10 octobre 1980 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution prononcée par M. Valéry Giscard d'Estaing à la Chambre régionale de Commerce et d'Industrie de Lille, sur le développement de la région Nord-Pas-de-Calais, vendredi 10 octobre 1980

Je vous remercie, monsieur le président, pour vos paroles de bienvenue et pour l'accueil, qui est poour moi le troisième, de la Chambre régionale de Commerce et d'Industrie du Nord - Pas-de-Calais.Ï En effet, comme le temps passe ! Voilà quatorze ans, je faisais ici une conférence dont vous avez rappelé le sujet toujours d'actualité. Puis je suis venu dans l'exercice de mes fonctions antérieures de responsable `ministre` de l'Economie et des Finances. Et me voici comme Président de la République sous le "second beffroi" de Lille. Ce surnom, dans cette région, est aussi un compliment. Car cette appellation de "second beffroi" est justifiée par l'activité de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Lille et de la Chambre régionale dont je me réjouis d'être l'invité aujourd'hui.\
Vous avez noté la présence de nombreux membres du Gouvernement qui, en effet, m'accompagnent dans ce voyage, que j'ai qualifié de "voyage officiel de travail" dans le Nord - Pas-de-Calais.Ï Il y a là les ministres qui sont présents en-raison de leur compétence générale. Je mentionnerai naturellement le ministre de l'Industrie `André GIRAUD`, directement concerné par tous les problèmes de votre grande région industrielle, et qui est en même temps le ministre de l'Energie, problème central pour l'avenir de cette région. Puis le ministre du Travail `Jean MATTEOLI` et de la Participation, qui s'occupe de tous les problèmes de l'emploi, problèmes dont je sais qu'ils sont, à l'heure actuelle, au-coeur des préoccupations de la région du Nord - Pas-de-Calais, et en-particulier de sa jeunesse.Ï Il y a aussi le secrétaire d'Etat chargé de la Formation professionnelle `Jacques LEGENDRE`, rattaché désormais au Premier ministre, et vous savez combien ce problème de la formation est essentiel pour l'avenir de la région. Il y a également les autrres ministres que vous avez mentionnés.Ï Mais je ne crois pas que vous avez mentionné le ministre chargé des simplifications administratives `Jean-François DENIAU`. Constatant cette omission, j'ai été tenté de penser que vous estimiez que les simplifications administratives étaient choses faites et qu'il n'y avait pas besoin de ministre à cet égard. Je crois que j'aurais alors dépassé votre pensée.Ï Si vous comptez le nombre de ministres et de secrétaires d'Etat issus du Nord, au nombre desquels naturellement je rappelle la présence de mon ami Norbert SEGARD, vous vous apercevez qu'il y en a trois originaires de votre grande région. Comme il y a plus de vingt régions françaises, vous voyez que vous êtes représentés de manière plus que proportionnelle dans le Gouvernement de la République.\
Sous votre impulsion, monsieur le président, les deux Chambres de Commerce, je veux dire la Chambre de Commerce régionale et la Chambre de Commerce de Lille - Roubaix - Tourcoing, ont donné des dirigeants d'entreprise du Nord - Pas-de-Calais, une image nationale qui est faite de compétence, d'ouverture sur l'avenir, et de tradition humaniste.Ï En-particulier, il y a quelques années, votre contribution à la réflexion engagée sur la réforme de l'entreprise, et vous l'évoquiez d'ailleurs dans mon bureau de l'Elysée voici quelques jours, a eu des échos au-delà des collines de l'Artois et de la Vallée de la Sambre. Et j'aurai l'occasion, tout à l'heure, de faire allusion à un vote d'hier, à l'Assemblée nationale, que je considère comme important. Je suis heureux d'avoir aujourd'hui, grâce à vous, l'occasion de m'adresser aux chefs d'entreprises du Nord et du Pas-de-Calais, c'est-à-dire aux premiers responsables de l'avenir économique de votre région.\
Hier après-midi, j'ai tenu une longue séance de travail avec les assemblées régionales. Les responsables régionaux, élus et socio-professionnels, m'ont posé de nombreuses questions sur l'avenir économique du Nord - Pas-de-Calais et j'ai répondu longuement à ces questions.Ï Je vais reprendre devant vous l'ensemble de ce développement. J'avais pensé dans une vue un peu simplificatrice que j'aurais pu hier parler des grands équipements régionaux, et parler, devant vous ce matin, de l'avenir industriel et économique de la région. Mais on ne peut pas séparer complètement les deux sujets. J'ai donc parlé des deux sujets hier, et je reprendrai sur certains points les indications que j'ai données hier soir. Sur des matières aussi importantes je tiens à vous apporter une information directe. Il vaut mieux après tout confirmer que se contredire.Ï Et je n'aurais pas entrepris ce voyage, si je n'avais pas eu d'abord le sentiment qu'il pouvait et devait redonner confiance et espérance. L'avenir de nos industries dépend avant tout de la qualité de nos entreprises : de la qualité de ceux qui les dirigent, comme de ceux qui y travaillent. Et c'est en sachant ce que vous faites, en connaissant ce que vous m'avez rappelé d'ailleurs à l'instant, monsieur le président, que je viens vous parler de l'avenir économique de la région et aussi, en quelques mots, de l'avenir économique de la France.\
Sur la grande région du Nord - Pas-de-Calais, j'ai acquis trois convictions. Et je vous demande de les noter. Dans le monde moderne, où l'esprit est accablé, en réalité dispersé par un trop grand nombre de messages, il faut toujours chercher à revenir à quelques points d'ancrage essentiels. Je souhaiterais que vous reteniez les trois convictions suivantes :Ï D'abord, la France a besoin d'un Nord industriel, actif et puissant. La France en a besoin. Notez combien, par exemple, ce voyage a retenu l'attention de tous les grands moyens d'information nationaux, régionaux cela va de soi, mais nationaux et combien actives ont été les études, les analyses de la situation du Nord - Pas-de-Calais. Pourquoi ? C'est parce que toute la communauté nationale sait qu'il est très important pour elle que le Nord - Pas-de-Calais soit une région industrielle, puissante et active.Ï Ma deuxième conviction, c'est que l'avenir de votre région sera d'abord un avenir industriel.Ï Et enfin, ma troisième conviction qui naturellement contredit certaines analyses développées ici et là, c'est que cet avenir se construit déjà sous nos yeux.\
