2 juillet 1980 - Seul le prononcé fait foi

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Interview accordée par M. Valéry Giscard d'Estaing à FR 3 Orléans, à l'occasion de l'inauguration du centre international du vitrail, Chartres, le mercredi 2 juillet 1980

Faire préserver le patrimoine, ça n'est pas du tout transformer la France en musée, mais, au contraire, conserver ce que nous avons reçu du passé pour le transmettre. Nous-mêmes sommes très intéressés par ce que nous constatons du passé artistique et culturel de la France. Il faut penser que les générations futures seraient en droit de nous reprocher d'avoir négligé l'entretien et la conservation du patrimoine actuel de la France. Nous avons donc la responsabilité de la conservation de notre patrimoine pour le transmettre aux générations à venir. En même temps, la conservation du patrimoine est, pour nous, l'occasion d'encourager la création artistique et culturelle. J'ai participé récemment à l'inauguration à Versailles de certaines pièces qui venaient d'être restaurées, ça n'était pas uniquement le passé, c'était aussi le présent parce que les travaux avaient été faits par des artisans contemporains. Ce sont eux qui ont remis en-état tous ces éléments qui nous viennent de notre passé. Nous devons rechercher notre patrimoine sous toutes ses formes. Il y a, naturellement, le patrimoine national architectural. Nous avons fait, à cet égard, un gros effort au-point de vue budgétaire, il est d'ailleurs encore insuffisant, il se poursuivra au-cours des prochains exercices budgétaires pour conserver nos grands bâtiments nationaux, mais il y a en même temps le patrimoine régional et local qui est à la fois un patrimoine architectural, un patrimoine de création artisanale, un patrimoine culturel dans l'expression, dans la création artistique sous ses différentes formes. Chacun des échelons de la vie nationale doit préserver le patrimoine dont il est, en quelque sorte, responsable : l'Etat pour le grand patrimoine national, les collectivités locales pour l'expression régionale et locale.\
QUESTION.- Monsieur le Président, ce qui importe, c'est aussi de féconder le patrimoine de nos enfants. Nous sommes en-train d'élaborer un patrimoine à venir. Est-ce que nous ne sommes pas en_train de perdre notre singularité comme tous les autres pays du monde ?
- LE PRESIDENT.- J'espère bien que non et, en tout cas, ce que nous devons faire, c'est de préserver notre singularité, au sens fort, c'est-à-dire la qualité culturelle et artistique de la France telle qu'elle s'exprime et se manifeste par l'action des Français. Il ne faut pas avoir une idée fermée à cet égard. Si vous prenez les grandes oeuvres de notre patrimoine, elles ont été souvent le résultat d'échanges artistiques. Le tableau le plus célèbre du Louvre `musée` n'est pas un tableau français : la Joconde est un tableau italien, mais c'est un tableau d'un maître italien qui est venu s'installer en France et qui est mort au bord de la Loire. Donc notre culture est une culture ouverte mais dont la qualité, l'expression sont des qualités et une expression françaises. C'est pourquoi à côté de la conservation du patrimoine, il y a un effort de création artistique nationale qui doit être fortement encouragé.\