires européens, notamment l'Allemagne fédérale `RFA`, un avion de transport civil : l'Airbus. Il est déjà vendu ou commandé à 424 exemplaires, ce qui est un succès sans précédent pour l'industrie aéronautique française.
- Pendant des années, autrefois, on nous parlait de la crise prochaine de l'aéronautique française, plus personne n'en parle, parce que nous avons assuré son emploi pour toutes les prochaines années.
- Dans le domaine de l'espace, la fusée Ariane a déjà conquis une part significative du marché mondial. La France développe avec l'Allemagne fédérale `RFA`, à parité, les futurs satellites de communication.
- Dans le domaine de l'informatique, la réorganisation de notre industrie nationale, qui était en grande difficulté financière et qui a été réorganisée en 1976, nous a replacé à notre rang, c'est-à-dire le premier en Europe.
- C'est pour intégrer le futur dans notre politique industrielle, pas la politique industrielle des dossiers ou des papiers mais la politique industrielle des entreprises et des travailleurs, qu'à été créé le Comité pour le développement des industries stratégiques `CODIS`.
- Sont déjà retenus comme secteurs-clés du renforcement industriel du pays : l'électronique professionnelle, les industries de l'économie d'énergie représentées en Saône-et-Loire, les machines automatiques et la robotique, appelés à un grand développement, la bureautique, c'est-à-dire l'automatisation des tâches de bureau, et la biotechnologie, c'est-à-dire l'application à la vie moderne des découvertes de la biologie.
- J'ai demandé au Gouvernement d'y ajouter l'industrie textile et l'industrie de l'habillement qui, si elles se modernisent, peuvent parfaitement demeurer compétitives.
- Car il est clair qu'aucune fatalité ne condamne aucun secteur à dépérir.\
Partout le progrès technique permet la compétitivité à condition de s'équiper et de s'organiser en temps voulu.
- Je citerai comme premier exemple l'agriculture £
- L'agriculture fondée sur l'exploitation familiale et qu'il faut soutenir parce qu'elle est en constante et rapide évolution technique. Cette évolution technique oblige les exploitants à s'équiper et à s'endetter. Et il est évident que la question des revenus est d'autant plus préoccupante pour une exploitation qu'il y a en même temps le poids de l'endettement à acquitter. C'est pourquoi je confirme, devant vous, dans cette région de Bourgogne qui a fourni à la France un grand nombre de ses grands dirigeants agricoles, l'engagement du Gouvernement de maintenir, en 1980, le revenu des agriculteurs. Les dispositions nécessaires seront prises, et d'ailleurs en-raison de leur coût devront être proposées au Parlement, dès que les comptes seront définitifs, c'est-à-dire au début décembre.
- Je peux vous dire qu'à l'heure actuelle, le Premier ministre `Raymond BARRE` et le ministre de l'Agriculture `Pierre MEHAIGNERIE` préparent, dans cette perspective, les mesures d'application en liaison avec les organisations professionnelles. Je souhaite qu'un effort particulier soit réalisé en faveur des éleveurs. Il y a des disparités dans l'évolution du revenu agricole en 1980 suivant les productions et l'une des disparités les plus fortes est celle qui a atteint les éleveurs, qu'il s'agisse des races à viande, notamment dans votre région, ou des troupeaux de montagne. Je souhaite que les dispositions prises soient des dispositions simples et rapides d'application afin que, dès la fin de l'année et dès le début de l'année 1981, les agriculteurs puissent reconstituer leur trésorerie.\
Autre activité du présent, qui devient une activité d'avenir : l'artisanat. Lorsque je commençais, dans des circonstances tout à fait différentes, ma participation à la vie politique, à la vie électorale, on se préoccupait de la disparition progressive de l'artisan et du petit commerce. Or, l'artisanat auquel je m'adressais récemment, devant l'ensemble des Chambres de métiers pour traiter avec lui ces problèmes de fond, crée, à l'heure actuelle, 30000 emplois par an. Nous devons donc rendre hommage à la vitalité de l'artisanat français et à l'effort de formation qu'il accomplit.\
Enfin, les grandes industries anciennes qui, si elles sont modernisées, peuvent être toujours compétitives, je pense dans votre région à la sidérurgie. L'année dernière on reprochait au Gouvernement, avec, il faut bien le dire, plus ou moins de bonne foi, de vouloir liquider la sidérurgie française. Alors que l'effort qui était entrepris pour la survie de la sidérurgie française, effort auquel l'Etat a consacré des moyens considérables qui figurent encore dans les comptes budgétaires de la France pour cette année, lui permet de devenir progressivement une des plus compétitives d'Europe.