Je crois en l'avenir économique du Nord - Pas-de-Calais pour quatre raisons objectives : la jeunesse, la géographie, la tradition industrielle, la solidarité nationale. Et d'abord, la jeunesse.Ï Le Nord est riche d'une jeunesse nombreuse - 43 % de moins de vingt-cinq ans - et d'un potentiel de formation de qualité : cinq universités et treize écoles d'ingénieurs. Certes, l'emploi des jeunes pose aujourd'hui un problème difficile - et j'y reviendrai - mais la présence de la jeunesse, de son dynamisme et de ses qualités, c'est avant tout une chance. Il serait d'ailleurs paradoxal que sur-le-plan national on se préoccupe à juste -titre de la situation démographique de notre pays, et que, par contre, on se préoccupe dans le Nord de la présence d'une jeunesse nombreuse. On ne peut pas à la fois se préoccuper de l'un et de l'autre.Ï Je pense, au contraire, que la présence de la jeunesse du Nord est, pour l'avenir, une des grandes chances du Nord. Vous savez que les données acquises de notre démographie, c'est-à-dire les naissances qui ont eu -lieu il y a quinze ou vingt ans font qu'à-partir des années 83 - 84 `1983 - 1984`, nous allons nous trouver dans une situation d'évolution de notre population active tout à fait différente. A l'heure actuelle, nous avons encore tous les ans un excédent, un supplément de jeunes qui arrivent sur le marché du travail, plusieurs centaines de milliers.Ï Cet excédent diminue d'année en année, environ 30000 par an, et il va se renverser à-partir des années 84 - 85. Il y aura dans l'équilibre économique et social de la France et d'ailleurs dans la situation de l'emploi une dimension tout à fait nouvelle. Il est important que le Nord puisse compter précisément sur la présence, le dynamisme et, monsieur LEGENDRE, la bonne formation de sa jeunesse.\
En second lieu, la géographie. La géographie a été pendant longtemp à l'origine des malheurs du Nord, puisque vous l'avez rappelé, monsieur le président, les gens du Nord ont rebâti inlassablement leur maison, leurs usines entre deux guerres et deux invasions. Et pour la première fois dans l'histoire, bien précieux et naturellement comme tous les biens acquis, bien sous évalué, la paix européenne donne au Nord tous les avantages de sa géographie. Les quatre plus grands marchés de consommation de l'Europe occidentale sont à moins de 300 kms de votre région, qui est placée au-coeur du réseau européen de voies ferrées, maritimes, fluviales et auto-routières. Et l'agglomération lilloise est une des rares métropoles françaises qui ait un rayonnement international.\
Troisième raison d'espérance, c'est la tradition industrielle du Nord - Pas-de-Calais. Cette tradition industrielle, on l'évoque parfois comme un symbole de désespérance ou de déclin de votre région, dont les industries ont été, en effet, sévèrement atteintes par la crise. Mais je retiens de cette tradition industrielle, la raison d'espérance car qu'est-ce que c'est qu'une tradition industrielle ? C'est à la fois l'esprit d'entreprise, qui est la clé de l'avenir du Nord. Je vous dirai, tout à l'heure, comment l'Etat peut aider un certain nombre d'actions ou d'initiatives dans le Nord, mais je rappelle ici devant vous que l'esprit d'initiative est la clé véritable de l'avenir du Nord - Pas-de-Calais. C'est aussi un potentiel de formation technique, une main-d'oeuvre courageuese et qualifiée.Ï Or, un tel capital ne se bâtit pas en un jour. Il faut près d'un siècle pour développer le potentiel industriel d'une région. La France a trop peu de régions de tradition industrielle pour pouvoir se permettre le luxe de ne pas utiliser pleinement les forces du Nord - Pas-de-Calais. Je le répète : la France a besoin du Nord. Et c'est pourquoi les gens du Nord peuvent compter sur la solidarité nationale. Une solidarité qui lui est due pour les sacrifices consentis pendant les guerres, et pour toutes les batailles économiques gagnées, notamment au lendemain de la dernière guerre. Mais aussi, une solidarité conforme à l'intérêt national.\
L'avenir économique du Nord - Pas-de-Calais sera d'abord un avenir industriel. Tout ce que j'ai vu, entendu et lu depuis la préparation de ce voyage me le confirme : c'est l'emploi qui est au-coeur des préoccupations régionales et l'entretien que j'avais ce matin avec un certain nombre d'élus de la région m'a confirmé dans cette analyse.Ï C'est donc le problème de l'emploi que nous devons traiter, le traiter comment ?Ï Il faut le traiter en renforçant et en complétant les fondements économiques de la région. Ces fondements sont et resteront des fondements industriels. Si ces fondements industriels devaient s'effondrer, il n'y a aucune activité de remplacement qui puisse venir en quelques années assurer l'équilibre de l'emploi.Ï L'industrie du Nord - Pas-de-Calais s'est construite sur trois piliers : le textile, le charbon, la sidérurgie. Les piliers demeurent, même s'il faut aujourd'hui les moderniser et les consolider. L'avenir de la région repose toujours sur eux, mais il doit s'élargir en même temps vers de nouveaux secteurs, de nouvelles activités et notamment des secteurs de pointe.Ï Je crois, monsieur le président, sans nous être concertés autrement que par notre entretien que notre analyse se rejoint sur ce point. Et d'abord les trois piliers.\
Il est faux de dire que l'industrie textile est l'industrie des pays pauvres et, que les grands pays industriels sont condamnés à l'abandonner. C'était en gros ce qu'on entendait dire il y a quelques années et ce n'est pas exact. Les industriels du textile le savent bien car la menace ne vient pasprincipalement des pays en développement : les importations en provenance des pays en développement ne représentent aujourd'hui que 20 % environ de nos importations.Ï La véritable compétition est le fait des grandes nations industrielles qui assurent près de 80 % de nos importations et avec lesquelles la balance de notre commerce extérieur textile est malheureusement négative.Ï L'industrie textile française n'est pas condamnée mais c'est une des rares qui doit lutter en même temps sur deux fronts : le front des pays en développement, le front des pays industrialisés. Or, les stratèges savent combien il est difficile de lutter en même temps sur deux fronts. Elle dispose de toutes ses chances, si elle se modernise en faisant appel en-particulier aux puissants progrès des industries électroniques et mécaniques. Elle doit donc investir aujourd'hui, même si sa situation financière le rend difficile. Et c'est là qu'est, je crois, ainsi que me l'exposait le président SCHUMANN, la difficulté particulière de la conjoncture : nécessité d'investir pour une puissante modernisation à un moment où les résultats des entreprises et leur trésorerie ne leur fournissent pas des ressources suffisantes pour le faire.\
Il faut donc en tirer les leçons dans trois domaines : financier, industriel, commercial. C'est pourquoi j'ai demandé au Gouvernement que le comité de développement des industries stratégiques, présidé par le ministre de l'Industrie `André GIRAUD`, fasse du textile et de l'habillement l'un des sept secteurs clés du renforcement industriel de notre pays. Il faut bien voir que la France y a une aptitude et une vocation naturelles car le secteur de l'habillement, point d'application de l'industrie textile est un de ceux dans lequel notre pays a une réputation mondiale. Un comité interministériel, tenu sous la présidence du Premier ministre, définira, au-cours des prochains mois, un programme de renforcement intérieur et extérieur de notre industrie textile.Ï Intérieur : En-matière financière, j'ai demandé que l'accès de l'industrie textile aux financements de toute -nature, en-particulier aux prêts participatifs, soit puissamment facilité.Ï Tout projet performant d'investissement industriel et de développement commercial devra trouver un financement rapide. Et je vous demande, messieurs les présidents, d'être les garants de cette indication. S'il apparaissait au-cours des prochains mois que ce résultat n'est pas atteint, je vous demande de revenir me voir et de me dire quelle est sur ce point l'insuffisance que vous aurez relevée.\
