10 juillet 1980 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution prononcée par M. Valéry Giscard d'Estaing à l'occasion de la visite de l'office franco-allemand pour la jeunesse, lors de sa visite en République fédérale d'Allemagne, Bonn, le jeudi 10 juillet 1980

`Politique étrangère ` relations franco - allemandes`
- Monsieur le président de la république fédérale,
- messieurs les ministres,
- madame le ministre,
- mesdemoiselles,
- messieurs,
- Notre visite, monsieur le Président de la République, parle d'elle-même puisque c'est la première fois depuis la création en 1962 de l'office franco - allemand pour la jeunesse, que les deux Présidents de la République viennent ensemble dans cet office. Nous y venons pour constater ce qui a été fait et pour souhaiter que nous allions beaucoup plus loin.
- Je parle en français, car nous sommes dans un endroit où la traduction est inutile. Le directeur a d'ailleurs mélangé les deux langues et, l'écoutant avec beaucoup d'attention, je ne savais pas à quel moment il s'exprimait dans la langue de GOETHE ou dans la langue de Victor HUGO ou même d'APOLLINAIRE.
- Cette réunion de l'office franco - allemand de la jeunesse nous paraît tout à fait naturelle. Les seules questions qui se posent à nous sont de savoir pourquoi on ne fait pas davantage, pourquoi on ne fait pas mieux. Or il faut que les jeunes Français et les jeunes Allemands se souviennent que cette situation des rapports entre les deux jeunesses est historiquement tout à fait nouvelle. Quand nous avions votre âge nous nous préparions en réalité à la guerre les uns contre les autres et nous nous y préparions très activement. Par exemple, nous apprenions la langue l'un de l'autre. Lorsque j'étais au Lycée, la première langue, dans les grands lycées français, c'était l'allemand. On l'apprenait pour connaître le moment venu, j'allais dire le moment utile, la langue de l'adversaire.\
`Politique étrangère ` relations franco - allemandes`
- Ce qui nous paraît aujourd'hui tout à fait naturel, les rencontres, les échanges, la -recherche de valeurs intellectuelles ou culturelles communes, c'est une grande nouveauté historique pour la jeunesse française et pour la jeunesse allemande.
- Je sais bien que la jeunesse ne doit pas se rappeler indéfiniment ce qui s'est passé auparavant. Néanmoins il faut avoir une pensée pour cette situation très nouvelle qui est la vôtre, c'est-à-dire deux peuples guerriers, hostiles, qui sont devenus deux peuples amis et pacifiques.
- Ce que fait l'office `office franco - allemand pour la jeunesse`, je souhaite qu'il puisse le faire davantage. Il y a des résultats qui, en nombre, sont importants. On nous dit toujours qu'il y a 4 millions de jeunes Françaises et de jeunes Français, de jeunes Allemandes et de jeunes Allemands qui se sont rencontrés. J'espère que ce chiffre est exact. Il est toujours difficile de vérifier des statistiques, même lorsqu'elles sont favorables. Mais, de toute façon, cela ne représente sur 18 années, qu'une certaine proportion de la totalité des jeunes Français et des jeunes Allemands. Il faut faire plus et si vous avez besoin de davantage de moyens, nos Gouvernements, j'en suis sûr, feront le nécessaire.
- Ensuite, il ne faut pas avoir une idée inexacte de ce que sont les jeunesses française et allemande. Lorsqu'on parle d'échanges, de voyages, on s'adresse plus naturellement à ceux qui sont engagés dans l'enseignement supérieur ou qui poursuivent des études générales, qui sont loin d'être la totalité de nos jeunesses. Je souhaite que dans les échanges on retrouve des jeunes Français et des jeunes Allemands de toutes qualifications professionnelles ou intellectuelles, qu'ils soient une image fidèle de nos deux jeunesses. Nous développons des formes nouvelles d'enseignement, notamment d'enseignement professionnel : il faut que dans les échantillons de ceux qui se rencontrent, il y ait la totalité des jeunesses des deux pays.\
`Politique étrangère ` relations franco - allemandes`
- Il n'est pas dans mon rôle de vous donner des conseils. Mais il faut bien voir que l'échange est plus difficile qu'on ne le croit. Parce qu'il y a des étages successifs de la connaissance. Il y a un étage assez facile : on se rencontre, on s'aperçoit qu'on se ressemble assez, on peut parler une langue approximative qui permet de mener la vie courante £ mais cela n'est pas la véritable connaissance. La connaissance consiste à trouver ce qu'il y a à l'intérieur de la culture, de la civilisation des autres. C'est beaucoup plus difficile, c'est beaucoup plus caché. C'est même caché pour chacun de nous, puisque nous nous interrogeons sur notre proproe culture, sur les préoccupations de notre propre jeunesse. Il est donc très difficile de le faire avec les autres et chez les autres. Je continue pour ma part à apprendre des langues, à lire tous les soirs des livres de littérature étrangère et souvent dans des langues étrangères, parce que je crois que nous devons constamment approfondir notre connaissance culturelle les uns des autres. Dans ce court voyage que j'ai fait en République Fédérale `RFA`, j'ai vu que nous avions encore beaucoup à faire, que nous avions apparemment résolu les problèmes politiques, c'est vrai, mais que du côté culturel, du côté de la connaissance mutuelle, nous avions encore de très grands progrès à accomplir.
- Je souhaite que votre génération, qui ne sera donc plus la génération de la guerre, - c'est quelque chose qui a disparu pour toujours de nos relations -, soit la première à faire progresser, de façon très approfondie et très enthousiaste, la connaissance réciproque des cultures allemande et française.\
`Politique étrangère ` relations franco - allemandes`
- Un dernier mot enfin. Nous avons des difficultés, des difficultés de l'emploi, des difficultés de la formation. Nous le savons. Cependant, dans le monde, nous sommes des pays qui connaissent des situations relativement privilégiées. Comme ce sont des situations privilégiées, il faut d'abord en tirer les conséquences pour soi. La coopération, l'amitié entre la jeunesse allemande et la jeunesse française doivent être véritablement exemplaires. Il faut avoir aussi une ouverture sur le monde. Nous ne devons pas nous regarder simplement de part et d'autre du Rhin. Nous devons essayer de porter ensemble nos regards sur le reste du monde d'abord vers les autres pays d'Europe qui sont nos partenaires, et puis sur le reste du monde, la jeunesse du monde, si nombreuse, avec des problèmes si difficiles, des interrogations auxquelles on répond si mal et auxquelles les jeunes Français et les jeunes Allemands peuvent apporter ensemble des réponses, et en tout cas une volonté très chaleureuse d'amitié et de dialogue.
- Monsieur le président de la République fédérale, j'ai été heureux de retrouver avec vous une jeunesse, qui n'est plus la nôtre, mais qui à notre place va pouvoir développer entre l'Allemagne `RFA` et la France notre grand rêve d'amitié, de fraternité et de paix.\