- Je souhaite que l'outil sidérurgique français continue sa modernisation. Il y a, à l'heure actuelle, une crise de la sidérurgie dans le monde, une crise de la sidérurgie en Europe. Mais je voudrais attirer votre attention sur deux points :
- Lorsqu'il y avait une crise de la sidérurgie française dans les dernières années, par exemple en 1975, elle apparaissait comme une des plus faibles d'Europe. On disait : mais regardez la situation de la sidérurgie belge, luxembourgeoise, allemande. Aujourd'hui, on peut dire que la sidérurgie française fait face mieux que les autres sidérurgies européennes à la crise actuelle parce qu'elle s'est réorganisée.
- Ma deuxième observation c'est que, pour la première fois et à la différence de 1975, l'Europe a pu aboutir hier soir à des solutions raisonnables d'organisation de son marché sidérurgique qui vont permettre, en-particulier à nos deux grandes entreprises et également à nos entreprises d'aciers spéciaux, de maintenir l'emploi au niveau que nous nous étions fixé.\
L'avenir, c'est aussi la jeunesse de la France.
- Cette jeunesse si vivante, si sympathique, si capable, sur laquelle repose l'avenir de notre pays et que l'on forme à Autun, dans les différents établissements d'éducation civils et militaires. Il est vrai que les difficultés économiques rendent plus difficile qu'autrefois l'entrée des jeunes dans la vie professionnelle. Il est vrai que pour de nombreux jeunes, jeunes filles, jeunes gens, il y a une préoccupation grave concernant les perspectives de leur futur emploi.
- Il est vrai également que notre système éducatif ne les formait pas encore suffisamment aux exigences des métiers et de la vie active. Et que nous avons constaté que chaque année deux à trois cent mille jeunes Françaises et jeunes Français terminaient leur formation sans avoir de préparation directe à une activité professionnelle.
- C'est pourquoi, pour la quatrième année consécutive, les pouvoirs publics viennent de mettre en place un nouveau pacte pour l'emploi. Les pactes précédents avaient déjà donné des résultats. Mais les premiers résultats de cette rentrée 1980, tels que nous les connaissons par les indications nationales mais aussi par les renseignements qui viennent des départements et des régions, sont nettement supérieurs à ceux de l'an passé. L'effort de tous doit se poursuivre pendant l'automne 1980 pour aboutir à un niveau de placement des jeunes dans la vie active et dans les entreprises nettement supérieur aux chiffres de 1979.
- C'est pourquoi également j'ai demandé au Gouvernement d'arrêter un plan de cinq ans destiné à donner à tous les jeunes, quelle que soit la filière suivie, une formation professionnelle minimale avant le moment où ils recherchent leur premier emploi. Ce plan de cinq ans sera arrêté et rendu public d'ici la fin de l'année.\
Enfin, troisième exemple de la manière dont le futur se prépare, j'ai demandé que la recherche scientifique soit placée en tête des priorités retenues dans le VIIIème Plan, c'est-à-dire pour la période 1980 - 1985. Je souhaite que les différentes villes, les différentes régions recherchent comment elles peuvent contribuer, comment elles peuvent bénéficier aussi de cet effort d'accroissement de notre recherche scientifique.\
Lorsque je suis avec vous cet après-midi à Autun, ou lorsque j'étais il y a trois jours avec les responsables du Massif central, vos voisins, lorsque j'étais il y a trois semaines dans le Nord - Pas-de-Calais ou lorsque, dans trois semaines, je ferai le bilan de la première année du Plan du Grand Sud-Ouest, c'est de l'avenir des régions dont je me préoccupe avec tous ceux qui en sont responsables, par un travail en profondeur qui comporte désormais le dialogue républicain.
- Vous le voyez :
- Jamais notre pays n'a autant pensé en termes d'avenir.\
Le rôle du Président de la République, c'est aussi de garantir le présent. Préparer l'avenir, mais aussi essayer de garantir le présent.
- Je ne vous parlerai pas aujourd'hui d'économie et de situation sociale : sachez cependant qu'elles sont au coeur de mes préoccupations, et que j'aurai l'occasion prochainement de vous en faire le point. Mais je veux vous parler d'une autre garantie, qui vous touche directement, celle de la sécurité de la France et des Français.
- Cette sécurité, nous demandons à trois des grandes institutions de la République : la Défense vis-à-vis de l'extérieur, la Justice et la Police à l'intérieur, de nous l'assurer.
- Nous ne cherchons pas à obtenir n'importe quelle sécurité, par la terreur ou la loi du Talion. Nous sommes plus exigeants, et nous avons raison de l'être : nous voulons la sécurité dans la liberté. C'est plus difficile, mais c'est nécessaire. Comment l'obtenir ?
- Il est vrai que malgré une série d'attentats, notre pays a échappé aux vagues de terrorisme qui ont frappé ou qui frappent tels des pays voisins, proches et amis. Mais le terrorisme cherche de nouvelles recrues, et tente de traverser nos frontières. Et la violence la plus basse, celle qui frappe ou qui enlève pour de l'argent, s'exerce dans beaucoup de nos villes.