Mais les prêts ne suffisent pas. L'effort doit porter aussi sur l'innovation industrielle.Ï Il faut donc réformer, tout en accroissant ses moyens, le comité interprofessionnel de rénovation de l'industrie textile et de l'habillement. Il faut créer une liaison directe entre les centres techniques, au premier rang desquels l'industrie textile de France, et l'Agence nationale pour la valorisation de la recherche (ANVAR).Ï Dans le secteur du textile, comme dans tous les autres, c'est la créativité industrielle qui constitue l'atout principal de la France. Car, dans la compétition internationale, il faut être actif et non passif.\
`Situation de l'industrie textile`Ï Certes, nos relations avec nos partenaires commerciaux doivent reposer sur la concurrence et sur l'ouverture des marchés, mais dans le respect des principes de loyauté et de réciprocité. Le Gouvernement doit lutter et, je le dis franchement, de manière plus active contre les fraudes et les détournements de trafic : l'exigence du marquage d'origine, depuis le 1er octobre `1980 ` date`, montre sa détermination. Mais l'application doit en être vigilante.Ï La surveillance des flux d'importation sera renforcée : s'il apparaît que des fraudes sont pratiquées, nous instaurerons des visas, comme cela a été fait pour le velours. A l'égard des pays à bas salaires, j'ai demandé au Gouvernement d'oeuvrer pour le renouvellement du -cadre de développement ordonné des échanges que constitue l'accord multifibres. Mais là aussi, il faudra veiller à ce que cet accord soit effectivement respecté. Tout cela est nécessaire. Mais il est encore plus important de prévoir l'essor de nos exportations. Il faut savoir que l'industrie française a doublé au-cours des cinq dernières années, la valeur de ses exportations. Mais cet effort doit être encore considérablement renforcé. C'est pourquoi, un comité d'expansion internationale du textile français, à la disposition des petites et moyennes entreprises, sera créé.Ï Voilà ce que nous allons faire. Il faut organiser l'offensive. L'industrie textile n'est pas une industrie archaique. C'est une industrie stratégique. C'est une industrie d'avenir. Le Gouvernement va en tirer désormais toutes les conséquences.\
Deuxième pilier de l'activité économique de la région : le charbon. Comment se pose le problème du charbon ? Je soulignerai trois conclusions essentielles :Ï La première, c'est que le charbon est une ressource d'avenir. C'est pourquoi il a été décidé de porter la part du charbon dans le bilan énergétique de la France en 1990 à 50 millions de tonnes, soit davantage qu'en 1973, avant la première crise pétrolière.Ï Ceci suppose un grand effort d'investissement de l'industrie française pour s'équiper au charbon : plus de 15 milliards de francs en dix ans. Cela suppose aussi un effort de développement technologique des utilisations du charbon.Ï L'Etat va consacrer 250 millions de francs à ce programme, c'est-à-dire à l'ensemble des "technologies nouvelles du charbon". Je compte que les centres de recherche `recherche scientifique` participent à cet effort, en-particulier le CERCHAR (Centre d'Etudes et de Recherches des Charbonnages de France) et l'IFP (Institut Français du Pétrole), ainsi que les grandes entreprises nationales.\
La seconde conclusion, c'est que la production nationale `charbon` doit assurer la plus large part possible de nos approvisionnements. Il faut d'abord bien connaître les ressources de notre sol. C'est pourquoi, il a été demandé que soit entrepris un inventaire national des ressources charbonnières.Ï Cent millions de francs de crédits seront consacrés, en cinq ans, à l'établissement de cet inventaire qui suppose, en effet, des travaux de recherches et de prospections souterraines. Il faut ensuite accorder une priorité aux recherches les plus avancées en-matière d'extraction.Ï Notre programme d'expérimentation de la gazéification souterraine est, vous le savez, un des premiers du monde. J'ai demandé au Gouvernement de poursuivre et d'amplifier cet effort pour valoriser les gisements profonds ou très profonds, dans lesquels il n'est pas possible, pour des raisons humaines évidentes, d'envisager l'exploitation par le travail humain. Puisque nous disposons de ces gisements profonds et très profonds, nous devons essayer de les valoriser précisément par des techniques nouvelles.\
Il faut enfin exploiter notre charbon dans des conditions économiques tolérables par la collectivité nationale et, dans ce domaine, il faut toujours mettre les cartes sur la table. Les Français doivent connaître le montant de l'effort financier que la collectivité fait pour exploiter du charbon national plutôt que de consommer du charbon importé : la subvention d'exploitation versée aux houillières, et je ne parle pas naturellement du problèmes des charges de retraites qui est un tout autre problème qui exprime lui, une solidarité sociale, s'élève, cette année, à 2,3 milliards de francs.Ï Ainsi, contrairement à ce que l'on dit ou écrit ici ou là, la France est, en Europe, avec la République fédérale d'Allemagne, le pays qui consacre le plus de ressources à son charbon national. Le Président de la République affirme ici, dans le Nord de la France qui a été le premier foyer de la civilisation industrielle dans notre pays, que le principe de la préférence nationale en-matière de charbon ne sera pas abandonné.\
Troisième conclusion, enfin : parce qu'il a les meilleurs atouts dû à ses traditions, le Nord - Pas-de-Calais doit bénéficier, au premier chef, des nouvelles orientations de notre politique charbonnière. D'abord la région doit connaître exactement les ressources de son sous-sol. Et c'est pourquoi l'inventaire sera notamment établi naturellement pour votre région. Ensuite, la région doit extraire son charbon, dans la limite des conditions humaines, techniques et économiques.Ï Conditions humaines qui ont été et qui restent encore souvent très pénibles et, vous le savez, du point de vue de la santé, dangereuses. C'est pourquoi, lorsqu'on parle du problème du charbon, il ne faut pas oublier le caractère, la dimension humaine qu'il faut conserver aux décisions à prendre dans ce domaine.Ï L'exploitation du gisement paraissait, jusqu'à présent, devoir se terminer au-cours de l'année 1985. C'était notamment l'indication qui avait été donnée, vous le savez, par les Charbonnages de France. L'évolution des données énergétiques, les mouvements prévisibles des prix internationaux me conduisent à vous dire, comme je l'ai fait hier soir, après m'en être entretenu avec le ministre de l'Industrie et le Président des Charbonnages de France, que vous pouvez être assurés que l'exploitation se poursuivra au-delà de 1985.\
