28 octobre 1980 - Seul le prononcé fait foi

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Discours d'introduction de M. Valéry Giscard d'Estaing à la réunion de travail sur la région du Massif central, Paris, Palais de l'Élysée, mardi 28 octobre 1980

Je vous remercie, messieurs les présidents d'avoir bien voulu participer à cette séance de travail sur la situation et l'avenir du Massif central.
- Il y a cinq ans, le 23 septembre 1975 `date`, au Puy, j'avais annoncé le lancement d'un plan de développement du Massif central. A l'époque, le Gouvernement avait défini une série d'orientations qui portaient pour l'essentiel, sur cinq années, période correspondant à l'exécution du VIIème Plan.
- Au moment où cette période s'achève, il m'a paru utile de faire le point de l'exécution de cette première phase du Plan Massif central. Et de préparer, avec les responsables politiques et socio-professionnels de la région, les orientations de la phase suivante, c'est-à-dire de la prochaine période quinquennale.\
Pour procéder à cet examen, j'ai pensé que la meilleure formule consistait à engager le dialogue entre les représentants de l'Etat, au plus haut niveau, et ceux des régions et des départements concernés. C'est pourquoi participent à cette séance de travail :
- - Le Premier ministre `Raymond BARRE`, et les ministres directement concernés par l'application du plan Massif central : les ministres de l'Agriculture `Pierre MEHAIGNERIE`, de l'Industrie `André GIRAUD`, du Commerce et de l'Artisanat `Maurice CHARRETIER`. Le ministre des Transports `Daniel HOEFFEL` a été retenu par une importante réunion internationale.
- Les membres du Gouvernement originaires du Massif central, le ministre de la Santé `Jacques BARROT` et le secrétaire d'Etat chargé des industries agro-alimentaires `Michel DEBATISSE`.
- Les présidents des assemblées régionales de l'Auvergne et du Limousin et les présidents des conseils généraux des treize départements du Massif central.
- Les présidents des organismes socio-professionnels régionaux ou interrégionaux qui contribuent le plus directement à l'exécution du Plan Massif central.
- Le délégué à l'aménagement du territoire `André CHADEAU`, les préfets des régions Auvergne et Limousin et le commissaire à l'aménagement du Massif central.\
Avant d'examiner les divers points de l'ordre du jour, je voudrais faire trois observations pour introduire notre débat :
- Le Massif central reste l'une des régions prioritaires de notre politique d'aménagement du territoire.
- En cinq ans, le Massif central et la France ont changé. Il nous faut prendre la mesure de ces changements et en tirer les conséquences.
- L'action à conduire en faveur du Massif central doit être à la fois poursuivie, amplifiée et réorientée.\
- Le Massif central reste une région prioritaire - En disant cela, j'exprime, en tant que Président de la République, une volonté politique nationale. Cette volonté, je voudrais que chacun, aujourd'hui en mesure bien la portée.
- Depuis l'après-guerre, le développement de la France était fondé sur la détente internationale, l'ouverture européenne, l'accès à des énergies et des matières premières abondantes et à bon marché.
- La période dans laquelle nous vivons se caractérise, au contraire, par un accroissement des tensions dans le monde, une extension planétaire de la concurrence internationale, un renchérissement considérable du prix de l'énergie. Cette situation a bouleversé bien des pays, même ceux dont l'économie paraissait la plus solide. Face à cette compétition de plus en plus vive, la France aurait pu retenir une stratégie différente. Une stratégie de concentration des moyens sur les points les plus forts, c'est-à-dire, sur les régions qui disposent, soit de ressources naturelles ou humaines abondantes, soit d'un potentiel industriel puissant, soit de facilités de communications à l'échelle européenne ou mondiale.
- La France n'a pas fait ce choix. Le Gouvernement a décidé, au contraire, de mettre en valeur l'ensemble des ressources nationales, en aidant les régions et les départements moins favorisés à revenir dans le peloton de tête. Cette politique concerne le Massif central, comme elle concerne le grand Sud-Ouest, dont plusieurs départements sont ici représentés.\
Les conséquences concrètes de ce choix se traduisent dans l'effort d'investissement public de l'Etat en faveur du Massif central, et dans l'ensemble des aides à l'économie régionale.
- Pour ne citer que l'exemple de l'agriculture, le Gouvernement a récemment décidé une série de mesures en faveur de l'élevage en montagne et de l'installation des jeunes.
- Le ministre de l'Agriculture précisera tout à l'heure le détail de ces mesures. Si l'on additionne le total des crédits publics qui bénéficient aux exploitations agricoles du Massif central - j'exclus volontairement les retraites - l'aide de l'Etat représentera en 1981 une moyenne annuelle de 11000 francs par exploitation. Au total, on peut évaluer à 1,2 milliards de francs le surcoût annuel que s'impose la collectivité nationale pour maintenir dans le Massif central une vie rurale et urbaine de qualité, une occupation raisonnable des sols, des activités économiques modernes, compétitives ou promises à la compétitivité.
- Pourquoi ce choix, et pourquoi ce coût ? Contrairement à ce que vous pourriez croire, il ne faut pas en chercher la seule raison dans les sentiments qu'autour de la table du Conseil des ministres - cette même table évoquant, pour les uns, des souvenirs, anticipant, pour les autres, des ambitions nationales - tel ou tel d'entre nous porte envers sa région natale.