- Nous ne tomberons pas dans le piège qui serait de répondre à l'attentat par la réduction des libertés individuelles, par les représailles ou par l'inquisition. Notre pays est tellement imprégné de liberté qu'il en oublie parfois les bienfaits. Il suffit de se déplacer dans le monde, il suffit de feuilleter les pages des journaux pour voir que la France reste un havre de liberté, protégé et reconnu comme tel £ des libertés qui vous semblent élémentaires et qui sont refusées à d'immenses populations dans le monde.
- Liberté de circuler et de choisir sa résidence £ liberté d'entreprendre et d'acquérir £ liberté de penser, de croire, et de s'exprimer comme on veut £ liberté de s'associer, de se syndiquer sans que d'autres rédigent pour vous le statut de votre syndicat £ liberté de voter pour qui l'on veut. A ces libertés, la France ne renoncera pas. C'est un de ses plus beaux héritages, depuis MONTESQUIEU et 1789. Nous y resterons fidèles.\
C'est sur la solidarité des citoyens, et sur le fonctionnement des institutions républicaines de la Justice et de la Police, que nous assurerons notre sécurité.
- D'abord la solidarité des citoyens, pour rejeter ensemble, à voix haute, les germes sinistres de la xénophobie et du racisme, et aussi le soutien feutré à la violence ! Il faut écarter ce désordre de l'esprit, qui consiste à donner, toujours et partout, tort aux responsables, aux institutions et aux intérêts de son propre pays. Ce dérèglement de l'esprit qui consiste à dénoncer, les jours pairs, le soi-disant laxisme de l'Etat face aux violences terroristes, et à lui refuser les jours impairs, les moyens légaux de les combattre !
- Regardons la justice française : c'est une des plus anciennes d'Europe, liée à l'histoire de notre droit. Chacun sait qu'elle est parfaitement honnête.
- Président du Conseil supérieur de la Magistrature, j'affirme et je vérifie chaque fois qu'il est nécessaire, que son indépendance est rigoureusement respectée. Il n'est pas acceptable qu'on l'insulte, qu'on la dénigre, qu'on la blesse. La justice républicaine a droit au respect, pour chacun de ses membres. Qui peut s'arroger, au nom de quel mérite, de quelle vertu, de quelle prétention, le droit haineux de dénigrer la justice et de juger les juges ?\
Quand aux hommes qui assurent notre sécurité, qui sont des Français courageux et modestes, qui prennent des risques volontaires pour protéger une vie, ou poursuivre un criminel, dont beaucoup laissent derrière eux des foyers déserts et pour toujours désespérément vides, ils ont droit au soutien, à l'estime, à l'affection de leurs concitoyens.
- Oui, je le dis, je pense souvent comme vous tous au sort si injuste des victimes : la mère et sa fille, le convoyeur père de six enfants, le jeune agent de police, le gendarme qui servait à l'Elysée. Est-ce que la société n'a pas le devoir d'entendre aussi leurs voix timides ?
- Notre police, notre gendarmerie, défendent courageusement et dignement la sécurité républicaine. Elles doivent être dotées des moyens matériels indispensables. Le Gouvernement y veille. Leur action sera conduite et soutenue avec toute la fermeté nécessaire. Le Gouvernement manifestera cette fermeté chaque fois qu'il le faudra, et vis-à-vis de qui il le faudra. Mais plus encore, elles doivent bénéficier de la solidarité morale des Français. Je sais qu'elles peuvent y compter.\
Solidarité
- C'est le mot qui monte dans le désordre de notre temps. A l'époque, pas si lointaine, de l'abondance et des excès de consommation, c'était le règne du chacun pour soi, c'était le règne du partage dans lequel chacun voulait avoir la plus grande part. Aujourd'hui, la solidarité se resserre.
- Solidarité pour préparer ensemble l'avenir de l'économie française face à ces multitudes dont je vous parlais tout à l'heure.
- Solidarité pour réserver les gains de pouvoir d'achat aux moins favorisés : personnes âgées, handicapés, familles nombreuses, femmes seules, travailleurs aux faibles rémunérations.
- Solidarité pour assurer, ensemble, la sécurité de la France par sa défense, et la sécurité des Français par la confiance témoignée à sa justice et à sa police.
- Solidarité pour être un grand peuple, actif, chaleureux, comme serait une famille de cinquante-trois millions de membres, qui organise librement son avenir, protège et aide les plus faibles, met en commun ses efforts £ et non une communauté dispersée, divisée dans l'aigreur, livrée aux ambitions et aux combinaisons de rencontre.
- Un grand peuple - le nôtre. Et c'est, monsieur le maire, cette solidarité dont nous témoigne Autun, ville moyenne de la France, une de ces villes étroitement liées à notre histoire depuis deux mille ans, enfoncées dans notre sol, une de ces villes aux racines si profondes que la France peut venir s'y ancrer pour résister aux tempêtes, avant de poursuivre, à la première éclaircie, son long et glorieux voyage.
- Vive Autun !
- Vive la France !\