Enfin, la région doit tirer parti des actions menées pour développer l'usage du charbon dans notre industrie. Trois exemples :Ï Ce sont les industries mécaniques du Nord qui vont bénéficier des importantes commandes de chaudières industrielles à charbon pour l'équipement de nos nouvelles centrales thermiques au charbon commandées par Electricité de France `EDF`. Ce sont les laboratoires du Nord - Pas-de-Calais, en-particulier ceux de l'Ecole des Mines de Douai, qui bénéficieront, de manière privilégiée, de l'effort nouveau de recherche-développement des techniques d'utilisation du charbon. Enfin, le négoce charbonnier et les transformations successives du charbon, qui sont appelés à prendre de l'ampleur, devront bénéficier à la fois à l'activité de Dunkerque, équipé pour être le premier port charbonnier français `importations` et également à l'installation sur la plate-forme des mines d'un certain nombre d'installations de transformation ou de valorisation du charbon. Bref, la région du Nord doit devenir la plate-forme charbonnière française.Ï Et vous savez que ceci n'est pas simplement l'affaire de quelques années. Je suis convaincu que dans les énergies fossiles, c'est le charbon qui, au-delà de l'horizon pétrolier qui, comme vous le savez, voit son terme dans quelques décennies, restera l'énergie fossile la plus consommée dans le monde. Il est donc très important que le Nord confirme et affirme, à cette occasion, sa vocation de plate-forme charbonnière française.\
Enfin, la sidérurgie.Ï Le redressement de notre sidérurgie a été engagé, vous le savez, avec une participation financière très large de la collectivité nationale. Le premier objectif était de porter la compétitivité de nos deux entreprises sidérurgiques, la sidérurgie du Nord, la sidérurgie de Lorraine, au niveau des meilleures sidérurgies européennes et mondiales. C'était, en effet, le seul moyen d'assurer des emplois sérieux, durables et qualifiés aux travailleurs de notre sidérurgie. Cet objectif est en passe d'être atteint, du point de vue technique.Ï La sidérurgie française se retrouve à un niveau de productivité qui lui permet de soutenir la compétition internationale. Le haut fourneau no 4 de Dunkerque est maintenant le plus productif d'Europe. La sidérurgie française ne doit pas, dans le même temps, souffrir du développement d'une situation anarchique de concurrence ruineuse au sein de l'Europe. Il faut savoir que si cette situation anarchique se développe, des dommages irréparables ne seront pas causés seulement à notre sidérurgie qui est désormais bien placée pour se défendre parmi les autres, et qui sera naturellement comprise et soutenue dans cette situation. En réalité, le tort serait causé à toutes les sidérurgies du Marché commun, notamment à celles qui ont cru pouvoir passer dans le passé à travers cette crise. Cette situation serait absurde et coupable.Ï C'est pourqoi notre pays a demandé l'application de l'article 58 du traité de la CECA qui décrète l'-état de crise manifeste. Huit pays sur neuf de la Communauté ont soutenu cette position et j'ai été informé que le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne ne ferait pas obstruction à l'attitude de ses huit partenaires. Nous allons donc pouvoir restaurer immédiatement une nécessaire discipline parmi les producteurs de la Communauté. Etant donné la position technique de nos entreprises, ceci comportera des effets positifs pour elles.\
Monsieur le président, vous avez parlé de la décentralisation vers le Nord. Lorsqu'on parle de décentralisation, on s'adresse toujours à l'Etat mais l'Etat ne contrôle directement qu'une partie de l'activité économique de la France. Je suis frappé, monsieur le ministre de l'Industrie, en examinant les grandes entreprises de la région, de voir que même lorsque l'outil industriel est concentré dans la région, le ou les centres de décisions n'y sont pas.Ï Pourquoi ? Il y a certaines grandes entreprises industrielles françaises, par exemple dans le Centre de la France, qui ne bénéficient pas de facilités de communication comparables à celles dont M. Norbert SEGARD dote si généreusement le Nord, et qui ont cependant leurs centres de décisions sur place. Je souhaite donc que vous regardiez avec attention les mesures à prendre pour que les services qui organisent les décisions des grandes entreprises, lorsque leur outil industriel est sur place, viennent progressivement les y rejoindre.\
Aucune donc des trois grandes industries traditionnelles `textile ` charbon ` sidérurgie` sur lesquelles a été édifiée l'activité de la région ne doit être abandonnée et vous voyez que chacune d'elle, à sa manière, peut être modernisée. Il est clair en même temps que le Nord doit se tourner vers des industries nouvelles, vers des secteurs de pointe créateurs de nouveaux emplois.Ï Vous savez que c'est une stratégie d'ensemble du Gouvernement que de placer systématiquement la France dans tous les grands secteurs créateurs d'emploi pour le futur. Il est très important de le faire parce que notre pays, très souvent, a pris du retard dans le développement de toutes les nouvelles techniques.Ï La France avait, vous le savez, mal pris en son temps le tournant du pétrole au début de ce siècle.Ï La Francce avait bien pris le tournant nucléaire au lendemain de la guerre, mais n'avait pas développé une industrie qui soit capable d'exploiter cette percée.Ï En-matière aéronautique, nous avions pris progressivement du retard, vous entendiez toujours parler de la crise de l'industrie aéronautique française : je vous prie de noter que vous n'en entendez plus parler.Ï La France était en-train de rater le tournant de l'informatique, il y a quelques années : nous avions des entreprises qui battaient de l'aile. Vous savez qu'elles ont été réorganisées et qu'elles se situent maintenant au premier rang en Europe. Donc, nous nous plaçons systématiquement dans les secteurs porteurs d'avenir. C'est ainsi que la France des années 1990 - 2000 pourra assurer l'emploi de ses jeunes. Il faut que le Nord soit présent dans ces secteurs d'avenir.\