- C'est d'abord un choix fondé sur la raison. Au-sein de l'ensemble européen, la France de la fin du siècle a trois richesses majeures : la qualité des femmes et des hommes £ l'importance de l'espace disponible £ la variété des vocations naturelles de ses régions. Trois richesses, et donc trois raisons pour mettre en valeur l'Auvergne, le Limousin et les départements voisins.\
- En cinq ans le Massif central a déjà commencé de changer - Je souhaite que notre séance nous permette de mieux évaluer ces changements. Je me bornerai, pour l'instant à deux remarques :
- Première remarque : toutes les décisions annoncées en 1975 ont été exécutées. Les programmes prévus ont été engagés ou mis en oeuvre. A-titre d'exemple, les seuls crédits routiers sont passés de 150 millions de francs en 1975 à 340 millions de france en 1980. 200 kilomètres de routes nationales ont été aménagées. 45 kilomètres d'autoroutes sont ouvertes à la circulation entre Clermont-Ferrand et Saint-Etienne.
- Deuxième remarque : certaines évolutions défavorables, caractéristiques du Massif central, ont commencé de s'infléchir :
- L'exode rural s'est sensiblement ralenti, d'environ un tiers, d'après les chiffres provisoires disponibles.
- Globalement, le taux de chômage reste nettement inférieur à la moyenne nationale. Au-cours des trois dernières années, le nombre des emplois salariés a augmenté de 10000 en Auvergne et de 4500 en Limousin.
- En 5 ans 3 milliards de francs d'investissements industriels ont été réalisés avec l'aide de l'Etat. L'industrie régionale s'est développée. Elle s'est aussi diversifiée, notamment dans les secteurs du bois, de l'agro-alimentaire, de la construction électrique et électronique.
- L'artisanat a créé près de 14000 emplois dans les deux régions.\
- L'effort en faveur du Massif central doit être poursuivi, amplifié et, en partie, réorienté - Il doit être poursuivi et amplifié, parce qu'il faut consolider ces premiers résultats et mener à bien les programmes à moyen terme, notamment dans le domaine routier. Mais l'effort doit être aussi réorienté en-fonction des changements constatés, c'est-à-dire des premiers succès mais aussi de leurs limites. Aussi je propose qu'au-cours de cette séance, et des réunions de concertation qui suivront, avec les ministres compétents, nous gardions constamment à l'esprit trois questions de fond.
- 1ère question : Quelle peut être la vocation économique du Massif central désormais mieux ouvert sur les régions voisines ?
- Le premier effort du programme Massif central a porté sur les communications et les télécommunications. Cet effort, nous commencerons à en recueillir les bénéfices d'ici trois à quatre ans, avec l'achèvement des deux grandes liaisons autoroutières et l'avancement des travaux d'aménagement de la N9 `route`. C'est donc maintenant qu'il faut réfléchir aux nouvelles chances économiques du Massif central, enfin débarrassé du handicap de l'isolement géographique. Cette vocation reposera au premier chef sur la valorisation des ressources agricoles, c'est-à-dire l'industrie alimentaire, la filière bois, la filière cuir.
- Le Massif central doit rester pour les Français la région verte, la région de l'environnement de qualité, avec ce que cela signifie pour le tourisme et le thermalisme.
- Mais, à l'approche du XXIème siècle, le Massif central ne peut rester à l'écart des activités dont dépend l'avenir national : énergie nucléaire, énergies nouvelles, industries du futur. Parmi ces activités, lesquelles correspondent le mieux aux aptitudes de la région ? Il ne faut pas que le Massif central soit "en retard d'un Plan". Le Massif central doit aussi avoir sa part dans le développement de notre potentiel de recherche.\
2ème question : comment freiner davantage la désertification des zones rurales de montagne ?
- L'expérience montre que nous arrivons à retenir assez bien la population jusqu'au niveau du chef-lieu de canton, mais que les petits villages continuent de perdre leur substance.
- Est-ce que les efforts consentis en faveur de l'artisanat et du commerce ruraux, de la pluri-activité, de l'installation des jeunes, de l'amélioration des conditions de vie, du maintien du service public sont suffisamment efficaces ?\
3ème question : comment résoudre les problèmes spécifiques du Limousin et de certains bassins d'emplois en difficulté ?
- J'ai eu l'occasion de m'en entretenir la semaine dernière avec les présidents des assemblées régionales du Limousin : au-sein du Massif central, le Limousin est une région dont le dynamisme démographique et économique reste insuffisant.
- De même certains bassins d'emplois connaissent des difficultés particulières. Des reconversions remarquables ont été réussies notamment à Saint-Eloy-Les-Mines. Un effort considérable a été fait en faveur du bassin de Decazeville, conformément aux orientations que j'avais annoncées, il y a un an, à Villefranche-de-Rouergue.
- Des problèmes demeurent, notamment au Puy, à la suite des récentes inondations, et à Montluçon, où le taux des demandeurs d'emplois atteint un niveau préoccupant. Je demande au Gouvernement d'être attentif à ces disparités régionales.\
Je voudrais enfin insister sur l'importance de la concertation, et sur le rôle des assemblées `régionales` ou des organismes que vous représentez.
- L'Etat peut beaucoup. Il ne peut pas tout. Et d'ailleurs il est souhaitable qu'il ne puisse pas tout. Il l'a prouvé, en faveur du Massif central, depuis 1975. Le Gouvernement décidera ou vous proposera aujourd'hui de nouvelles mesures. Mais c'est d'abord de l'initiative des femmes et des hommes du Massif central, et des responsables politiques et économiques de la région que dépend son avenir.
- C'est pourquoi, le Gouvernement sera attentif aux projets ou aux programmes d'actions conjointes que vos assemblées pourraient proposer pour renforcer ou diversifier les fondements économiques du Massif central.\