Le Gouvernement a retenu six grands secteurs d'avenir. J'ai indiqué qu'on en ajouterait un septième, l'industrie textile et de l'habillement. Il faut que dans ces grands secteurs, le Nord s'installe en force. Sur les 1800 entreprises intéressées par les techniques de l'électronique, 250 appartiennent au Nord - Pas-de-Calais.Ï Votre région a les moyens de devenir le principal pôle de développement de la biotechnologie en France. Je suis persuadé que la combinaison de vos moyens de recherche de certaines industries agro-alimentaires, de certaines industries proches de la biomasse, je pense, par exemple, à l'industrie sucrière, peut vous permettre de prendre une telle position. C'est pourquoi l'Etat apportera sa contribution aux projets de l'Institut Pasteur de Lille.Ï De même, la vocation énergétique de la région lui donne des aptitudes évidentes en-matière d'énergies nouvelles. L'élévation continue dans les années à venir du prix relatif du pétrole liée à l'épuisement tout simplement de cette ressource naturelle, va conduire à de très importants investissements en-matière d'énergie nouvelle. Ce n'est même pas la peine de les programmer ou de les décider à l'avance, il est certain que les entreprises et les particuliers devront investir des sommes considérables dans le développement des énergies de remplacement.Ï Il est souhaitable que le Nord soit un de ces pôles d'investissement. C'est ainsi que l'Etat aidera la création à Dunkerque d'un réseau de chaleur comme j'ai indiqué hier à M. PROUVOYEUR. C'est ainsi que le laboratoire de recherches de l'industrie sucrière de Villeneuve-d'Ascq étudiera, avec l'aide du Commissariat à l'énergie solaire, la récupération de la biomasse contenue dans les déchets de sucreries.\
Je ne dispose pas du temps nécessaire, bien que je l'aurais souhaité, pour aborder tous les secteurs. Sachez cependant que Lille va devenir le second pôle national d'enseignement et de recherche pour l'industrie agro-alimentaire. - J'ai entendu demander, hier soir, tout à l'heure encore, que le Nord soit le troisième pôle national pour la recherche scientifique. Voilà un secteur ou Lille va devenir le deuxième pôle national - avec l'Institut supérieur agro-alimentaire et avec la création d'un laboratoire du service de la répression des fraudes. Il est important que les services accompagnent le développement de l'activité économique de la région.Ï Lille est déjà une place financière importante où s'exercent des responsabilités régionales notamment en-matière bancaire et elle est notre première métropole régionale en-matière d'assurances. Il convient que la COFACE et les compagnies d'assurances nationalisées développent leurs délégations régionales. Il faut aussi garder son activité à votre Bourse de valeurs.\
Je voudrais enfin m'adresser à vous, membres de la chambre régionale de Commerce et d'Industrie. A une époque où l'imagination compte plus que les matières premières, et j'y reviendrai tout à l'heure, le dynamisme commercial plus que la capacité de produire et la rapidité d'adaptation autant que la qualité du produit, la compétitivité d'une région repose d'abord sur un tissu de PMI `petite et moyenne industrie` inventives et bien gérées.Ï Le Nord - Pas-de-Calais compte une infanterie d'élite de 4500 entreprises industrielles de moins de 500 salariés. Ces entreprises emploient déjà la moitié de la main-d'oeuvre salariée de l'industrie régionale. C'est pourquoi la région a été choisie par le ministère de l'Industrie pour mener les premières actions pilotes PMI. Je l'ai dit hier, 90 conseillers de gestion sont en place dans les chambres de Commerce et le Gouvernement a choisi Cambrai pour organiser en 1981 le prochain Salon de la création d'entreprises.Ï Le président de la Chambre des Métiers sait que l'artisanat régional se montre particulièrement dynamique : 3000 emplois seront créés en 1980. Le département du Nord est passé au premier rang en France pour le nombre d'apprentis formés.Ï Aussi la dotation 1980 de prêts aidés par l'Etat à l'artisanat va être augmentée de 22 millions de francs. Et l'Etat va participer à la création de centres artisanaux, à Beuvry-les-Béthune, à Bruay-en-Artois et à Loos-les-Lille.\
Dans mes propos, j'ai souvent employé le temps du futur, comme s'il y avait des choses qui allaient se faire, mais je voudrais maintenant utiliser le présent, car il y a des choses qui se font déjà. Et c'est mon troisième point.Ï Le nouvel avenir de la région Nord - Pas-de-Calais se construit déjà sous nos yeux. Et je crois que la meilleure façon de répondre à l'inquiétude ou à l'angoisse des uns, des autres, ce n'est pas, en effet, uniquement d'indiquer ce qui se fera, c'est de rappeler ce qui se fait.Ï Premier exemple, à Trith-Saint-Léger, en face des laminoirs fermés par USINOR se dresse désormais une usine automobile qui emploiera 4000 ouvriers. L'automobile du Nord - Pas-de-Calais, qui n'employait que 2000 personnes en 1955, a maintenant 30000 salariés.Ï Le Fonds spécial d'adaptation industrielle continue d'orienter vers le Valenciennois et vers le Boulonnais des projets industriels extérieurs à la région. Les dernières semaines ont vu les décisions d'implantation d'une filiale de Renault à Marles-les-Mines et à Calonne, et d'une société pharmaceutique à Prouvy-Rouvignies.Ï En quatre ans, les créations d'entreprises ont augmenté de 50 %. Ces créations concernent notamment des secteurs tels que les machines-outils à commande numérique, les tuiles et ardoises solaires, les micro-processeurs.Ï Au-cours des six derniers mois, 31 PME de la région ont bénéficié d'une aide à l'innovation.Ï Enfin, les investissements économisant l'énergie ont permis à l'industrie régionale d'économiser, en 1979, 61000 tonnes d'équivalent-pétrole.Ï Je le répète, la France a besoin d'un Nord puissant et industriel, l'avenir de la région sera d'abord industriel, il se construit déjà sous nos yeux.\
Si j'ai souhaité fournir ces précisions et donc entrer dans un certain nombre de détails, plutôt que de faire un discours de circonstance, c'est pour donner à mon propos le caractère concret qui convient à votre assemblée et qui convient aussi à la -nature de vos problèmes. Je ne voudrais pas, qu'ayant parlé de mesures concrètes, vous en tiriez la conclusion que c'est Paris qui décide pour le Nord. Paris aide le Nord parce que tel est l'intérêt de la Nation.Ï Mais c'est bien au Nord de déterminer son avenir. C'est pourquoi, j'ai proposé hier au conseil régional, je vous propose ce matin messieurs les présidents, que le Nord nous fasse parvenir, dans un délai prochain, ses suggestions sur des orientations possibles à donner à ses activité industrielles sur les lignes de force que le Nord choisit pour tracer son propre avenir. J'en ai cité quelques-unes parce qu'elles me paraissent naturelles : plate-forme des industries de charbon, activités nouvelles liées au génie biologique mais on peut en ajouter d'autres et notamment le développement indispensable des activités mécaniques dans notre pays. Bref, messieurs les présidents, messieurs, je souhaite que le Nord - Pas-de-Calais définisse lui-même ses nouvelles vocations, en concertation bien entendu avec le ministre de l'Industrie et qu'ainsi l'opinion nationale tout entière puisse connaître les vocations industrielles d'avenir du Nord.\
Je voudrais maintenant, m'adressant, à travers vous, à l'ensemble de nos compatriotes, et en prenant pour exemple ce qui se passe ici, je voudrais parler en quelque mots de mes projets pour l'économie et pour l'industrie françaises.Ï Ici, comme dans les autres régions, l'économie française se transforme rapidement. J'ai entendu exprimer très longuement ici ou là une sorte de regrets qu'elle doive se transformer. Mais il faut bien voir que la transformation, c'est la victoire de la vie sur le déclin et que tout ce qui ne se transforme pas, tout ce qui ne s'adapte pas, est condamné plus ou moins insidieusement à connaître la décadence. Donc ici comme dans les autres régions, l'économie française se transforme rapidement. Elle le doit. Elle le peut. Elle le fait.Ï Elle le doit. Comment peut-on imaginer rester immobile alors que tout évolue dans le monde et que tout le monde le sait ? En quelques décennies le pouvoir économique s'est déplacé. L'Europe industrielle s'était d'abord fondée sur le charbon. Vous le savez bien. C'est ensuite son savoir-faire industriel qui lui a assuré le premier rang dans le monde. Premier rang qui était celui de l'industrie française mécanique, par exemple à la veille de la guerre 14 - 18 `1914 - 1918`. Premier rang qu'elle n'a jamais retrouvé à la suite des épreuves de ce conflit.Ï Les Etats-Unis ont pris le relais entre les deux guerres, héritiers de ce savoir-faire industriel et favorisés par l'espace et les ressources naturelles. Et voici que la situation se retourne. Les ressources naturelles jadis abondantes et bon marché : je vous rapelle le pétrole en 1973 à 2 dollars le baril, aujourd'hui plus de 30. A l'inverse, le savoir-faire industriel se diffuse rapidement vers certains pays à bas niveau de vie et donc à basses rémunérations.\
Ce changement va-t-il se ralentir ? Le monde va-t-il connaître enfin une période calme et tranquille ? Il faut répondre non. Nous savons, au contraire, qu'il va accélérer sa transformation au-cours du prochain demi-siècle, nous le savons de manière certaine et il faut donc nous y préparer.Ï Car, d'une-part, les ressources naturelles sur lesquelles nous vivons encore aujourd'hui, même si elles sont devenues plus chères, - le pétrole en-particulier - ne seront plus loin de s'épuiser et, d'autre-part, la révolution des nouvelles techniques et parmi elles, celles de l'informatique et celles de la robotique dont nous sous-estimons, à l'heure actuelle, les conséquences, aura exercé ses puissants effets dans toute la profondeur du tissu industriel. Donc la France n'a pas le choix, la France ne peut pas s'endormir elle ne peut pas faire la politique de la "Belle au bois dormant".\
Nous ne sommes pas dans une de ces situations où l'on peut hésiter, disserter, peser longuement le pour ou le contre, raffiner dans l'exercice de la critique et où l'on pense ainsi s'accorder quelque répit. L'industrie française doit changer, s'adapter au rythme de la compétition internationale, construire son avenir. La deuxième question est : le peut-elle ? Je vous dirais que c'est cette question qui est au fond des choses à l'origine de l'angoisse, de l'inquiétude de certains de nos compatriotes, le peut-elle ?Ï Evidemment oui. Car dans ce monde mobile, je voudrais dire qu'il y a des valeurs sûres et des valeurs qui vaudront encore plus, davantage dans cinquante ans qu'aujourd'hui.Ï Les producteurs de ressources naturelles disposent aujourd'hui de pouvoirs considérables. Mais le temps où la puissance économique est liée à la richesse du sol n'est jamais qu'une parenthèse de l'histoire.Ï J'en parlais il y a quelques mois avec les responsables du gouvernement britannique, les Britanniques ont sur nous l'avantage apparent d'avoir trouvé dans leur partie de la mer du Nord d'abondants gisements pétroliers. Ils vont pouvoir extraire en gros, 80 millions de tonnes de pétrole par an pendant une certaine période. Est-ce un avantage ppour le long terme ? Dans le même temps, ils ne développent que très lentement leur production d'énergie de remplacement et, par exemple, d'énergie électro-nucléaire. Il faut savoir que lorsque le programme électro-nucléaire français, et j'y reviendrai tout à l'heure, sera complété, nous aurons créé, pour la France, l'équivalent d'un gisement permanent de pétrole représentant l'équivalent d'une extraction de 50 millions de tonnes par an, mais 50 millions de tonnes qui ne s'épuiseront jamais.\
La nature n'est rien sans l'homme pour la modeler. La valeur sûre, la valeur indexée du futur, c'est la capacité créative de l'homme et de son outil. Ce qui -compte et ce qui continuera de compter dans l'avenir c'est la qualité des travailleurs, des cadres et des chercheurs, leur éducation, leur formation professionnelle, leur technicité, leur savoir-faire.Ï Le Japon ne dispose sur son sol d'aucune ressource. Cela, peut-être, a été sa chance. La France est capable de s'adapter au changement. Elle dispose dans la compétition internationale d'avantages inestimables : un niveau de vie élevé, une économie diversifiée, un savoir-faire technique et scientifique, des hommes qualifiés, des équipements modernes. Comparez notre situation à celle des neuf dixièmes des autres nations dans le monde. Vous conclurez vous aussi que nous disposons de meilleurs atouts et de meilleures chances qu'elles. Lorsque l'on est appelé à représenter notre pays sur tous les continents, ce qui est mon cas, l'impression que l'on ressent en revenant en France est toujours très forte. Car que voyons-nous, presque partout dans le monde, un bas niveau de vie, des économies fragiles et d'ailleurs artificielles, des multitudes malheureuses !Ï Dans notre pays, au contraire, un niveau de vie élevé, une économie robuste, un peuple actif, une aptitude générale à s'adapter aux temps nouveaux. D'où vient que notre pays, dont l'espace est restreint et les ressources naturelles limitées, sauf heureusement celles de l'agriculture, révèle de si grandes aptitudes ?Ï C'est que notre peuple constitue, dans le monde, l'un des principaux creusets du savoir scientifique et technique. C'est que les Français ont su faire montre de grandes capacités d'initiative et d'organisation pour mettre en oeuvre ce savoir et pour développer ces fabrications.Ï Voilà pourquoi la France peut affronter sans crainte la perspective du changement.\
Nous sommes relativement peu nombreux `population` dans le monde ? C'est un fait et la rhétorique quelle qu'elle soit n'efface pas la mathématique. C'est pourquoi nous devons augmenter d'autant le niveau de nos aptitudes et de nos connaissances. L'espace nous est compté. C'est vrai. Nous devons en être d'autant plus attentifs à l'efficacité et à la qualité de nos entreprises. Les ressources naturelles nous font partiellement défaut. C'est vrai. Il nous faut donc exploiter le seul gisement dont nous disposons, celui de notre intelligence et de notre savoir-faire. Mais ce gisement là, l'histoire de l'humanité est là pour nous enseigner qu'il est inépuisable. C'est précisément ce que nous faisons.\
Puisque l'industrie française doit et peut s'adapter, eh bien, elle s'adapte tout simplement. Comme il arrive souvent, l'événement se passe sans que nous en soyons nous-mêmes conscients. En quelques années, l'industrie française s'est hissée, dans de nombreux secteurs, au-niveau des meilleures.Ï En voici plusieurs exemples :Ï C'est le cas d'abord de l'énergie. L'évolution du monde, les événements actuellement en-cours au Proche-Orient confirment, s'il en était besoin, que la première qualité d'une politique est d'être fondée sur l'analyse lucide des évolutions à long terme. Dès 1974, après de premières décisions qui avaient été prises au préalable, j'ai suivi le lancement d'un programme énergétique qui, eu égard à notre taille, est le plus ambitieux en application dans le monde. Depuis, le cap a été tenu, à l'encontre de tout ce qui a été observé, malheureusement dans tous les autres pays industriels. Et vous savez que l'opinion française, dans sa sagesse, dans son discernement, a su approuver la réalisation de ce programme dont j'ai vu hier à Gravelines une des plus éclatantes démonstrations ùùù`nucléaire`.\
Les économies d'énergie réalisées en France représenteront, en 1990, presque autant d'énergie que le pétrole importé, soit 60 millions de tonnes d'équivalent pétrole.Ï Le pétrole représentait les deux tiers de notre consommation d'énergie en 1973. Il en représentera moins d'un tiers en 1990. L'énergie nucléaire, le charbon et le gaz apporteront une contribution égale ou supérieure à celle du pétrole.Ï Enfin, en 1990, les énergies renouvelables, c'est-à-dire l'hydraulique et l'énergie solaire, sous toutes ses formes, représenteront 10 % de la consommation énergétique de la France.Ï Les énergies renouvelables fourniront, à la fin de la présente décennie, trois fois plus d'énergie que toute l'énergie nucléaire en 1979.Ï Un seul exemple : celui de la centrale `nucléaire` de Gravelines qui fournira autant d'énergie que 7 millions de tonnes de pétrole, c'est-à-dire l'équivalent de 11 millions de tonnes de charbon. Et donc vous aurez, dans vos deux départements du Nord - Pas-de-Calais, en réalité, un gisement de pétrole fournissant 7 millions de tonnes de pétrole et ce gisement là, vous le garderez.Ï Voilà ce que nous avons fait. Voilà ce que nous sommes en-train de faire pour assurer la sécurité, garantir l'indépendance de notre pays, maintenir l'emploi - car la politique de l'énergie a créé plus de 100000 emplois.\
La politique énergétique de la France est depuis cinq ans un exemple pour tout le monde industrialisé.Ï Et je peux vous dire qu'il n'y a pas de grand dirigeant du monde en Europe ou au-delà de l'Océan, qui, lorsque je le rencontre, ne me dise qu'il envie la politique énergétique de la France. Je pense, monsieur GIRAUD, que vos collègues vous le disent également. Et je vous demande de réfléchir un instant à ce que serait votre situation psychologique si nous avions, il y a quelques années, imprudemment arrêté notre programme électronucléaire. Si, par exemple, la centrale de Gravelines était restée au ras de terre. N'éprouveriez-vous pas, devant les conflits du Proche-Orient, une angoisse profonde sur l'alimentation d'énergie à venir de votre région, et ne taxeriez-vous pas d'imprudence et de légèreté ceux qui auraient pris une aussi coupable décision ?Ï A-partir de 1982 - 1983, nous allons voir se raccorder à notre réseau électrique un nombre croissant de tranches de centrales électronucléaires et l'économie française en retirera largement le bénéfice, et l'avantage sur les économies concurrentes.\
La révolution de l'informatique est en-train de s'opérer. Nous avons failli en être absents. Là encore nous avons réagi vigoureusement, à-partir de 1976. Nous disposons désormais d'un groupe national, d'un groupe français, qui se situe au premier rang en Europe.Ï Les quatre premières sociétés européennes de service informatique sont françaises.Ï Au total, l'informatique assure en France l'emploi de trois fois plus de salariés que la sidérurgie. Cet effort sera poursuivi et soutenu.\
Le téléphone.Ï M. Norbert SEGARD, vous savez que j'avais proposé, en 1975, un programme national de développement de nos moyens de communication. Nous avons installé, en cinq ans, en France, plus de lignes téléphoniques que depuis l'invention du téléphone. C'est une politique qui a été délibérée et systématique. Le résultat est là d'ailleurs : autrefois, on parlait du téléphone pour s'en plaindre. Aujourd'hui, on parle au téléphone pour s'en servir.Ï L'industrie française du téléphone était totalement absente sur les marchés mondiaux. La plupart d'entre vous descendant dans des hôtels étrangers : avaient-il jamais vu un téléphone français ? Jamais.Ï Cette industrie est présente maintenant sur presque tous les marchés du monde et pas avec n'importe quelle technique, avec, au contraire, des techniques d'avenir qui font qu'elle emporte des marchés dans les pays les plus avancés.Ï Pour permettre à notre industrie de conforter la position internationale de la France, vous savez que nous avons décidé le lancement du satellite de télécommunications "TELECOM 1", puis, l'année dernière, le développement, en coopération à parité avec l'Allemagne fédérale de satellite de télédiffusion directe et le programme se déroule conformément aux décisions prises.\
Notre industrie aéronautique et spatiale est la deuxième du monde. Le lancement d'ARIANE `fusée`, la vente programmée de 324 avion `avion` Airbus à 35 compagnies, et nous avons noté au-cours des dernières semaines un certain nombre de commandes supplémentaires, dans un domaine auparavant entièrement contrôlé par les Etats-Unis d'Amérique, c'est-à-dire de gros avions de transport, les commandes récentes de notre nouveau moteur CFM 56 permettent d'assurer des emplois durables à plus de 120000 ouvriers, qui travaillent principalement pour l'exportation.\
Au-delà des industries de pointe, un puissant courant de modernisation doit être mis en-oeuvre dans toutes les industries du pays. Il n'est pas d'industrie condamnée. Il n'est que des industries qui, quelles qu'en soient les raisons, s'arrêtent d'innover, de créer et d'investir. C'est pourquoi la recherche prend, en ces temps d'évolution rapide, une importance décisive et je terminerai par elle.Ï La politique industrielle de la France doit s'appuyer sur la recherche scientifique. Depuis 1975, malgré les difficultés économiques dues à la crise pétrolière, l'effort scientifique et technique du pays a d'abord été préservé. Cet effort doit être désormais accentué pour assurer à la France et aux Français de meilleures chances dans le monde de demain. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé vous le savez au Gouvernement de prendre la décision d'ajouter la recherche-développement auxsix priorités qui avaient été retenues par le parlement au-titre du VIIIème plan.Ï Un projet sans précédent de croissance de notre recherche et de notre recherche-développement sera mis en oeuvre de manière à porter l'effort total de la France, qui est actuellement de 1,8 % du produit intérieur brut à 2,15 % de ce produit intérieur brut au-cours des cinq prochaines années et nous rejoindrons ainsi le taux des pays industriels les plus avancés. Et vous savez que sans attendre, le Gouvernement a prévu une augmentation de 20 % des investissements de l'enveloppe recherche pour le budget de 1981.Ï Je souhaite messieurs les présidents, que le Nord - Pas-de-Calais, comme d'ailleurs ceci a été souligné, hier soir, soit une des régions d'implantations de cet effort considérable de développement de notre recherche au-cours des années à venir.\
L'idée que la France s'abandonne, que son industrie ne se bat pas, cette idée je l'entends parfois s'exprimer dans des discours. Laissez dire. Ceux qui le disent sont ceux qui parlent, mais ne sont jamais ceux qui travaillent. C'est donc sans importance. L'important c'est ce que fait la France - la France courageuse - la France des entreprises, la France des travailleurs. La France ne serait pas, à l'heure actuelle, tantôt le troisième, tantôt le quatrième exportateur du monde, elle ne serait pas présente dans tous les secteurs d'avenir, si elle ne se battait pas, tous les jours, avec résolution et avec succès.Ï Dans cette lutte, l'Etat joue son rôle. Je tiens à vous rappeler les principes essentiels de la politique économique de la France. Des principes que chacun doit avoir constamment à l'esprit pour savoir où nous allons et comment nous y parviendrons :Ï d'abord des finances publiques saines, dans la grande tradition de la République française. Le déficit du budget français, rapporté au revenu national, est le plus faible d'Europe. Une monnaie respectée. Nos exportateurs le savent, eux qui ont à défendre notre emploi sur les marchés extérieurs.Ï Des charges sociales contenues, après une période de très forte augmentation. Le supplément de cotisations sociales de 1 %, institué l'année dernière sera supprimé en février prochain, après redressement des comptes de la Sécurité sociale. La confiance dans l'initiative et les responsabilités individuelles. C'est pourquoi, le Gouvernement desserre les contraintes, simplifie les procédures, supprime le mécanisme médiéval du contrôle des prix `liberté des prix`.\
Vous avez parlé, tout à l'heure, monsieur le président, des investissements étrangers. Il est certain que ces investissements ont pu apporter à tel ou tel pays voisin, à telle ou telle région au-delà de la frontière, des créations d'emplois et d'activités économiques qui sont appréciables.Ï Néanmoins, dans une conjoncture changeante, les investissements étrangers ou les entreprises créées par des investissements étrangers sont souvent les premières à être atteintes. Je souhaite, pour ma part, que nous développions notre capacité d'investissement national. D'abord, sur notre sol et ensuite au dehors. Je crois que la France a des moyens d'épargne tels qu'elle peut faire face à ses besoins d'investissements et qu'elle peut affirmer sa présence partout où l'investissement est nécessaire pour vendre davantage.Ï C'est parce que la situation économique et financière demeure solide, malgré les difficultés mondiales, que notre monnaie reste stable sur tous les marchés libres, que les exportations se maintiennent même si nous enregistrons, en effet, un déficit excessif et préoccupant que nous avons le devoir de réduire, que la production de 1980 est supérieure à celle de l'année précédente, c'est parce que l'économie française reste forte, que le progrès social doit se poursuivre.\
Le pouvoir d'achat de l'ensemble de la population a pu être maintenu pendant toute la période alors que, partout ailleurs, en Europe, il était en baisse. Celui des moins favorisés - travailleurs à bas salaire, familles, personnes âgées - a pu être augmenté, parfois, pour certaines de ces catégories, dans des proportions sensibles.Ï Car contrairement à ce qu'on pense parfois, les difficultés de l'heure imposent précisément une solidarité active entre les Français. Et c'est pourquoi, dans cette région, dont c'est une des traditions, nous ne devons pas relâcher notre effort vers davantage de justice sociale.Ï A cet égard, je considère comme significatif le vote, hier, d'un projet qui m'était cher et dont je souhaite maintenant que l'application soit rapide. Il s'agit du projet qui concerne la distribution d'actions aux travailleurs des entreprises. Ce projet, qui a été défendu par M. MATTEOLI, a été, en effet, adopté dans sa forme définitive hier et il va pouvoir entrer en vigueur. C'est un projet qui, dans les circonstances actuelles, renforcera la solidarité des Français avec leurs entreprises. Il diffusera, d'autre-part, parmi les travailleurs, le sentiment qu'ils sont des associés à l'effort de production nationale. Il contribuera à faire, dans ce pays de propriété individuelle, d'un plus grand nombre de Français, les propriétaires de la France.\
Mesdames, messieurs, ces mêmes difficultés rendent plus nécessaire que jamais l'unité du pays. Cette unité, vous la souhaitez, vous la voulez. Vous savez que, de mon côté, je la -recherche avec patience et obstination. Je sais qu'elle se fera. Une partie du monde politique français est paralysée par des rivalités de personnes. Ceci est sans intérêt.Ï Ces querelles n'ont pas d'influence sur les événements. Elles sont en quelque sorte l'écume des choses. Vous qui traitez au long des jours de questions concrètes, vous qui luttez contre les difficultés de la vie quotidienne, vous ressentez combien certaines attitudes sont détachées des réalités. Les divergences d'opinion sont naturelles en démocratie. Il est bon, il est légitime qu'elles s'expriment librement. Mais quelle autre résonnance elles trouveraient si elles traitaient des problèmes de substance de la France, et se traduisaient en propositions simples et précises.\
La France, comme toutes les nations du monde, affronte la crise et doit franchir un pas difficile. Elle ne le fera pas par des exercices rhétoriques. Elle le fera en traitant sérieusement les problèmes, tels qu'ils se présentent, tous les jours, comme le font courageusement le Premier ministre et le Gouvernement.Ï Je garde de ce voyage dans le Nord le même sentiment d'encouragement et de confiance que je ressens chaque fois que je prends contact, aux quatre coins de la France, avec les hommes et les femmes du terrain : la satisfaction d'avoir conversé avec de vrais responsables, avec de vrais gestionnaires, d'avoir abordé de vrais problèmes, d'avoir discuté de propositions réalistes.Ï Je maintiendrai, pour ce qui me concerne, le cap que je me suis fixé : aider la France à traverser sans encombre et dans la paix une période difficile et dangereuse de son histoire contemporaine £ poursuivre notre progrès économique et social malgré les écueils : conduire notre pays vers une démocratie plus efficace parce que plus responsable, plus forte parce que plus paisible, plus unie et plus stable parce que plus juste pour les travailleurs, pour les faibles et pour les humbles. Souvenez-vous de mon message : la France a besoin du Nord.Ï Vive la République !Ï Vive la France !\